Fondé en 1993 à Tôkyô, Japan Studio est le tout premier studio interne de Sony Interactive Entertainment (anciennement Sony Computer Entertainment). Il est peut-être l’un des plus sous-estimés parmi ceux que l’on nomme désormais les PlayStation Studios.
Loin d’être aussi médiatisé que certains studios phares comme Naughty Dog ou encore Guerrilla Games, Japan Studio a essayé, à sa façon, de révolutionner le vaste monde qu’est celui du jeu vidéo.
L’une des particularités de Japan Studio est que la boîte officie davantage dans la production ou le co-développement de jeux vidéo que dans le développement à proprement parler. Produire un jeu vidéo, cela veut dire réunir les fonds et permettre le développement de ce dernier. Et c’est ce que Japan Studio a réalisé des dizaines de fois lorsque les équipes ne codéveloppent pas directement un projet. En ce sens, Demon’s Souls ou encore la très populaire saga des Dark Souls n’existeraient sans doute pas sans son aide et son appui.
Depuis sa création, le studio n’a pas développé beaucoup de jeux en solo. Cependant, la structure intègre bien souvent directement en son sein des équipes de développement loin d’être inconnues au bataillon.
Les débuts concrets de Japan Studio commencent en 1994 avec Crime Crackers, un FPS avec des éléments RPG qui est sorti pour le line-up de la PlayStation 1. Si vous ne connaissez pas Crime Crackers, c’est normal. Il n’est sorti qu’au Japon comme de nombreux autres jeux dont la production ou le co-développement a été effectué par Japan Studio.
Lorsque Sony arrive sur le marché du jeu vidéo, ils ont besoin d’une structure pouvant les aider à avoir le maximum de jeux possible à destination de la PS1. Cela a donc logiquement entraîné la création de Japan Studio. Pour citer quelques exemples dans lesquels ce dernier a joué un rôle durant l’ère PlayStation 1, il y a Alundra 1 et 2, Arc the Lad, Wild Arms, PaRappa the Rapper ou encore Everybody’s Golf.
Ape Escape, ça vous parle ? Il s’agit du tout premier titre de l’histoire à avoir rendu obligatoire l’utilisation de la DualShock. Cette manette fut la première d’une longue série qui s’est officiellement (temporairement ?) arrêtée avec l’arrivée de la PlayStation 5.
La PlayStation 1 a eu droit à trois modèles de manette différents : la manette d’origine (qui n’a pas de nom attitré), la Dual Analog et la DualShock.
La Dual Analog est sortie le 25 avril 1997 au Japon. Cette manette apporte des fonctionnalités de vibrations et deux joysticks analogiques symétriques, qui resteront la marque de fabrique de toutes les manettes PlayStation qui suivront. Sortie respectivement en août et en septembre 1997, d’abord aux États-Unis puis en Europe, cette arrivée occidentale se fait sans bruit et se voit amputée de toute fonction de vibrations. La raison : Sony craint des dysfonctionnements de la manette au fil du temps.
La DualShock arrive le 20 novembre 1997 au Japon et l’année suivante dans le reste du monde. Elle est la meilleure manette de la PS1 en tous points. Son principal intérêt réside sur un système de vibrations via deux moteurs intégrés dans les poignées de la manette (c’est de là que vient le nom DualShock).
Ape Escape est donc le premier jeu à rendre obligatoire l’utilisation de cette manette, principalement lié à son besoin d’utiliser les deux sticks analogiques.
Tout en continuant à participer à la production ou au développement de bon nombre de jeux sur la PlayStation 1 et la PlayStation 2, à l’horizon 2000, le studio intègre une équipe fondée en 1997 qui apportera un véritable vent de fraîcheur au jeu vidéo dans les années à suivre. Il s’agit de la Team Ico dirigée par Fumito Ueda.
Ce dernier est avant tout un artiste. Il essaye de vivre de son activité avant de rejoindre l’industrie du jeu vidéo en 1995. Il intègre la société Warp et travaille en tant qu’animateur sur le jeu Enemy Zero, prévu pour la Sega Saturn. Cette expérience ne se déroule pas dans les meilleures conditions. Après un an et demi de bons et loyaux services, il quitte Warm et part rejoindre Sony en 1997.
