Au coeur de l’été, le temps est aux bonnes choses et aux beaux moments. Et sur PSI, on aime particulièrement prendre une manette et s’évader dans des mondes mignons, loin du stress du quotidien. C’est le cas avec « Ambroise Niflette & The Gleaned Bell », le jeu à venir du studio français Topotes. Basée à Angoulême, l’équipe a accepté notre demande d’interview et est même venue en force pour nous parler, avec les présences d’Ulysse, Nathanaël, Milia et Pauline. De notre côté, PSI était représenté par Johanna, Florian et Yacine.
Bonne lecture !

Johanna (PSI) : Bonjour les amis ! Merci d’avoir accepté de nous accorder cette interview. Pouvez-vous commencer par vous présenter pour que nos lectrices et lecteurs apprennent à vous connaître ?
Ulysse : Bonjour, je m’appelle Ulysse. Je suis l’environment artist sur Ambroise Niflette. Je fais aussi du concept art. Mon boulot est de mettre en vie les décors et de créer les intérieurs et extérieurs qu’on peut retrouver dans le jeu.
Nathanaël : Moi c’est Nathanaël. Je suis le compositeur d’Ambroise Niflette. Je m’occupe de la bande originale et de l’intégration des musiques dans le jeu.
Milia : Moi c’est Milia. Je suis artiste mais je m’occupe surtout de la partie moteur dans le jeu, donc tout ce qui est intégration, shaders, codes…
Pauline : Et moi c’est Pauline, je suis character artist sur le jeu. Je fais le design des personnages, je les modde, je leur donne un petit squelette et je les anime enfin. Je suis aussi narrative designer donc j’ai fait les quêtes et les dialogues d’Ambroise Niflette.
Johanna (PSI) : Merci ! Pour rentrer dans le vif du sujet, quelle a été la genèse d’Ambroise Niflette ? On a vu dans nos recherches que vous citiez comme inspirations Danganronpa mais aussi Resident Evil 2.
Ulysse : Ce sont de vieilles références. On voit que vous avez vu notre présentation de fin de bachelor (rires). S’agissant de Danganronpa, c’est surtout une inspiration liée aux enquêtes. Pour être plus précis, on est plus sur du Ace Attorney dans la façon dont fonctionne notre game design. Pour Resident Evil 2 c’est vraiment l’histoire d’une mécanique.
Pauline : C’étaient les caméras fixes.
Ulysse : Ah oui en effet.
Milia : On s’est inspirés des plans fixes. On a allégé au niveau des transitions de mise en scène par contre. On voulait une mise en scène avec des caméras qui ne bougent pas trop pour vraiment contrôler la profondeur de champ notamment.

Florian (PSI) : Comment avez-vous eu l’idée d’Ambroise Niflette ? C’est votre projet de fin d’études si on comprend bien.
Pauline : On s’est mis en équipe car on travaillait bien ensemble. On avait même fait un jeu ensemble l’année d’avant. Milia voulait faire un jeu avec de la profondeur de champ, et moi je voulais faire un jeu avec des jouets. Ça collait bien ensemble donc on s’est lancés.
Milia : On s’est aussi inspirés des jeux en stop motion qu’il y avait quand on s’est lancés. Il y en avait beaucoup moins que ces deux dernières années (rires). On a regardé ce qui se faisait dans Fantasian avec de vraies maquettes, du côté de Lumino City, d’Harold Halibut… Ce dernier n’était pas encore sorti mais la vibe nous intéressait.
Florian (PSI) : Fantasian non plus n’était pas sorti si je ne m’abuse ?
Milia : Le premier si, en 2020 ou 2021 il me semble.
Ulysse : Nos départs de projets ne sont pas forcément hyper épiques (rires). On a surtout regardé ce qu’on aimait faire, on a trouvé un nom un peu bête ou farfelu, et on a étalé tout ce qu’on pouvait faire dessus.
Milia : On est portés sur le graphisme et il fallait en plus qu’on présente des éléments originaux pour l’école. À l’école des Gobelins il y avait une seule promo “Game Art”, il n’y avait pas de dev, pas de sound design… Donc c’était vraiment artistique et c’est pourquoi on s’est inspirés de la stop motion.
