Il y a 5 ans, très exactement le 16 juillet 2018, le réalisateur et producteur Allan Ungar publiait sur Youtube un fan film de quinze minutes sur Uncharted, avec le célèbre acteur Nathan Fillion. Filmé en à peine quelques jours, le court-métrage a fait un carton alors que le film Uncharted, celui avec Tom Holland, n’était même pas encore entré en production. Entre des interprétations au diapason, un vrai feeling de jeu vidéo et le sentiment que la saga était comprise et sincèrement appréciée, le fan film Uncharted a résisté à l’épreuve du temps et compte aujourd’hui plus de 12 millions de vues. Cinq ans plus tard, plusieurs dans la communauté continuent à dire qu’Allan Ungar a mieux saisi ce qui fait le sel d’Uncharted que les responsables de PlayStation Productions. Et sans parler du film sorti au cinéma, on ne peut enlever à Ungar et Nathan Fillion que leur fan film est un véritable bijou !
Pour fêter cet anniversaire, nous avons donc contacté Allan Ungar, qui nous a fait l’honneur d’accepter notre proposition d’interview. Voici ci-dessous notre conversation d’une vingtaine de minutes. Merci à vous, chers lecteurs, de nous lire sur PlayStation Inside !
PlayStation Inside (PSI) : Bonjour Allan Ungar ! Merci d’être avec nous aujourd’hui. Le fan film Uncharted est sorti il y a 5 ans. Quand vous repensez à cette époque, pouvez-vous nous dire comment l’idée de faire ce court-métrage vous est venue, et en combien de temps il a été tourné ? De même, quel est selon vous l’héritage du film cinq plus tard, quelle trace a-t-il laissé ?
Allan Ungar : L’idée m’est venue à l’esprit deux ans plus tôt à peu près, au moment où était sorti le court-métrage Mortal Kombat. Je me suis demandé, à une époque où les fan films devenaient de plus en plus professionnels, pourquoi personne n’avait pensé à faire ça avec Uncharted. Au départ c’était juste une idée, jamais je n’aurais pensé aller jusqu’au Comic-Con avec !
Et puis les étoiles se sont en quelque sorte alignées. J’avais un film que je devais faire qui a fini par être repoussé, et j’avais donc cette fenêtre de temps libre dans mon emploi du temps. Je ne voulais pas perdre ce temps. J’ai appelé un collègue qui connaissait Nathan Fillion et je lui ai présenté l’idée de court-métrage Uncharted. Mon collègue nous a mis en contact et j’ai rencontré Nathan pour dîner. Je lui ai passionnément expliqué toutes les raisons pour lesquelles faire ce court-métrage était une bonne idée et, en tant que grand fan des jeux, Nathan a été très vite excité par le projet. On s’est mis d’accord et on a fini par tourner le film deux mois plus tard, en 5 jours à Los Angeles.
On avait déjà l’objectif à l’époque avec Nathan Fillion d’aller présenter le film au Comic-Con, donc on savait qu’il fallait que tout soit prêt pour le mois de juillet. On s’est rencontrés en janvier 2018, on a tourné la première semaine de mai et on l’a publié en juillet. Une fois sorti, le film a directement marché et ça a surpassé toutes mes attentes. Ça a eu un impact important sur ma carrière et ça m’a ouvert des portes, avec des opportunités de travailler sur des films à gros budgets. En tant que réalisateur et producteur, c’est inestimable. Jusqu’à aujourd’hui, les gens parlent encore du film, les fans l’adorent, et il a eu un grand impact sur la pop culture. C’est fou à quel point le temps passe vite !
PSI : Êtes-vous resté en contact avec Nathan Fillion, et pensez-vous travailler ensemble une fois de plus à l’avenir, peut-être sur une nouvelle adaptation de jeu vidéo ?
Allan Ungar : On est restés en contact. Parfois on s’envoie des messages ou on s’appelle pour se partager des éléments sur le court métrage Uncharted, des tweets de gens qui le découvrent encore… On se remémore cette belle époque et on n’arrive toujours pas à croire que l’on ait pu faire cela.
Pour l’instant nous n’avons pas de projet prévu ensemble. À Hollywood, c’est difficile de faire plusieurs projets ensemble, mais il ne faut jamais dire jamais. J’ai vraiment apprécié travailler avec lui et je sais qu’il a passé un super moment sur le tournage aussi. Je suis sûr qu’on se recroisera à nouveau un jour.