Fumito Ueda a la particularité de façonner ses jeux via un game design par la soustraction. Tous ses jeux fonctionnent de cette façon. Des grandes plaines à perte de vue, une interface quasi nulle, très peu de dialogues, et une idée centrale de gameplay qui s’enrobe autour d’une histoire à priori très simple elle aussi.
Cela donne alors naissance à l’excellent Ico en 2001, puis à l’extraordinaire Shadow of the Colossus en octobre 2005. Ce dernier est un ovni dont personne n’imagine un seul instant qu’il puisse tourner convenablement sur PlayStation 2. Il est magnifié des années plus tard, en février 2018, par les équipes de Bluepoint Games à travers un somptueux remake. À l’époque, le jeu invente le concept d’ennemi monde où le colosse constitue l’unique attraction de l’aventure en termes de gameplay et de level design. C’est aussi un titre qui a vocation à faire réfléchir le joueur sur ses propres actes. La mort d’un colosse s’accompagne d’ailleurs d’une triste mélodie, faisant passer son message à travers le son. Pour rappel, nous sommes en 2005, et cela en dit long sur l’ingéniosité de monsieur Ueda et de ses équipes.
Après Shadow of the Colossus, la Team Ico s’engage dans ce qui sera l’une des plus grandes arlésiennes de l’histoire du jeu vidéo : Projet Trico (The Last Guardian). Le titre est annoncé durant l’E3 2009, soit quatre ans après la sortie de Shadow of the Colossus. Il est d’abord prévu sur PlayStation 3 et semble utiliser des éléments concrets venant d’Ico et de Shadow of the Colossus. Après un premier report en 2011, Fumito Ueda quitte Sony la même année avec certains membres de la Team Ico.
Un contrat stipulant qu’il doit finir le jeu le lie toutefois toujours à Sony et The Last Guardian. Le jeu se prend alors de plein fouet le plus grand défaut de la PlayStation 3, qui aura d’ailleurs posé bien des problèmes à toute l’industrie : son architecture. Il est bien plus complexe de développer un jeu sur PlayStation 3 que ça ne l’était sur PlayStation 2, tant pour Japan Studio que pour le reste de la Team Ico. En 2012, la PlayStation 3 est abandonnée et le projet est alors prévu à destination de la prochaine console de Sony : la PlayStation 4. En 2014, Fumito Ueda fonde GenDesign avec des anciens de la Team Ico et vient ainsi en aide à Japan Studio pour finir le jeu.
The Last Guardian sort finalement le 6 décembre 2016 et divise relativement les joueurs. Pour cause, l’intelligence artificielle de Trico qui est tantôt jugée révolutionnaire et inégalée, tantôt jugée totalement incohérente et nuisible à l’expérience globale.
En 2018, Fumito Ueda annonce travailler sur un jeu inédit. En mars 2020, Epic Games annonce qu’ils comptent financer ce dernier et que les revenus seront alors partagés entre l’éditeur et GenDesign.
Keiichiro Toyama rejoint Konami en 1994 en tant qu’artiste graphique. Il travaille tout d’abord sur la version Sega CD de Snatcher et International Track & Field. En 1996, chez Konami Computer Entertainment Tokyo (une division de Konami à l’époque), la Team Silent se forme et commence le développement d’une série mythique du jeu vidéo : Silent Hill. Le premier jeu est dirigé par Keiichiro Toyama et rencontre un succès qui conduira à trois suites directes, sans Keiichiro Toyama. Il quitte en effet Konami en 1999 après la sortie en février du premier Silent Hill afin de rejoindre SCE Japan Studio. Une équipe de développeurs voit alors le jour et se met à œuvrer sur le premier Siren, qui sortira le 6 novembre 2003 au Japon.
Siren est un jeu d’horreur digne de celui qui a donné naissance à Silent Hill. Ce dernier est très apprécié pour son ambiance et son histoire, un peu moins pour son gameplay jugé trop centré sur le « die & retry ».
