Histoire de London Studio

Fondé en 2002 après la fusion de la Team Soho et de Sony Computer Entertainment Camden Studio, London Studio est un peu à part dans l’écosystème des PlayStation Studios.

Malgré un gros focus sur la R&D, le studio est aussi à l’origine de certaines expériences typiques de PlayStation que tout le monde connait.

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Logo du Studio
Logo de la Team Soho

Un petit soho pour la route

En 1994, la Team Soho voit le jour dans le quartier de Soho à Londres. Ayant une expérience quasi nulle dans le jeu vidéo, l’équipe commence à se faire la main avec NBA ShootOut et Rapid Racer, un jeu de course nautique. Le premier titre notable est Porsche Challenge, un jeu de course mettant en avant la marque Allemande. Cette équipe réalise différents jeux de sport de 1996 à 2001, avec notamment la licence This Is Football, plus connue chez nous comme Le Monde des Bleus, une série de jeux de foot qui a très bien fonctionné en France (1998 étant forcément passée par là).

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Durant cette période, le studio réalise aussi Spice World. Un jeu qui, comme son nom peut l’indiquer, est centré sur les Spice Girls, un groupe anglais très populaire durant la deuxième moitié des années 90 en Angleterre. L’idée d’un tel jeu provient en fait du fameux PaRappa the Rapper sorti le 6 décembre 1996 au Japon. Suite au succès du titre au pays du Soleil levant, qui a donc permis d’attirer un nouveau public sur PlayStation, les équipes de Sony Computer Entertainment Europe se disent qu’elles peuvent en faire de même pour le marché européen. Le choix des Spice Girls est alors une évidence et le jeu Spice World, qui consiste à s’immerger dans le quotidien du girls band, commence à être développé par la Team Soho. Le titre sort le 16 juin 1998 en France et reçoit un accueil incomparable à celui de PaRappa the Rapper. Rien de dramatique puisque cette expérience préfigure malgré tout de ce qui va suivre avec la formation de London Studio.

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Spice World

Sony sort les gros bras

Juste avant la fermeture de la Team Soho et la création de London Studio, une dernière licence estampillée Team Soho voit le jour : The Getaway. Le jeu prend place dans un Londres déchiré par la corruption et les trafics de drogues. Sony mise tout sur The Getaway avec un budget équivalent pour l’époque à plus de 12 millions d’euros. Il tente de concurrencer Grand Theft Auto et Metropolis Street Racer, un jeu développé par Bizarre Creations pour la Sega Dreamcast qui reproduit lui aussi la ville de Londres. Malheureusement, le studio n’arrive pas à la hauteur de GTA et de Bizarre Creations, ce dernier étant tout de même l’équipe derrière Project Gotham Racing 4, sorti en 2007 sur Xbox 360.

The Getaway sort le 11 décembre 2002 chez nous et déçoit beaucoup la presse, un peu moins les joueurs. Le gameplay est jugé très décevant mais la reproduction de Londres, bien que beaucoup plus petite que ce Sony a bien voulu faire croire à l’époque, reste de bonne facture. Le jeu se vend cependant très convenablement avec un total de 4 millions d’exemplaires écoulés dans le monde.

Cela engendre naturellement une suite intitulée The Getaway: Black Monday qui arrive le 11 décembre 2004 chez nous.  Le jeu est encore moins bien accueilli par les joueurs mais également par la presse, bien qu’il s’écoule tout de même à 2 millions d’exemplaires. The Getaway 3 était dans les cartons pour la PlayStation 3 mais n’a jamais vu le jour. D’après Nicolas Doucet, présent dans le studio depuis 2004, le studio souhaitait concentrer ses forces sur EyeToy et SingStar.

Avec le potentiel de EyePet, les priorités ont alors changé. Pour autant, les autres projets ne sont pas abandonnés pour le moment. Ceci fait office de parfaite transition pour ce qui sont à ce jour les plus gros morceaux de l’histoire de Team Soho, et désormais London Studio.

Le GTA made in Sony

Kinect en 2003

Le 4 juillet 2003, EyeToy: Play débarque. Il s’agit d’un jeu tout à fait particulier puisqu’il tire entièrement l’usage du nouvel accessoire de la PlayStation 2 : l’Eye Toy. 

