Légendes Pokémon : Z-A est le dernier-né de la saga Pokémon, issu de la sous licence des Légendes. Contrairement au précédent Légendes Pokémon qui se passait dans un passé lointain, ce titre est en réalité la suite de Pokémon X/Y et se passe exclusivement dans la ville imitant Paris.
Le jeu a eu le temps de faire du bruit sur les réseaux depuis sa sortie en octobre de par ses qualités mais surtout ses ratés. Malgré tout, ayant été frustré de ne jamais avoir eu une version complète de X/Y et ayant aimé Légendes Arceus, je me suis lancé dans cette œuvre étonnante à bien des égards. Tout ce que j’avais pu lire sur ses faiblesses était globalement vrai mais il a pourtant réussi à me happer assez sévèrement. Je profite donc de cet édito pour essayer de comprendre ce phénomène et analyser comment Pokémon arrive encore à surprendre en mal comme en bien.
La France est-elle maudite ?
Étonnant ou non, je voulais commencer cette analyse par une comparaison avec un autre Pokémon, autre unique aventure se déroulant dans cette région de Kalos, s’apparentant à la France. Pokémon X et son jumeau Y ont été la dernière génération de Pokémon canonique à laquelle j’ai joué. La série m’a perdu avec les titres suivants, malgré un détour sur Légendes Arceus.
Pokémon X/Y est le grand sacrifié de la génération 3DS. Il possède d’énormes sections non finalisées et fermées, et il en va de même pour différentes storylines. La tradition veut qu’un troisième jeu sorte pour combler ces trous, par exemple un Pokémon Z. Néanmoins cette fois-ci, ce ne fut pas le cas, pour diverses raisons stratégiques et politiques au sein de Game Freak. Ce pan de scénario français ne fut jamais vraiment finalisé dans Pokémon, même si le dessin animé fait l’effort de combler certains éléments, créant ainsi une frustration chez moi. Je l’avais tout de même beaucoup apprécié à sa sortie sur 3DS malgré son côté malade et non terminé.
À l’annonce de Légendes Z-A, j’étais donc ravi de voir le retour de Kalos dans la formule Légendes que j’avais aimée quelques années plus tôt. Je me suis alors perdu à rêver d’enfin combler certains des trous laissés ouverts dans Pokémon X/Y.
Tout cela fut réduit à néant très vite quand j’ai compris que l’aventure n’allait finalement pas se dérouler à Kalos mais uniquement à Illumis, la capitale, sorte de Paris déguisé.
Légendes Z-A se déroule exclusivement dans Illumis, permettant ainsi d’agrandir une ville limitée par les capacités de la 3DS. Mais c’est là que les premières grandes limites de ce titre se dévoilent. Il ne possède qu’un seul et unique terrain de jeu, il n’y a aucune incursion, même temporaire, dans d’autres lieux culte de la région.
En soi ce problème ne pourrait pas en être un si la ville était grande et diversifiée… Vous vous doutez bien que ce n’est pas le cas. Les arrondissements se ressemblent comme deux gouttes d’eau et l’ensemble se parcourt en quelques minutes. Très vite, l’envie de simplement se téléporter entre chaque mission sera là et écrase toute velléité d’exploration.
Adieu donc mon envie de découvrir plus profondément Kalos…
Des performances techniques décevantes
S’il y a bien un point qui transparaît assez vite en lançant ce Pokémon, c’est qu’il est très inégal techniquement. Le plus apparent, en premier lieu, est que la ville manque de relief avec des bâtiments très uniformes, presque copiés-collés partout et dont les balcons ne sont que des textures plates.
Le plus étrange dans cette histoire vient d’une découverte faite à travers les leaks de Game Freak. Lors du développement, les bâtiments étaient bien plus fournis avec de vrais décors polygonaux et des balcons en 3D. Il y a bien entendu eu besoin de faire des concessions à un moment du développement, mais c’est aussi à mettre en parallèle d’une autre découverte.
Cette fois-ci cela vient de dataminers qui ont remarqué que l’intégralité de la carte d’Illumis était constamment en mémoire dans la console, créant ainsi un énorme objet à conserver, laissant peu de place au reste … et c’est ce qui pousse à se demander pourquoi un tel choix ? Faire des compromis c’est une chose, mais faire un choix s’approchant d’une erreur de débutant, c’est étonnant.