Johanna (PSI) : Qu’est-ce qui vous a amenés à poursuivre l’aventure après votre projet de fin d’études, et comment vous êtes-vous organisés au quotidien avec le travail à distance notamment ?
Ulysse : On a continué car on s’était inscrits à un incubateur qui s’appelle “Wizz” en lien avec la technopole Eurekatech à Angoulême. Ils nous ont pris avec un accompagnement centré sur le jeu vidéo. On était six projets de jeux vidéo, et donc il y avait un suivi entrepreneurial pour nous apprendre à monter une société, plus spécifiquement un studio, à chercher des éditeurs…
Milia : À la base on avait postulé à la Game Cup, et il y a des personnes en commun avec l’incubateur d’Angoulême qui nous ont parlé de Wizz.
Ulysse : On n’était pas vraiment à distance au début, car on était tous les trois (Ulysse, Milia et Pauline, ndlr) à Angoulême en colocation. On s’est “séparés” il y a un mois en déménageant.
Milia : Je suis parti en Bretagne, Nathanaël est à Paris et Pauline est restée à Angoulême.
Nathanaël : S’agissant de la composition, le travail à distance se fait sans aucun problème.
Florian (PSI) : Et c’est là qu’est né Topotes, votre studio ?
Ulysse : On s’était déjà donné le nom pendant nos études. Le personnage qu’on peut voir sur notre logo s’appelle Topo, et donc on s’est dit qu’on s’appellerait les Topotes. Et ce n’est pas non plus le plat mexicain, on n’est pas mexicains (rires).
Milia : Ça date de 2022 à peu près. La boîte n’existe toujours pas d’ailleurs, on est en instance de création. Pour l’instant on a travaillé en collectif on peut dire.
Ulysse : On a tous un statut de micro-entrepreneur ou d’artiste-auteur et on a fonctionné comme ça.

Johanna (PSI) : N’ayant pas été dans le projet initialement Nathanaël, comment as-tu rejoint le groupe pour aider à développer la musique et l’ambiance sonore, en sachant qu’il s’agit là du tout premier jeu sur lequel tu travailles ?
Nathanaël : Effectivement, je n’ai pas fait mes études aux Gobelins. Je connais en fait Pauline depuis le lycée et elle savait que je faisais de la musique depuis longtemps. On a tous les deux une passion pour le jeu vidéo et ça s’est fait tout seul que j’arrive sur le projet. C’est vraiment super de bosser sur mon premier jeu. J’ai fait une formation de composition de musique à l’image pour les films et le jeu vidéo. Sur Ambroise Niflette je suis aussi chargé de la conceptualisation, c’est-à-dire de l’ensemble de la bande originale. C’est génial d’avoir cette approche globale.
Johanna (PSI) : De ce qu’on a vu dans le dernier trailer diffusé au Wholesome Direct, Ambroise Niflette fait un peu penser au Professeur Layton et à Phoenix Wright. De votre côté, quelles ont été vos influences pour façonner l’univers de votre jeu ?
Ulysse : Pour Phoenix Wright c’est vraiment lié au game design. Dans les scènes de procès d’Ambroise Niflette, il y a l’idée de trouver le coupable du vol de la cloche. On s’aide aussi d’un carnet qui sert de base de données pour tous les indices, qui peuvent être resservis aux différents personnages pour les contredire et les confondre.
Pauline : S’agissant des graphismes, on est allés regarder du côté des dessins animés en stop motion des années 1960, comme Le manège enchanté, Kiri le clown, Oui-Oui, Titus le petit lion… Ce sont des dessins animés que mes parents m’ont montré en cassettes et je me suis inspirée finalement de mon enfance.
Ulysse : On a eu beaucoup de références partagées dans l’équipe. J’avais aussi une cassette trop cool, c’était Les Clipounets, je ne sais pas si vous connaissez ? Il y avait cette esthétique faite main que j’aimais beaucoup.
Pauline : Dans Oui-Oui il y avait aussi cet aspect du village avec des jouets qui était intéressant.
Florian (PSI) : On a parlé de Resident Evil tout à l’heure, de Professeur Layton… Dans l’intro de votre trailer, l’entrée du personnage m’a beaucoup fait penser à Professeur Layton et l’étrange village. Était-ce une référence ?