La première caméra PlayStation

L’Eye Toy est la toute première caméra de l’histoire de PlayStation. Sorti le 4 juillet 2003, l’accessoire manufacturé par Logitech est uniquement compatible avec la PlayStation 2, puis plus tard avec la PlayStation 3. Imaginé en 1999 par Richard Marks, l’idée est de pouvoir utiliser le concept d’interface utilisateur naturelle (une interface utilisateur invisible) ainsi que la réalité augmentée avec une webcam peu coûteuse, grâce à a la puissance de la PlayStation 2. La R&D commence donc en 1999 lorsque Marks rejoint Sony Computer Entertainment America (SCEA). Le projet attire l’attention de celui qui est alors vice-président des relations tiers et de la R&D chez SCEA : Phil Harisson (ancien vice-président de Microsoft et homme de l’ombre du lancement de la Xbox One en 2013). Après avoir été promu vice-président en développement de produit chez Sony Computer Entertainment Europe (SCEE), ce dernier guide Richard Marks dans les bureaux de Sony, à Londres, pour montrer la technologie aux développeurs. À la suite de cela, le développement de la caméra démarre concrètement pour aboutir à la sortie d’un bundle comprenant l’Eye Toy et Eye Toy: Play le 4 juillet 2003.  

Le titre est constitué de douze mini-jeux faisant appel à de la reconnaissance de mouvements et au concept de réalité augmentée (Kinect en reprend le fonctionnement). Plus concrètement, et comme le dit Nicolas Doucet dans une interview pour Terra Incognita : « Eye Toy, c’est déjà de la réalité augmentée – même si aujourd’hui on n’en a pas l’impression – puisqu’on met l’image filmée du joueur dans le jeu. Mais le respect des tailles et des proportions n’était alors pas important, c’était juste du fun. »

Au total, pas moins de vingt-cinq jeux destinés à l’Eye Toy voient le jour entre 2003 et 2008 sur PlayStation 2. Treize sont développés par London Studio, un par Japan Studio, et les autres par différents développeurs tiers. Le succès de cette petite caméra peut se résumer en un chiffre : 10,5 millions d’exemplaires vendus dans le monde au 6 novembre 2008.

Sony et les Tamagotchi

À la suite de ce succès plus que convainquant, Richard Marks reprend l’Eye Toy comme modèle de base pour son équivalent sur PlayStation 3 : le PlayStation Eye. Plus avancée techniquement que sa grande sœur, cette caméra sort au cours du mois d’octobre 2007 dans le monde entier. Elle propose une résolution de 640 x 480 pixels en 60 Hz, ou du 320 x 240 pixels en 120 Hz. Elle est aussi plus sensible que l’Eye Toy et est globalement meilleure en tous points.

Le PlayStation Eye

Le seul titre majeur de London Studio à destination du PlayStation Eye est EyePet, sorti le 23 octobre 2009. Le concept du jeu rappelle fortement celui des Tamagotchi, où l’on doit s’occuper de mignonnes et petites créatures virtuelles. Cette fois-ci, le concept de réalité augmentée évolue comme Nicolas Doucet l’explique, toujours dans une interview pour Terra Incognita : « L’étape suivante est intéressante : au lieu d’amener le joueur dans un monde virtuel, on amène une dimension virtuelle dans son salon. C’est EyePet, un petit animal domestique virtuel que l’on rajoute dans le salon, filmé par la caméra. On peut le caresser et il a des réactions. Là il fallait soigner les proportions, c’était une vraie évolution de la réalité augmentée. »

Eye Pet n’est finalement pas très bien reçu. La critique admet que les capacités du PlayStation Eye sont bien exploitées, mais les mécaniques de gameplay sont malheureusement trop limitées. Le jeu se vend suffisamment bien pour recevoir une version compatible avec le PlayStation Move le 5 septembre 2010 et une version PlayStation Portable en novembre 2010. Le 16 novembre 2011, une suite nécessitant le PlayStation Move, intitulée EyePet & Friends débarque. Ce dernier opus n’est pas très bien accueilli et achève de faire d’EyePet une licence bien moins populaire que ne l’était Eye Toy: Play sur PlayStation 2.