Néanmoins des efforts conséquents existent dans la production, notamment dans la modélisation des Pokémon possédant pour la plupart de nouveaux modèles et de nouvelles animations. De plus, les personnages gagnent énormément en personnification grâce à un niveau de détail assez haut et au-dessus de ce que la série nous a habitués.
Ce dernier point est autant un avantage qu’un défaut car ce niveau de détail sur les personnages montre d’autant plus la principale faiblesse du titre : sa mise en scène. Pokémon Z-A contient énormément de dialogues, les personnages sont animés pour ces derniers mais le titre reste tristement silencieux. J’ai l’honnête impression qu’avoir des dialogues doublés sur ce Pokémon aurait largement contribué à sa mise en scène globale et à l’intérêt qu’on peut donner à ces personnages.
Ces séquences sont souvent bien plates avec ces silences trop bruyants et un manque d’ambition flagrant. Durant une immense majorité du jeu, l’ensemble est très ou trop simpliste. J’ai encore en tête un exemple marquant : un personnage veut briser un mur avec son poing. Il se prépare, l’animation démarre… puis d’un coup, fondu au noir, bruit de fracas, et le mur a disparu. Je sais bien qu’on n’a pas besoin d’un sens du détail à la Naughty Dog pour faire un bon jeu, mais c’est encore une fois cette accumulation de petits détails finit par fatiguer et créer un essoufflement.
Étrangement, l’œuvre se permet pourtant une unique séquence avec une vraie mise en scène très poussée.
Lors de la dernière mission de l’histoire principale, on enchaîne les cinématiques où rien n’est laissé au hasard et on voit un enchaînement de séquences vraiment impressionnantes. Le titre tente même de nouveaux types de gameplay… dans la dernière mission. C’est à croire qu’il fait tout pour laisser à la fois une sensation agréable mais aussi un dernier goût amer en bouche. Comment ne pas se laisser imaginer tout le jeu avec une telle intensité et de telles cinématiques !?
Parlons de gameplay
Après tous ces émois, il y a quand même des choses à retenir. J’ai tout de même joué une trentaine d’heures avant de sentir le moment où le jeu m’est tombé des mains.
La série des Légendes est considérée par Game Freak comme un banc d’essai pour des nouveautés possibles pour la série principale des Pokémon. Ici, la grosse nouveauté est que les combats ne sont plus au tour par tour mais entièrement en temps réel.
Il faut y voir une sorte de système hybride à la Final Fantasy VII Remake. Le jeu conserve les attaques habituelles de Pokémon mais au lieu d’avoir une quantité d’utilisations, celles-ci ont un temps de recharge et une étendue. Un ultralaser n’aura pas la même étendue ni le même temps de recharge que l’attaque griffe.
Tout cela crée donc un beau foutoir où le but sera souvent de lancer le plus vite possible un enchaînement d’attaques sur l’adversaire, tout en gardant l’habituelle matrice des faiblesses des Pokémon. Le gameplay est désormais bien plus bourrin, à la limite de l’illisible à bien des moments mais est étrangement très fun à jouer et donne envie d’optimiser les compétences choisies pour enchaîner les coups toujours plus vite, sans temps mort.
Malheureusement ce n’est pas encore au point… Il n’y aucune indication de la portée de chaque attaque, impossible de savoir sans la tester si l’attaque va lancer un projectile, être au corps-à-corps, dans les airs, etc. sans parler des problèmes de pathing.
Malgré ce manque de clarté, le gameplay n’est pas spécialement demandant jusqu’à la fin de la campagne. Cela change un peu en end game ou en ligne, donc on peut juste se contenter de trouver du plaisir à bourriner les attaques sur les adversaires jusqu’à la victoire. Pokémon Z-A propose en plus une bande sonore qui donne de l’envol aux combats avec des rythmes entraînants.
La capture un peu trop simplifiée ?