Ulysse : C’est exactement cela oui (rires). On est de gros fans de Layton. On n’a pas d’énigmes à puzzles dans notre jeu, mais l’ambiance est là, celle d’un village européen, mystérieux…
Milia : Normalement, Pauline a tout de même fait en sorte que nous ayons des histoires qui tiennent beaucoup plus que celles de Layton, qui sont tirées par les cheveux (rires).

Florian (PSI) : Ce sont certainement des jeux charmants, après sont-ils bien écrits (rires)…
Ulysse : Je ne sais pas s’ils ont vraiment la fibre de l’écriture dans le studio de Layton (rires).
Pauline : Le côté absurde de Layton est marrant aussi.
Florian (PSI) : Je ne sais pas si vous avez fait l’opus “L’héritage des Aslantes”, où on apprend d’un coup que Layton a un père et en fait toute une famille…
Ulysse : J’avais aussi noté l’inspiration très marquée de L’héritage des Aslantes avec “Le château dans le ciel” du Studio Ghibli (rires).
Milia : On est peut-être plus attachés aux premiers jeux qu’aux derniers.
Ulysse : J’aime tout de même l’épisode Phoenix Wright. C’est aussi tiré par les cheveux mais bon.
Florian (PSI) : Merci de ne pas vous inspirer des Layton pour leur écriture (rires) !
Ulysse : On s’est aussi inspirés de Paradise Killer.
Milia : C’était un peu le cas au début, avec une volonté de faire un univers très ouvert. Finalement Ulysse et Pauline m’ont rattrapé le col pour me dire d’y aller doucement (rires), et maintenant on découvre les zones d’Ambroise Niflette petit à petit, tout en ayant la liberté de ne pas tout devoir faire dans le bon ordre. Concernant Paradise Killer, on a aimé l’idée d’interviewer les témoins dans l’ordre qu’on veut en leur présentant les preuves aussi dans l’ordre qu’on veut.
Johanna (PSI) : Concernant le style artistique, la stop motion est de plus en plus présente dans le jeu vidéo. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous tourner vers ce style, et comment a été envisagé le processus créatif à partir de cette technique pour créer l’univers du jeu ?
Pauline : Pour l’animation, je trouvais la 3D pas super pertinente. J’ai juste regardé plein d’épisodes de Oui-Oui pour voir comment ça marchait (rires). J’ai remarqué par exemple que les personnages bougent tout le temps la tête. C’est tout de même un gros aspect de la stop-motion, qui fait un peu marionnettes. Après, c’est animé image par image, étape par étape.
Florian (PSI) : Lorsque vous avez eu l’idée de la stop-motion, était-ce plus facile ou difficile à réaliser que de la 3D ?
Pauline : Quand on était à l’école, je ne pensais pas vraiment à la stop motion, on faisait surtout de la 3D. Dans le jeu, tout jusqu’à la profondeur sert la stop-motion.
Milia : On s’est même posé la question au début de faire de vraies maquettes, mais on a vite abandonné car c’était compliqué niveau logistique.
Ulysse : Il fallait aussi qu’on aille assez vite. On a beaucoup appris durant le développement, plus qu’à l’école en réalité, et le gap entre 2023 et aujourd’hui est assez impressionnant. On faisait comme on pouvait au début avant de vraiment apprendre les bonnes techniques.
Milia : Notre projet de fin d’études était vraiment notre premier projet en 3D.
Pauline : Au début on apprenait sur le logiciel Maya et c’était pas très ergonomique. C’est quand on a commencé à utiliser Blender que ça a été une vraie libération, qui nous a redonné l’envie de faire de la 3D.
Florian (PSI) : Si je résume bien, Ambroise Niflette était au départ en 3D et ensuite il est passé en stop motion c’est ça ?
Ulysse : Ah non, non ! Tout est de la 3D, Pauline a juste appliqué la méthode de fabrication des animations en stop motion sur Blender. Moi aussi pour les environnements, c’est vraiment juste de la 3D. Il y a rien de réel.
Milia : Il n’y a aucune maquette, aucune figurine qui existe réellement.
