Véritable succès commercial, la PlayStation 5 est une console qui, depuis sa sortie en novembre 2020, a toujours pu compter sur son catalogue d’exclusivités. De Horizon Forbidden West à Marvel’s Spider-Man 2, en passant par Returnal, la célèbre firme a repris avec efficacité ce qui avait fait le succès de sa PlayStation 4. Ceci étant dit, des inquiétudes émergent depuis quelques mois quant au catalogue d’exclusivités du constructeur japonais. En effet, la communication de PlayStation manque de substance et nous n’avons (presque) aucune visibilité sur le catalogue de jeux first party à venir en 2024 et au-delà. Un problème qui pourrait paraitre insoluble puisque la politique éditoriale de Sony tend à produire des jeux de plus en plus massifs et que le constructeur est évidemment limité par le nombre de studios en sa possession. Alors, doit-on s’inquiéter, où n’est-ce qu’une période creuse à passer pour PlayStation ?
Pour bien comprendre la situation, il convient en préambule de revenir sur la sortie de la PlayStation 5. La console sort en novembre 2020 avec pas moins de 4 jeux à son lancement. Si l’on ajoute à cela les deux dernières exclusivités de la PlayStation 4 sorties à l’été 2020, à savoir The Last of Us Part II et Ghost of Tsushima, Sony Interactive Entertainment a sorti six jeux first party en l’espace de six mois. Un lancement très solide donc, qui laissait présager une génération démarrant sur les chapeaux de roues. Pour autant, si nous nous posons un instant, nous remarquons que Naughty Dog et Sucker Punch, deux des plus gros PS Studios, ont achevé un cycle de développement à peine quelques mois avant le lancement de la 8ème génération. Gardons cela à l’esprit, nous y reviendrons dans une seconde partie.
Un passé offrant des réponses à un problème prévisible
Ainsi, comme nous l’évoquions, 4 jeux PS Studios sont sortis lors du lancement de la PS5 : Astro’s Playroom, Spider-Man Miles Morales, Demon’s Souls et Sackboy A Big Adventure. Ces jeux ont respectivement été développés par la Team Asobi, studio issu de la restructuration de Japan Studio, Insomniac Games, Bluepoint et Sumo Digital. Concernant la quatrième cité, il est important de noter que c’est un jeu commandé à un studio externe et que ceci a permis de ne pas accaparer un studio de l’éditeur à ce projet, que l’on pourrait considérer comme mineur malgré la belle licence derrière le jeu, à savoir Little Big Adventure. De plus, trois autres jeux PS Studios sont sortis dans la première année de commercialisation de la console : Destruction All Stars, Returnal et Ratchet & Clank Rift Apart, respectivement développés par Lucid Games, Housemarque et … Insomniac Games.
En l’espace de 12 mois, Insomniac a contribué à la sortie de deux projets alimentant le catalogue de PlayStation avec deux jeux grand public. Témoin d’un organisation interne efficace, la sortie de ces deux projets coup sur coup est le résultat du choix d’Insomniac de développer des jeux à l’échelle plus modeste, permettant de limiter le temps de développement. Un choix fort dans une industrie où la surenchère des productions AAA est la norme. Le résultat de cette politique est la sortie de deux bons jeux aux durées de vie courtes certes, mais dont la proposition d’expérience ne cherche pas à retenir le joueur de manière artificielle durant de nombreuses heures avec une boucle de gameplay évoluant au ralenti dans une logique de rétention. Ce choix est intéressant puisqu’il pourrait constituer un socle à la future politique éditoriale de l’éditeur, permettant d’améliorer le rythme de sortie des jeux PS Studios.
De plus, les deux autres jeux PS Studio sorti en 2021 étaient encore développés par des studios externes. Bien que tous ces projets ne soient pas des succès, confier des projets originaux à des studios externes est une stratégie permettant à la fois de faire gagner du temps aux PS Studios tout en offrant des opportunités à des équipes prometteuses. La sortie de Returnal est la parfaite illustration de cette stratégie. Véritable succès d’estime, le dernier jeu d’Housemarque a convaincu SIE puisque le studio a été racheté par le constructeur. Ainsi, la commande de jeu a des studios externes, qui donne l’occasion d’à la fois développer des licences existantes tout en créant de nouvelles propriétés intellectuelles, est une seconde piste que Sony utilise encore à l’heure actuelle et qui l’aide jusqu’à présent à absorber les périodes de creux des jeux first party de PlayStation.
Par la suite, les grosses munitions de Sony sont enfin sorties : Horizon Forbidden West, Gran Turismo 7 et God of War Ragnarök ont animé l’année 2022. Malheureusement, ces sorties ont laissé d’un certain point de vue un vide : Spider-Man 2 était dès lors le seul jeu PS Studio développé en interne à sortir en 2023. Depuis, PlayStation a certes confirmé la sortie début 2024 de Helldivers II, mais c’est à ce jour le seul jeu first party daté. Ce rapide état des lieux des jeux PS Studios sortis à ce jour illustre un choix : la grande majorité des studios propriétaires de Sony ont publié un, voire plusieurs jeux, depuis la sortie la PS5 en l’espace de 3 ans. Certes, trois ans pourraient paraître un temps suffisamment long pour qu’un nouveau cycle débute. Mais cela reviendrait à oublier l’allongement des durées de développement des productions AAA de PlayStation : Horizon Forbidden West a par exemple bénéficié d’un développement de 5 ans. Ainsi, il est a priori tout à fait normal et logique d’un point de vue éditorial que Sony rencontre une période de mou au milieu de la génération et ce malgré les 19 studios actuellement en sa possession, puisque tout ces studios ne développent pas des projets originaux : certains sont utilisés en soutien des studios majeurs de la firme ou dans l’objectif de créer des portages PC (Nixxes Software), en accord avec la stratégie de Sony d’étendre son public potentiel.
