Embark Studios. Ce nom ne vous est sûrement pas étranger ces dernières années puisqu’il s’est rapidement imposé comme l’un des studios les plus prometteurs de l’industrie vidéoludique. Fondé en novembre 2018 par Patrick Söderlund — ancien pilier de DICE et superviseur de la franchise Battlefield jusqu’à son départ d’Electronic Arts — le studio va vite recruter de nombreux autres vétérans de DICE et d’EA, couvrant l’ensemble des pôles clés du développement. Cette concentration de talents traduit une ambition claire : proposer des expériences innovantes et créatives, capables de se démarquer dans un paysage vidéoludique saturé.
Parmi les 2 projets du studio, Arc Raiders occupe une place particulière puisqu’il devait être le premier jeu à sortir. Initialement conçu comme un titre coopératif en free-to-play et dévoilé aux Game Awards en décembre 2021, le projet est profondément remis en question après des phases d’alpha peu concluantes. Mis temporairement de côté, il laisse place à The Finals, un jeu d’arène multijoueur ambitieux axé sur la compétition et une destruction spectaculaire. Sorti en décembre 2023, le titre peine toutefois à séduire un large public, son exigence et son manque d’accessibilité limitant son succès commercial. Mais le talent était déjà là, l’ambition d’innover et de proposer quelque chose d’unique dans l’industrie aussi.
C’est en août 2024 qu’Embark lève le voile sur le « nouvel » Arc Raiders dans une version entièrement repensée : un jeu PvPvE désormais orienté vers l’extraction-shooter, prévu pour 2025. Mais surtout, un nouveau business plan est annoncé. Auparavant prévu pour être gratuit, il est cette fois-ci annoncé comme un titre payant. L’ambition a augmenté, l’audace aussi, puisqu’ils prennent le pari de se lancer dans un genre extrêmement niche popularisé par Escape From Tarkov. Après un premier test technique mitigé en octobre 2024, une seconde phase de test en avril 2025 marque un tournant décisif, révélant un jeu bien plus abouti et convaincant, à tel point que cela pouvait sortir quelques jours après.
Sorti officiellement le 30 octobre 2025, Arc Raiders parvient à s’imposer malgré une concurrence féroce en sortant entre Battlefield 6 (le 10 octobre) et Black Ops 7 (14 novembre) et remporte le prix du Meilleur jeu multijoueur aux Game Awards.
À travers les lignes qui vont suivre, je vais vous expliquer pourquoi ce prix est mérité.

Pourquoi Arc Raiders mérite-t-il son titre de meilleur jeu multi aux Game Awards ?
Arc Raiders était nommé aux côtés de sacrés noms : Battlefield 6, Elden Ring: Nightrein, Peak et Split Fiction. Il était loin d’être le favori, surtout vu le carton commercial et critique de Battlefield 6 ou encore le très surprenant Peak et l’incroyable Split Fiction. Cependant, si Arc Raiders est sorti vainqueur, c’est parce que l’immense qualité de sa proposition a été découverte du grand public sur le temps additionnel de cette année. Les premières heures de jeu démontrent un produit qui propose quelque chose de différent, qui a une âme et une identité propre mais surtout, qui ne souffre d’aucun souci majeur nécessitant des mises à jour sur plusieurs mois pour avoir un produit fini. C’est notamment sur ce point, en plus des nombreuses qualités du jeu que j’expliquerai par la suite, qui font que le jeu a eu de si bons retours. Ces dernières années, nous avons trop été habitués à des sorties de jeux multijoueurs dans un état à la limite du jouable. Les éditeurs se cachaient derrière l’excuse du jeu-service pour terminer leur jeu en fonction du retour des joueurs bien après sa sortie. Arc Raiders ne rentre pas dans cette liste et est clairement l’exception qui se fait rare dans l’industrie.
D’autres nommés auraient pu mériter ce titre : Split Fiction qui propose une aventure incroyable à réaliser en écran partagé, une fonctionnalité qui n’existe quasiment plus aujourd’hui, ou encore Peak qui est une expérience amusante d’escalade en coopération. Ces deux jeux n’ont probablement pas été choisis car il ne s’agit « que » de jeux en coopération, là où Arc Raiders propose la possibilité de coopérer dans un monde hostile, avec également la présence de PvP. Elden Ring Nightrein est très probablement celui qui méritait le moins car il n’est qu’une expérience standalone de l’univers, qui ne réinvente rien. Enfin Battlefield 6 était le grand favori à cette distinction. Mais malgré le retour en force de la licence, il n’a pas été choisi. C’est aussi ça la magie d’une cérémonie de récompense : le plus gros nom ne remporte pas forcément les prix.