Ulysse : À part la petite figurine que Pauline a créé pour le trailer qui a vraiment été animée en stop motion par Frigo Films, un studio angoumoisin d’animation. Sinon tout est faux en fait, ce ne sont que des artifices.
Johanna (PSI) : Au-delà d’être un centre créatif très important pour la bande dessinée, Angoulême semble également se développer de manière exponentielle au niveau du jeu vidéo. J’ai notamment pensé à Hibernian Workshop, Seed by Seed et Demon Max qui sont passés récemment à l’AG French Direct. Comment expliquez-vous cette recrudescence de studios qui y voient le jour ? Est-ce que le fait qu’Angoulême soit un carrefour artistique est l’une des raisons ?
Pauline : Grâce aux efforts de la région. Par exemple, le programme Wizz où on était. Chaque année, ils ont plusieurs studios qui viennent le faire, dont plusieurs qui restent.
Milia : La Game Cup aussi qui a un incubateur dans l’ENJMIN.
Ulysse : C’est vrai qu’il y a l’ENJMIN, Angoulême a la seule école publique du jeu vidéo et ça attire du monde. Pour des studios qui n’ont pas déjà leurs équipes, ça permet d’aller recruter à la sortie de l’école, ou du moins de prendre des stagiaires.
Pauline : Il y a SO Games aussi, une association dans laquelle il y a plein de studios enregistrés. Comme ils font pas mal d’afterwork et que tout le monde est sympa, ça crée de l’émulsion qui donne envie de venir s’installer.
Milia : Ils sont très actifs en Charente et à Bordeaux, la Nouvelle Aquitaine en général. Ils organisent beaucoup d’événements comme le Game Invest, la Game Conf et spawn! tous les ans. Ils permettent d’aller à des événements avec des billets moins chers, Pauline était notamment allée à Cologne pour la Gamescom. Tout ce qui est Game Cup et ENJMIN, ça fait partie de Magelis, le pôle image d’Angoulême qui regroupe aussi le cinéma d’animation et la bande dessinée, avec un élargissement vers le jeu vidéo ces dernières années. On en parlait l’autre fois, mais il y a très peu de régions avec autant de moyens qui sont mis pour les studios.
Ulysse : Même de pouvoir discuter avec tout le monde, de pouvoir connecter. Par exemple quand on cherche du boulot, des choses comme ça.
Milia : Et c’est moins cher ! Il y a plein de gens qui sont venus s’installer parce que c’est moins cher que Paris.
Pauline : En plus Angoulême c’est TROP bien, il y a plein de choses à faire. C’est une ville jeune et dynamique. Moi ça me convient bien, même si je sais qu’il y en a qui n’aiment pas parce qu’ils préfèrent les grosses villes.
Ulysse : Il y a des gens qui disent qu’Angoulême, c’est un peu le triangle des Bermudes. T’y rentres, tu ressors pas (rires).
Johanna (PSI) : Le jeu se passe dans le joli village français de Touvoir-en-Thym-et-Pomme. Comment avez-vous choisi ce nom si particulier ?
Pauline : On l’a généré un après-midi sur un site de génération de noms (rires collectifs). Je suis navrée !
Milia : Comme les sites pour trouver un nom pour les personnages fantasy.
Pauline : On a eu Touvoir, et puis on a rajouté en-Thym-et-Pomme. On cherchait quelque chose qui sonnait comme un village français, et là on pourrait vraiment croire que ça existe.
Ulysse : Après avoir trouvé ce nom-là, on s’est dit que c’était un peu du génie. On peut faire la même chose pour d’autres villages, avec Touboire-en-Pinte-et-Rhum, ou Terroir-en-Pain-et-Tomme. Il peut y avoir différentes histoires avec des villages voisins.
Nathanaël : Ça fait très version dessin « animéisée » d’un nom de village français.
Ulysse : C’est comme Ambroise Niflette, des fois on trouve un prénom, puis on se dit que c’est marrant et que ça marche plutôt bien.
Johanna (PSI) : Pauline, tu es à la fois character artist et narrative designeuse, en quoi le fait de gérer ces deux casquettes (qui sont souvent séparées dans les autres jeux) t’aident à façonner l’écriture du titre ?
