Les films Spider-Man Into the Spider-Verse et No Way Home ont permis au grand public de découvrir que le multivers est un concept éculé et bien connu dans les comics de super-héros. Le monde du Spider-Man des jeux d’Insomiac Games ne fait pas exception avec un univers propre, dérivé en plusieurs comics aux histoires inédites. C’est sous le « doux » nom de Terre-1048 qu’est qualifié le monde dans lequel se déroulent les événements de Marvel’s Spider-Man, Marvel’s Miles Morales et Marvel’s Spider-Man 2.
Le focus récent de la « Maison des Idées » sur l’industrie vidéoludique a mené à la création d’une gamme spécifique de produits dérivés liée aux univers des jeux vidéo Marvel. Cette gamme, nommée Gamerverse, a son logo apposé aussi bien sur des figurines, des Pop! ou encore des comics; établissant un lien direct avec ce papier. Cette initiative a permis la création de trois séries de comics distinctes se déroulant dans la Terre-1048 où l’on retrouve le Spider-Man au logo blanc, celui des jeux Insomniac. Rangez donc votre lance-toile, l’heure est à la lecture (avec, attention, quelques spoilers sur le premier Spider-Man et Miles Morales)…
Une Ville en Guerre
Le premier comics tiré du monde des jeux d’Insomniac Games se nomme « City at War » ou « Ville en Guerre » dans son édition française publiée chez Panini Comics. Cette première série de 6 numéros retrace l’intégralité des événements du jeu original (sans les DLC). On y débute donc par Peter Parker qui se jette au combat contre Fisk jusqu’à la rencontre fatidique de Spider-Man contre l’initiateur des Sinister Six en passant par l’affrontement contre Mister Negative.
Le comics n’a pas de temps à perdre et a la lourde tâche d’expliquer l’ensemble de l’histoire en une centaine de pages. On retrouve donc l’intégralité des éléments clés, parfois raccourcis, ainsi que des ellipses rarement dérangeantes. Néanmoins certains personnages passent presque complètement à la trappe, notamment le casting (non principal) des Sinister Six ainsi que Silver Sable dont l’implication dans l’histoire est inexplicable sans avoir joué au jeu.
Malgré un allègement de bonne facture qui va à l’essentiel, le récit se permet aussi d’avoir de l’inédit. En effet, il arrive parfois de voir les événements du point de vue de Miles ou Mary Jane Watson là où le jeu nous le laisse deviner voire nous l’élude. Ces ajouts sont pertinents et montrent que le travail d’adaptation de Dennis « Hopeless » Hallum et Christos Gage a été bien fait en respectant la source originale tout en la rendant digeste pour un lecteur de comics.
Au-delà des différentes couvertures et variantes qui sont souvent des plus sublimes, on retrouve l’illustrateur italien Michele Bandini au dessin des cases. Celui-ci délivre des dessins simples mais efficaces, on y reconnait bien les personnages et environnements du jeu. L’artiste se permet même de reprendre des moment emblématiques de la production Insomniac, à l’image près.
Ce comics sorti au format Hardcover en France a la lourde tache donc de se remémorer les événements du premier jeu sans avoir à revivre les quelques dizaines d’heures derrière le pad, mais à travers une lecture fluide et agréable.
Le Casse de Black Cat
Cette nouvelle série de comics est à nouveau tirée des événements du jeu, mais cette fois-ci l’histoire retrace les événements du Season Pass « La Ville qui ne dort jamais ». La série nommée « The Black Cat Strikes » (ou « Le Casse de Black Cat ») est cette fois éditée et publiée en cinq numéros contre six précédemment. Les différentes quêtes des DLC (« Le casse », « La guerre des gangs » et « Le retour de Silver ») sont aussi adaptées, avec des apparitions de Hammerhead ainsi que Silver Sable.
Si « City at War » n’avait pas assez de pages pour adapter son histoire, ici c’est l’inverse, les DLC étant bien plus courts que le jeu de base. Néanmoins les moments qui n’impliquent pas Black Cat dans ces DLC sont gommés avec de nombreuses ellipses. Par conséquent, l’implication de Silver Sable est une nouvelle fois difficilement compréhensible ainsi que la conclusion avec Hammerhead qui est pour le moins expédiée. Le but recherché par les auteurs reste de mettre en avant le cœur du récit, à savoir la relation entre Peter et Felicia Hardy (Black Cat).