Embark réussit… là où les autres ont échoué
Sur le papier, Arc Raiders ne réinvente pas les fondations du genre de l’extraction-shooter. Le principe reste familier : sélectionner une carte, s’engager sur le terrain, récupérer du butin, affronter des ennemis — qu’ils soient contrôlés par l’IA ou par d’autres joueurs — puis tenter de s’extraire avant la fin de la session. La mort, elle, entraîne la perte de l’intégralité de l’équipement transporté. Cependant, là où de nombreux extraction-shooters ont échoué en tentant de reproduire à l’identique la formule d’Escape From Tarkov, Arc Raiders fait un choix radicalement différent : celui de l’accessibilité. En s’éloignant de la logique ultra-punitive qui rend le genre élitiste et souvent décourageant pour les nouveaux venus, le jeu parvient à préserver la tension inhérente à l’extraction tout en la rendant plus accueillante pour un public élargi. Très rapidement, le joueur comprend que l’échec n’est pas systématiquement synonyme de frustration. Preuve par des exemples :
- Cette philosophie se traduit dès la préparation des raids. Avant chaque déploiement, il est possible de sélectionner un Arsenal Gratuit, offrant un équipement de base composé d’une arme, de quelques munitions, d’un bandage, d’une grenade et d’un chargeur de bouclier. Cet arsenal est accessible de manière illimitée. Certes, il expose davantage le joueur aux dangers du terrain, mais il vous garantit de vous extraire sans risquer de perdre un équipement durement acquis lors de précédentes sessions, tout en conservant la possibilité de s’extraire avec un butin inédit.
- À cela s’ajoute un système de poches sécurisées, accessibles via les modules d’inventaire. Celles-ci permettent de conserver certains objets — à l’exception des armes et des boucliers — même en cas de mort. Un compromis malin, qui atténue la brutalité du genre sans en retirer les enjeux.
- La progression repose également sur une gestion plus souple des ressources. Arc Raiders intègre un Coquillard, une entité capable de ramener automatiquement des matériaux après chaque raid, indépendamment du succès ou de l’échec de l’extraction. Améliorable, ce système permet de générer davantage de ressources communes au fil du temps, réduisant ainsi la nécessité d’en récupérer en partie et étant un gain de temps conséquent.
- Au-delà de ces mécaniques, le jeu se distingue par la clarté de son écosystème. Malgré une interface qui peut sembler dense et bordélique lors des premières heures, l’organisation générale s’avère rapidement lisible avec le temps. Les marchands permettent d’acheter de l’équipement et de récupérer des quêtes aux objectifs variés, tandis que l’Atelier, améliorable, ouvre l’accès à un éventail croissant de possibilités de fabrication.
- Un système de compétences complète cette structure, articulé autour de trois branches distinctes : Mobilité, Survie et Conditionnement. Avec un plafond fixé à 75 niveaux — et donc 75 points de compétence — le joueur est invité à spécialiser son personnage selon son style de jeu. La Mobilité favorise l’agilité et l’endurance, la Survie améliore les capacités de looting, tandis que le Conditionnement renforce la résistance physique et la gestion du poids. Et si vous souhaitez réinitialiser votre arbre, c’est désormais possible depuis la dernière mise à jour, en échange d’une grosse quantité de la monnaie virtuelle du jeu.
- Le système de quêtes participe pleinement à cette volonté de réduire la frustration. Généralement simples à compléter, nombre d’entre elles ne nécessitent même pas de s’extraire avec succès pour être validées. Le joueur reçoit sa récompense dès son retour au menu, même en cas de mort, ce qui encourage l’expérimentation et la prise de risques sans sentiment de perte systématique.