Une suite, intitulée Forbidden Siren 2, sort le 9 février 2006 au Japon et reçoit un accueil mitigé. Elle est notamment jugée trop courte, et ce malgré une belle amélioration globale par rapport au premier opus. Un dernier épisode nommé Siren Blood Curse verra finalement le jour le 24 juillet 2008 sur PlayStation 3. Ce sera le mieux accueilli de la série.
Après trois jeux Siren au sein de Japan Studio, il est temps pour Keiichiro Toyama de passer à autre chose et de sortir enfin du cadre du jeu d’horreur. Grand bien lui fasse car il va créer une nouvelle licence absolument fantastique : Gravity Daze (Gravity Rush en Europe).
Le développement commence en 2008 sur PlayStation 3 et le jeu a pour vocation d’utiliser les capacités de la DualShock 3, dont sa technologie Sixaxis (reconnaissance de mouvements), avant de basculer sur PlayStation Vita et d’adopter ses différentes surfaces tactiles. Les équipes rencontrent quelques difficultés liées à son gameplay innovant et aux limitations de la console portable, qui reste logiquement bien moins puissante que la PlayStation 3.
Le principe du jeu repose en effet sur le contrôle total de la gravité. Kat, le personnage principal, peut se mouvoir en toute liberté en flottant dans les airs grâce à l’annulation de la gravité et sa manipulation à volonté. Visuellement, le jeu s’inspire de la bande dessinée et notamment des travaux de Jean Giraud, plus connu sous le nom de Moebius. Gravity Rush sort le 9 février 2012 au Japon et se vend à plus de 81 000 copies durant sa première semaine de commercialisation. Un joli résultat pour une exclusivité PS Vita, lancée seulement deux mois auparavant.
Fort de ce succès, une suite voit le jour 18 janvier 2017, en exclusivité sur PlayStation 4 cette fois. Entre temps, le studio Bluepoint Games remasterise le premier épisode, également sur PlayStation 4 le 10 décembre 2015 au Japon. Ce remaster donne globalement au premier Gravity Rush un niveau technique similaire à celui du deuxième opus. Ce dernier se veut d’ailleurs bien plus complet et varié que ne l’est le premier épisode, avec notamment plus d’environnements et un gameplay plus diversifié. L’histoire de Kat y est conclue pour de bon et laisse peut-être derrière elle la licence la plus originale produite par un studio Sony.
À noter que l’excellent Kohei Tanaka, compositeur des deux Gravity Rush, officiait déjà sur Alundra 1 et 2. Tous les chemins finissent à nouveau par se croiser un jour.
Nous savons de manière officielle que le titre s’est écoulé à 148 000 copies durant sa première semaine, mais nous ne connaissons pas les derniers chiffres atteints par Gravity Rush 2. La Team Gravity a été dissoute en septembre 2020 suite au départ de Keiichi Toyama de Japan Studio.
En 2006, un certain Takeshi Kajii, alors producteur chez Japan Studio, se rend chez FromSoftware. Sans s’en rendre compte, cet homme va provoquer la création de Demon’s Souls, et donc par effet domino de Dark Souls, une série qui révolutionnera fortement le jeu vidéo.
Fondé en 1986, FromSoftware ne fait pas tout de suite des jeux vidéo. Il travaillait d’abord sur la création de logiciels et d’applications à destination des entreprises. Ce n’est qu’au début des années 90 que le studio fonde une petite équipe passionnée de l’univers Dark Fantasy, par l’intermédiaire des jeux de plateau et autres jeux de rôle de l’époque comme la série Wizerdry. Leur but est de rendre hommage à cette culture en réalisant une œuvre dans cette mouvance et qui, par conséquent, prend un chemin bien différent des Final Fantasy et autres Dragon Quest.
Cela donne tout d’abord lieu à la série des King’s Field, dont le premier épisode arrive en 1994 sur PlayStation, peu de jours après le lancement de la console. Forcément, le jeu se démarque pour être totalement atypique. Difficile, sombre, labyrinthique et lent dans ses combats et son exploration, le jeu divise énormément et annonce déjà la couleur de ce qui sera la marque de fabrique de FromSoftware. Les pièges, la barre d’endurance, les PNJ dépressifs ainsi que la narration épurée sont déjà de la partie dans le tout premier jeu du studio. Seul l’aspect multijoueur asynchrone révolutionnaire de Demon’s Souls n’est bien évidemment pas présent.