Cette adaptation a été l’occasion pour Marvel d’ajouter pas mal d’histoires inédites ou simplement évoquées dans le jeu vidéo. Les discussions entre Peter et Felicia font souvent écho à des flashbacks conséquents montrant leur rencontre ainsi que leurs premières aventures. Le comics se permet aussi d’ajouter de la personnalité à Mary Jane dont les sentiments envers Felicia sont ici montrés avec notamment des flashbacks de sa première rupture avec Peter.
A l’écriture, on retrouve à nouveau Dennis Hallum qui a, à nouveau, fait un très bon travail d’adaptation en ajoutant de l’intérêt aux personnages du jeu. Au dessin, on a ici un autre illustrateur italien du nom de Luca Maresca. Celui-ci a un style de dessin très proche de Michele Bandini, passer d’un récit à l’autre ne pose donc aucune difficulté, c’est fluide et peu perceptible pour le lecteur.
Cette série de comics reste par conséquent une adaptation des DLC du jeu qui rend l’histoire bien plus touchante et importante pour Peter et MJ, même si quelques sacrifices ont dû être faits.
Vélocité
La troisième et dernière série de comics tirée de cet univers se nomme « Velocity » ou « Vélocité ». Il s’agit d’une série en 5 numéros tout comme la précédente. Cette fois-ci, l’histoire est totalement inédite et se déroule dans la continuité du Casse de Black Cat, soit après la fin du jeu originel et de son DLC. Spider-Man devra affronter deux nouveaux ennemis qui le mèneront à créer l’emblématique armure « Vélocité » que Peter peut revêtir dans le jeu.
L’histoire débute avec Peter qui affronte un adversaire d’un nouveau genre contrôlant des abeilles qui mettront son costume à rude épreuve. À la suite de cet événement, il utilisera les technologies d’Otto Octavius pour créer une Spider-Armure assez proche de la Spider-Armure MK3 présente dans le jeu. Cependant, une récente enquête journalistique de Mary Jane les amènera à se confronter à un autre mystère. Il deviendra alors nécessaire pour Peter d’atteindre des vitesses hors normes menant à la création de la fameuse tenue « Vélocité ».
Même si l’histoire de la création de cette armure ne semble, au premier abord, pas une information notable méritant une série de comics à elle seule, le récit prend finalement tout son sens, en faisant écho au passé de Mister Negative comme à la vie de Peter Parker.
Avec une construction à 100% pour le médium comics, Dennis Hallum peut enfin se faire plaisir et apporter une écriture plus cohérente avec une enquête au long cours qui saura tenir en haleine ses lecteurs. Les dessins sont réalisés par Emilio Laiso, également un artiste italien (jamais deux sans trois). Les illustrations de ce dernier sont à la fois plus détaillées et plus « enfantines », l’ensemble donnant un style moins neutre qu’ont pu avoir les autres dessinateurs.
Cette histoire inédite est bourrée d’action et de moments attendrissants, permettant de creuser un peu plus le monde du jeu avec une apparition anecdotique, mais assez drôle pour être relevée, d’un personnage majeur de la mythologie de Spider-Man.
Les One-Shots
Même s’il n’y a pas eu d’autres séries à proprement parler sur la Terre-1048, il y a néanmoins eu deux one-shots (autrement dit, des comics publiés à travers un numéro unique) se déroulant dans cet univers.
Le premier est Spider-Geddon #0, il s’agit d’un numéro d’introduction de l’arc narratif Spider-Geddon qui fait suite au Spider-Verse (du comics, pas les événements du film). Il s’agit à nouveau d’un événement regroupant une multitude de Spider-Man d’univers différents. Dans ce numéro 0, on suit notre Peter Parker de la Terre 1048 qui affronte une nouvelle menace : Tarentula.
Pendant son combat contre cette nouvelle menace, le Spider-Man de la Terre-606 (celle des comics originaux) arrive et prête main forte à notre Peter. Ce dernier est d’ailleurs méfiant face à ce « Superior Spider-Man » qui arrive de nulle part et qui est alors possédé par l’esprit du Dr Octopus. C’est au final cette relation commune avec Otto qui va convaincre Peter de le suivre dans la quête contre les Héritiers, menace dévorant les symboles d’araignées.
Cette courte histoire est assez originale en mettant un nouvel ennemi sur la route de Peter. Le parallèle entre les bras mécaniques de Superior Spider-Man (contrôlé par Docteur Octopus) et Tarentula mène à un combat sympathique. Néanmoins, après une apparition en fanfare dans ce numéro d’introduction, le Peter de la Terre-1048 sera perdu dans la masse des Spider-Man dès le numéro suivant.