- Le jeu adopte une vue à la 3ème personne, ce qui est très différent de la majorité des Extraction-Shooter qui privilégient la 1ère personne. Cette décision modifie profondément la perception du terrain, offrant une meilleure lecture de l’environnement et une conscience accrue des menaces alentour. Un changement qui renforce l’accessibilité sans nuire à la tension des affrontements.
- L’utilisation exclusive d’ennemis robotiques pour le PvE permet ensuite une distinction nette entre les menaces contrôlées par l’IA et les adversaires humains, supprimant toute ambiguïté quant à la nature du danger rencontré, là où d’autres titres du genre entretiennent volontairement le doute avec des ennemis en forme humaine.
- Enfin, le système de wipe, appelé Expedition, est un classique du genre puisqu’à un certain moment durant la vie du jeu, tout votre inventaire est réinitialisé et vous repartez de zéro. Habituellement imposé à l’ensemble de la communauté, il devient ici optionnel. Accessible à partir du niveau 20, l’Expédition demande de réunir les ressources nécessaires à la construction d’un vaisseau en plusieurs phases. Une fois lancée, elle permet de repartir à zéro avec un nouveau personnage, tout en conservant certains éléments permanents. Un choix de design majeur, qui respecte à la fois les joueurs investis et ceux au rythme plus occasionnel.
Bref, vous l’avez compris, Arc Raiders ne conditionne pas toute son expérience à la réussite d’une extraction. Grâce à un système de progression complet, des quêtes faciles à réaliser et des mécaniques pensées pour limiter la perte punitive de son équipement, le jeu réduit drastiquement la frustration traditionnellement associée au genre. Plus encore, il laisse au joueur la liberté de progresser à son propre rythme, sans jamais l’obliger à un wipe imposé. Une approche intelligente, qui démontre qu’Embark Studios a parfaitement compris que pour populariser l’extraction-shooter, il fallait avant tout en repenser l’accessibilité, plutôt que de chercher à imiter aveuglément les fondations d’Escape From Tarkov, basées sur un investissement permanent en jeu.



La cohabitation PvPvE : un élement indispensable qui rend le jeu unique
Le changement de direction du jeu en passant d’un jeu PvE à un jeu PvPvE a suscité de vifs débats avant même sa sortie, débats qui perdurent encore aujourd’hui. Les appels à l’intégration d’un mode purement PvE restent fréquents au sein de la communauté. Pourtant, cette décision créative constitue sans doute la meilleure décision d’Embark Studios — et mérite d’être pleinement assumée et maintenue.
Là où Arc Raiders brille et rend l’expérience unique, c’est dans la richesse des interactions humaines qu’il engendre. Le jeu intègre un chat vocal de proximité, un élément de design qui transforme radicalement l’expérience. Si la coopération en Trios avec d’autres escouades est pratiquement impossible, le jeu en solo, en revanche, offre une expérience totalement différente. À la communication vocale s’ajoutent plusieurs interactions contextuelles — saluer un joueur, proposer une coopération ou signaler une intention pacifique via le désormais emblématique « Don’t shoot ».
Ces outils donnent naissance à des moments de jeu rares dans le genre. Il m’a ainsi été possible, à de nombreuses reprises, de rencontrer des joueurs inconnus, d’échanger avec eux, de coopérer temporairement, de partager des informations sur des quêtes, l’emplacement de ressources ou même de l’équipement recherché. Certaines parties ont vu se former des groupes improvisés de trois ou quatre joueurs, décidant d’explorer la carte ensemble, d’affronter les ARCs les plus redoutables, de se répartir le butin et de s’extraire collectivement. Une expérience profondément humaine, rendue possible uniquement par cette ouverture au dialogue et à la coopération non scriptée.
Tout n’est pas tout rose et les différents comportements humains que l’on peut retrouver dans la vie réelle se matérialisent aussi en jeu. La coopération peut faire face aussi à la traitrise ou tout simplement l’impossibilité de coopérer avec le premier joueur venu, ce qui laisse place à un duel sanglant. Avec le temps, et au fil des semaines suivant la sortie du jeu, ces situations coopératives se font d’ailleurs de plus en plus rares, sans doute parce que de nombreux joueurs ont atteint leurs objectifs ou découvert tout ou presque le contenu que le jeu à offrir. Néanmoins, cette évolution n’enlève rien à la singularité de l’expérience proposée. Car c’est précisément cette incertitude permanente — ce doute lorsqu’un joueur apparaît à l’horizon : allié potentiel ou menace immédiate — qui confère à Arc Raiders sa véritable identité. Là où un mode PvE viendrait gommer toute tension et uniformiser les rencontres, le PvPvE maintient un danger constant, rendant chaque partie unique. La trahison, aussi frustrante soit-elle, participe pleinement à cette dynamique et agit comme un apprentissage, renforçant la vigilance et l’adaptation du joueur au fil des sessions.
