La terre de Khazan, jadis royaume de gloire, n’est plus qu’un champ de désolation où rampent, rôdent et hurlent les rejetons de la guerre, de la magie et du chaos. Sorti le 27 mars 2025, The First Berserker: Khazan intègre la galaxie de plus en plus fournie des nouveaux Soulslikes. Mais que vaut-il vraiment ? Simple copie sans âme ou véritable vent de fraîcheur pour le genre ? Après 200 heures passées manette en main, voici mon avis sans spoil.

Une mythologie sombre : plongée dans le lore et l’univers
NEOPLE, filiale de NEXON, l’un des géants de l’industrie du jeu vidéo en Asie, vient de raviver l’une de ses licences emblématiques avec The First Berserker: Khazan. Ce nouveau titre s’inscrit dans l’univers de Dungeon Fighter Online (DFO), un MMO colossal lancé en 2005 qui a rassemblé des centaines de millions de joueurs en Asie et en Amérique du Nord.
L’histoire de The First Berserker: Khazan prend place 800 ans avant les événements de DFO. Elle revisite librement la légende de Khazan, un personnage central du lore originel. La scène est posée dès la cinématique d’introduction, réalisée par les frères Russo — célèbres pour leur travail sur les films Marvel — et révélée lors des Game Awards 2024. On y découvre un monde sombre et glacial, où Khazan, devenu un héros déchu, affronte une armée de Dragonkins. Ces créatures humanoïdes à l’apparence partiellement draconique forment une société rigide fondée sur la hiérarchie et la maîtrise des arts martiaux, utilisant des techniques emplies de poison et de feu.
Dans Dungeon Fighter Online, Khazan était un général respecté de l’Empire Pell Los, élevé au rang de héros après avoir combattu le dragon légendaire Hismar aux côtés d’Ozma, le plus puissant mage de l’empire et son ami intime. Mais leur gloire provoqua la jalousie de l’empereur, qui les accusa de trahison. Ozma fut précipité à la mer, tandis que Khazan subit une torture atroce : ses tendons furent tranchés, l’empêchant de manier les armes, avant d’être exécuté.
Cependant, The First Berserker propose une variation de ce destin tragique. Dans cette version, alors qu’il est exilé vers les montagnes enneigées, une avalanche frappe son convoi. Khazan survit et parvient à s’échapper. C’est alors qu’il rencontre un spectrelame, une entité surnaturelle issue d’un ancien ordre oublié. Ces êtres errants sont les esprits d’anciens guerriers, liés à des armes maudites, capables de fusionner avec des hôtes vivants. Lorsque l’un d’eux prend possession du corps de Khazan, il restaure sa capacité à se battre en canalisant ses pouvoirs à travers son nouveau porteur, et permet à Khazan de reprendre les armes malgré ses blessures. Ce pacte marque la naissance du premier berserker, un être entre deux mondes, nourri par la rage, la vengeance… et les secrets d’un passé.

