Hier après-midi, PlayStation présentait la PS5 Pro, sa console de mi génération censée offrir une entrée haut de gamme à la marque en attendant la sortie, dans trois ou quatre ans, de la PS6. Et si tout le monde attendait l’annonce, beaucoup ont été surpris par la tonalité de la présentation de Mark Cerny, et bien évidemment par le prix qui touche à l’indécence. En plus du destin funeste de Concord qui est encore dans tous les esprits…
Voici l’édito de PlayStation Inside. Ce papier est signé du rédacteur en chef de PSI Yacine Ouali, et ne reflète pas nécessairement l’opinion du reste de la rédaction.
Une présentation étrangement rythmée
9 minutes. C’était la durée de la présentation annoncée par Sony avec la personne de Mark Cerny, l’architecte en chef de PlayStation depuis des années maintenant.
De cette courte communication, la presse et les joueurs étaient en droit d’attendre quelque chose de marquant. Pourquoi ne pas annoncer la console, sa date de sortie et son prix, et directement embrayer sur le reveal d’au moins un jeu développé pour utiliser la pleine puissance du hardware, comme Death Stranding 2 ?
Au lieu de cela, Mark Cerny a enchaîné les acronymes peu accrocheurs et a montré les capacités de la PS5 Pro avec des comparatifs… sur d’anciens jeux. Et encore, il fallait vraiment zoomer sur les images pour voir la différence !
Alors certes, la PS5 Pro semble embarquer un gain de puissance potentiellement intéressant sur le ray tracing, la fréquence d’images par seconde et surtout l’upscaling par l’IA. Mais est-ce vraiment ce à quoi le public répond le mieux ? Quand les équipes de communication chez PlayStation comprendront-elles que les posts de blog, les State of Play décevants et les vidéos de présentation technique ne lui donnent pas une bonne image ?
Cela fait quelques années déjà que nous relevons ce problème de communication chez PlayStation. Bien sûr, les ventes suivent et le succès des jeux est au rendez-vous. Mais au prix de quel prestige ?
Un positionnement tarifaire indécent
Passons au nerf de la guerre : le prix. Souvenez-vous, en 2016, la PS4 Pro était sortie à 399€, soit le prix de la console standard à sa sortie en 2013. Tout le monde était content, et les moutons étaient bien gardés.
Pour la PS5 Pro par contre, nous naviguons à vue sur l’autoroute de l’indécence. Après avoir fait passer la pilule de l’augmentation du prix de la PS5 standard à 550€, PlayStation a récidivé hier dans des proportions que personne dans le jeu vidéo n’imaginait.
Comment en effet justifier une console à 800 € ? Qui plus est, sans le stand vertical ni lecteur de disque, ce qui ferait monter le prix, pour un acheteur consciencieux, à 950€ le hardware… Dans une industrie qui n’a que très récemment passé la barrière mentale des 500€, et alors que Xbox préfère faire l’inverse en proposant des consoles d’entrée de gamme à moindre coût (la Series S), PlayStation prend l’autre route.
Pour 550€, ce qui est déjà une grosse somme, la PS5 devient désormais l’entrée de gamme de la marque. Et pour 800€ (plus si affinités), le haut de gamme vient renforcer l’aspect élitiste de cette génération de consoles. D’aucun pourront dire que le prix peut se comprendre vu le SSD de 2To et l’upscaling par l’IA. Mais est-ce réellement utile d’avoir un SSD aussi fourni quand celui de la PS5 suffit largement ? Nous imaginons bien que cet argument de vente vise surtout les joueurs aisés, mais le message envoyé reste celui d’une indécence assumée.
Bien évidemment, il faudra juger sur pièce, d’autant qu’à l’image de la PS4 Pro, la nouvelle PS5 représentera très probablement une petite minorité du parc installé de cette génération à la fin de son cycle, vu que le public visé est celui des technophiles. Mais si nous ne relevons pas l’indécence de PlayStation maintenant, c’est la porte ouverte à tous les abus. Qui plus est lorsque le constructeur est en situation de monopole…
C’est une bonne situation ça, le monopole ?
Quand PlayStation est en monopole, PlayStation tombe dans le piège de la surenchère. C’était le cas en 2006 – après une PS2 au grand succès, un Xbox pas encore au top et un Nintendo avec l’échec de la Gamecube – avec la PS3 à 600€ (ajusté à l’inflation, ce prix ferait hurler dans les chaumières aujourd’hui), une somme déjà indécente à l’époque.
Et quel a été le résultat des courses ? Xbox a dit à PlayStation « I Love You » et a quasiment gagné la génération, obligeant le constructeur japonais à redevenir humble avec la PS4, ce qui lui a servi.
On aurait donc pu imaginer que PlayStation apprendrait de ses erreurs. Mais dans l’industrie morcelée d’aujourd’hui, est-ce réellement utile ? Face à un Nintendo dans son segment et un Xbox qui délaisse le marché des consoles, l’indécence du tarif de la PS5 Pro aura-t-elle un réel impact négatif sur Sony ?
C’est peu probable. Déjà en avance grâce à ses excellents résultats, Sony se retrouve en monopole sur le marché des constructeurs non pas car la concurrence est battue, mais parce qu’elle choisit sciemment de laisser le champ libre. Dans ce cas de figure, on comprend mieux l’essai de Sony. De toute manière, si la PS5 Pro est un échec commercial, qui viendra ravir au constructeur sa place de numéro 1 ? Personne, probablement.
Et au fond, cette situation de monopole est encore plus inquiétante que celle de 2006, car PlayStation ne peut même pas véritablement apprendre de ses erreurs. Qui lance les paris pour la PS6 à 900 ou 999€ ?
L’insoutenable dureté du destin de Concord
Et alors que l’indécence règne sur les prix, elle existe aussi chez les PlayStation Studios. Il était impossible de passer à côté : le jour même de la sortie de l’excellent Astro Bot, les serveurs de Concord fermaient pour une durée indéterminée, tandis que le jeu était retiré de la vente et que Firewalk se confondait en excuses.
L’un des derniers vestiges de la stratégie mal construite des jeux service de Jim Ryan, Concord est l’exemple qui prouve que PlayStation navigue à vue. Le succès insolent d’Helldivers 2 ne cache pas l’échec de Concord, l’annulation de The Last of Us Factions et les licenciements chez Bungie.
Et alors que l’on se prend à avoir peur pour le destin de Fairgames et de son studio Haven, on arrive à la conclusion que PlayStation est à de multiples égards en train de devenir un constructeur hors sol.
Hors sol sur son positionnement tarifaire, sur son soutien minimal au PSVR2, sur sa stratégie bâclée du jeu service… Une fois de plus, si les chiffres nous font mentir comme avec le PlayStation Portal, il faudra accepter que la stratégie a porté ses fruits. Mais cela ne nous empêchera pas de continuer à penser que les limites de l’indécence ont été franchies avec le prix de la PS5 Pro et la mauvaise gestion du cas Concord.
En définitive, que dire ? Si nous doutons que l’ire des joueurs change quelque chose au prix de la PS5 Pro, nous pouvons au moins espérer que PlayStation se rende compte que la course à l’inflation n’est vraiment pas un lièvre à chasser. Il faut surtout espérer que la gestion des PS Studios s’améliore et que la communication autour de la marque ne soit plus hors sol.