Pauline : Je voulais faire du narrative design parce que je voulais écrire les dialogues à travers lesquels se passe toute l’histoire. Comme j’ai créé les personnages, je savais quelles personnalités je voulais leur donner, leur façon de parler, les relations qu’ils auraient les uns avec les autres. Les dialogues allaient avec les quêtes, alors il fallait les écrire en même temps. De tout ça a découlé le level design parce qu’il faut que chaque lieu ait le même nombre de choses intéressantes, que chaque personnage ait des histoires cool à raconter, qu’ils soient tous un peu suspects.

Florian (PSI) : Est-ce que vous avez aussi travaillé ensemble sur l’écriture de certains personnages pour donner des idées à Pauline ?
Pauline : La trame principale on l’a écrite ensemble : qui est le coupable, pourquoi il a fait ça… On avait même écrit le début et la fin avant de faire le milieu.
Milia : Ça nous a pris un peu de temps de trouver une histoire qui nous intéressait, on savait pas qui on voulait comme coupable non plus. Au bout d’un moment, on a eu le déclic et on était content.
Ulysse : On aime bien se laisser un peu de liberté en se disant qu’on a chacun nos domaines d’expertise, mais si quelqu’un veut par exemple faire un design d’intérieur, il y a pas de souci. Pour les personnages, Milia a fait le design d’une poissonnière et moi j’ai fait le design du prêtre dans le jeu. Ça collait peut-être plus aussi à nos esthétiques.
Pauline : Les personnages que j’avais fait à l’école étaient un peu moches, donc j’ai refait tous les modèles en ajoutant des détails au design de chacun.
Florian (PSI) : Est-ce que vous avez changé le nom du coupable pour le jeu final ou vous avez gardé celui du projet initial ?
Milia : C’est toujours le même (rires).
Pauline : Si je peux revenir un peu sur les noms, il y avait pas d’idée derrière Touvoir-en-Thym-et-Pomme, par contre on a bien réfléchi pour les personnages. Il y a plein de détails avec des jeux de mots, comme par exemple pour le prêtre fait par Ulysse qui est le Père Incube.
Ulysse : Parce que c’est un diable en boîte, on le voit dans le trailer. On essaye toujours que les noms reflètent un peu quand même l’énergie du personnage. Par contre c’est que des prénoms en français, on a vu certains dire qu’ils voulaient pas s’essayer à dire le nom du village parce que c’est diabolique pour eux. On a déjà anglifié le nom du jeu, même si la blague est plus drôle en français.
Johanna (PSI) : La musique du jeu possède un aspect nostalgique qui nous ramène à d’anciens dessins animés français, avec l’usage important de la musette. D’où vous est venue cette ambiance sonore, et quel rôle joue-t-elle dans l’univers d’Ambroise Niflette ? J’ai notamment vu sur la page du Kickstarter qu’il y a une musique un peu différente en fonction de chaque environnement.
Nathanaël : Déjà je suis très content que ces inspirations transparaissent ! C’est une ambiance à laquelle Pauline, Ulysse et Milia avaient déjà réfléchi en amont puisque ça suit les inspirations graphiques et artistiques du projet. L’idée était d’avoir une ambiance sonore au global qui sonne légèrement enfantin, assez nostalgique. La musette était évidente car c’est un village français, mais après c’est vrai qu’on a une approche un peu différente en fonction des thèmes. Par exemple, la musique d’ambiance extérieure quand on se balade dans le village est légère, elle accompagne le calme de Touvoir-en-Thym-et-Pomme. Pour le générique de fin, on pense à quelque chose qui se rapproche des dessins animés des années 80. C’est un mélange de styles sur lequel il est super intéressant de travailler. Chaque personnage va aussi avoir une musique différente pour refléter leur personnalité et leurs traits caractéristiques.
Florian (PSI) : As-tu également travaillé sur le sound design ?
Nathanaël : Alors pour l’instant non. Le sound design de la démo avait déjà été fait par un studio de sound design. À l’avenir, c’est peut-être ce que je ferai mais c’est à discuter.
