Histoire de la PlayStation 3

Premier logo de la PlayStation 3

Il faut imaginer Sisyphe heureux. On pourrait décrire la majorité de la vie de la PlayStation 3, de sa conception en 2001 à sa succession avec la PS4 en 2013, par cette formule d’Albert Camus.

Sisyphe, car pendant longtemps, les têtes pensantes de la PlayStation 3 ont commis les mêmes erreurs et se sont heurtés aux mêmes problèmes, sans réellement changer de stratégie pour autant. Heureux, car la console de 7ème génération finira par enfin atteindre le sommet de la montagne à partir de 2009, avec la sortie de sa première version Slim.

Telle est l’histoire de la PlayStation 3, la relativement mal-aimée. Pleine de rebondissements, sa vie aura tour à tour été Icare puis Sisyphe, avant de paver le chemin pour sa petite sœur à l’immense succès. Remontons donc le fil de cette histoire ensemble.

ORIGINES

L’idée de la PlayStation 3 a germé dans les esprits des dirigeants de Sony au début du XXIème siècle, en plein cycle de la PS2. Ken Kutaragi, président de Sony Computer Entertainment et pionnier de l’entreprise, annonce en 2001 travailler avec Toshiba et IBM sur un nouveau microprocesseur capable d’embarquer huit cœurs, au lieu du cœur unique de la PS2. En même temps que la conception de ce microprocesseur, Kutaragi charge Shuhei Yoshida d’assembler une équipe d’ingénieurs pour explorer ses possibilités technologiques en vue de la prochaine génération de consoles.

Dans cette équipe d’ingénieurs basée aux États-Unis (ce détail aura son importance) appelée ICE, pour Initiative for a Common Engine, on retrouvera notamment un certain Mark Cerny, qui finira par devenir l’architecte principal de la PS4. À son arrivée dans l’équipe, Cerny, qui travaille pour Sony comme consultant et non comme employé, découvre l’ambition de Yoshida : finaliser l’incorporation du nouveau microprocesseur (nommé “Cell”) dans l’architecture d’une console pour lancer au plus vite le développement de jeux de nouvelle génération, de préférence une année avant le lancement de la machine.

Ken Kutaragi, PDG de Sony Computer Entertainement de 1997 à 2007

Un processeur trop complexe

À l’été 2003, quand Mark Cerny est recruté par Shuhei Yoshida, il se rend au Japon pour observer l’avancement du projet. S’attendant à une aventure “digne d’un film James Bond”, tel qu’il l’a dit dans une interview au magazine VentureBeat en 2013, il découvre finalement une équipe plutôt restreinte. C’est à ce moment-là que la première erreur est commise quant à la PS3 selon Cerny, qui affirmait en 2013 que si le microprocesseur Cell avait “un énorme potentiel”, “l’effort requis pour programmer dessus était trop important”. Le processus de travail sur le microprocesseur était en effet complexe : il fallait, pour chaque opération, la diviser en sous-opérations, chacune devant être dispatchée dans un cœur parmi les huit, avant de les rassembler à la fin.

Le fameux microprocesseur "Cell"

Admirateur de cette technologie, Mark Cerny a cependant avoué en 2013 qu’il n’avait pas réalisé à quel point elle augmenterait le coût de production, ce qui s’est répercuté sur le prix de vente de la PS3. “Je me suis simplement concentré sur la meilleure manière de travailler sur le microprocesseur qui avait déjà été créé”, déclare ainsi Cerny.

Ainsi, le péché originel de la PlayStation 3 fut de rendre très difficiles les plus simples des opérations. Si les studios internes de Sony ne s’en sont pas réellement formalisés grâce à la possibilité qui leur était donnée de travailler sur les kits de développement dès 2003, ils ne se sont pas rendus compte que ce qu’ils décrivaient comme “un énorme avantage sur les studios tiers”, qui ne recevraient les kits de développement que bien plus tard, allait en fait devenir la faiblesse principale de la PS3.