En bref, cette capacité à créer des interactions imprévisibles, sincères et parfois mémorables constitue la plus grande force d’Arc Raiders. Une richesse humaine rare dans le paysage des extraction-shooters, qu’Embark Studios aurait tout intérêt à préserver, tant elle distingue le jeu de ses concurrents et ancre durablement son identité.



Une IA réussie et intelligente
Dans ARC Raiders, la principale menace PvE est robotique. Elle a obligé les humains à se réfugier sous terre car cette menace n’a cessé de devenir encore plus dangereuse. En jeu, elles interviennent souvent en groupe pour les plus rapides à tuer, tandis que les plus imposantes vont vite vous faire comprendre que pour les battre, il faudra être très bien équipé.
Dans le jeu, il existe une grande variété d’ARCs, allant du plus petit drone à des robots beaucoup plus gros et dangereux. Il y en a actuellement 12 robots différents. Chaque ARC a un comportement basé sur le scanner visuel/radar. La couleur bleue signifie qu’elle patrouille, la couleur jaune signifie qu’elle a été alertée et qu’elle est plus prudente, suspectant la présence humaine, et enfin la couleur rouge signifie qu’elle a repéré un joueur et qu’elle engage un combat.
La grande réussite du jeu autour des ennemis est d’avoir réussi à varier les menaces, chaque ARC que l’on aperçoit nécessitant une approche différente et de s’adapter à leur comportement. Le facteur risque / récompense est également bien intégré puisque détruire les ARCs les plus vulnérables vous donnera accès à du loot commun, mais détruire les plus imposants et dangereux, qui nécessite de prendre de gros risques, vous récompensera avec du loot beaucoup plus rare.
En ce qui concerne le comportement des ARCs, il a été sous-entendu par le studio qu’ils utilisaient le Machine Learning, c’est-à-dire un outil d’apprentissage par l’IA pour certains aspects du jeu. Et parmi eux, le comportement de certains robots (notamment les volants) s’est adapté avec le temps. L’IA utilisée par le jeu leur a permis d’apprendre comment les joueurs s’échappaient et se déplaçaient. Par exemple, à la sortie du jeu, la guêpe ne rentrait jamais dans un bâtiment lorsque l’on s’y réfugiait pour lui échapper. Désormais, elle rentre dans beaucoup plus de bâtiments, ce qui oblige le joueur à modifier sa manière de se déplacer et de se mettre à couvert pour éviter ses attaques.
Arc Raiders a donc totalement réussi l’aspect PvE du jeu, qui est dangereux, imprévisible et surtout qui contient un facteur risque / récompense gratifiant.


Un jeu enfin bien optimisé sur Unreal Engine 5 : c’est possible, Docteur ?
C’est une denrée rare en ces temps où de nombreux studios utilisent le moteur d’Epic Games pour le développement de leurs jeux. La raison n’est pas anodine puisqu’il est le plus accessible et surtout celui utilisé par les apprentis développeurs lors de leurs études, ce qui permet aux studios de recruter plus facilement des développeurs sans nécessiter une formation d’un moteur interne, qui nécessite du temps et de l’argent. Le problème majeur qui revient sur la majorité des productions sur l’UE5, c’est l’optimisation.
5 raisons qui rendent les jeux mal optimisés sur ce moteur :
- Le moteur utilise des technologies très lourdes comme le Nanite (géométrie virtuelle), Lumen (éclairage global dynamique), Virtual Shadow Maps (textures d’ombres virtuelles). Ce sont les nouveautés majeures qui ont été le plus mises en avant par Epic Games. Lorsqu’elles sont utilisées par les studios, elles consomment toutefois beaucoup de ressources au niveau du processeur, ce qui fait que sur des configurations basses ou moyennes sur PC, le jeu va rencontrer des problèmes de performances.