Ulysse : Pour ce qui est du Sound Design, on a discuté avec le studio Light Fader. C’est Pauline qui les avait rencontrés à Paris, à la Game Connection. À l’époque, ils s’appelaient Audio Workshop. Maintenant, ils sont bien plus connus puisqu’ils ont bossé sur Clair Obscur et d’autres jeux bien stylés. Ils étaient vraiment trop sympas alors que nous n’étions qu’une petite entité. On verra peut-être plus tard avec eux pour retravailler ensemble, mais nous gardons un bon souvenir de cette collaboration.
Johanna (PSI) : Comment est-ce que vous avez préparé la campagne de communication et de financement participatif en amont et quelles ont été les différentes étapes pour garantir son succès ?
Ulysse : Ça s’est fait par un gros coup de pied au fesse de Pauline (rires). Dans l’idée, ça s’est passé comme ça. On a une amie d’un autre studio angoumansin qui nous a incité à participer au « Wholesome Direct » J’étais personnellement anxieux et dubitatif. Pauline était plus téméraire, à pousser l’équipe à s’engager dans l’idée, même si elle était aussi stressée. On s’est donc inscrits, et on a reçu une réponse positive. On était assez étonné. Et c’est à la suite de ça, un bon mois avant l’échéance, que Pauline a dit « non mais c’est le moment d’utiliser cette opportunité pour faire un Kickstarter parce que je pense qu’on n’aura pas d’autres fenêtres médiatiques aussi grosses. »
Milia : Après, c’était déjà une idée qu’on avait réfléchi il y a longtemps mais on a jamais vraiment sauté le pas faute de budget à mettre dans du marketing ou de la com’, donc c’était vraiment la dernière occasion qu’on avait avant de continuer à galérer on va dire.
Ulysse : Et comme on nous le disait aussi, il y a le côté Kickstarter où si on a une grosse communauté, on peut se permettre de dire « on va peut-être gagner quand même un peu d’argent là-dessus ». Mais ça sert majoritairement à la construire. Notre Kickstarter va toutefois surtout à avancer dans le développement du titre.
Pauline : Le gros problème que l’on a depuis un an, c’est qu’on n’a pas de programmeur, ce qui fait qu’on ne peut plus trop avancer sur le jeu. Et même s’il y a plein de gens sympas qui viennent nous voir parfois en event et tout et qui nous disent « je veux bien développer avec vous », on veut quand même pouvoir les payer, ne serait-ce qu’un peu quand même. C’est gentil de vouloir le faire gratuitement, mais tant qu’on avait pas l’argent, on remettait toujours à plus tard et le développement retardait.
Ce Kickstarter, c’était donc un peu l’occasion de récupérer juste assez au moins pour payer un programmeur pendant quelques mois pour que l’on puisse avoir nos systèmes, et avancer. Envoyer une vertical slice à éditeur qui pourrait aussi nous aider à avoir des fonds pour nous payer nous-mêmes. Car cela fait un an et demi qu’on travaille le jeu sans se verser de rémunération.
Ulysse : C’est un classique effet de levier. Auparavant, on a travaillé avec une amie à Milia qui nous a beaucoup aidé sur la partie dev’. On se débrouille également pour tout ce qui est un peu nodal, mais c’est vrai qu’il y a des fois des choses un peu plus complexes où là, il y avait un besoin d’aller un peu plus loin et donc d’avoir quelqu’un qui a plus d’expérience.
Après, on a déjà des systèmes. Peut-être qu’il y a des choses à refaire mais c’est sûr que quand on aura la bonne personne, l’imbrication du jeu va allez assez vite. Ambroise Niflette n’est pas non plus un jeu extrêmement long, ni qui demande un game design et un montage des différentes mécaniques hyper complexes.
Milia : On pourrait se dire qu’un jeu comme ça avec des dialogues n’est pas si compliqué à réaliser. Mais vu le nombre de textes qu’on a, on est obligé de passer par des interfaces, où c’est plus simple de faire le narrative design et tout ce qui est gestion des données, tout ce que ça implique derrière en C++ puisque c’est très dur à faire dans Unreal. Nous, on est juste artistes.
Florian (PSI) : Vous avez trouvé votre développeur ?
