En février 2022, PlayStation Productions se lançait en fanfare avec son premier film tiré de l’une des plus grandes licences, si ce n’est la plus grande, de Sony : Uncharted. Malgré un retour critique et un avis du public plutôt mitigé, le résultat a été plus que positif pour PlayStation avec des recettes dépassant les 400 millions de dollars au box-office. Un an et demi plus tard, PlayStation Productions revient au cinéma ce mercredi 9 août avec un nouveau film, sur une autre licence majeure de son histoire : Gran Turismo. Réalisé par le sud-africain Neill Blomkamp, le long-métrage est porté par des stars comme Orlando Bloom et David Harbour, et son personnage principal est interprété par le jeune Archie Madekwe.
Alors, le résultat est-il à la hauteur des attentes ? Et surtout, Gran Turismo signe-t-il une amélioration pour PlayStation Productions après Uncharted ? Critique.
Un bel hommage aux classiques du genre
Ces dernières années, des films tels que Rush (Ron Howard, 2013) et Le Mans 66 (James Mangold, 2019) ont marqué les esprits par leurs grandes qualités de mise en scène, en particulier dans l’impression de vitesse et du ressenti du pilote lors des courses de voitures. C’est donc peu dire que Gran Turismo avait un lourd héritage à porter.
Mais sur ce point, le pari est réussi. La mise en scène de Neill Blomkamp est effrénée et virevoltante, dans un tango incessant entre des plans ultra rapides et d’autres moments de respiration. Ceci dans le but de bien montrer l’alternance entre le fol esprit de vitesse du sport automobile et la bulle dans laquelle les pilotes se mettent pour conduire, au point que plus leur voiture va vite, plus le temps leur paraît ralenti. Durant les 2h15 de Gran Turismo, Neill Blomkamp réussi donc à transmettre une vraie adrénaline de course qui tient le spectateur en haleine. Nous nous sommes même surpris à parfois retenir notre souffle et à être collés à nos sièges devant certaines séquences de dépassement.
À l’image des jeux, le film Gran Turismo est ainsi une éloge de la vitesse et des pilotes assez fous pour s’y coller. Rares sont les genres à disposer d’une telle aura cinématographique ; en effet, quoi de plus exaltant que la pure vitesse et que ces moments suspendus, presque hors du temps, qui l’accompagnent ? Dans leurs voitures, les pilotes de course sont seuls au monde. Ce sont des trompe-la-mort, des sportifs qui doivent avoir une rapidité de réaction exceptionnelle pour faire la différence entre gagner et perdre. Et c’est là que réside la vraie réussite de Gran Turismo : ce sont les séquences où le spectateur retient son souffle, quand le scénario disparaît et laisse la place à une simple course et à de pures sensations fortes, qui sont les plus convaincantes.
Sur ce sujet au moins, le film Gran Turismo est une indéniable réussite de mise en scène à mettre au crédit de Blomkamp et de ses équipes, qui se sont surpassés là où finalement nous les attendions le plus, à savoir la retranscription des folles sensations des jeux de Polyphony Digital.

Une adaptation intelligente des jeux vidéo
Un autre aspect dans lequel Gran Turismo s’en sort plutôt bien est le terrain de l’adaptation. Alors que le film Uncharted avait fait le pari de construire une histoire originale, celle de Gran Turismo fait celui d’être au plus près de la réalité. Et quand on sait la folle idée qui a inspiré le long-métrage au départ, on comprend qu’aucun scénario n’aurait pu faire mieux. Voyez par vous-mêmes : dans un partenariat avec Nissan, Polyphony a lancé ces dernières années la GT Academy, une compétition sélectionnant les meilleurs joueurs de Gran Turismo, les faisant ainsi changer de dimension en leur apprenant à devenir pilotes dans la vie réelle. L’un d’eux, Jann Mardenborough, a participé à cette académie et a fini par devenir pilote professionnel, allant jusqu’à concourir pour Nissan et PlayStation aux 24 heures du Mans, soit la plus célèbre course du monde.
Avec cette base, Neill Blomkamp a construit un film qui adapte honnêtement le jeu vidéo original sans trop en faire. On voit ainsi le personnage principal, interprété par Archie Madekwe, jouer aux jeux de Polyphony Digital et passer régulièrement du virtuel à la réalité dans des scènes aux effets spéciaux assez réussis. De même, le sentiment de bond en avant entre la manette et le volant est bien retranscrit. On a réellement la sensation d’accompagner le personnage de sa chambre au circuit, et la différence entre les jeux et la vraie conduite est bien expliquée.
Gran Turismo se pose de ce fait comme un modèle d’adaptation sachant à la fois être fidèle et prendre son envol. Si le scénario colle au plus près des évènements réelles de la GT Academy, la manière de l’amener est propre à Neill Blomkamp. On appréciera aussi les petites touches apportées à l’image, comme parfois le classement du personnage principal qui apparaît au-dessus de sa voiture comme dans les jeux, ou les lignes affichant la meilleure trajectoire qui sont une marque de fabrique des jeux et qui sont utilisées dans le film pour montrer la manière dont Jann Mardenborough voit la piste comme s’il était dans sa chambre, devant la télévision.

Un film malgré tout trop académique pour totalement convaincre
Là où le bât blesse, c’est dans les scènes du films qui se déroulent hors course. Si l’on comprend volontiers que Blomkamp adapte fidèlement les évènements tels qu’ils se sont passés, cela n’aurait pas dû l’empêcher d’apporter plus de sel, plus de complexité à son histoire. On suit ainsi dans Gran Turismo le scénario vu et revu de l’outsider qui va gagner (ou du moins atteindre les sommets) alors que rien ne prévoyait un tel dénouement. Tout y passe : l’entourage familial qui n’y croit pas, les entraîneurs non plus, l’histoire d’amour insipide, les ratés avant de se relever et de voler vers la victoire… Gran Turismo sera donc certainement un film qui divisera. Autant, nous le pensons, les scènes de course contenteront tout le monde, autant les à-côtés en laisseront plus d’un sur sa faim, tant le déroulement de l’histoire est académique.
À ce tableau qui paraît bien noir, nous ajouterons tout de même deux points forts. Le premier est le twist au milieu du film. Si vous ne connaissez pas déjà l’histoire de Jann Mardenborough, on vous garantit que vous serez surpris par la tournure que prend le scénario ; tournure qui, cette fois, est vraiment inattendue. Bien heureusement pour le film, ce twist rend la fin bien plus intéressante qu’elle ne l’aurait été sans changement. L’autre point fort est l’interprétation des acteurs principaux, en particulier Orlando Bloom et David Harbour. Si Archie Madekwe est assez quelconque en Jann Mardenborough, Bloom et Harbour brillent dans Gran Turismo. On comprend rapidement qu’ils se sont bien amusés sur le tournage et leur alchimie crève l’écran. C’est réellement grâce à eux que l’histoire de Gran Turismo parvient à atteindre une émotion à laquelle son scénario, trop classique comme nous l’avons écrit, ne la destinait pas.


Pour toutes ces raisons, nous pensons en conclusion que Gran Turismo est une réussite. Si son scénario ne révolutionnera rien, sa mise en scène est assez remarquable et son histoire vraie complètement folle. Ceci, couplé à un feeling en course très qualitatif et à une vraie fidélité dans la retranscription des sensations des jeux vidéo, fait de Gran Turismo un pas en avant incontestable après Uncharted, à découvrir en salles pour la meilleure expérience possible.