Contrairement aux Soulslikes de FromSoftware, ici le scénario est clair, accessible, et ça fait franchement du bien. On suit avec intérêt le destin brisé de Khazan, ce héros maudit qui doit affronter non seulement les démons qui le hantent, mais aussi les vérités enfouies qu’il découvrira au fil de son périple. Les différentes cinématiques, à l’image de l’introduction signée par les frères Russo, sont d’une intensité rare : brutales, mélancoliques, et terriblement efficaces.
J’ai joué sur PS5 standard en mode qualité et à ma grande surprise, le jeu est excellent au niveau de la technique. Aucun bug (si ce n’est des bugs de trophées, mais qui ont été réglés avec une maj), aucun freeze constaté… et les quelques maj qui sont sorties n’étaient que pour des correctifs et un soupçon d’équilibrage. C’est un gros plus pour moi, car de nos jours il est difficile de trouver des jeux day one sans bugs ou lags surtout dans ce style.
Depuis quelques années, de plus en plus de soulslikes sortent d’outre-terre mais se perdant en route, soit en voulant en faire plus que les autres ou soit en essayant de trop se démarquer. Quand est-il de The First Berserker: Khazan ?
Un gameplay fluide et barbare, digne d’un berserk
Soyons clairs dès le départ : The First Berserker: Khazan ne révolutionne pas le genre. Il ne prétend pas inventer une nouvelle formule, mais il sait parfaitement où puiser son inspiration et le fait avec intelligence. Les influences des Nioh de la Team Ninja se ressentent à plusieurs niveaux, et loin de n’être qu’un simple copier-coller, le jeu parvient à forger sa propre identité. Alors, hommage bien calibré ou pâle imitation ? Spoiler : on est plus proche de la première option.
En tant que fan absolu de Soulslikes, mes attentes sont claires : un gameplay fluide, une prise en main exigeante mais gratifiante, et surtout, une caméra qui ne me trahit pas au pire moment. Bonne nouvelle : Khazan coche toutes ces cases.
Face aux vagues d’ennemis et à une galerie de boss aussi stylés qu’impitoyables, notre héros a de quoi se défendre. Il dispose de trois types d’armes principales, chacune avec un gameplay distinct, ainsi qu’un javelot, utilisé comme arme de jet.
- Les lames duales (épée et hache) offrent une bonne cadence et une consommation d’endurance raisonnable, bien qu’à courte portée.
- L’espadon, lent mais terriblement puissant, demande un bon timing et de la gestion.
- Et enfin, ma favorite : la lance, qui brille par sa portée et ses dégâts en rafale. Parfaite pour grignoter la barre d’endurance ennemie à distance, avec vitesse et mobilité.
Chaque style d’arme possède son propre arbre de compétences, qui évolue à travers le new game+, offrant de nouvelles possibilités de builds pour affronter les défis croissants du jeu. Une mécanique qui pousse à la rejouabilité et à l’optimisation, sans tomber dans l’ennui du farm.
Khazan emprunte aussi à Nioh certaines mécaniques bien connues, comme les ensembles de tenues ou la possibilité de combattre le fantôme d’un joueur défait, mais ici encore, les développeurs ont eu la bonne idée de simplifier l’expérience. Là où Nioh pouvait se perdre dans une microgestion fastidieuse, Khazan va à l’essentiel. L’upgrade des armes et armures est simple, il suffit juste d’avoir une pièce équivalente avec un niveau supérieur pour monter de niveau votre équipement. L’autre mécanique qu’il emprunte à Nioh est le fait de pouvoir invoquer le fantôme d’un joueur mort afin de l’affronter pour récupérer une partie de son stuff afin d’upgrader notre équipement.
La coopération dans ce jeu n’existe quasiment pas. À l’instar de Lies Of P, où l’on pouvait invoquer un spectre pour nous aider uniquement contre les boss, Khazan reprend cette mécanique. Mais comme pour ce dernier, force est de constater que le spectre est inutile si ce n’est de prendre l’agro quelques secondes ou de nous gêner dans nos combos en s’immiscant entre le boss et nous. Même si dans le hub, on peut améliorer les statistiques de notre allié ou avec certains items, ce dernier reste un poids lors du combat.
Chaque boss est différent (hormis 3 boss qui sont réutilisés lors de quêtes secondaires), chaque combat est brutal et original. Vous affronterez 16 boss principaux qui offrent des défis variés et mémorables. Que ce soient des humains, des mages ou des monstres, ils proposent tous une diversité dans leurs mécaniques et stratégies. Ils imposent par leur férocité, mélancolie ou charisme. Là où Khazan se distingue un peu plus des autres, on a enfin une caméra qui ne nous trahit pas lors des combats (sauf sur un seul combat mais il faut dire que le boss est sacrément gigantesque).


Une direction artistique trempée dans le sang et la douleur
Lors de la bêta sortie en novembre 2024 et de la démo de début d’année, j’avais trouvé la DA sombre et monochrome. Mais c’était dû aux premiers niveaux qui se passent dans les montagnes enneigées, alors que la DA prend de plus en plus d’ampleur au fil de l’aventure, avec les derniers niveaux qui sont sublimes et bien plus imposants. En même temps, on se retrouve dans la capitale de Los Pelos et de ses imposants monuments et palais, là où coulent la richesse et le pouvoir, parsemés de chaos et de destruction.
Khazan adopte une esthétique sombre mais élégante, où la brutalité visuelle nous raconte une histoire. On est dans un gore artistique, à mi-chemin entre peinture et souffrance. Chaque lieu est peint de sang, de violence et de corruption. Tous les décors se transforment en un véritable langage visuel. Le jeu utilise une palette froide et désaturée, dominée par le noir, le gris et le rouge profonds. Un contraste qui renforce l’aspect dramatique et violent des différentes scènes. Chaque zone rappelle les mondes type Dark Souls ou Blasphemous avec des villages dévastés, pillés, des temples écroulés ou des montagnes figées dans la glace éternelle. On sent l’influence asiatique dans les motifs des armures, armes ou créatures.