Le PlayStation Eye termine quant à lui sa course en 2012, avec près de 45 jeux exploitant un tant soit peu les fonctionnalités de la caméra. Nous ne connaissons pas les chiffres de ventes de ce périphérique, ce qui sous-entend qu’ils sont probablement bien inférieurs à ceux de l’Eye Toy.

Le karaoké n’est jamais très loin

Pour la faire courte, le Karaoké (カラオケ) est une marque déposée par Kisaburô Takagi (高城 喜三郎) en 1962. C’est aujourd’hui une pratique extrêmement répandue et populaire absolument partout au Japon, même en campagne. Forcément, avec l’arrivée de Sony dans l’industrie du jeu vidéo et de sa PlayStation, ce qui devait arriver arriva. Il faut tout de même attendre la PlayStation 2 pour voir le Karaoké made in Sony débarquer dans nos contrées. Vous le connaissez tous, son nom est SingStar.

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Logo de SingStar

Tout commence dans le département de prototypage chez London Studio. Le but initial est de faire des jeux pour les enfants avec un système de détection de tonalité. Deux concepts sont retenus : Songlines, un jeu d’aventure en vue à la troisième personne où le joueur doit chanter pour débloquer de nouveaux environnements, et SingAlong Safari, un jeu où le joueur doit compléter des missions en chantant avec des animaux. En 2003, la direction du jeu change pour ce qui deviendra SingStar l’année suivante. La première démonstration du concept a lieu à Paris lors d’une conférence interne de Sony Computer Entertainment Europe (SCEE), avec la chanson Wonderwall du groupe Oasis. Finalement, le jeu nécessite à sa sortie deux micros conçus spécifiquement pour SingStar, que l’on connecte en USB sur la console. En mars 2009, des micros sans fil sortent enfin mais ne sont pas dotés de la technologie Bluetooth, jugée trop complexe à mettre en place pour deux microphones fonctionnant en simultané. À partir du 21 mai 2014, soit peu de temps avant la sortie de SingStar Ultimate Party sur PlayStation 3 et PlayStation 4, les joueurs peuvent aussi utiliser leurs smartphones en guise de microphone.

Le principe de SingStar est simple : deux personnes chantent une chanson défilant sur l’écran en même temps, et le but est d’être celui avec le plus de points à la fin. Pour marquer des points, il faut faire correspondre le plus possible sa voix à la tonalité du morceau qui est indiqué en temps réel par des marqueurs. Simple, basique et surtout universel.

Le jeu est souvent vendu en bundle avec des microphones USB ou sans fil à partir de la PlayStation 3, et tous les épisodes sont aussi compatibles avec les différentes caméras PlayStation. Depuis la PS3, il est également possible de jouer en ligne et d’acheter des morceaux à l’unité sur le SingStore grâce au PlayStation Network.

Le premier opus sort en mai 2004 sur PlayStation 2 et engendre derrière lui plus de soixante-dix versions centrées sur différents artistes et genres musicaux, avec parfois des versions du jeu spécialement conçues pour certains pays.

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Le premier SingStar
Le dernier SingStar

En 2009, la série s’est écoulée à 20 millions d’exemplaires, toutes versions confondues. Des chiffres qui datent mais pour cause, cette licence a finalement perdu de sa superbe dans le temps avant de tomber dans l’oubli général. En dehors du Japon, le karaoké ne passionne plus les foules, même si cela est à relativiser en fonction des pays.

La majorité des épisodes SingStar sont arrivés sur PlayStation 2. Seuls quelques opus ont vu le jour sur PlayStation 3 en CD, et seulement deux épisodes débarquent sur PlayStation 4, dont un seul en exclusivité.

Ce dernier, intitulé SingStar Celebration, est l’ultime épisode à avoir vu le jour. Et à l’instar de bien des choses en 2020, la série SingStar a vu tous ses serveurs coupés définitivement le 31 janvier.

