Bienvenue sur PlayStation Inside pour cette interview de rentrée, qui poursuit notre exploration de la scène indépendante française. Aujourd’hui, nous parlons à Alexandre Caille, l’un des développeurs de Milkshake Games et développeur de Gacha Fever, une nouvelle variation du vampire surviror like, qui nous l’espérons vous intéressera d’autant plus après avoir lu cette conversation !
NB : L’interview a été réalisée par Florian, et retranscrite par Yacine. Retrouvez toutes nos interviews, dont la plupart sont dédiées à la scène française, à ce lien.
Florian (PlayStation Inside) : Alexandre Caille, bonjour ! Nous allons parler aujourd’hui de Gacha Fever, un jeu sorti le 2 juillet 2024, sur Steam au prix de 3,99€, et c’est développé par Milkshake Games.
Alexandre Caille : C’est bien ça ! On est plusieurs développeurs freelance, et on s’est regroupés autour d’un « label ». Nous ne sommes pas vraiment une entreprise à proprement parler, mais plutôt un groupe d’auto-entrepreneurs, et on a décidé de faire Gacha Fever.
Florian (PSI) : Commençons cette conversation, si tu veux bien, en parlant de ton premier coup de cœur de joueur.
Alexandre Caille : Disons Warcraft 3, notamment car c’est le jeu qui m’a le plus inspiré à devenir game designer grâce à son éditeur de mods, et Heroes of Might and Magic 4. Ce jeu était mon premier de la série, et j’avais adoré. Parmi les meilleurs jeux auxquels j’ai joué, je peux citer Civilization 6 et Vanquish. Je finis rarement des jeux, mais Vanquish est l’un des seuls que j’ai terminé, et même recommencé.
Florian (PSI) : Warcraft 3 a donc défini ta volonté de travailler dans le jeu vidéo. Peux-tu nous en parler plus en détail ?
Alexandre Caille : J’ai fait pas mal de mods survival où l’on combattait des zombies, des sortes de fake MMORPG, avec 12 joueurs maximum. J’ai aussi moddé le jeu en MOBA, on faisait beaucoup de lans avec les copains…
Florian (PSI) : Y a-t-il d’autres jeux qui t’ont donné l’envie d’être développeur ?
Alexandre Caille : Sur le level design, je parlerai d’Outer Wilds. C’est vraiment un jeu millimétré, on a l’impression que c’est un véritable travail d’horloger. J’ai pris une grosse claque. Et sur le côté game design, je citerais Path of Exile. J’adore la liberté qu’ils se permettent de prendre avec leur système de saisons, ils prennent des risques à chaque fois. Et si ça marche, ils ajoutent cela au jeu de base. Et en plus c’est un hack n slash, et j’aime ce genre.
Florian (PSI) : Rentrons dans le détail de Gacha Fever. On en a parlé au début, mais tu n’es pas seul sur le jeu. Peux-tu nous présenter l’équipe derrière le projet, ainsi que Milkshake Games ?
Alexandre Caille : On est plusieurs à travailler dessus effectivement. Ilona Bresson est à la direction artistique, elle a fait un travail extraordinaire. Ensuite, il y a Élodie Côme sur la partie sound design. Évidemment, comme on est indépendants, tout le monde a aidé un peu partout : sur la communication, le marketing, etc. On a aussi deux personnes qui ont donné des coups de main furtifs. Des bisous à Antoine et Camille qui nous ont aidé sur l’animation et la communication.
Nous étions donc surtout trois. Le travail prenait plus de temps selon les responsabilités, comme pour moi au niveau du game design. Et pour revenir à Milkshake Games, nous avons chacun notre auto-entreprise, mais on s’est rassemblés sous une seule entité pour distribuer Gacha Fever.
Florian (PSI) : Avant Gacha Fever, tu as eu l’occasion de travailler sur Blade Prince Academy. Nous avions eu l’occasion de parler avec Fabien Thollot sur le jeu. Que faisais-tu exactement sur le jeu, et quelle expérience en retires-tu ?