Ulysse : Non. Plutôt, on a déjà des pistes, déjà des contacts de gens, que ce soit sur Angoulême ou dans les parages. Ce qu’on attendait, c’était de pouvoir rémunérer la personne. On voulait aussi que cela soit motivant pour elle. Mais le Kickstarter ne joue pas que sur la recherche de dev’, ça joue aussi sur la recherche d’un potentiel éditeur. Ça peut créer l’impulsion. Et puis, il y a quand même les gens qui ont envie de voir le projet aboutir. On le voit sur Steam, et c’est une motivation supplémentaire.
Johanna (PSI) : Comme votre équipe est composée uniquement d’artistes, comment est-ce que vous abordez les aspects promotionnels du jeu, les réseaux sociaux ou la gestion de la page Steam, qui sortent de vos domaines d’expertise ? Est-ce que vous avez rencontré des challenges à ce sujet ? Je pose la question parce que l’on se suit sur les réseaux et je me suis plus ou moins doutée que, comme beaucoup de petites équipes, vous n’avez pas forcément quelqu’un dédié à la communication…
Ulysse : Le feeling (rires).
Pauline : On demande aussi pas mal autour de nous à des gens qui s’y connaissent un peu, vu qu’il y a beaucoup de studios autour. Par exemple, pour le Kickstarter, j’ai demandé à Jean du studio Seed by Seed.. Après, c’est aussi regarder ce que les autres font pour les pages de Kickstarter, étudier à quoi ça ressemble, quels genres de récompenses les gens mettent en général, les prix, etc. Et puis, pour les postes, on fait un peu des renders, des illustrations, et on essaie d’en poster assez régulièrement.
Milia : On essaie d’être présent, d’essayer de répondre un peu quand on peut aux gens qui nous mettent des commentaires ou des choses comme ça. Après, si on a une idée, on la fait, on la montre aux autres, et on la poste. Mais c’est un peu au hasard.
Ulysse : On essaie aussi de suivre certaines trends entre les différents hashtags qui sont quand même intéressants. On a aussi décidé de ne pas abandonner Twitter, même si le réseau est détenu par une personne peu recommandable car une grosse partie de la sphère gaming y est encore présente. On poste juste pour Ambroise Niflette, et le côté promotionnel. Après, on a aussi Bluesky même si le fonctionnement est encore un peu complexe. Mais les postes marchent mieux sur Bluesky que sur Twitter, des fois.
Milia : Mais ça sort un peu moins de notre sphère aussi.
Nathanaël : Et moi, même si je suis arrivé plus récemment, j’ai pu m’investir en dehors de la musique car je maîtrise aussi ces sujets là, en ayant fait des études de commerce (ESSEC). Je peux donc apporter mon expertise au studio sur le côté marketing, comptabilité, etc.
Johanna (PSI) : Et justement, moi, je me posais cette question de savoir si ça vous demande beaucoup aussi de réfléchir à tout ça ? Est-ce que vous arrivez à y dédier un peu de votre temps, au quotidien ? Ou est-ce que ça vous prend trop de temps ?
Pauline : Le projet pour l’heure, est en pause. Donc, on a le temps pour faire d’autres choses, comme des renders en 3D qui sont nos assets du jeu. Et le travail fait sur le jeu peut-être diffusé sur les réseaux.
Ulysse : Après…peut-être que des fois, on partage trop de choses. Je ne sais pas comment les gens le voient de l’extérieur, mais je pense que ça va. Après, ça reste peut-être assez cryptique, donc c’est peut-être pas plus mal. Cela dit, on a été beaucoup plus concentrés sur le Kickstarter. Parce que mine de rien, ça a pris quand même pris un peu de temps de se dire, qu’est-ce qu’on met comme texte, qu’est-ce qu’on met comme présentation.
Milia : Je ne sais pas si on pourrait clairement poster autant si on était à fond dans le jeu…
Ulysse : C’est vrai qu’avoir quelqu’un qui soit spécialisé sur ces aspects promotions et marketing, ça doit aider énormément.