Le studio lance ensuite King’s Field II en juillet 1995 et King’s Field III en juin 1996. À la suite de cela, le studio crée sa licence la plus importante, Armored Core, qui comprend aujourd’hui une quinzaine de titres. Malgré cette nouvelle série portée sur le genre « mecha », l’équipe continue de sortir des jeux dans un univers de Dark Fantasy avec Shadow Tower en juin 1998. Pour la PlayStation 2, FromSoftware sort un quatrième King’s Field en octobre 2001 et un deuxième opus de Shadow Tower en octobre 2003, le tout en parallèle de sa série phare qu’est Armored Core.
Si Takeshi Kajii se rend chez FromSoftware en 2006, c’est initialement pour leur demander si un nouveau King’s Field est prévu. Il est en réalité un fan de la série. Cette demande entraine une belle discussion qui convainc les deux parties de créer un jeu développé par FromSoftware et produit par Sony. Le projet Demon’s Souls commence alors au début de l’année suivante.
Takeshi Kajii et Hidetaka Miyazaki décident à ce moment de créer une nouvelle licence plutôt qu’un cinquième épisode de King’s Field. Cette série restera néanmoins une grande source d’inspiration.
Le deuxième homme majeur sans qui Demon’s Souls n’aurait pu voir le jour… Miyazaki est depuis sa plus jeune enfance curieux et avide de connaissances. Il va souvent lire des livres à la bibliothèque. Bien généralement trop complexes pour un enfant de son âge, il remplit les trous par son imagination avec les livres dont vous êtes le héros comme Sorcellerie. Son amour pour la Dark Fantasy et ses chevaliers vivant dans des mondes obscurs commence à naître.
Arrivé à l’université, il acquiert un diplôme de sciences sociales et commence à s’intéresser au jeu vidéo. Un ami lui fait découvrir Ico et Miyazaki a une révélation. Il voit dans ce jeu le potentiel du medium et commence à chercher un travail dans le secteur à vingt-neuf ans, pour atterrir finalement chez FromSoftware en 2004. Les jeux de Fumito Ueda ont donc totalement lancé la carrière d’Hidetaka Miyazaki. Tout est lié, le monde est définitivement petit.
Une période de doute se crée à l’occasion de la démo de Demon’s Souls au Tokyo Game Show de 2008. Celle-ci est tout simplement mal accueillie par le public. Le gameplay y est jugé trop lourd et encore en phase de développement alors que ce dernier est d’ores et déjà terminé. L’intention du jeu n’est pas cernée et Takeshi Kajii reconnait plus tard dans les colonnes du magazine anglais Edge que « Demon’s Souls ne convient pas au concept de démonstration, en particulier dans un salon. Il est impossible de comprendre son approche en seulement cinq minutes. »
Le titre sort donc le 5 février 2009 au Japon, en Corée du Sud, à Hong Kong et à Taïwan. Il rencontre des difficultés pour se vendre mais le miracle du bouche à oreille réserve un autre destin au jeu. 100 000 exemplaires trouvent preneur dans cette partie du globe, et fort de ce succès et des critiques très positives, Atlus coupe alors l’herbe sous le pied de Sony et de Shuhei Yoshida, qui restent sur leurs positions.
Demon’s Souls sort finalement aux États-Unis le 7 octobre 2009 grâce à Atlus et se vend à 150 000 exemplaires en une semaine, puis près d’un million sur la durée. C’est encore le bouche à oreille qui permet de tels résultats, avec l’appui des critiques américaines très positives. À la place d’Atlus, c’est Bandai Namco qui édite enfin le jeu en Europe le 25 juin 2010. Il fonctionne également très bien chez nous, toujours grâce au bouche à oreille bien mis en place depuis désormais plusieurs mois. Ce succès place FromSoftware et Hidetaka Miyazaki sur le devant de la scène, ce qui permet à ce dernier d’engendrer une nouvelle série désormais connue de tous, ne serait-ce que de nom : Dark Souls.