- L’utilisation de ces technologies ne remplace pas automatiquement le travail d’optimisation classique pour tous les ordinateurs : Nanite permet d’afficher des objets très détaillés sans les simplifier à la main, mais le moteur doit travailler dur pour charger et afficher tous ces détails. Parfois, cela peut provoquer des ralentissements. Lumen, lui, fait des lumières et ombres très réalistes en temps réel, mais consomme beaucoup de puissance.
- Les projets tournent sous différentes versions du moteur : Epic Games met souvent à jour son moteur (UE 5.1, 5.2 etc..), ce qui oblige les développeurs à actualiser leur travail avec les derniers correctifs apportés. En conséquence, certains jeux peuvent sortir sur des versions du moteur où certains problèmes persistent.
- Même avec une grosse carte graphique, un jeu peut saccader si le processeur a du mal à charger les images et objets en jeu. Unreal Engine 5 ne fait pas tout automatiquement, ce qui signifie que les développeurs doivent optimiser de leur côté le CPU du jeu.
Pourquoi Arc Raiders ne rencontre aucun de ces problèmes :
Les développeurs ont eu l’intelligence de développer et optimiser leur jeu en désactivant les fonctions Nanite et Lumen, qui sont, comme expliquées au-dessus, les parties les plus lourdes de l’Unreal Engine 5. Ils ont donc utilisé à la place un rendu plus classique, plus léger pour les processeurs (en conséquence, c’est un des jeux réalisés sur UE5 les plus légers qui existent, avec un poids entre 16 et 30Go selon la plateforme).
Ils ont également profilé et optimisé intégralement de leur côté les textures, les ombres et les différents éclairages du jeu, ce qui a permis d’obtenir un jeu très stable, sans miser sur un maximum de détails visuels. Et donc, un maximum de configurations peuvent faire tourner le jeu sans rencontrer de soucis majeurs. En bref, Arc Raiders est excellement bien optimisé.
Le Sound Design, un personnage à part entière de l’expérience
L’un des aspects les plus impressionnants d’Arc Raiders réside dans son sound design, qui se distingue nettement dans le paysage des shooters futuristes. Là où beaucoup de titres misent sur des visuels spectaculaires, Arc Raiders transforme le son en véritable vecteur de gameplay et d’immersion. Chaque arc du jeu possède une signature audio unique, immédiatement reconnaissable, ce qui permet au joueur de détecter non seulement le type d’ennemi, mais aussi d’anticiper la portée et la puissance de l’assaut. Cette attention aux détails sonores rappelle, dans son approche, le travail de jeux comme Destiny ou Warframe, mais avec une précision encore plus marquée dans la manière dont chaque bruit devient un indicateur de danger.
Ce qui frappe le plus, c’est que dans Arc Raiders, n’importe quel son est un signe de danger. Le vrombissement des drones, les alarmes des véhicules ou des caméras si on s’approche d’elles, le craquement des structures fragiles ou encore le bourdonnement des installations technologiques qui sont pillées par les autres joueurs ne sont pas seulement esthétiques : ils signalent des menaces, orientent l’attention du joueur et renforcent la tension ambiante. L’environnement tout entier devient une partition sonore, où les indices auditifs sont aussi cruciaux que la vue pour survivre et prendre l’avantage dans les affrontements. Les ambiances évoluent en temps réel selon l’action, rendant chaque zone vivante et imprévisible. Le jeu intègre également différentes conditions météorologiques, avec la possibilité de jour ou de nuit, mais aussi dans la neige désormais avec une gestion du froid, ce qui augmente drastiquement le danger.
En comparaison avec d’autres titres du genre, le sound design d’Arc Raiders se démarque par sa capacité à transformer l’ouïe en outil stratégique. Là où beaucoup de jeux utilisent le son principalement pour le spectacle ou le feedback d’armes, ici chaque bruit compte et contribue à l’expérience de survie. C’est un choix audacieux qui fait du jeu non seulement un défi tactique, mais aussi une expérience sensorielle complète, où la tension et l’adrénaline sont orchestrées autant par ce que l’on entend que par ce que l’on voit. Pour les amateurs de shooters exigeants et immersifs, c’est une prouesse qui mérite d’être soulignée.
