Histoire de Santa Monica Studio

Fondé en 1999, Santa Monica est un studio de développement de jeux vidéo basé à Los Angeles. Depuis sa création par Allan Becker, employé de longue date de Sony, le studio a publié tous ses jeux sur les consoles PlayStation.

Aux yeux des joueurs et de l’industrie, Santa Monica est principalement reconnu pour être le studio derrière la série des God of War, dont le personnage principal, Kratos, est devenu avec le temps l’un des porte-étendards de la PlayStation.

Mais avant l’ouragan God of War, Santa Monica a eu une histoire plus feutrée, moins connue du grand public.

Logo de Santa Monica Studio

Une genèse dans l'ombre des plus grands

Se sentant pousser les ailes, Allan Becker fonde Santa Monica Studio en 1999 avec l’objectif d’offrir à Sony une alternative à ses studios déjà établis. Installé dans des bureaux à côté de Naughty Dog (qui avait déjà développé Crash Bandicoot), Becker ne tarde pas à migrer dans le quartier de Santa Monica, pour avoir son indépendance comme pour sortir de l’ombre de ses amis les Dogs. Son studio restera dans son bâtiment d’origine quinze longues années avant de déménager dans un établissement cinq fois plus spacieux à Playa Vista, toujours à Los Angeles.

Comme premier jeu, Becker et ses associés décident de la jouer simple. Ils se lancent dans le développement d’un jeu de course, mode de l’époque, avec un accent futuriste : c’est Kinetica (le titre est ressorti sur PS4 pour les plus curieux). À ce moment-là, Santa Monica a une idée qui démarquera le studio des autres dans le futur : il est décidé de développer Kinetica directement pour la PlayStation 2, dont la sortie était prévue en 2000.

Dès 1999 donc, le studio prend de l’avance et crée un moteur graphique dédié à la prochaine console de la firme japonaise. À cela s’ajoutent le processus de recrutement et la production du jeu en soi, tant d’éléments qui intriguent autant qu’ils inquiètent Sony. Pour prouver à la maison-mère que Santa Monica est un studio sérieux, la productrice Shannon Studstill soumet une idée folle à ses associés : finir le jeu dans les temps – ce qui n’est jamais facile pour une première création – et le faire en n’utilisant pas la totalité du budget alloué.

Contre vents et marées, Santa Monica travaille pour rentrer dans les clous. Le résultat est au-delà de leurs attentes. Si Kinetica n’amène pas des ventes mirobolantes, il remporte un succès d’estime chez la critique. Surtout, le jeu a été fini dans les temps, sans atteindre le budget limite.

Ce résultat acquis, le studio gagne la confiance de Sony qui lui donne carte blanche pour sa prochaine production : le mythique God of War.

La consécration God of War

En 2001, Santa Monica part à la conquête du monde. Avec son moteur graphique puissant et parfaitement adapté à la PlayStation, le studio accepte l’idée farfelue d’un certain David Jaffe, designer de son état : créer un jeu puisant dans la mythologie grecque, aux accents ultra-violents et sanguins, à même de choquer les moins sensibles des joueurs.

À une époque où les jeux à la violence aussi crue étaient plus rares que les box internet dans les chaumières, Santa Monica choisit ce projet et le présente à Sony, qui accepte. C’est le début d’une production longue de quatre ans, qui aboutira en 2005 au succès énorme de God of War premier du nom.

Inspiré du jeu Onimusha de Capcom, ce dernier prend l’industrie de court lors de ses présentations à partir de 2004, tant peu étaient ceux qui croyaient en le potentiel économique d’un tel jeu. En 2005, c’est tout l’inverse qui se produit : il devient un grand succès (aujourd’hui, les jeux de la franchise se sont vendus à plus de 50 millions d’exemplaires) et relance, s’il le fallait, les ventes de la PlayStation 2. Chez la presse, le jeu est auréolé de critiques dithyrambiques, certaines parlant même de « plus grand jeu d’action jamais produit ».

Il n’en fallait évidemment pas plus pour lancer la série, qui revient deux ans plus tard, à la toute fin de vie de la PS2, avec God of War II. Véritable chant du cygne de la console, le jeu surpasse le premier dans tous les domaines et reçoit des critiques encore plus positives.