PSI : En regardant à nouveau le film pour l’interview, on a vraiment ressenti que vous aviez réussi à capter l’essence du jeu vidéo, en particulier lors de la fameuse scène de tir à la 3ème personne. Pensez-vous que ce genre de mise en scène devrait être plus souvent utilisé dans les adaptations de jeu vidéo qui sortent au cinéma ou à la télévision ?
Allan Ungar : Pour être honnête, le fait que notre court-métrage ne soit pas « officiel » nous a aidé à avoir plus de liberté créative sur le tournage. La mise en scène de tir à la 3ème personne était un défi intéressant, certains ont aimé le résultat, d’autres non. Au départ, l’idée nous est venue car nous n’avions que peu de temps pour tourner le film, et bien trop d’idées à mettre en place. C’est mon co-scénariste qui y a pensé , en me disant que faire une telle scène me permettrait de rendre le film plus fluide, sans avoir besoin de passer trop de temps en salle de montage. Et j’ai aimé cette notion de retranscrire à l’écran la sensation que l’on peut avoir en jouant, pour donner aux spectateurs le sentiment d’être plus impliqués.
J’en ai parlé à Nathan Fillion, qui n’était pas trop convaincu au départ. On a beaucoup répété la scène, et on en a fait huit ou neuf prises à la fin. Et pendant qu’on tournait ça, on savait que ça avait le potentiel de marquer les gens. Quand on a revu la scène en salle de montage, Nathan a souri et a dit que cette scène allait être celle dont les gens allaient se souvenir.
De là à dire si ce genre de scène serait approprié dans un long-métrage, c’est difficile à dire. Le contexte est important. Il faut voir qui est à la réalisation du film, qui en est à la production. Stylistiquement parlant, il faut réussir à bien amener ce genre de scène pour que ça ne fasse pas trop forcé ou arbitraire.
PSI : En parlant de long-métrage, le film Uncharted de Ruben Fleischer et produit par PlayStation Productions est sorti l’année dernière. Qu’en avez-vous pensé, et qu’avez-vous pensé en particulier de l’interprétation de Tom Holland ? Ayant travaillé avec Nathan Fillion pour un excellent résultat, pensez-vous que Tom Holland fait un bon Nathan Drake ?
Allan Ungar : Ce dont il faut se souvenir en premier lieu, c’est que PlayStation essaie de lancer une franchise. Tom Holland, par sa jeunesse et le fait qu’il soit une grande star grâce à Spider-Man, offre une longévité à la licence. C’est un acteur incroyable, et je pense qu’il a fait un super boulot en Nathan Drake, en réussissant à retranscrire le charme du personnage, son charisme et sa personnalité.
Ayant dit cela, je fais tout de même partie de ceux qui préfèrent voir dans les films le Nathan Drake actuel comme dans les jeux, et pas une origin story. Ceci étant dit, j’ai trouvé que le film était très fun en soi. En tant qu’adaptation d’un jeu vidéo par contre, j’ai pensé comme beaucoup qu’il manquait quelque chose au film ; on en aurait voulu plus. Ruben Fleischer a fait un bon travail avec ce qu’il avait, Tom Holland et Mark Walhberg avaient une bonne alchimie. Mais en tant que fan des jeux, je n’ai pas été totalement « rassasié » en sortant du cinéma.
Ce qui est difficile avec ce genre de films, c’est que le matériau de base est déjà presque parfait. Essayer de retranscrire cela au cinéma n’est pas très utile. Il faut réussir à faire une œuvre originale, qui peut se suffire à elle-même. Mais d’un autre côté, la série The Last of Us de HBO a très fidèlement suivi les évènements du jeu de base et elle a tout de même rencontré un grand succès. Il y a toujours des fans qui veulent voir dans les adaptations une retranscription ultra fidèle, et sur ce point ça a été parfaitement fait par HBO. Ils ont même réussi à attirer de nouveaux fans. Personnellement, je pense plutôt que si une histoire a déjà été très bien racontée dans un médium, la retranscrire de la même manière dans un autre perd de son sens. C’est pour cela que dans notre court-métrage, on avait préféré montrer quelque chose de différent, qui aurait pu par exemple se passer entre deux jeux.
PSI : Entre la sortie de votre court-métrage et aujourd’hui, les adaptations de jeux vidéo au cinéma sont quasiment devenues monnaie courante. Quel est votre vision de cette tendance, et pensez-vous que cela peut devenir une tendance viable dans l’industrie cinématographique ?
