Vous n’êtes sans doute pas passés à côté d’une des annonces qui a fait le plus de bruit durant le Xbox Games Showcase de juin 2024. Clair Obscur: Expedition 33 est le premier jeu du tout jeune studio montpelliérain Sandfall Interactive. Ce RPG au tour par tour s’était attiré énormément de fans grâce à sa direction artistique unique et son gameplay atypique. À maintenant deux mois de sa sortie, une version preview sur Steam nous a été envoyée par l’éditeur Kepler Interactive afin de voir à quel point ce premier bébé en a dans le ventre. Et pour l’instant, il semblerait que malgré ses premiers pas, il est déjà un bon marcheur.
Avant d’entrer dans les détails, un petit rappel sur l’intrigue de cette version preview. Sans trop en révéler, sachez que la démo que nous avons testée commence juste après le prologue et dure environ trois heures. Après une cinématique résumant les événements du prologue, vous prenez le contrôle de Gustave et partez à l’exploration du Continent. Le jeu est tout en contrastes : bien que visuellement splendide et coloré, il réservera également des moments de profonde noirceur. Clairement, le soft n’a pas volé son nom.

La beauté à la française
Dès les premières minutes de jeu, il est impossible de ne pas remarquer la beauté de Clair Obscur. Développé sous Unreal Engine 5, le jeu propose des décors à couper le souffle. Les textures sont fines, la végétation est dense, la lumière éclatante… On pourrait presque sentir le vent nous souffler dans les cheveux. C’est une véritable réussite, surtout pour un studio d’une si petite envergure, puisqu’on parle d’à peine plus de 30 personnes. Le jeu est réellement digne de n’importe quel AAA actuel. Certes, dans le tas, quelques animations ont pu paraître un peu rigides, ou légèrement imprécises, mais rien de réellement détrimentaire au plaisir qu’on a pu avoir au cours de cette démo.

Évidemment, un jeu aussi réussi techniquement ne serait rien sans une direction artistique de premier ordre, et c’est ici aussi vraiment très réussi. Reprenant un style visuel très référentiel, on y retrouve des influences bien françaises réutilisées avec brio. L’ambiance France de carte postale des années 20 fonctionne évidemment, mais cela se combine à un style maquette du plus bel effet avec son effet tilt-shift lors des passages dans la World Map. Les décors alternent entre des environnements lumineux et colorés, et d’autres plus sombres, créant un contraste saisissant qui fait écho au fameux courant pictural du clair-obscur. Ce choix stylistique apporte une profondeur indéniable à l’expérience.

Les décors sont d’ailleurs particulièrement fournis, riches et détaillés, et nous emmènent de zone en zone, toutes plus contrastées les unes des autres. D’abord une forêt, où le vert se marie à l’indigo, mais aussi à des cavernes sombres et poisseuses. Puis il y a la World Map, qui connecte toutes les différentes régions entre elles. Une de ces zones était une arène de boss peuplée de moutons roses, dont le boss tirait visiblement toute sa puissance et sa jolie toison rose bonbon. Le dernier endroit visitable est sous-marin, et nous avons pu y trouver de beaux coraux ou des mines marines dont certains ennemis se servent comme de ballons de baudruche, mais aussi des créatures au gigantisme terrifiant capables de vous avaler d’une seule action comme une frite.
Nous avons noté un léger bémol cependant concernant les décors, qui étaient effectivement fournis et superbes, mais au point dans certains cas de gêner la lisibilité de l’exploration. Nul besoin de peinture jaune ou de marqueurs de quêtes je vous rassure, mais certains passages pouvaient parfois se cacher derrière un petit fossé qu’on ne verrait pas forcément au premier regard. Heureusement, les zones semblent assez linéaires d’après ce qu’on a pu voir pour l’instant, un petit tour suffisant pour s’y retrouver et reprendre la route.

Les visuels ne sont évidemment pas les seuls aspects sur lesquels Sandfall a travaillé. La bande-son, en partie écoutable sur Youtube d’ailleurs et composée par Lorien Testard, est elle aussi superbe. Les amateurs de piano et de violons y trouveront parfaitement leur compte, et le style français y est aussi à l’honneur. Il me semble avoir d’ailleurs noté des petits rappels à de célèbres musiques de films français avec J’y suis jamais allé de Yann Tiersen, musique présente dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, et Les Partitions de Bruno Coulais, la célèbre musique des Choristes. Hallucination auditive ou vraie référence, je vous en laisse juge, en attendant d’avoir un jour peut-être une réponse du compositeur lui même.
Tant qu’on parle du sonore, mentionnons aussi le doublage français, qui semble lui aussi de très bonne qualité. Ce qui n’est pas étonnant d’ailleurs au vu du casting aux petits oignons incluant Alexandre Gillet, la voix de Frodon dans les films du Seigneur des Anneaux, Céline Melloul, la voix d’Aerith de FF VII Remake et Adeline Chetail, les voix d’Ellie et Zelda. Il en va d’ailleurs de même pour le casting anglais qui est d’excellente qualité, avec la présence entre autres de Charlie Cox, acteur principal de la série Netflix Daredevil. Les amoureux du show seront probablement ravis. À voir si ce rôle parviendra sur la longueur à coller au personnage de Gustave.
Du RPG au tour par tour… sans attendre son tour
S’il peut arriver de brièvement perdre son chemin dans la forêt de Clair Obscur, il n’en est rien dans son combat. On se sent bien comme à la maison. Une maison rénovée et aux murs repeints. Pour ceux du fond qui n’ont pas suivi, un petit rappel s’impose. Le système de combat de ce Expedition 33 reprend les codes des RPG au tour par tour traditionnels qu’on retrouve dans un titre comme Persona, référence assumée pour Sandfall. Il y a donc les classiques attaques au corps à corps, compétences et utilisations d’objets, chacun des personnages disposant aussi d’une capacité unique. Gustave par exemple surcharge son bras mécanique afin de mettre un gros coup après quelques tours, le temps d’utiliser les compétences nécessaires à sa charge. Et Lune, l’autre personnage, bénéficie de son côté d’un genre de système de combo, où chaque compétence élémentaire qu’elle lance génère des pigments de différentes couleurs qui serviront de consommables aux prochaines compétences afin d’en booster les effets.