Aujourd’hui encore, il est considéré comme l’un des plus grands jeux de tous les temps. Il marque aussi l’arrivée de Cory Barlog à la direction de la franchise, ce qui est encore le cas de nos jours.

En 2010, Santa Monica atteint ce que beaucoup croient être un sommet indépassable avec God of War III. Censés conclure l’histoire de Kratos, les développeurs ne se privent d’aucune fantaisie : les niveaux sont tous plus grandiloquents les uns que les autres, avec des moments directement mythiques (le meurtre de Poséidon, l’escalade du corps de Chronos), sans jamais qu’un niveau ne paraisse gratuit ou inutile.

Avec cet opus, le studio domine plus que jamais le genre du beat’em all et regarde les autres studios PlayStation dans les yeux. Un an après la sortie d’Uncharted 2: Among Thieves, Sony est décidément au sommet.

La traversée du désert avant le retour au premier plan

Auréolé d’une immense réputation, Santa Monica aborde la fin de la génération PS3 et le début de la PS4 avec une confiance au firmament. C’est là, comme dans tous les contes, que la confiance peut devenir contre-productive.

Ce fut le cas pour les équipes avec God of War: Ascension. Préquel à la série, le jeu publié en 2013, s’il est relativement bien reçu par la critique, n’est pas autant loué que ses prédécesseurs et se vend moins bien. Sa composante en ligne, à la mode pour les jeux solo à l’époque, n’est en plus pas marquante.

Kratos serait-il lui aussi à bout de souffle ?

L’excellent documentaire Raising Kratos que nous vous recommandons vivement de regarder

Beaucoup croient alors Santa Monica en perte de vitesse et voient en Ascension l’épisode de trop. C’est le début, pour la franchise surtout mais aussi un peu pour le studio, d’une longue traversée du désert. Entre 2013 et 2018, aucun jeu original n’est publié par ce dernier, ce qui constitue sa plus longue période de passage à vide. Dans les coulisses, comme on peut le voir dans le remarquable documentaire Raising Kratos, les choses ne sont pas très reluisantes. Santa Monica, qui souhaite tout de même continuer la licence God of War, se heurte à la méfiance de Sony qui ne voit pas la proposition de soft reboot (révision complète du gameplay, véritable marqueur de la série, sans pour autant effacer l’histoire de Kratos qui évolue désormais dans un contexte inédit) d’un bon œil. Malgré tout, Cory Barlog, qui est de retour après avoir séjourné chez Avalanche Studios et Crystal Dynamics, maintient avec ses équipes sa volonté et lance le développement le plus chaotique et le plus difficile de l’histoire du studio. En parallèle, plusieurs PlayStation Studios publient alors des jeux qui atteignent la qualité et la renommée de God of War.

Divers Concept Art d'Internal-7

Dans le même temps, Santa Monica dédie aussi une équipe à la création d’une nouvelle licence au nom de code « Internal-7 ». Jeu de science-fiction et d’action-aventure dont la pré-production a commencé en 2014, il a finalement été annulé en 2017. Certains des développeurs ont perdu leur emploi et le reste a été réaffecté à la fin de la production du nouveau God of War.

De ce projet, le studio garde le souvenir douloureux d’un « rêve qui est mort » selon les mots de la directrice du studio à l’époque, Shannon Studstill (cette dernière a été remplacée par une autre femme, Yumi Yang, en mars 2020). Ce souvenir, allié aux difficultés de développement rencontrés sur le dernier opus de God of War, a été un coup dur de plus pour tout le monde au cours de cette période.

De cette longue traversée du désert, Santa Monica accouche d’un jeu sobrement nommé God of War. Composé d’un seul plan séquence, fait quasiment unique dans l’histoire du jeu vidéo à date de sortie du titre, le jeu change drastiquement la jouabilité de Kratos. Plus terre à terre, plus lourd, plus « réaliste » dans son approche de la violence, cette nouvelle production intrigue. Très vite, cet intérêt poli se transformera en pluie d’éloges : une fois de plus, quand plus personne n’y croyait, Santa Monica s’est élevé au-dessus de la mêlée pour offrir un grand jeu, au scénario et au gameplay appréciés ainsi qu’à l’optimisation parfaite.