Conséquences

Nous sommes donc en 2003-2004. Alors que la PS2 bat record sur record, l’équipe ICE finalise la conception de la PS3. Seul problème, résumé par Mark Cerny : “Nous réfléchissions au développement des exclusivités pour SCE America seulement”. Vous nous voyez arriver ; lors de la création de la PS3, le focus a clairement été mis sur le développement de jeux américains, et beaucoup moins sur les développeurs japonais et tiers. D’où, notamment, le déclin des jeux japonais sur PlayStation entre 2006 et 2013, avant que la PS4 ne vienne résoudre l’équation.

En 2005, un an avant la sortie de la PS3, le développement des premiers jeux à destination de la console commence réellement. Mais encore une fois, le ver était dans le fruit : incapables de complètement comprendre eux-mêmes le fonctionnement du microprocesseur qu’ils avaient créé (et qui était à la base de toute l’architecture de la PS3), les ingénieurs de l’équipe ICE ne peuvent fournir, début 2005, de version debug des kits de développement, laissant les développeurs à leur sort. Les kits ne comprenaient pas non plus d’outils de performance. À cause de cela, les studios internes éprouvent en 2005 de grandes difficultés à comprendre le hardware qui leur était fourni ; les studios tiers eux, étaient encore moins bien lotis.

Pour donner un ordre de grandeur, revenons-en à ce bon vieux Mark Cerny : “sur PS3, les moteurs permettant de créer les prototypes nécessaires au lancement des productions prenait 6 mois à être conçus. Sur PS2, il fallait 3 mois, et sur PS1 un seul mois.” Il n’y a pas de secret, et quand la PS3 sort enfin en 2006, son catalogue de jeux est “faible”, toujours selon Cerny. D’autant plus que vers la fin de tout le processus, alors que les équipes commencent à peine à s’approprier le microprocesseur, Sony prend en urgence une décision qui lui fera encore perdre un temps précieux : tout jeter par la fenêtre (oui, tout), pour remplacer le si controversé microprocesseur avec le nouveau processeur RSX de Nvidia, qui à l’époque est une révolution. En effet, avec la technique dite du “programmable shading”, Nvidia permettait aux développeurs d’utiliser leurs moteurs graphiques sur chaque pixel de chaque scène de jeu, amenant à une plus grande qualité générale de l’image 3D et anéantissant complètement le labeur de la team ICE.

De cette décision, en plus de celle tout aussi tardive d’inclure un lecteur blu-ray dans la machine, découle un retard considérable par rapport à la sortie de la Xbox 360 (disponible 1 an avant) et à un prix exorbitant encore aujourd’hui : 600 dollars pour s’offrir une PS3 !

ANNONCE & LANCEMENT

Dans la conception d’une console, il y a deux moments incontournables : la construction à proprement parler, et la communication. En 2005, alors que l’E3 se profile et que Zidane revient en Bleu, les équipes de communication de Sony restent confiantes, toutes auréolées qu’elles sont du succès insolent de la PlayStation 2. Au fond, qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

La réponse est simple : presque tout. Reprenons au début. La PlayStation 3 est officiellement dévoilée par Sony à l’E3 2005…

Dès la présentation, deux éléments retiennent l’attention. Déjà, Sony arrive à Los Angeles sans prototype fonctionnel de la nouvelle console, signe des difficultés de conception et de développement encore prégnantes en coulisse à l’époque. Ce sera aussi le cas au Tokyo Game Show de septembre 2005, alors même que l’année 2006, celle du lancement, approche dangereusement. De plus, les présentations diffèrent tout au long de l’été 2005 : des deux ports HDMI, trois ports Ethernet et six (!) ports USB montrés en 2005, il ne reste qu’un port HDMI, un port Ethernet et quatre ports USB lors d’une nouvelle présentation à l’E3 2006. Si cette décision peut se comprendre vu les coûts consentis par Sony sur le reste de la machine (le contrat avec Nvidia n’étant pas donné et l’inclusion du blu-ray non plus), la communication en prend un coup.

Prototypes de la PlayStation 3
Le "Boomerang" ou la "Banane", au choix

Le second élément d’attention est la manette. La dénommée Sixaxis est d’abord furtivement présentée comme un étrange appareil en forme de boomerang ou de banane (selon les goûts). Si cela surprend toute l’industrie, la manette finale sera bien plus consensuelle et finalement mieux calibrée.