Alexandre Caille : C’est rigolo car on a tous bossé sur Blade Prince Academy (Alexandre, Ilona et Élodie, ndlr). De mon côté, j’étais chef de projet sur le jeu et lead game designer. Donc je connais très bien le jeu, et sa conception. Mes hommages à Fabien et aux autres membres de l’équipe s’ils nous lisent ! Je faisais le lien avec les différents corps de métier. Je gérais aussi donc toute la partie game design, avec une autre personne sur la partie du design narratif, et encore une autre, un certain Monsieur Grenouille, qui nous a aussi pas mal aidé en tant que freelance.
Au niveau de l’expérience, travailler sur BPA m’a appris la gestion de projet et la gestion d’équipe. C’était une équipe d’une vingtaine de personnes, et il y avait des relations avec l’éditeur Firesquid à gérer en plus. Tout cela était vraiment intéressant. J’ai aussi appris tant de choses sur la partie de développement, avec notamment Théo qui était le lead dev chez Angel Corp (le studio de BPA, ndlr). En résumé j’ai appris sur le côté humain et sur moi-même.
Florian (PSI) : Lorsque j’ai vu que vous avez travaillé sur BPA, je me suis dit que la DA de Gacha Fever lui ressemblait un petit peu (rires).
Alexandre Caille : Ilona était la lead artist sur BPA, donc forcément ça se ressent un peu.
Florian (PSI) : Tu as travaillé sur BPA en même temps que Gacha Fever c’est bien cela ?
Alexandre Caille : BPA est sorti début mars 2024. Gacha Fever est sorti le 2 juillet. Il y a eu en effet une période de chevauchement, car on a commencé Gacha Fever en octobre. On bossait dessus le soir et le week-end. Je prenais rarement des congés au sein d’Angel Corp pour les consacrer ensuite à Gacha Fever. Et puis après mars, on s’est consacrés les mois restants à temps plein sur le jeu.
Florian (PSI) : Gacha Fever a démarré lors d’une Ludum Dare. Peut-on expliquer le principe de la Ludum Dare, et quel est son but ?
Alexandre Caille : La Ludum Dare, c’est une sorte de game jam (une compétition de développement de jeux vidéo avec une limite de temps et un thème imposé, ndlr). L’objectif est de faire un petit jeu, ça dure en général entre 48 et 72 heures. Celle à laquelle nous avons participé a duré 72h. Attention bien évidemment au crunch : il faut se reposer, prendre des vacances… Ça me stimule de faire des nouveaux projets, mais il ne faut jamais oublier de s’aérer.
Le problème des game jam, c’est que par essence ça pousse au crunch. Par contre on peut faire de la prévention dessus, en ajoutant plus de jours. Dès que je vois des signes de fatigue ou de baisse de moral, je prends du recul.
Tout cela pour dire que la Ludum Dare 54 nous a permis de commencer Gacha Fever. On s’est bien amusés et on a poussé ensuite pour en faire un vrai jeu.
Florian (PSI) : Cette Ludum Dare a-t-elle aussi servi à consolider les atouts de chacun et à former l’équipe ?
Alexandre Caille : C’est cela. On a commencé à 4, avec Ilona, Élodie et Antoine, puis on est passés à trois. On voulait s’éclater sur un petit jeu. Il n’y avait pas d’envie de business au départ, on voulait juste s’amuser sur la game jam.
Florian (PSI) : Quel est le principe de Gacha Fever, et d’où vient son concept ? On pense notamment à l’inspiration Vampire Survivors.
Alexandre Caille : C’est une inspiration, mais pas la plus importante. C’est surtout Brotato, pour ceux qui connaissent. On s’est inspirés de la boucle de gameplay principale, entre les vagues et le hub. En plus, on a amené une zone qui limite la zone de jeu, qui change de taille et qui fait perdre des points de vie si on en sort. Cela a été amené avec le thème de la game jam qui portait sur la limitation. C’est un peu notre feature principale, même si elle fait débat. Le retour positif qu’on a vraiment sur le jeu concerne le système de craft. À chaque niveau passé, on gagne des ingrédients qui augmentent nos statistiques. C’est donc la même base que Vampire Survivors. Mais on a en plus des phases de craft durant lesquelles on crée de super objets qui donnent des effets supplémentaires au personnages. Et il y a aussi un système d’argent dans le jeu, et un arbre de compétences pour le post game.