Puissiez-vous reposer en paix, Takeshi Kajii. Sans vous et votre passion pour la Dark Fantasy, rien de tout cela n’aurait été possible. En effet, c’est avec le remake de Demon’s Souls, sorti le 12 novembre 2020 en même temps que la PlayStation 5, que nous apprenions officiellement son décès, visiblement survenu il y a de cela plusieurs années.
Durant l’été 2012, alors que le studio vient de finir le développement du DLC du premier Dark Souls, nommé Artorias of the Abyss, Sony revient frapper à la porte du studio. Ce qui s’est passé avec Demon’s Souls tient du miracle et l’éditeur, qui a retenu la leçon, souhaite alors renouveler son partenariat avec FromSoftware via un nouveau contrat d’exclusivité. Dans un making-of produit par IGN, on apprend les prémices de ce mystérieux projet grâce à Masami Yamamoto (responsable du développement externe chez Japan Studio) : « D’habitude, ce sont les développeurs qui viennent nous présenter les idées. Bloodborne a été un cas particulier – on avait grande envie de travailler de nouveau avec Hidetaka Miyazaki, alors on est allés en parler directement à FromSoftware. » Pas de Demon’s Souls 2 au programme, mais un certain projet Beast.
Dès le début, la PlayStation 4 est en ligne de mire. Hidetaka Miyazaki devient le réalisateur et souhaite faire un jeu proche de Dark Souls mais dans un univers différent, avec une nette inspiration de l’œuvre de Lovecraft. Depuis longtemps, Miyazaki rêve de créer un univers à l’architecture gothique et victorienne et pour cela, la puissance de la PlayStation 4 est nécessaire. En parallèle, Dark Souls II est mis en chantier sans Miyazaki, ce qui donne un Dark Souls à la saveur particulière parmi les trois épisodes que compte la série à ce jour.
Comparé à Demon’s Souls, les moyens humains et financiers sont bien plus importants puisque Sony soutient le projet de bout en bout. En avril 2014, pendant le développement de ce qui est encore le projet Beast, FromSoftware, autrefois détenu majoritairement par l’actionnaire Transcosmos, se fait racheter à hauteur de 80% par Kadokawa Corporation. Cela entraîne des changements importants au sein du studio avec notamment la nomination d’Hidetaka Miyazaki au poste de président. Ce dernier souhaite toutefois continuer d’avoir un rôle créatif au sein du studio et reste donc à la tête du projet Beast.
Durant l’E3 2014, ce dernier est enfin dévoilé sous le nom de Bloodborne. Il s’agit d’un jeu à la fois assez proche des « Souls » mais aussi très éloigné. L’univers n’est pas le même, l’aspect horreur y est bien plus prononcé et le gameplay y est infiniment plus agressif. Dans Bloodborne, l’idée centrale du gameplay est de « se battre pour sa vie ». Terminé les boucliers et place aux armes à feu ainsi qu’au système de soin qui s’active lorsque l’on frappe un ennemi durant un laps de temps très court, après que ce dernier nous ait infligé des dégâts.
Avec Demon’s Souls et Dark Souls pour ancêtres, Bloodborne conserve l’idée de hub du premier via le rêve du chasseur ; et du second le concept d’un monde où presque tout est connecté et conservé, même si les raccourcis sont relativement moins nombreux dans Bloodborne. La narration, quant à elle, est similaire aux « Souls ». C’est cryptique, et il faut lire les descriptions d’objets pour décoder un tant soit peu le fonctionnement de l’univers.
Bloodborne sort finalement entre le 24 et le 27 mars 2015. Le jeu souffre de temps de chargement excessifs ainsi que de quelques baisses du taux d’images par seconde à certains moments. Heureusement, ces problèmes sont effacés via des correctifs. Mais aujourd’hui encore, même sur PlayStation 5 par l’intermédiaire de la rétrocompatibilité, le jeu ne tourne qu’en 30 FPS. En quelques semaines, le jeu se vend à plus d’un million d’exemplaires et atteint les deux millions durant l’été 2015. Cela dépasse les attentes de Sony et impose Bloodborne comme un titre majeur de la PlayStation 4.