Un des aspects majeurs des jeux Pokémon est évidemment la capture de ces derniers. Étant en temps réel, la capture de ces Pokémon peut aussi se faire à la volée et ce n’est pas nouveau car c’était déjà le cas dans Légendes Arceus.
Mais contrairement à ce dernier, désormais les Pokémon ne sont plus vraiment en liberté mais tous réunis dans différentes zones précises de capture au sein d’Illumis. Chacune d’entre elles s’ouvre au fur et à mesure de la progression et chacune possède son set spécifique de Pokémon.
La carte indique clairement quels Pokémon sont trouvables dans chaque zone et si on les a déjà découverts ou capturés. Ce qui est vraiment très pratique, pour ne pas avoir à aller sur le Pokédex toutes les minutes ou chercher sur le net…
Malgré cette apparente facilité d’accès, il y a des subtilités non négligeables à prendre en compte dans la capture. Tout comme le précédent Légendes Pokémon, certains Pokémon ont la particularité d’être des “barons”, il s’agit de créatures plus grosses que la normale mais surtout plus puissantes et difficiles à capturer. Ceux-ci apparaissent plus ou moins aléatoirement dans les zones de capture et ne sont jamais indiquées sur la carte, donnant un peu plus envie de retourner dans des zones déjà complétées.
Contrairement à Légendes Arceus et globalement à tous les jeux Pokémon, affaiblir un Pokémon n’est pas la meilleure manière de le capturer. Désormais il vaut mieux juste l’éliminer, dès lors il sera sonné quelques instants et le plus haut taux de capture sera à ce moment précis. Cette situation crée des moments un peu bêtes où la meilleure façon de capturer un Pokémon est de l’éliminer, sauvegarder, tenter la Pokéball… puis relancer le logiciel si cela échoue. Et recommencer jusqu’à ce que ça passe.
Légendes Arceus avait eu la bonne idée de rajouter une composante infiltration derrière la capture qui créait des situations bien plus prenantes et intéressantes que juste détruire le Pokémon en face et reset le logiciel tant que ça ne marche pas. L’infiltration existe encore mais reste bien moins intéressante à utiliser.
La capture demeure cependant très agréable et divertissante, parfois même challengeante dans certaines zones où tous les Pokémon du coin se réunissent pour vous attaquer et entraver la capture de leur camarade.
J’en viens à me demander si ce plaisir, limite régressif, de capturer en temps réel puis observer les Pokémon se déplacer et attaquer avec de vraies belles animations n’est pas en réalité un désir nostalgique qui refait surface.
Une consolation nostalgique ?
Il est clair qu’ayant grandi avec Pokémon, même si je n’ai plus trop suivi la série depuis X/Y, j’ai une attache particulière aux jeux, en particulier aux premières générations. Très vite, j’ai remarqué que l’ensemble de mon équipe était principalement basée sur des Pokémon des quatre premières générations.
C’est, dès lors, que je me suis interrogé sur l’intérêt réel de l’œuvre : qu’en serait-il si l’ensemble des créatures n’étaient pas des monstres que je côtoie depuis bientôt trente ans ?
Difficile à dire, je pense sincèrement qu’il propose des choses intéressantes mais qu’effectivement, hors de ce carcan de créatures déjà connues, l’intérêt me semble moins évident.
Cela dit, j’éprouve un sentiment étrange sur Pokémon Z-A et je ne peux m’empêcher de me dire qu’un titre de ce genre, à savoir un monde ouvert modeste, guidé mais pas excessivement, avec beaucoup de Pokémon mais pas tous, serait une porte d’entrée parfaite dans la série pour un néophyte et principalement un jeune public.
Et s’il n’était pas plutôt là le problème ? En tant qu’adulte j’ai évidemment ma vision de Pokémon et étrangement, Légendes Arceus avait réussi à combler cette vision. Mais cette fois-ci je me sens constamment partagé entre l’adorer et le détester.
En écrivant cet édito, je réalise que ce nouveau Pokémon ne m’était pas réellement destiné. Un moi enfant, en revanche, y aurait trouvé exactement ce qu’il cherchait. Néanmoins, tout cela n’atténue en rien ses performances techniques en demi-teinte pour la compagnie la plus prolifique au monde en produit dérivés.