La maison PlayStation

Le PlayStation Home est à la base un projet de salon online en 2D, nommé « Hub » sur PlayStation 2 pour le jeu The Getaway: Black Monday. Mais le online a véritablement pris de l’importance dans le jeu vidéo sur consoles à partir de la génération PlayStation 3. C’est finalement Phil Harrison, alors président de Sony Computer Entertainment depuis septembre 2005, qui a l’idée d’un espace virtuel communautaire en 3D. Il évoque le projet comme du jeu vidéo « 3.0 ». C’est tout naturellement lors du lancement du PlayStation Network que l’arrivée du PlayStation Home est pressentie comme étant imminente. Le suspense prend fin durant la Game Developers Conference de 2007 où Harrison annonce officiellement le projet. Après de multiples reports, le PlayStation Home arrive enfin dans une version bêta ouverte le 11 décembre 2008.

Concrètement, le PlayStation Home permet aux utilisateurs de créer un avatar personnalisé et d’avoir son appartement virtuel, lui aussi personnalisé. Le service comprend un espace nommé Square Home où le joueur peut se rendre pour discuter, jouer ou se divertir. Depuis le Square Home, il peut se rendre dans des espaces comme un bowling, un cinéma ou encore des centres commerciaux. Certaines zones sous licence font aussi leurs apparitions au fil du temps comme une zone Uncharted par exemple.

En septembre 2009, le service compte huit millions d’utilisateurs, et on apprend en juillet de la même année qu’il ne sera plus considéré comme étant en bêta lorsqu’il aura atteint sa forme finale. Cela n’arrivera jamais en dépit de l’ouverture du premier espace public global le 10 juin 2010. Et malgré les différentes animations ou mini-jeux proposés au sein du service, notamment pendant les E3 de 2011, 2012 et 2013, l’intérêt à long terme du service reste limité, pour ne pas dire souvent incompris.

Finalement, le 31 mars 2015, le PlayStation Home est définitivement fermé dans le monde entier. Un tel service était une belle tentative afin de réunir les joueurs PlayStation au même endroit, mais il était sûrement trop en avance pour son époque. Reste à savoir si le PlayStation Home reviendra sous une nouvelle forme un jour ou l’autre.

Logo du PlayStation Home

Un petit VR pour terminer

Le 13 octobre 2016, le PlayStation VR sort enfin dans le commerce au prix de 399€. Pour accompagner le lancement de ce casque au prix égal à celui d’une PS4 puis d’une PS4 Pro à leur commercialisation, il faut des jeux.

London Studio participe à l’effort général avec PlayStation VR Worlds, qui parvient à sortir pour le lancement du casque de réalité virtuelle de Sony. Le jeu inclut cinq expériences différentes, dont London Heist ou Ocean Descent (anciennement connu sous le nom Into the Deep).

Globalement, le jeu reçoit des critiques assez mitigées. Ocean Descent est jugée comme étant une expérience trop passive tandis que Scavengers Odyssey se voit quant à elle fortement critiquée pour sa propension à provoquer un effet important de « motion sickness ».

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Pas terrible pour mettre en valeur le PlayStation VR

Trop cher et à la rejouabilité limitée, le jeu est un échec. Pour autant, London Studio n’abandonne pas et fait de l’expérience London Heist un jeu à part entière, nommé Blood & Truth. Ce dernier est annoncé durant la Paris Games Week 2017 et débarque le 28 mai 2019. Il s’agit d’un FPS où le joueur contrôle Ryan Marks, un soldat des forces spéciales qui doit sauver sa famille d’un grand criminel Londonien. Comme le jeu se déroule à Londres, London Studio a d’abord envisagé de faire de Blood & Truth un titre dans l’univers de The Getaway. Il s’inspire de certains blockbusters d’Hollywood et le studio londonien le décrit comme une lettre d’amour aux films de gangsters.

Le jeu reçoit un accueil bien meilleur que PlayStation VR World et il est la dernière production en date de London Studio. Il est certain qu’au fil de son histoire, London Studio a prouvé sa nature profonde de centre de R&D qui aura gratifié les joueurs d’expériences toutes plus originales les unes que les autres, dont certaines ont rencontré un franc succès. Il ne reste plus qu’à attendre de découvrir ce que nous réserve le studio pour la PlayStation 5. Le meilleur, on l’espère.