En 2012 paraissait le premier Dragon’s Dogma, toute nouvelle IP de Capcom. S’inspirant de jeux comme Devil May Cry, Monster Hunter ou Shadow Of the Colossus, l’A-RPG de Capcom ne trouvera malheureusement pas instantanément le succès. 12 années plus tard, Dragon’s Dogma 2 est un des jeux les plus attendus de l’année aux côtés de Final Fantasy VII Rebirth et Rise Of The Ronin, probablement ses plus grands concurrents. Mais que s’est-il passé pour que Dragon’s Dogma 2 devienne ainsi une des grandes attentes de l’année ? Et que peut-on attendre de cette nouvelle mouture ? Tentons de répondre à la question, à l’aube probable d’une démo qui nous permettra d’y voir bien plus clair.
NB : À noter que l’on ne parlera ici que de Dragon’s Dogma premier du nom, son DLC Dark Arisen et sa suite directe Dragon’s Dogma 2. Étant donné l’exclusivité asiatique du MMO Dragon’s Dogma Online, il est difficile d’en parler réellement, sans compter le fait que le réalisateur de la série, Hideaki Itsuno, n’a pas participé au projet.
NB 2 : Cet article a été rédigé avant l’arrivée des previews de nos confrères. Nous ne manquerons pas de l’étoffer avec un nouveau papier si et quand la démo sortira et que nous l’aurons testée.
Capcom à bout de souffle face à From Software et Bethesda
En 2011, deux énormes mastodontes du RPG étaient arrivés sur nos machines : Dark Souls, suite spirituelle de Demon’s Souls, qui deviendra vite un incontournable, et un certain Elder Scrolls V : Skyrim qui allait tout simplement retourner le monde vidéoludique pendant des années lui aussi. Ces deux hits étant aujourd’hui encore des références du genre, il n’est pas surprenant que Dragon’s Dogma, la tentative presque confidentielle de Capcom, n’ait pas pu réellement se battre au coude à coude contre ces géants en 2012.
Car si le jeu est populaire chez les joueurs aujourd’hui, il ne l’était même pas chez Capcom à l’époque. Resident Evil 6 était alors en développement, et l’entièreté de la communication de l’éditeur portait dessus. Au point que Dragon’s Dogma était sorti comme faire valoir pour Resident Evil 6 en ajoutant l’accès à une démo exclusive du shooter. Avec quasi-aucune communication autour du soft (on a tout de même eu en France une tétralogie de vidéos par Fred et Seb de la chaîne Joueur du Grenier), Dragon’s Dogma passera inaperçu pour la majorité des joueurs, même si quelques fans hardcore de Resident Evil pourront l’avoir acheté pour la démo incluse du mythique shooter. En combinant ainsi le manque de communication de la part de Capcom à la mainmise de Skyrim et Dark Souls sur le RPG Medieval-Fantastic, Dragon’s Dogma ne pouvait absolument pas sortir la tête de l’eau. Mais le bouche à oreille a finalement eu raison de cet échec, et le jeu dépasse aujourd’hui les 8 millions de ventes.
Malgré son caractère ultra référentiel, Dragon’s Dogma est un jeu unique
Finalement, si Dragon’s Dogma est parvenu à un tel succès avec le temps, c’est qu’il a ce quelque chose de particulier qui en fait un grand jeu. Non pas qu’il soit soit dénué de défauts, mais ses qualités et sa générosité en font une expérience spéciale pour beaucoup de joueurs.
Premièrement, il faut parler du système de combat. Dragon’s Dogma a été dirigé par Hideaki Itsuno. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est entre autres le réalisateur de la plupart des épisodes de Devil May Cry. Et sa patte se ressent instantanément dans le gameplay. Les combats sont riches et nerveux, et chacune des batailles devra se prendre différemment, en particulier contre les monstres les plus gros. Nombre d’attaques de Dragon’s Dogma sont d’ailleurs des références plus ou moins directes à celles de Devil May Cry. Mais ce n’est pas le seul jeu qui a inspiré le gameplay d’Itsuno.
Comme nous l’écrivions dans l’introduction, Monster Hunter est une des autres inspirations de Dragon’s Dogma. Les monstres ont tous un point faible particulier, et la connaissance du bestiaire est importante. Cela ne s’arrête pas juste aux faiblesses élémentaires, chaque monstre a une partie du corps particulièrement vulnérable et s’y attaquer changera le comportement de l’ennemi, en plus de lui faire plus de dégâts. L’exemple le plus flagrant serait les chimères, dont les attaques changeront en fonction de quelle partie du monstre est vaincue en premier, serpent, lion ou chèvre, chacune de ces parties ayant des forces et faiblesses particulières. Et pour beaucoup de ces monstres, il est nécessaire de les escalader. C’est d’ailleurs là la troisième grande inspiration de Dragon’s Dogma, avec Shadow Of The Colossus. Comme dans l’oeuvre de la Team Ico, il est possible (et souvent nécessaire) d’escalader les différents ennemis que l’on croisera dans le titre de Capcom afin de les frapper là où leur point faible majeur se trouve. Et bien qu’on rencontre les monstres classiques du bestiaire vidéoludique comme les bandits, les loups ou les gobelins, les monstres que l’on croisera varieront beaucoup, en particulier en terme de taille. Les griffes d’un dragon ou les orteils d’un cyclope ne sont pas tellement la meilleure méthode pour tuer ces bêtes. Il faudra donc redoubler de stratégie et grimper sur les ennemis à abattre pour s’attaquer aux parties les plus vulnérables de leur corps.