Entre 2005 et 2006, le message autour de la PS3 s’affine. Deux modèles sont prévus pour la vente, un de 20 gigas et un de 60 gigas. Au départ, le modèle de 20 GB ne comprenait pas, dans une nouvelle erreur d’appréciation de Sony, de port HDMI ni de connectivité Wi-Fi. Devant le tollé provoqué, un port HDMI a finalement été inclus dans le modèle 20 GB (mais pas de connectivité internet, ce qui à l’époque de la démocratisation du jeu ligne constituait un mauvais move).

Outre le prix de 600 dollars pour le modèle 60 GB, qui provoque de vives polémiques et sur lequel tout a été écrit, la PS3 va de problème en problème après sa présentation. Alors que la console est annoncée pour le 11 novembre 2006 au Japon et le 17 novembre 2006 en Amérique du Nord et en Europe, les consommateurs européens doivent finalement attendre mars 2007 pour finalement acheter la PS3, à cause d’un retard dû à une pénurie de matériaux nécessaires aux lecteurs blu-ray. Toute ressemblance avec des événements récents est totalement fortuite…

En Europe, la sortie retardée de la PS3 a au moins un avantage : le modèle 20 GB, peu plébiscité au Japon et en Amérique à cause de l’absence de connectivité Wi-Fi, n’est même pas mis en vente. Si le lancement se passe relativement bien sur le continent, avec des ventes solides, le début de la vie de la console est “miné” en France par une soirée faisant date : celle sur la péniche devant la Tour Eiffel, le 22 mars 2007.

Un tournant à 360°

Rafraichissons notre mémoire : le 22 mars 2007, PlayStation France est conscient du grand succès de la PS2 est souhaite bien évidemment capitaliser dessus. L’antenne française met les petits plats dans les grands, et annonce en fanfare une soirée de lancement où 3000 personnes sont attendues, face à la Tour Eiffel et en grande pompe. Au bout du compte, ce ne sera… qu’une centaine de personnes qui se rendra à l’événement. Certainement freinées par le prix prohibitif de la console, les 3000 personnes attendues sur la péniche de PlayStation ne sont qu’un mirage, et la soirée vire à l’absurde quand Xbox France fait passer plusieurs fois une péniche concurrente où une grande banderole fait lire “XBOX LOVES YOU”. Un chambrage en règle, qui fait encore aujourd’hui le folklore de la petite histoire du jeu vidéo en France, et qui colle depuis à l’image de la PS3 malgré ses évidents succès postérieurs.

ITÉRATIONS

Après une conception difficile et un lancement tout aussi compliqué et accompagné d’une communication erratique, la PlayStation 3 entame son cycle de vie loin derrière la Xbox 360 et les machines de Nintendo. Face à la concurrence de Microsoft, la suite de l’histoire de la PS3 sera celle d’une longue et patiente reconquête, couronnée d’une “victoire” tardive en termes de ventes à partir de 2011.

Le premier argument en faveur de ce retournement de situation est toujours l’alignement économique. Conscients de leur erreur, qu’ils ne reproduiront d’ailleurs ni sur la PS4 ni sur la PS5, les équipes de Sony s’échinent à partir de 2007 à enchaîner promotions sur promotions. Ce travail se matérialise en 2009 puis en 2011 avec la sortie de deux nouveaux modèles de la PS3 : les versions Slim et Ultra Slim.

32% plus petite, 36% plus légère et 100% plus belle, la PS3 Slim (qui vient avec un nouveau logo et une nouvelle police d’écriture de la marque) réussit l’exploit d’avoir les mêmes fonctionnalités que sa grande sœur, tout en s’accompagnant d’une mémoire bien plus importante : 120, 160, 250 puis 320 gigas selon les modèles, avec un prix enfin attractif de 299 euros en 2011 pour le modèle 320 GB, ce qui, vu les qualités de la PS3 autrement, change tout.