Les armures sont massives et asymétriques avec des textures patinées par la guerre, le chaos et le temps. Quant à Khazan, son look mi-homme, mi-possédé par le spectrelame avec ses yeux et ses bras rouges, reflète parfaitement le thème du berserker, faisant ressortir la dualité entre le contrôle de soi et le chaos de l’hôte.
Le hub se divise en deux zones distinctes mais quasiment identiques. Le premier se situe dans l’entre-monde avec un ciel rouge sang et sombre, alors que le deuxième est lumineux et rempli d’espoir. C’est dans celui-ci justement que les PNJ se retrouveront tout le long de notre aventure afin d’enrichir la narration mais aussi de nous dévoiler des quêtes secondaires.
La guerre n’a pas de fin — elle change simplement de visage.
Quand le level design devient narrateur et le son un murmure de l’outre-tombe
Deux aspects primordiaux dans un soulslike sont pour moi le level design et l’ambiance sonore. Dans Khazan, ils participent ensemble à la narration silencieuse du jeu.
Les premières zones sont simples dans leur level design mais fort heureusement elles deviennent plus complexes et plus riches. Chaque structure, que ce soit un temple, un village ou le palais, impose son architecture, avec des décors riches et originaux. Rien n’est là par hasard, et les environnements donnent l’illusion d’avoir été vécus mais aussi dévastés par le pillage et le chaos.

On y retrouve cette sensation si particulière des meilleurs soulslikes de se perdre, de tourner en rond… Pour mieux déboucher sur un raccourci bien placé et mérité. Ce sentiment est d’autant plus fort sur les toutes dernières zones qui sont vastes, immenses et impitoyables. Malheureusement, sur la première moitié du jeu, les zones sont plus couloirs que labyrinthiques, ce qui n’enlève en rien le côté narratif des lieux cependant.
Côté son, le jeu tape fort. Le silence est utilisé comme une arme lors de notre exploration et les sons d’ambiance comme un murmure menaçant. Tout est là pour créer une tension constante et palpable : le vent glacial des montagnes, les grognements à peine audibles d’un ennemi caché ou le bruit de pas des araignées… L’immersion que procure cette ambiance est folle et cruelle.
Mais rassurez-vous, lors des combats de boss, la musique intervient avec des morceaux dramatiques ou tribaux, qui accentuent le côté désespéré et brutal des affrontements.
On est loin d’un sound design épique des jeux de FromSoftware mais, là où certains jeux tentent d’imiter le maître du genre, le studio maîtrise son sujet avec une précision chirurgicale. Khazan réussit donc à ce que tout dans le jeu participe à la narration de son histoire. Et c’est un sacré tour de force.
Un mode boss-rush en guise de supplément tartare
Début mai 2025, un DLC gratuit est venu embellir le jeu, un défi ultime à difficulté élevée pour cet action-RPG. Ce supplément boss-rush vient introduire deux modes de jeu en proposant deux défis distincts. Les boss sont beaucoup plus énervés et surtout possèdent des caractéristiques supplémentaires.
Le premier se nomme La confrontation du grand Général : dans ce mode le joueur va devoir enchainer des combats de boss classés par thème où chaque victoire débloquera le thème suivant. Avant de débuter l’affrontement, vous devrez mettre vos points de stats et compétences ainsi que choisir votre arme mais l’équipement vous est fourni.
Le deuxième monde est Le carnage du Berserker : ici le joueur fait face à une série de combats intensifs contre les boss principaux avec une particularité bien retorses. Chaque victoire réinitialisera votre niveau ainsi que l’équipement. À chaque victoire, vous obtiendrez des récompenses afin de renforcer Khazan et d’adapter votre arsenal aux affrontements futurs.


Honnêtement, j’ai trouvé ces deux modes extrêmement durs et frustrants, pour la simple raison que j’ai passé mon aventure avec 2-3 builds bien particuliers notamment basés sur la destruction de la barre d’endurance de mes adversaires. Alors que là, le fait d’avoir un équipement peu adapté à mon style de jeu m’a donné du mal à accrocher à ce mode boss rush. Mais par contre, pour des adeptes du no hit, il y a moyen de faire des runs de dingue dessus.
Un autre désintérêt pour ce DLC est que les récompenses, que l’on peut obtenir en les achetant avec des jetons durement gagnés, ne sont pas incroyables. Les stats sont convenables, par contre les designs sont du réchauffé en ayant mis un skin doré dessus. Donc même pour un NG+++, je n’aurais pas pris ces armures.
Un peu refroidi par ce DLC donc, qui aurait éventuellement mérité un mode où le boss rush s’adapterait au level du joueur afin que l’on puisse utiliser nos builds par exemple.
En conclusion, The First Berserker: Khazan ne redéfinit pas le genre mais il le rappelle à l’ordre. C’ests un soulslike qui ne cherche pas à innover, qui ne cherche pas à faire mieux, mais qui frappe fort. Il s’impose comme un cri de rage au cœur de la dark fantasy. Et ça fait du bien. Khazan ne vous demandera pas simplement de jouer, mais de souffrir. Et je l’en remercie.