Un DLC baptisé The Old Hunter est rapidement mis en chantier après la sortie du jeu. De grande envergure, il compte trois nouvelles zones, cinq boss inédits et plein de nouvelles armes. Il dispose également, grâce à l’appui de Sony, du budget nécessaire afin d’enregistrer les musiques avec un véritable orchestre, de la même façon que pour Bloodborne.
The Old Hunter sort le 24 novembre 2015 et est acclamé à la hauteur du jeu original. D’un niveau de difficulté extrêmement élevé sur certains boss, l’œuvre et son extension sont des succès resplendissants. Ceci est d’ailleurs expliqué par Masami Yamamoto dans le making-of : « Peu importe qu’ils aient été crées au Japon et qu’il y ait des différences culturelles avec les autres pays, Miyazaki crée des jeux qui résonnent chez les gens du monde entier. »
Crée en 2012 par le français Nicolas Doucet (anciennement chez London Studio et Saffire), ASOBI team (du verbe japonais asobu : jouer) est une équipe au sein de Japan Studio à l’origine d’une licence un peu particulière, aujourd’hui porte étendard de la DualSense.
Lorsque Nicolas Doucet arrive au Japon chez Japan Studio, une immense période de changement s’annonce en interne. Le tremblement de terre du 11 mars 2011 frappe la région nord-est du pays de plein fouet et le studio change de directeur pour Allan Becker, l’ancien créateur de Santa Monica Studio. Cette époque marque aussi l’arrivée pas si lointaine de la PlayStation 4 et de sa caméra. Cela tombe bien pour Nicolas Doucet puisqu’il a déjà de l’expérience avec l’Eye Toy de la PlayStation 2 et le PlayStation Eye de la PlayStation 3, du temps où il travaillait encore chez London Studio.
Le projet The Playroom est alors lancé et a pour but initial de faire la passerelle entre les ingénieurs de chez Sony, qui ne savent pas forcément ce qui est fun, et les studios de jeux vidéo. ASOBI Team est à la base une équipe dédiée à la réalisation de kits R&D pour le fun plutôt qu’une équipe développant de véritables titres. Mais comme ces démos ont pas mal de succès en interne, ASOBI Team s’est mis à faire des jeux. Shuhei Yoshida a d’ailleurs notamment poussé en ce sens. The Playroom voit donc le jour le 15 novembre 2013 et est intégré d’office dans la PlayStation 4. Le jeu a pour but de démontrer les capacités de la PlayStation Caméra et de la DualShock 4 via une succession de mini-jeux.
Quand le prototype du futur PlayStation VR arrive sous le nom de code Morpheus, Nicolas Doucet et son équipe sont de nouveau mis à contribution. D’abord pas convaincu par ce nouveau casque jugé très isolant, le créateur se dit que tout le monde a une télé chez soi et qu’il faut pouvoir s’en servir comme un deuxième écran. Comme cette possibilité n’existait pas à l’origine, il fait du hacking avec une PlayStation Vita qu’il relie à la PlayStation 4 afin d’envoyer deux jeux différents de façon asymétrique aux deux écrans. Il relie ensuite la Vita à la télé et montre aux ingénieurs de chez Sony qu’il est possible de faire jouer cinq à six personnes au même jeu si le téléviseur montre autre chose que ce que l’on voit dans le casque. Les ingénieurs acceptent d’ajouter cette fonctionnalité au projet Morpheus et cela donne vie au PlayStation VR qui débarque le 13 octobre 2016, accompagné de The Playroom VR qui reste encore une fois une succession de mini-jeux.