On a vraiment axé le jeu comme un roguelite où chaque run est aléatoire, les boss le sont, les environnements aussi… On s’est éclatés à essayer d’ajouter des features à droite à gauche pour enrichir l’expérience.
Les retours des joueurs sur notre Discord nous ont aussi poussés à aller encore plus loin.
Florian (PSI) : Parlons du nom du jeu. Le mot « gacha » peut faire un peu peur au premier abord, car ça peut évoquer des éléments aléatoires ou des jeux dans lesquels on doit dépenser de l’argent réel. Concrètement, qu’y a-t-il de « gacha » dans le jeu, et pourquoi avoir mis cet aspect en avant ?
Alexandre Caille : Le titre a pu rebuter des gens. On aurait pu faire les choses différemment (rires). Mais rassurez-vous, tout est gratuit dans le jeu, sans aucune microtransaction. En fait, il y a un système de progression dans le jeu, et à chaque fois que le joueur gagne en niveau, il reçoit une « gacha ball » de manière aléatoire. On kiffait cette ambiance des packs opening pour le côté positif de la découverte, sans le système monétaire derrière.
Et donc le nom du jeu vient de là. C’est vrai que ça change par rapport aux autres jeux du genre dont les progressions sont liées à des accomplissements uniquement. On n’a pas encore eu de retour négatif sur notre système de progression, ça nous a plu.
Sur le nom, à chaque fois qu’on fait de la communication dessus, on précise que tout est gratuit.
Florian (PSI) : Avez-vous eu des retours de joueurs qui n’ont pas lancé le jeu à cause du titre ?
Alexandre Caille : Oui ça nous est arrivé. On a eu des commentaires à ce sujet, mais on le précise à chaque fois.
Florian (PSI) : Il y a énormément de jeux inspirés de Vampire Survivors qui sortent en ce moment. Pourquoi les développeurs se prennent-ils à cette tendance ? Y a-t-il un attrait technique, une simplicité de développement ?
Alexandre Caille : Ce que j’aime d’abord, ce sont les hack n slash. J’aime les statistiques, les progressions. Quand on a commencé la game jam, on avait chacun des idées différentes. Ilona voulait absolument faire la DA qu’elle avait en tête. Sur la partie game design, je voulais absolument faire un vampire survivor. On peut parler de mode, et on en arrive à la fin je pense. On ne va pas se le cacher, c’est aussi simple à développer. Je voulais en faire un avant que la tendance ne se tarisse.
Sur la tendance générale, je pense que l’effet de mode joue beaucoup. C’est facile à faire, on voit un mouvement que les joueurs aiment beaucoup, de jeux simples, rapides, fun.
Moi, c’était surtout le côté RPG qui m’attirait.
Florian (PSI) : Justement, quelle est la suite ? Y a-t-il une volonté d’apporter du contenu supplémentaire dans Gacha Fever ? Est-ce qu’on part sur une nouvelle idée ?
Alexandre Caille : On va rester sur des petits projets. Pour Gacha Fever, ce n’est pas encore terminé, on a déjà des idées. On a envie aussi de faire d’autres jeux. On a déjà commencé à travailler sur Flesh Psychosis, que vous pouvez déjà wishlist ! C’est un puzzle game, plus petit que Gacha Fever. On fait les deux choses en parallèle pour le moment, le puzzle game et la nouveau contenu pour Gacha Fever.
Florian (PSI) : Il y a peut-être des ponts à faire avec Blade Prince Academy ?
Alexandre Caille : C’est rigolo, on a eu des discussions à ce sujet. On ne ferme pas la porte, il faut voir au niveau des droits.
Florian (PSI) : Les retours sont bons sur Gacha Fever ?
Alexandre Caille : Oui ! N’hésitez pas à y jouer vraiment, ça nous aide beaucoup. On a une communauté ultra bienveillante qui nous aide beaucoup à améliorer le jeu.
Florian (PSI) : Pour terminer, peux-tu recommander à notre lectorat un jeu, un studio à suivre ?
Alexandre Caille : En ce moment j’avoue que je ne joue pas beaucoup. Je parlerais donc évidemment d’Outer Wilds. Sur Steam il y a en ce moment le festival des Tower Defense, je vous recommande d’y jeter un coup d’oeil !
Florian (PSI) : Un grand merci à toi pour cette conversation Alexandre !