Exceptionnellement, nous nous permettrons dans ce papier d’écrire à la première personne, car cette critique est au fond très personnelle. Bonjour à toutes et à tous et merci de nous lire sur PlayStation Inside. C’est Yacine à la plume, rédacteur en chef et co-fondateur. Bienvenue dans ce 2ème épisode du carnet de bord de Final Fantasy VII Rebirth, qui a été préféré à une critique classique pour les raisons détaillées ici. Bonne lecture, et bien évidemment attention spoilers !
Le premier épisode :
Keep Kalm and carry on… in Novigrad ?
Après les péripéties du premier chapitre de Final Fantasy VII Rebirth (retrouvez le papier dans le lien de l’introduction), voici que l’histoire principale du jeu se lance avec nos protagonistes dans la ville de Kalm. Cette zone, avec celle de la prairie qui suit, sert à peu près de tutoriel pour le jeu. Mais ce que j’apprécie dans Rebirth, et ce qui me plaisait déjà dans Remake, est que n’importe quel moment de l’histoire peut être propice à approfondir les relations entre les personnages et à renforcer le scénario. Chaque séquence, qu’elle soit avec ou sans dialogue, permet de creuser Cloud ou les autres héros.
À Kalm, après le flashback de Nibelheim, le « vrai » début de l’expérience s’accompagne ainsi de nouveaux soubresauts dans la relation mouvementée entre Cloud et Tifa. Avec les souvenirs douloureux rappelés dans le prologue, Tifa ressent le besoin de s’ouvrir à Cloud sur ce qu’elle voit comme une asymétrie relationnelle entre sa sincérité à elle et son opacité à lui. C’est l’occasion, à l’auberge ou même le lendemain lors d’une sorte de balade bucolique, de s’intéresser à la petite histoire sans oublier évidemment de l’inclure dans la grande, avec l’arrivée des compagnies de la Shinra qui oblige tout ce beau monde à quitter la ville.
Mais au-delà des relations interpersonnelles, une chose m’a frappé dans ce 2ème chapitre de Rebirth, et je voulais prendre le temps de vous en parler. Quand on pense à toute la légende de Final Fantasy VII, qui est régulièrement décrit comme le plus grand jeu de tous les temps, on pourrait imaginer que les développeurs de Square Enix ne s’inspirent que de leurs aînés, tant tout a déjà été fait et dit dans la saga des Final Fantasy. Mais ce n’est pas le cas ici, et c’est à mon sens ce qui fait toute la force de cette trilogie Remake. En effet, au lieu de seulement réadapter le titre de 1997 à une nouvelle époque et en trois épisodes, les développeurs ne se sont pas privés, et c’était déjà le cas en 2020, d’incorporer dans leur jeu des inspirations extérieures à Final Fantasy.
Comme aime le dire mon ancien collègue Brian, notamment dans son test rétro de Remake, Final Fantasy VII est une réinvention méta. Ce n’est pas un « simple » remake, mais plutôt une relecture amoureuse du matériau original tout en étant conscient de l’époque dans laquelle elle est faite. Et cette époque, celle des RPG mâtinés d’action et d’aventure, a été marquée quoiqu’on en dise par un mastodonte sorti en 2015 d’un certain studio polonais : je parle bien évidemment de « The Witcher 3 : Wild Hunt« . S’il a ses défauts, notamment un monde ouvert bien trop classique et une construction des quêtes peut-être un poil trop calibrée, The Witcher 3 reste un étalon du genre, et la base sur laquelle sont partis nombre de studios après lui pour leurs développements.
Dans Final Fantasy VII Rebirth et précisément donc à Kalm, j’ai senti plusieurs inspirations liées à The Witcher 3. Tout d’abord, il y a la ville de Kalm en elle-même. Avec son ambiance médiévale, ses rues pavées, ses maisons pour certaines aux toits pointus et l’atmosphère à la fois apaisée et empressée, Kalm m’a directement fait penser à Novigrad, la grande ville de The Witcher 3. Dans le jeu de CD Projekt, Novigrad est un hub autour duquel gravitent tous les personnages, dont Geralt bien sûr, et devient au cours de l’aventure un passage quasi obligé entre les missions, avant le grand départ pour Skellige.
En plein cœur du vaste monde désolé qu’est le Continent dans The Witcher 3, Novigrad est ce lieu où tout est possible. On peut y améliorer ses armes, comme dans FF7 Rebirth. On peut y rencontrer les meilleurs joueurs de Gwent, à l’image du Queen’s Blood de Kalm. On peut aussi s’instruire dans les meilleures librairies, s’allier à des gérants d’auberge mystérieux, trouver l’amour, etc… Au fond, et les développeurs l’ont de toute manière confirmé, j’ai directement ressenti à Kalm une filiation avec Novigrad. Dans sa réadaptation de l’un des plus grands jeux de tous les temps, Square Enix ne semble pas hésiter à puiser chez d’autres studios, dans d’autres histoires, pour renforcer la sienne. Et c’est une bonne chose !