Ce volume 0 est consultable de différentes manières sur le marché français, présent dans les différentes hardcover de Spider-Geddon mais aussi dans la récente édition souple « Marvel Multiverse T06 » où le Spider-Man au logo blanc est même en couverture.
Le dernier one-shot en date est un numéro spécial offert aux USA pendant le Free Comic Book Day 2023. Ce numéro sert d’introduction au second opus du jeu vidéo Marvel’s Spider-Man et porte même le logo du jeu en couverture.
Cette nouvelle histoire débute par Peter et Miles affrontant Tarentula qui se prend à nouveau une raclée par deux araignées, mais cette fois-ci le duo est quelque peu rouillé. On apprend alors que Peter revient tout juste d’Europe (faisant écho aux événements mentionnés dans le jeu Marvel’s Miles Morales) alors que Miles est stressé par son entrée à l’université. Cependant, un nouveau gang contrôlé par un individu nommé The Hood obligera les Spider-Man à se retrouver et s’unir face à cet ennemi lié à leurs passés.
Ce court récit permet de patienter avant la sortie prochaine de Marvel’s Spider-Man 2 et montre quelques éléments du jeu de manière subtile, à l’instar du Bronx qui apparaitra dans le titre exclusif à la PS5. Notons que celui-ci est, pour l’instant, un quartier réservé au comics, pas encore exploité dans les autres médias montrant la Terre-1048. Ce numéro est actuellement inédit en France mais sera offert par l’enseigne Micromania dans le cadre de leur offre de précommande du titre Marvel’s Spider-Man 2.
Si le #1 en haut à droite de la couverture laisse penser que la suite est dans les tuyaux, rien n’a pour le moment été annoncé. Nous ne sommes pas à l’abri d’autres numéros qui viendront raconter les événements du jeu dans les prochains mois.
Il n’est pas difficile de percevoir l’aspect très mercantile au cœur de certaines propositions d’adaptations d’univers de comics en jeux vidéo. Il existe des mauvais exemples comme les comics Fortnite x Marvel qui viennent appuyer ces allégations dès lors que le seul intérêt de l’achat dudit comics est de récupérer le code à l’intérieur pour un cosmétique utilisable « in-game ». Néanmoins, il y a de véritables contre-exemples, comme la licence Assassin’s Creed qui n’a pas hésité à partir explorer d’autres histoires et assassins dans ses nombreux comics ou même la licence Horizon qui a eu le droit à deux comics nourrissant le lore de l’univers pensé par Guerrilla Games.
Les deux premiers volumes du comics Marvel’s Spider-Man sont exactement dans cette mouvance d’adaptation, néanmoins ce ne sont pas des produits dénués d’intérêt. En effet, ce n’est pas pour rien que la série The Last of Us a eu tant de succès, tout cela tient à la qualité d’adaptation. Dans ce cas précis, l’adaptation a été très bonne avec des éléments nouveaux pouvant transcender le jeu d’origine. Le média du comics n’a pas les mêmes limitations de narration que peut avoir un jeu où le gameplay et le scénario doivent être constamment balancés, équilibrés. De plus, l’auteur Dennis Hallum a petit à petit réussi à se démarquer du jeu tout en respectant son esprit. Nous sommes donc en présence d’un premier volume assez proche du jeu, un second volume qui explore de nouvelles choses et un troisième complètement inédit.
La stratégie transmédia prend un sens plus fort si l’on regarde au-delà du jeu vidéo : Spider-Man est une franchise dont la renommée n’est plus à prouver et bon nombre de lecteurs de comics ne sont pas des joueurs. L’inverse est aussi vrai : les joueurs ne sont pas forcément lecteurs de comics. Ouvrir ces portes vers du contenu connexe mais différent est très intéressant pour Sony et Marvel qui ont chacun leurs attentes : voir des lecteurs acheter le jeu et des joueurs faire l’acquisition des comics.
La firme japonaise aurait pu aller encore plus loin avec la sortie du film Kraven qui aurait dû avoir lieu à la même période que la sortie de Marvel’s Spider-Man 2, dans lequel le personnage tient une place d’envergure. Malheureusement, le film a dû être reporté, mais nous comprenons bien l’ambition de Sony de profiter des synergies entre ses entités (Sony Computer Entertainment et Sony Pictures) pour ne jamais perdre l’attention des joueurs, cinéphiles ou lecteurs sur leurs franchises à succès.