Milia : On va dire, entre guillemets, que ça tombe bien qu’on ne puisse pas avancer sur le jeu, puisque ça nous permet de nous concentrer pleinement sur le Kickstarter (encore en cours à l’écriture de ses lignes) tous les jours. En plus, Ulysse ne peut plus travailler sur le jeu depuis 1 mois et demi puisque son PC a rendu l’âme…
Ulysse : Mais je vais en récupérer un dans deux semaines. Et là, ça va Nifler grave (rires). Mais c’est vrai que ça intercède avec beaucoup de récits de projets où la production est très décousue. On avance, on avance bien même. Et après, il y a une pause parce que c’est compliqué. Puis, on remet le pied à l’étrier. Et en même temps, on n’a pas envie d’abandonner. Au fur et à mesure, ça avance.
Milia : Et puis, je le redis, mais le fait de voir qu’il y a plein de monde sur les réseaux et sur les wishlists depuis le Wholesome Direct, ça fait du bien aussi.
Collectif : C’est, en résumé, beaucoup de hauts et de bas. C’est une aventure, c’est un peu la vie d’artiste, les amis que l’on se fait en chemin. Mais de toute façon, on va sortir Ambroise Niflette, c’est sûr.
Ulysse : Et après, on sortira peut-être Ambroise Nifflet et la Coupe de Champagne perdue ou un truc comme ça. Et ça se passera à En-pinte-et-Rhum.
Pauline : Je pense qu’on peut faire un jeu où les bulles du champagne ont disparu (rires).
Johnna (PSI) : Dernière question sur l’industrie de manière plus générale. L’industrie du jeu vidéo est dans une période plus que compliquée pour les studios. Quel impact cela a-t-il sur votre équipe, notamment en ce qui concerne la recherche d’un éditeur pour financer le développement du jeu ?
Pauline : On a rencontré des éditeurs, par exemple à Gamescom, qui étaient intéressés par le jeu, parce qu’ils trouvaient ça marrant. Mais comme on n’a pas cette fameuse vertical slice à leur envoyer, on n’a pu trop engager la conversation avec eux. Tant qu’on n’a pas un truc propre à leur envoyer, ils ne voudront pas nous aider, puisqu’ils prennent moins de risques avec les équipes réduites.
Ulysse : C’est vrai que je pense que nous, on a peut-être cette chance d’avoir eu autant de discussions par rapport des amis qui avaient des fois un jeu bien plus avancé que le nôtre. On a surtout été contactés par des éditeurs étrangers. Mais il y a encore beaucoup de choses qui bloquent de notre côté comme le fait de ne pas avoir de boîte dédiée, même si chaque membre de l’équipe fonctionne en micro-entreprise. Après, il ne faut pas se leurrer de l’état de l’industrie. On nous disait « non mais là, ça va mieux, ça va aller mieux. » Mais c’est très loin d’être le cas.
Milia : On a eu de la chance de passer dans le Wholesome Direct, parce que là, ça nous a fait percer, on va dire. Donc on a quand même plus de chance de mener le projet à terme, plus d’arguments à faire valoir aux éditeurs aussi. Déjà, on peut payer un programmeur et continuer la slice. Sans compter les wishlists, la présence sur les réseaux. C’est un coup de chance, mine de rien. Parce que sans ça, on aurait serait toujours en galère pour avancer.
Ulysse : On a encore beaucoup de choses à faire et ça, on le sait dans tous les cas. Et tout cet enchaînement nous donne un boost supplémentaire, on est hyper content. Maintenant, on a vraiment une attente aussi. On a plus de 800 personnes qui sont là en mode, nous, on l’attend avec impatience, votre jeu. Il ne faut pas nous matraquer, on fait comme on peut avec le mieux, et l’énergie qu’on a. Mais on est vraiment hyper ravis de l’opportunité, et on va le sortir ce jeu !!
Milia : Vous verrez, on aura des éditeurs de fou, des contrats à 2 millions et une sortie chez l’un des plus grand éditeurs de jeux indépendants…
Florian (PSI) : Est-ce que vous avez sinon un dernier mot pour conclure cette interview ?
Collectif : Merci à vous d’être arrivés à la fin de cette interview ! On espère qu’elle vous a plu ! N’hésitez pas à nous suivre sur nos réseaux, rejoindre notre discord où déjà plein de personnes très stylées sont présentes et n’hésitez pas à wishlist Ambroise Niflette pour nous donner de la force. On va travailler dur pour sortir ce jeu.