Encore plus petite et légère, la PS3 Ultra Slim mènera la console à sa sortie en 2011 à une capacité allant jusqu’à 500 gigas (un modèle à… 12 gigas a aussi et très étrangement été commercialisé, mais les vives critiques à son égard et le peu de marketing le différenciant de la version à 500 gigas a fait de ce modèle un échec), avec un prix toujours compétitif.

La PS3 "Fat"
La PS3 Slim
La PS3 Ultra Slim
Deuxième et dernier logo de la PS3

De ces deux derniers modèles de sa PS3, qui renforcent grandement les ventes, Sony tire les bonnes leçons. Au niveau du hardware seul, le consommateur recherche des modèles moins lourds, avec plus de mémoire.

SOFTWARE & ACCESSOIRES

Les accessoires

Manette Sixaxis

Outre les machines, Sony accompagne sa PlayStation 3 d’une multitude d’accessoires qui ont aussi fait sa renommée. Dès le départ, la manette Sixaxis (puis sa successeur la Dualshock 3, qui apportait les vibrations en plus) disposait d’un capteur de mouvement utilisable en jeu. Cela a mené à d’intéressantes expériences, comme dans le titre Heavenly Sword où l’on pouvait modifier la trajectoire des flèches en bougeant la manette.

PlayStation Move

En plus de ces fonctionnalités, l’autre grande innovation de la PS3, quoique arrivant après des accessoires similaires chez les concurrents, est le PlayStation Move. Présenté à l’E3 2009, cet accessoire a eu un succès plutôt relatif avant d’être pérennisé par son inclusion pour l’utilisation du PlayStation VR. Avant cela, le PS Move avait tout de même servi dans de très jolis titres, comme Sport Champions où l’on pouvait jouer à plusieurs sports de manière très ludique et prenante.

Le software

Menu XMB

Mais plus encore que les accessoires, c’est à travers ses services que la PS3 a petit à petit séduit les joueurs pour s’imposer sur le fil devant la Xbox 360. Le match s’est déjà joué au niveau de l’interface, où le système appelé XMB, pour Xross Media Bar, donne à la PS3 un aspect épuré.

Dans cette interface, l’onglet audio et vidéo, très fourni, comportait un élément distinctif de la PS3 et durablement positif pour sa réputation : les possibilités blu-ray. Que ce soit au niveau des films ou des jeux, le fait que la console ait un lecteur blu-ray lui a permis de prendre des années d’avance technologiquement parlant ; quand la Xbox 360 pouvait avoir besoin de deux ou trois DVD pour lire un jeu, la PS3 n’en avait besoin que d’un

Les services Playstation

Le PSN

Vient ensuite la trinité “PlayStation” : Network, Store, Home. Pour le PlayStation Network, l’avantage considérable par rapport à Xbox de ce service en ligne a été sa gratuité. Si la qualité de certaines sessions a pu en souffrir, la gratuité du service a contribué à ramener quantité de joueurs attirés par la possibilité de jouer en ligne avec leurs amis à moindre frais. Au PSN est venu s’ajouter à partir de 2010 le PlayStation Plus, service payant fonctionnant au départ à côté du PSN, avec des jeux gratuits, de l’espace de stockage sur le cloud et des mises à jour automatiques des jeux. Ce service, comme on le sait aujourd’hui, s’est peu à peu étoffé jusqu’à remplacer le PSN et devenir le service en ligne de PlayStation.

Le  Store

Du reste, le PlayStation Store (qui restera opérationnel au-delà de 2021) a ouvert la PS3 à l’univers du jeu dématérialisé. Au début de vie de la console, le PS Store constituait ainsi une quasi-révolution, dans le sens où le jeu dématérialisé, qui n’en était qu’à ses balbutiements, trouvait un environnement stable sur lequel se développer, jusqu’à acquérir l’importance qu’on lui connaît aujourd’hui.

Home

Enfin, le PlayStation Home, peut-être le moins connu des services lancés chez la PS3 et ayant en conséquence fermé en 2015, constituait un monde virtuel communautaire, comme une sorte de réseau social propre à PlayStation, où les joueurs discutaient, se retrouvaient et s’informaient.