Du Gwent au Queen’s Blood : le retour en grâce des mini-jeux dans les AAA
L’autre inspiration majeure que je vois dans Rebirth à propos de The Witcher 3 est bien évidemment celle du Queen’s Blood, le magnifique jeu de cartes qui fait penser au Gwent de CD Projekt. Avec des règles très différentes bien sûr, le Sang de la Reine ajoute tout un pan ludique au titre de Square Enix, et toute une rejouabilité en dehors même de l’aventure de Cloud et consorts.
C’est là au fond que le Queen’s Blood est le plus intéressant, car de mini-jeu en apparence classique, il devient quasiment une expérience à part entière de Rebirth. On peut passer l’entièreté de Rebirth (à partir du moment où la map est explorée et les ennemis vaincus) à jouer au Queen’s Blood et à devenir le meilleur dresseur… pardon, joueur. Il n’est ainsi pas farfelu de penser qu’en fonction de son succès, le jeu de cartes de Square suive le même destin que celui de CD Projekt, avec le développement d’un standalone dédié et une véritable incursion dans l’univers assez balisé et bouché du jeu de cartes interactif.
De même, et au-delà du destin du Queen’s Blood, son intérêt est aussi de démontrer le retour en grâce des mini-jeux dans les AAA. En plus de l’histoire principale, des quêtes secondaires et de tout l’enrobage, Final Fantasy VII Rebirth donne le sentiment d’être un titre ultra complet grâce à sa pléthore de mini-jeux. Ces derniers n’ont rien à voir avec l’histoire pour la plupart et c’est cela qui fait leur force : on peut s’y perdre à l’envi, faire des squats avec Tifa, jouer avec Red, battre les meilleurs au Queen’s Blood, et complètement se perdre dans cet univers qui vit à côté, finalement, de celui de Rebirth, de Cloud et de Sephiroth. Dans le domaine des AAA actuel, cette réactualisation des mini-jeux offre une respiration bienvenue en plus de faire frémir le cœur des complétionnistes. On se prend à se remémorer l’époque de la PS1 et de la PS2, quand ces mini-jeux étaient la norme. On se souvient de Rayman, d’Astérix XXL, de Dragon Ball et de tant d’autres titres dans lesquels ces expériences rallongeaient sans artifices la durée de vie, et finissaient par laisser quasiment plus de souvenirs que l’histoire principale. Longue vie au Queen’s Blood et à ses compagnons, donc.
Il était une fois dans la prairie, ou plutôt dans la Chambre des Secrets
Après Kalm, il est enfin temps de s’échapper de la ville pour se perdre dans l’immensité verte de la prairie. Première expérimentation de FF7 Rebirth dans le monde semi ouvert, cette prairie offre à perte de vue des étendues vertes aux multiples secrets qu’il nous appartient de découvrir. Comme Naughty Dog avec The Last of Us Part II, cette zone n’a pas vocation à remplacer la linéarité de l’aventure, mais elle donne une respiration bienvenue, en particulier dans le monde dieselpunk de FF7.
Ici, libre à chacun de prendre la zone comme il le souhaite. Par curiosité et grâce au jeu des sauvegardes, j’ai parcouru la zone en prenant tout mon temps, et une autre fois en y allant d’une traite pour voir la différence. Bien évidemment, je ne peux que recommander de prendre son temps dans la prairie, ne serait-ce que pour gagner en expérience face aux ennemis, faire la connaissance de certains PNJ, chasser du chocobo et tout simplement admirer les paysages.
Pour finir ce chapitre 2, nous voici enfin devant Midgardsormr. Premier vrai boss du jeu, ce serpent maléfique s’inscrit dans une longue lignée de créatures du même genre dans la littérature, le cinéma et le jeu vidéo fantastiques. On pense à Harry Potter et la Chambre des Secrets, au Seigneur des Anneaux, etc…
Et puis rapidement, on comprend que ce serpent est en fait foncièrement celui de FF7 Rebirth. Très agile, et difficile à vaincre lors de ses 3 phases, cette créature confirme la virtuosité de Square Enix dans la construction de ses combats de boss et leur mise en scène. Jamais, lorsque l’on joue à Final Fantasy VII, ne s’ennuie-t-on face à un boss. En trois phases et autant d’artifices, Midgardsormr a largement le temps de m’éblouir et de me donner envie de continuer l’aventure sans m’arrêter. Mais ça, c’était avant la conclusion de ce combat…
Sephiroth : il faut qu’on parle
Je l’écrivais dans l’épisode 1 de ce carnet de bord : Sephiroth, que caches-tu derrière ce sourire ? Ce paragraphe sera court car à ce moment-là de l’aventure, je n’en ai pas les réponses. Alors que je réussis enfin à battre Midgardsormr, le monstre attrape Cloud et l’entraîne sous l’eau. Quasiment noyé, Cloud est soudain sauvé par… nul autre que Sephiroth, qui tue la créature d’un coup d’épée. Cloud perd connaissance et se réveille ensuite au doux son de la voix d’Aerith, avant que le chapitre 3 ne commence.
À tout cela, je n’ai qu’une seule question : pourquoi ? POURQUOI ? Quelles sont les motivations de Sephiroth ? Qui est-il vraiment ? Moi qui croyais avoir eu les réponses dans le chapitre 1, me voilà de retour à la case départ…
Allez, ce mal de tête mis de côté, je vous donne rendez-vous bientôt pour le prochain épisode du carnet de bord.