Histoire d’enfoncer le clou, ASOBI Team sort Astro Bot: Rescue Mission le 2 octobre 2018 exclusivement sur PS VR. Il s’agit cette fois d’un jeu de plateformes complet et non plus seulement d’une succession de mini-jeux. Le petit robot, déjà présent dans The Playroom, s’appelle désormais Astro (tiens donc) et doit sauver son équipe constituée de plus de 200 personnages. L’immersion offerte par le PlayStation VR offre des sensations et des émotions assez inédites, comme le précise Nicolat Doucet dans une interview pour Terra Incognita :
« Dans un jeu vidéo classique comme Mario ou Crash Bandicoot, si on tombe et que l’on meurt, on dit ‘Ah ! Je suis mort’. On s’est projeté dans le petit personnage. Dans Astro Bot, ce n’est pas le cas : quand on meurt, c’est Astro qui est mort. C’est une relation : on existe dans ce monde et il y a deux personnages ; le joueur à taille réelle, et Astro de taille minuscule. »
Cette innovation paye puisque le jeu est aujourd’hui toujours considéré comme le meilleur jeu du PlayStation VR (avec un joli score de 90/100 sur Metacritic).
Aujourd’hui, ASOBI Team compte environ vingt-cinq personnes et est à l’origine d’Astro’s Playroom, jeu pré-installé sur toutes les PlayStation 5. Contrairement à The Playroom où il fallait être équipé d’une PlayStation Caméra pour en profiter, n’importe qui possédant la PlayStation 5 peut jouer avec le petit Astro. Construit à la base comme une succession de démos démontrant les capacités de la DualSense, les équipes de Nicolas Doucet ont cette fois voulu fusionner toutes ces démos pour créer un jeu complet. Avec environ 20 démos venant de leur corpus de base, Astro’s Playroom devient un jeu de plateformes complet, plein à craquer de références à l’histoire de PlayStation et qui démontre à merveille les capacités de la DualSense.
En février 2020, Nicolas Doucet devient le président du studio. Un français est donc à la tête d’une structure qui aura vu naître un nombre astronomique de jeux, dont certains parmi les plus grands de l’histoire du jeu vidéo. Il est impossible de parler de tous les jeux développés ou codéveloppés par Japan Studio, mais histoire d’en citer quelques-uns pour la route, Japan Studio c’est aussi des licences comme Knack, LocoRocco, Puppeteer, Everybody’s Golf, Patapon ou encore Soul Sacrifice…
Un bien beau chemin parcouru, qui ne laissait présager que du bon pour les années à venir. Mais malheureusement, le destin en a décidé autrement.
En effet, on apprend le 3 décembre 2020 que Keiichiro Toyama, l’homme derrière Siren et Gravity Rush, a en fait quitté Japan Studio le 13 août 2020 afin de fonder sa propre boîte : Bokeh Game Studio. Son départ et suivi par des membres proches de son équipe et, au fil des semaines, on comprend que ce départ n’est en réalité que le premier d’une longue série.
Le 24 décembre 2020, Teruyuki Toriyama, producteur notamment sur Bloodborne et Demon’s Souls, quitte le navire après 20 ans de bons et loyaux services.
Le 25 février 2021, c’est au tour de Masaaki Yamagiwa, un autre producteur de Bloodborne, d’annoncer son départ du studio. À ce moment-là, des rumeurs circulent quant à la fermeture de Japan Studio et à la prise d’indépendance de la team ASOBI. Il faut attendre le lendemain pour avoir la confirmation de Sony au sujet de la situation. Tout est alors confirmé et acté pour le 1 avril, date à laquelle Japan Studio est définitivement réorganisé pour ne laisser place qu’à la team ASOBI.
Entre temps, de nouveaux départs sont annoncés, comme celui de Masami Yamamoto et de Gavin Moore. Ce dernier quitte le studio le 31 mars 2021, soit la veille de la fin définitive de Japan Studio. Il était notamment l’homme derrière Puppeteer.
C’en est donc fini pour le studio ayant accompagné PlayStation depuis ses débuts, en 1993. Aujourd’hui, il ne reste plus que Team ASOBI, devenu un PlayStation Studios à part entière et qui œuvre sur un projet en lien avec Astro afin de populariser le plus possible le personnage, celui-ci ayant déjà accompagné tous les possesseurs de PlayStation 5. On leur souhaite de trouver la voie du succès afin de reprendre le flambeau du studio qui était, d’une certaine manière, le plus important dans l’histoire de PlayStation.
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