Au fond, là où la PS3 dénote et a pu provoquer de la critique ou de l’incompréhension, c’est dans le paradoxe de son avance et en même temps de ses limites technologiques. S’il a été possible de bénéficier du Remote Play sur PS3 (la possibilité de jouer à ses jeux PS3 sur PSP, la rétrocompatibilité avec les anciens jeux PlayStation n’était plus possible dès les modèles Slim et Ultra Slim, prétendument à cause de l’architecture difficile de la PS3. Ainsi, il n’est possible de jouer avec la rétrocompatibilité que sur certains des premiers modèles de la PS3 dite “fat”.

Les bugs fameux

Chez toute console, il existe des histoires de bugs fameux, ou d’erreurs de hardware/software. Pour la PS3, deux événements sont particulièrement à retenir : il s’agit du bug de l’an 2010, et le piratage du PSN en avril 2011.

À la fin février 2010, les horloges internes des premiers modèles de la PS3 ont, à cause d’un mauvais calcul des années bissextiles, interprété le passage au 1er mars 2010 comme celui… au 31 décembre 1999. Si cela peut prêter à rire au premier abord, les problèmes pour les joueurs concernés ont tout de même touché à une déconnexion du PSN, car le processeur analysait la date du 1er mars 2010 comme la preuve d’un piratage. Ainsi, en plus de la déconnexion au PSN, les achats sur le Store sont passés en version d’essai et lancer un jeu revenait à en réinitialiser les trophées. Bienheureusement, ce bug de l’an 2010, comparable à celui de l’an 2000, s’est résolu de lui-même lorsque l’horloge interne de la PS3 est passée au 2 mars 2010.

L’autre grand problème de la PS3 a été le piratage du PSN en avril 2011 donc. Subissant un piratage externe entre le 17 et le 19 avril, Sony prend le 20 avril la décision de fermer le PlayStation Network et les services associés, révélant au passage que les données de 77 millions d’utilisateurs auraient été piratées. Finalement, après 23 jours de fermeture et un torrent de critiques, notamment par rapport au temps que Sony a pris pour avertir les utilisateurs, le PSN a rouvert ses portes le 14 mai 2011, avec, pour se faire pardonner, 30 jours gratuits sur le PS+ et deux jeux PS3 gratuits en dématérialisé.

L'avis des développeurs

Dans l’histoire de la PS3, il est possible de diviser sa réception par les développeurs en quatre points cardinaux. D’un côté, en géographie : un sentiment de relatif abandon à l’est, une sensation positive à l’ouest ; et de l’autre en années : aux premières années d’apprivoisement difficiles suivent celles de l’étonnement face à une machine avec de telles capacités.

Géographiquement parlant, la PS3 a véritablement été ressentie comme un deux poids deux mesures chez les développeurs. Conçue par des anglophones, son architecture comme ses modes d’utilisation sont longtemps restés obscurs chez les développeurs japonais, qui ont au départ raté le train de la HD et considérablement souffert de la concurrence de leurs homologues occidentaux, qui eux vivaient leurs années folles. Ainsi, si les jeux japonais comptaient pour 7 titres parmi les 10 jeux les plus vendus sur PS2, ce chiffre tombe à 3 sur PS3, et grâce à seulement deux franchises : Metal Gear Solid et Gran Turismo.

Gran Turismo 5

Au contraire, les développeurs occidentaux ont vécu avec la PS3 un véritable renouveau. Leur meilleure appropriation de l’architecture de la PS3 leur a permis d’exploiter des capacités de la machine que les japonais n’ont vues qu’à partir de la PS4, et de nombreuses grosses exclusivités de Sony sont ainsi devenues occidentales avant tout.

De l’autre côté, l’appréciation de la PS3 chez les développeurs a aussi grandement subi l’impact de sa conception chaotique. Aux premiers moments d’incompréhension face à une telle architecture – alors que développer sur la Xbox 360 paraissait facile – ont finalement suivi de l’émerveillement devant des possibilités insoupçonnées. Finalement, pour les développeurs comme pour les joueurs, c’est la sortie du modèle Slim en 2009 qui a tout changé, et mené la PS3 vers les sommets de sa fin de vie.