On retrouve aussi les classiques équipements et armes à chercher dans les zones explorables ou sur les ennemis. L’équipement est d’ailleurs un peu chiche, mais permet tout de même de bien diversifier ses builds à l’aide des Pictos, des outils augmentant les stats et permettant d’apprendre une compétence passive supplémentaire. Ces mêmes Pictos peuvent être appris aux autres personnages par le biais du Luminas, une version allégée de ces équipements sans les boost de stats.
Parmi les autres références du jeu, la série des Souls est assez évidente dans le gameplay. L’expérience engrangée au cours de l’aventure s’utilisera à un drapeau placé par les précédentes expéditions afin de monter les statistiques et débloquer de nouveaux sorts, à la manière des feux de camp des Souls. De même, les armes qu’on trouvera en jeu fonctionneront par un système de scaling, qui rendra les dégâts des contres et des attaques normales plus puissants si les stats montées se marient bien avec l’arme équipée. Les armes et les Pictos pouvant être montées aussi de niveau, la diversité sera bien présente, et permettra l’expression du joueur.

Mais comme on le disait en intro, des originalités parviennent à donner à l’expérience sa propre identité pour la sortir du simple RPG tour par tour basique. Tout d’abord, le système de combat reprend le gimmick de Legend of Dragoon. Durant le lancement des compétences, le joueur devra réagir à des actions contextuelles pour booster l’effet de son sort. Ainsi, une compétence de buff chez Gustave peut toucher l’équipe entière et durer plus longtemps si on appuie sur les boutons affichés au bon moment, mais se limitera à lui et durera moins longtemps si on se rate.
Mais c’est dans les séquences où l’on ne joue habituellement pas dans les jeux du genre, c’est à dire les tours adverses, que Sandfall a décidé de nous donner le contrôle. Le studio a effectivement lorgné du côté du jeu d’action, en plus du simple RPG tour par tour afin de donner plus de rythme aux combats et plus de contrôle au joueur. À la manière d’un Sekiro, lorsque un ennemi se décidera à nous attaquer, la possibilité d’esquiver, de parer ou de sauter se présentera à nous. Esquiver nous permet logiquement d’éviter le coup, et donc ses dégâts, et offre une fenêtre de réaction relativement généreuse. La parade demande par contre de connaître un peu mieux les patterns des ennemis, la fenêtre d’action étant plus retreinte, mais ouvrant derrière une contre attaque et un rechargement des points d’actions, une ressource nécessaire aux lancement des compétences. Le saut enfin sera utilisé pour parry des attaques bien particulières, un peu comme la parade des attaques de foudre de Sekiro, et qui ouvre elle aussi à une contre attaque. Tout cela ajoute un vrai dynamisme aux combats, et dépoussière bien le système vu comme archaïque par certains du RPG au tour par tour, en offrant plus d’opportunités et en rassurant le public plus tourné jeux d’action de tenter l’aventure.

Pour ceux qui ne seraient pas forcément attirés par le système « skill-based » du jeu, un mode facile, renommé Histoire, vous permettra d’alléger le tout pour proposer des timings de contre plus généreux et des dégâts ennemis réduits. Un mode difficile est aussi proposé pour les plus exigeants, et je n’ai pas manqué de le tester. Et en effet, l’expérience ne pardonne pas du tout. Les ennemis font très mal, les fenêtres d’actions sont millimétrées, et seuls les plus téméraires ressentiront le besoin d’aller vers ce mode, l’équilibrage du jeu me semblant pour l’instant très correct. Il nous est arrivé de croiser certains ennemis beaucoup plus difficiles que d’autres, mais il sera possible de voyager de zone en zone et de retourner en arrière librement, et donc faire les boss qu’on aurait laissé sur le chemin plus tard pour laisser à notre équipe le temps de monter.

En somme, Clair Obscur : Expedition 33 semble pour l’instant tenir toutes ses promesses. L’expérience au cours de cette preview fut particulièrement plaisante, que ce soit visuellement, narrativement ou manette en main. Et si elle réussit à se renouveler au cours des 30h nécessaires pour atteindre la fin du jeu, on sera possiblement en face d’un des meilleurs titre de cette année, et d’une des meilleures expériences de RPG au tour par tour disponibles actuellement.