Fort heureusement, vous ne combattrez pas seul et c’est ici que repose la seconde grande qualité du jeu, son système de pions. Assez rapidement après le début de l’aventure, le joueur a la possibilité de créer un nouveau personnage, qui nous accompagnera tout le long de notre partie. Ce personnage est un pion, et tout son comportement sera lié aux actions que vous aurez en combat et aux connaissances qu’il aura. En plus du pion principal, il est possible d’en recruter deux autres que d’autres joueurs auront créé. Et c’est avec cette belle équipe que le joueur partira à l’aventure. Les pions engrangeront des connaissances, que ce soit pour les quêtes ou les monstres. Et s’ils sont recrutés par un autre joueur, ils reviendront à vous avec des connaissances nouvellement acquises. Votre pion changera par exemple de tactique et visera les points faibles qu’il aura appris au combat, et pourra vous indiquer la marche à suivre et le chemin durant des quêtes que les joueurs qui l’auront recruté auront déjà faites. Enfin, le pion apprend aussi des actions du joueur. Si vous utilisez régulièrement des soins, il commencera à en utiliser aussi, pour soigner le joueur ou se soigner lui même. Si vous grimpez régulièrement aux ennemis, il le fera aussi, et si vous jouez de manière plus distante, il restera à proximité. Et c’est ainsi que malgré l’absence d’un véritable mode multijoueur, on ne se sent jamais réellement seul dans Dragon’s Dogma.
Et la première aventure en Gransys nécessite d’avoir ses pions à proximité, car Dragon’s Dogma est loin d’être facile sur les premières heures. Le moindre gobelin est un véritable challenge, et le jeu vous envoie face à plusieurs monstres à la taille démesurée dans la première heure, qui vous piétineront avant que vous ayez pu cligner des yeux. Cela fait peut-être partie des défauts du titre d’ailleurs. L’aventure est très ardue pour beaucoup de joueurs, et la date de sortie désormais lointaine ne facilite rien.
Il est ensuite indéniable que Dragon’s Dogma a vieilli, tant graphiquement que dans sa qualité de gameplay. Les pions parlent constamment, avec parfois des informations utiles, et d’autres pour répéter pour la septième fois dans l’heure que les loups chassent en meute. L’interface est extrêmement chargée, au point de cacher presque la moitié de l’écran à certains moments, et interagir avec le matériel présent dans le sac est une tannée tant les menus sont complexes pour aucune raison.
D’autres caractéristiques importantes pour Itsuno pourraient être vues comme des défauts pour beaucoup d’ailleurs. Le voyage rapide est quasi inexistant pour longtemps au cours de la première run, et certains lieux sont assez complexes à atteindre. Comme écrit plus tôt, aucun multijoueur n’est disponible, et si la raison réside dans la volonté de mettre plus en avant encore le système de pions, beaucoup de joueurs auraient pu vouloir voyager dans les terres de Gransys avec des amis. Mais le problème majeur de Dragon’s Dogma est son manque de budget, encore une fois. Capcom croyant assez peu en ce projet initialement, les équipes d’Itsuno ont dû fortement se restreindre et retirer pas mal de contenu initialement prévu. Ils ont pu compléter un peu le tout avec le donjon de l’Amertume dans le DLC Dark Arisen, mais le sentiment d’un jeu inachevé reste quand même présent.
Dragon’s Dogma 2 : évolution ou révolution ?
Tout ceci étant dit, à quoi peut-on s’attendre de Dragon’s Dogma 2 ? À une quinzaine de jours de sa sortie, on ne sait toujours pas grand-chose du jeu. Capcom et les équipes d’Itsuno gardent tout de même le secret sur les nouveautés de ce prochain opus, même si ils en ont montré assez pour se faire une idée, et que la présentation de ce jeudi 7 mars 2024 (à… 23h59) devrait encore plus lever le voile sur l’aventure.
Premièrement, soyons sûrs que Dragon’s Dogma 2 sera la version pleinement aboutie qu’Itsuno et ses équipes avaient en tête à la création du premier titre. La taille de la carte sera par exemple bien plus vaste, avec différents royaumes à visiter et différentes races de personnages. C’est l’un des points qu’Itsuno avait dû réduire dans le premier opus, la carte originale étant par exemple plus petite de plus de 50 % par rapport à ce qui était originalement prévu. Étant donné l’importance capitale de l’exploration dans Dragon’s Dogma, une autre composante très réussie du premier volet, on peut s’attendre à pléthore de donjons, cavernes et autres lieux à visiter pour le 2ème opus. Le bestiaire est également plus vaste et varié, avec l’arrivée par exemple du Sphinx, qui en plus d’être un boss optionnel, pourra vraisemblablement nous donner des quêtes et des énigmes à compléter.