Les ventes, le lièvre et la tortue

Comme nous l’avons déjà développé dans certains dossiers, l’histoire des ventes de la PS3, notamment par rapport à la Xbox 360, est celle de la fable du lièvre et de la tortue. Parties à un niveau très bas, avec 19 millions de PS3 vendues entre 2006 et 2008 contre 27 millions d’Box 360 vendues, les statistiques de la PS3 grimperont jusqu’à 73 millions d’unités achetées en 2012, année charnière à laquelle, quasiment sur le gong, la PS3 dépasse définitivement la Xbox 360 (cette tendance ayant commencé dès 2009).

Vous vous en douterez, le retour en force de la PS3, tortue dépassant le lièvre, coïncide avec la parution de la première version Slim. Mais en plus de cela, l’autre cause de cet infléchissement de la courbe par rapport à Xbox est aussi celle des jeux, et de la nouvelle stratégie d’exclusivités menée par Sony à partir de 2008, qui constituera la dernière partie de cette histoire.

Les jeux et les exclusivités, émanation de la stratégie de Cerbère

En 2007-2008, Sony prépare dans l’ombre une stratégie au niveau des jeux qui porte encore ses fruits aujourd’hui. Cette stratégie, que nous appellerons Cerbère, comporte donc trois “têtes” :

La première concerne les jeux des éditeurs tiers, pour qui la PS3 est devenue petit à petit une plateforme privilégiée par son offre multijoueur agressive car gratuite. Ainsi, pour jouer à Call of Duty sans se ruiner (le jeu était roi à l’époque), maints joueurs ont opté pour la PS3, ce choix se répercutant sur les ventes globales.

Call of Duty: Modern Warfare 2
Heavenly Sword

La deuxième tête a été celle des jeux de vitrine technologique. Que ce soit à travers les capacités du Sixaxis ou du PlayStation Move, des jeux comme Heavenly Sword ou Sports Champions ont fait pendant 7 ans la démonstration des possibilités de la PS3. Si cette partie était aussi constitutive des stratégies de Microsoft et de Nintendo, elle a néanmoins permis à la PS3 de se démarquer.

La troisième et plus importante partie de la stratégie que nous appelons Cerbère a été la politique d’exclusivité. Voyant le succès insolent de la Xbox 360 au départ, Sony décide après le lancement de sa console de mettre en place un plan agressif composé d’exclusivités, voulues pour renforcer l’image de marque de la PS3 et attirer le plus de joueurs possibles sur la plateforme. Au fur et à mesure, ce qui s’appelle aujourd’hui la famille des PlayStation Studios s’est composé à coups de rachats, de partenariats et de finances injectées dans les studios appartenant déjà à la maison.

C’est à partir de 2009 que ce plan commence réellement à porter ses fruits. Fin 2013, à la sortie de la PS4, il y a, sur les 10 jeux les plus vendus de la PS3, 7 exclusivités, dont 6 sont sorties en 2009 ou après. Il s’agit de Gran Turismo 5 Prologue (sorti en 2007), puis de GT5 et GT6, Uncharted 2 et 3, God of War III et enfin The Last of Us. De cette belle liste, Sony tire une leçon : baser sa stratégie sur les exclusivités et moins sur les jeux tiers porte ses fruits.

Il en ressortira une volonté ferme d’aller le plus loin possible sur ce chemin à partir de la PS4, qui succède à la PS3 à partir de fin 2013, avec le succès qu’on lui connaît.

Voici donc pour l’histoire de la PlayStation 3. Enfant terrible de Sony, ratage quasi complet puis succès inespéré, la PS3 aura été un moment charnière dans la vie de la marque, au carrefour du passage à la HD et à l’internet tout-puissant. Mal-aimée parfois, pleine de défauts mais aussi terriblement attachante, la PlayStation 3 restera l’image de l’époque où la folie des grandeurs et de l’innovation aura mené Sony au bord du gouffre, avant de se révéler être une stratégie payante à partir du moment où les contours furent rationalisés. Il n’est en ce sens pas surprenant que la PS4 ait été un succès aussi flamboyant : des plus grandes erreurs viennent les plus beaux succès.

La grandeur vient des débuts modestes.