Arc Raiders propose un sound-design d’un tel niveau que je n’ai jamais vu sur un jeu multijoueur depuis Battlefield 1, sorti en 2016 (oui, cela remonte). Et le fait que bon nombre de développeurs de chez Embark ont bossé sur le jeu de DICE n’est pas un hasard. Il faut savoir aussi que seulement 7 ingénieurs sons ont bossé sur le sound-design d’Arc Raiders, tout en bossant aussi celui de The Finals. La qualité plutôt que la quantité est une valeur bien ancrée chez ce studio.
La perfection n’existe pas, Dieu merci !
Arc Raiders n’est pas exempt de quelques défauts, bien qu’ils soient bien inférieurs à ses nombreuses qualités.
Tout d’abord, le netcode n’est pas au point, ce qui peut générer de la frustration lors de duels contre d’autres joueurs, avec des situations où l’on prend des balles après s’être mis à couvert.
L’équilibrage générale des armes n’est pas en adéquation avec la valeur des armes que l’on possède. Les armes de couleurs violettes et jaunes, qui sont les plus rares dans le jeu, ne sont étonnamment pas les plus performantes, à contrario des armes les plus communes comme le Suttureur ou encore le Ferro, que l’on obtient même lorsque l’on décide de lancer en Arsenal Gratuit, qui peuvent prendre le dessus. Cela pose donc des questions sur l’intérêt de posséder et utiliser les armes les plus rares si celles-ci ne sont pas les plus puissantes.
Enfin, je pense qu’il est important d’évoquer l’utilisation par le studio de la synthèse vocale. Certaines voix en jeu — pour les annonces, noms d’objets, directions, etc. — sont générées via IA à partir de voix d’acteurs sous contrat. Pour les dialogues « clés » (cinématiques, scènes importantes), Embark affirme avoir recours à des voix humaines enregistrées « à l’ancienne ».
Ces voix utilisées ne sont clairement pas naturelles, ce qui nuit à l’immersion. Dans une industrie en plein changement et qui s’interroge autour de l’utilisation de l’IA dans les projets (de quelle manière et à quel degré), on peut trouver cela dommageable qu’Embark prenne ce parti. Cependant, je considère, contrairement à certaines critiques publiées il y a quelques semaines, qu’il ne s’agit pas d’un facteur aggravant qui dévalorise totalement la proposition du jeu, mais que cela doit tout de même être souligné.
Puisqu’il faut conclure…
Arc Raiders est la bouffée d’air frais addictive multijoueur que j’attendais depuis tant d’années : un jeu qui a pris le pari de s’immiscer dans un genre très niche qu’est l’extraction-shooter, et de le remixer à sa sauce avec grande réussite. Toutes proportions gardées, on peut considérer ce jeu comme le « Fortnite » pour son genre, puisqu’il est le premier à avoir réussi à convaincre le grand public de s’y intéresser et surtout car c’est le plus accessible qui existe. Au-delà de son accessibilité, le jeu est sublimé par ses graphismes magnifiques, une direction artistique soignée, un gameplay très convaincant qui vous permettra de faire des rencontres dont vous vous souviendrez pendant longtemps, et surtout une partie sonore exceptionnelle changeant toute l’expérience de jeu. Arc Raiders dispose en plus d’un contenu assez conséquent, mis à jour chaque mois, pour vous tenir en haleine pendant une centaine d’heures avant que vous décidiez ou non de partir en Expédition et de recommencer votre expérience de zéro, ce qui vous permettra d’allonger encore davantage la durée de vie du jeu.
Les développeurs ont promis 10 ans de contenu et le succès commercial du jeu (4 millions de ventes en 10 jours) va certainement les encourager à respecter cette promesse.
Bref, voilà pourquoi Arc Raiders est mon jeu multijoueur de l’année.

Arc Raiders
Les avantages
- Enfin un jeu techniquement stable et bien optimisé sur Unreal Engine 5
- Une direction artistique soignée
- Un contenu conséquent et addictif
- Un sound-design exceptionnel
- Un gameplay accessible : l’extraction-shooter le plus grand public et moins punitif qui existe
Les inconvénients
- Le netcode et l’équilibrage général des armes à retravailler
- L’utilisation de synthèse vocale pour les voix des personnages