En parlant de quêtes, sachez que les secondaires seront aussi plus travaillées, plus riches, et demanderont plus de la part du joueur que simplement aller chercher un objet ou escorter un PNJ. Il sera d’ailleurs nécessaire pour certaines quêtes qu’un pion ait un talent particulier, par exemple la traduction de la langue elfe à la langue commune, comme vu dans une bande annonce. Un autre point important sur lequel Itsuno a beaucoup communiqué est aussi l’importance de la préparation avant de partir en excursion dans les plaines et déserts de Dragon’s Dogma 2. À l’inverse du premier, il ne sera par exemple pas possible de se soigner pleinement à l’aide d’objets, et il sera nécessaire de camper la nuit afin de remplir la barre de vie. Étant donné la dangerosité des plaines de Gransys la nuit dans le premier titre, il sera effectivement important de ne pas se balader à l’aveuglette en pleine obscurité, car nuit noire dans Dragon’s Dogma signifie réellement nuit noire, et une lanterne ne suffira pas.
Ainsi, si on avait pu croire que le jeu tenterait de s’ouvrir à un nouveau public en facilitant ses mécaniques, il semble que ce ne sera pas totalement le cas, et Dragon’s Dogma 2 sera même probablement plus sévère que le premier. Le voyage rapide reste un luxe et il sera toujours important de poser des Portacristaux aux endroits importants pour y aller à l’aide d’une transpierre. Sinon, il faudra à l’instar du jeu de 2012… voyager en char à bœufs. Ce qui permettra des déplacements un peu plus simples certes, mais sans être à l’abri tout autant d’être attaqué sur le trajet.
Mais évidemment, ce qui est le plus attendu au tournant sera le gameplay. Et il semblerait que certains changements aient été effectués. Il était par exemple possible d’équiper jusqu’à 8 compétences par vocation (une vocation correspond à une classe de personnage, ndlr) dans le premier Dragon’s Dogma. Ce nombre a été réduit à 5, dont une sera innée à la vocation que l’on utilise, et forcera donc le joueur à être plus méticuleux sur le choix de pions qu’il fait, et sur le choix de ses propres compétences. De plus, certaines de ces vocations ont été retravaillées, et l’arc par exemple bénéficie maintenant de sa propre classe, et donc probablement de sa propre avancée et de ses propres hybrides, ce qui multipliera les possibilités.
Évidemment, qui dit nouvel opus dit aussi nouvelles vocations de personnages cette fois, et certaines ont déjà été révélées, dont le Chevalier Mystique qui semble avoir remplacé le Paladin comme hybride Chevalier/Mage. Une autre révélée récemment est celle du Conquérant, qui donnera tout simplement accès à toutes les classes et toutes leurs armes au prix d’une diminution des statistiques. De plus, certains maîtres seront présents dans l’univers afin d’apprendre les versions plus évoluées d’autres compétences, celles ci n’étant vraisemblablement plus juste liées au niveau de vocation, encourageant encore plus l’exploration et la découverte. Nous pourrons simplement regretter que ces vocations, qui sont donc des classes de personnages, ne seront qu’au nombre de 10 dans Dragon’s Dogma 2, alors que nous aurions pu en espérer un peu plus.
Enfin autre point très important, l’intelligence artificielle semble avoir nettement évolué depuis le premier, fort heureusement. Et bien que le premier offrait une IA relativement bonne à l’époque, avoir des pions réellement intelligents pourrait être la véritable plus-value du jeu. Ces derniers avaient en effet la fâcheuse tendance à se répéter constamment dès lors que l’on croisait des ennemis. Et au bout de la 37e fois, la majorité des joueurs auront compris que oui, les loups chassent en meute, et que les gobelins sont sensibles au feu.
En somme, Dragon’s Dogma 2 semble être non pas une révolution, mais la véritable forme finale du premier Dragon’s Dogma et surtour la finalisation de la vision originale du créateur du jeu.
Ainsi, si les visions de l’auteur se confirment, et qu’on nous offre en Dragon’s Dogma 2 un Dragon’s Dogma en mieux, gommant les défauts du premier, sublimant la recette originale et complétant son univers, nous seront peut-être à l’aube du GOTY de cette année, voire même de l’un des meilleurs jeux de cette génération, le premier ayant été un véritable coup d’éclat de la part de Capcom malgré sa sortie confidentielle. Dragon’s Dogma ayant eu contre toute attente un gigantesque bond en terme de popularité au fil des années, Capcom n’a pas manqué d’y mettre également le budget pour ce 2ème opus, ce qui nous permettra, espérons-le, d’avoir finalement le véritable A-RPG qu’Hideaki Itsuno souhaitait.
Évidemment rien n’est acquis, et tout reste à voir, mais Capcom et Itsuno semblent particulièrement confiants, et à quelques heures de la sortie possible de la démo, et quelques semaines à peine de celle du jeu, on peut effectivement croire à un nouveau must-play de Capcom, qui semble être absolument inébranlable depuis quelques années.