De plus, pour pallier à ce manque, PlayStation a su s’appuyer sur ses partenaires historiques afin d’occuper le terrain. En effet, le constructeur a noué de nombreux deals commerciaux pour occuper à la fois l’espace médiatique avec des partenariats mais également pour remplir son catalogue exclusif avec la sortie uniquement sur PS5 des derniers AAA de Square Enix, à savoir Forspoken, Final Fantasy XVI et Final Fantasy VII : Rebirth. Dans le même temps, les jeux tiers continuent de remplir le catalogue de la console bien que ceux-ci soient disponibles sur toutes les plateformes afin d’offrir un portefueille diversifié, cohérent et surtout abondant aux joueurs de la plateforme. Il est d’ailleurs important de rappeler que les exclusivités ne représentent que peu de ventes par rapport au volume total de jeux écoulés sur PlayStation.
La seconde vague
Fort de son armada de studios et des compétences acquises depuis la sortie de la PlayStation 3, départ de sa stratégie d’exclusivités, le célèbre éditeur est sans aucun doute en train de préparer sa seconde vague d’exclusivités majeures en provenance de ces studios internes. Alors … à quoi peut-on s’attendre à l’horizon 2024-2025 ?
En préambule, la grande majorité des studios de l’éditeur ont au moins sorti un jeu depuis 2020, que ça soit après la sortie de la PS5 ou juste avant. En effet, Naughty Dog et Sucker Punch concluaient en beauté la 8ème génération de console avec respectivement The Last of Us Part II et Ghost of Tsushima. Depuis, aucun trailer concernant un jeu inédit n’a été publié par l’un de ces studios et il y a fort à parier qu’ils sont sur des projets à des stades relativement avancés, laissant espérer des sorties dans les deux années à venir, notamment de la part de Sucker Punch. De son côté, les difficultés sont assumées de la part de Naughty Dog dans la création du stand-alone multijoueur de The Last of Us, qui ne semble pas trouver la recette miracle du genre selon l’analyse de Bungie. Pour autant, leur projet solo narratif est en développement en parallèle et nous pouvons espérer une annonce prochainement afin d’occuper le terrain médiatique.
De plus, le lancement de la PS5 a maintenant bientôt 3 ans. Une période durant laquelle les studios ayant proposé des jeux durant la fenêtre de lancement ont pu avancer sur des projets qui pourraient également être annoncés prochainement pour des sorties dans les 18 prochains mois. Nous pensons notamment aux prochains projets de la Team Asobi, de Bluepoint et de Housemarque.
Ainsi, sans parler des projets qui sortiront à l’horizon 2026-2027 si l’on considère des périodes de développement situées entre 4 et 5 ans, PlayStation a le potentiel de sortir 5 exclusivités en provenance de studios ayant fait leurs preuves dans les deux prochaines années (Sucker Punch avec la suite de Ghost of Tsushima, Naughty Dog avec Factions, Insomniac avec Wolverine, Housemarque avec un nouveau jeu, et Asobi avec un nouveau titre aussi). Et c’est sans parler des autres studios travaillant dans l’ombre depuis de nombreuses années à la manière de Bend Studio ou des projets développés par des studios externes tels que Kojima Productions avec Death Stranding 2 ou Rise of the Ronin avec la Team Ninja. Finalement, malgré un manque évident de communication offrant des perspectives sur l’avenir, SIE serait dans ses standards en continuant de proposer 2 à 3 exclusivités par an à sa communauté, si tant est que la communication à propos de l’année 2024 se lance enfin. Une vision certes optimiste mais envisageable, étant donné le nombre de studios appartenant à la marque.
De plus, Sony mise également énormément sur le jeu service et il sera intéressant de voir si cette typologie de jeux fonctionne avec la communauté de l’éditeur, qui est très attachée aux jeux solos narratifs. En effet, cela constitue un réel risque pour PlayStation qui a construit sa communauté sur des bases assez différentes. Un risque d’autant plus important que le constructeur met ses meilleurs studios faiseurs de jeux solos sur le coup au détriment de projets dont ils maitrisent mieux la formule.
Finalement, cet état des lieux des PlayStation Studios et les perspectives commerciales de l’éditeur rassurent. Certes, tout n’est pas idéal et l’inquiétude générée par l’absence de vision à court terme est compréhensible. Pour autant, le constructeur japonais passera sans aucun doute cette période difficile et la machine créative se relancera vite, portée par les 19 PS Studios de la marque, des structures qui font son succès et l’ensemble des partenaires. Alors finalement, un conseil est de mise : profitez du temps que vous offre malgré lui le constructeur pour découvrir des expériences différentes mais non moins exceptionnelles. Outer Wilds, Signalis, Chants of Sennaar … Ils n’attendent que vous !