Élu jeu de l’année aux Game Awards 2018, God of War restaure complètement la réputation de Santa Monica et permet aux équipes de regagner la totale confiance de Sony, au point qu’une suite a très vite été commandée. Prévue pour 2022 sur PS5, elle devrait à coup sûr contribuer à marquer le véritable lancement de la nouvelle génération de consoles Sony. Si nous n’avons pas de date de sortie pour l’instant pour God of War Ragnarok, nous savons que le jeu étoffera les acquis du premier tout en tirant pleinement profit des capacités de la PS5, comme vous pouvez l’admirer sur le trailer à droite, le dernier en date du PlayStation Showcase de septembre 2021.

Après s’être affirmée comme une référence dans l’industrie, la licence God of War se trouve probablement face à son plus grand défi : rester au sommet. Quatre ans plus tard, Santa Monica Studio publie alors God of War Ragnarök. Comme le studio en a l’habitude à chaque nouvel opus, la direction du jeu change de main et c’est Eric Williams qui prend la suite de Cory Barlog.

God of War Ragnarök se place dans la continuité du reboot sorti en 2018. Marque distinctive de la licence dorénavant, le plan séquence est préservé. De même, le titre conserve un level design similaire, tout en gardant un monde semi-ouvert. On y retrouve l’ensemble des royaumes précédemment visités bien qu’affectés par les effets du Fimbulvetr, l’hiver précédant le Ragnarök, ainsi que les royaumes inaccessibles dans le premier opus.

Aux Game Awards, God of War Ragnarök ne parvient pas à réitérer l’exploit de son prédécesseur, nommé jeu de l’année 2018. Il récolte tout de même de nombreuses récompenses comme celle du meilleur jeu d’action aventure ou celle de la meilleure narration.

Commercialement, le jeu de Santa Monica Studio bat tous les records lors de son démarrage. Avec 11 millions de copies vendues en moins de trois mois, God of War Ragnarök ne devient pas uniquement le meilleur démarrage de la licence, mais de tous les jeux first party de PlayStation.

Si nous savons qu’il s’agissait du dernier opus basé sur la mythologie nordique, nous n’avons aucune information sur le futur de la licence. Certaines rumeurs basées sur des éléments du jeu veulent que la suite se déroule au sein de la mythologie égyptienne ou japonaise.

Dans l’ombre de God of War, des portages et des jeux moins importants

À côté de ses jeux pour consoles de salon, Santa Monica a aussi accompagné Sony dans sa politique de jeux portables au cœur des années 2000. C’est dans cette optique que le studio a apporté son soutien au développement, par le studio Ready at Dawn, de deux épisodes de God of War pour la PSP : God of War: Chains of Olympus (2008) et God of War: Ghost of Sparta (2010).

Placés chronologiquement entre les jeux sur consoles de salon, ces épisodes PSP restent fidèles à la franchise et sont par conséquent très bien reçus par la critique. Leurs performances graphiques sont à l’époque aussi louées, et ils demeurent aujourd’hui des modèles de développement pour consoles portables. Ils sont à présent disponibles pour consoles de salon dans les différentes collections dédiées à la franchise.

Chez Santa Monica, tout ne se résume toutefois pas à God of War

Si aujourd’hui, Santa Monica a l’image du studio d’une seule franchise, la réalité est bien évidemment toute autre. Outre son travail sur God of War et les jeux associés, le studio agit aussi comme un « incubateur » pour de plus petits studios, fait rare dans l’industrie.

C’est ainsi que Santa Monica a soutenu le développement et participé à la production de titres tels que Journey de Thatgamecompany (participation au développement) ou encore The Order: 1886 (soutien à l’incubation et au financement).

Pionnier de l’innovation et de l’édition de jeux, Santa Monica n’est donc pas le studio d’une seule franchise comme on peut parfois le penser. Aujourd’hui, il continue de soutenir d’autres développements en parallèle de la suite de God of War, dont le nom reste à confirmer mais qui serait possiblement sous-titrée Ragnarök.