Allan Ungar : Il est certain que les adaptations sont devenues de plus en plus qualitatives ces dernières années. On était beaucoup dans l’industrie à penser que cette tendance d’adapter des jeux vidéo était un futur possible pour le cinéma hollywoodien, d’autant plus avec le lent déclin des films tirés de comic books. The Last of Us, Mario, Pikachu ou encore Uncharted ont permis de poser les bases de cette tendance, chacun avec un grand succès. Nous vivons certainement l’âge d’or des licences et des adaptations en général, qu’elles soient de super-héros ou de jeux vidéo.
Bien évidemment, il y a encore beaucoup de travail à faire pour fidéliser cette audience. Et comme vous le savez, ça fonctionne des deux côtés, car quand les adaptations au cinéma cartonnent, ça augmente les ventes des jeux en retour. Il existe un vrai futur pour les adaptations de jeux vidéo, à voir où cela nous mènera.
PSI : Cela fait six ans que le dernier jeu Uncharted est sorti (The Lost Legacy), et sept ans pour le dernier jeu avec Nathan Drake (Uncharted 4). Ces derniers temps, plusieurs rumeurs ont circulé à propos d’un cinquième opus de la saga. Quel serait pour vous l’Uncharted 5 idéal ? Et en général, quels sont vos jeux Uncharted préférés ?
Allan Ungar : Le bond technologique et artistique entre le premier et le deuxième Uncharted était complètement fou. À ce titre, Uncharted 2 occupera toujours une place privilégiée dans mon cœur, mais Uncharted 4 est celui qui m’a le plus ému. C’est un chef-d’œuvre. Uncharted 4 est le jeu de la saga auquel j’ai le plus joué. J’aime tous les jeux, mais c’est vraiment Uncharted 4 qui m’a le plus marqué.
En parlant d’un cinquième Uncharted, je ne pense pas qu’il y en ait spécialement besoin. Je pense que Naughty Dog a parfaitement fini la saga avec Uncharted 4 et Lost Legacy. J’ai vu passer des rumeurs d’un nouveau jeu avec Cassie, la fille de Nathan et Elena, mais je ne pense pas que PlayStation ait besoin de la marque Uncharted pour cela. Un jeu d’action-aventure avec une héroïne mériterait d’avoir un nom et une histoire spécifique, et non de simplement exister sous la bannière Uncharted. D’autant qu’il est vraiment difficile de voir quelqu’un d’autre que Nathan Drake dans une aventure estampillée Uncharted…
PSI : Pour parler de jeu vidéo en général, pouvez-vous nous dire à quoi vous jouez en ce moment, et quels sont les jeux qui vous ont marqué ces derniers temps ?
Allan Ungar : Je n’ai pas trop de temps pour jouer ces derniers temps, malheureusement. Et pour être franc, j’ai aussi le sentiment que la plupart des jeux AAA qui sortent en ce moment manquent de finition et sont incomplets. J’essaie tout de même de jouer, ne vous inquiétez pas (rires) ! Je joue un peu à PUBG en ce moment, à Warzone, et le dernier jeu solo auquel j’ai joué est Dead Island 2. J’ai commencé Star Wars : Jedi Survivor et Six Days in Fallujah, que j’ai assez apprécié, et j’attends beaucoup Starfield de Bethesda. Je suis aussi impatient de jouer au nouveau Counter Strike.
PSI : Pour finir, nous souhaitons, comme pour toutes les interviews que nous faisons, vous donner une carte blanche pour nous parler de vos projets en cours. De quoi voulez-vous parler à nos lecteurs ?
Allan Ungar : Merci ! Permettez-moi alors de vous présenter « Sympathy for the Devil » (qui est déjà sorti aux États-Unis au moment de la publication de cette interview et dont Allan Ungar est le producteur, ndlr). Nous avons fait une avant-première mondiale à Montréal au Canada qui a très bien marché. C’est un film avec Nicolas Cage et Joel Kinnaman. C’est un peu comme si « A History of violence » de David Cronenberg rencontrait « Collateral » de Michael Mann. C’est l’histoire d’un citoyen qui est en route pour l’hôpital pour assister à la naissance de son enfant, mais un criminel monte dans sa voiture et l’oblige à se détourner de son chemin. L’histoire se déroule sur une nuit et en temps réel, et il ne faut pas se fier aux apparences. Le film donne l’occasion à Nicolas Cage de vraiment faire l’étalage de tout son talent.
Le film sera d’ailleurs disponible en France et en Europe avant la fin de l’année !
PSI : Merci beaucoup pour cette belle conversation ! Nous vous souhaitons le meilleur avec votre nouveau film, et espérons vous revoir un jour à la tête d’une adaptation de jeu vidéo !
Allan Ungar : Merci beaucoup de m’avoir proposé cette interview, c’est toujours un plaisir de parler du fan film Uncharted. Au revoir !