Le studio Angoumoisin Seed by Seed, incubé à l’Enjmin (l’École nationale du jeu et des médias interactifs numériques), revient en ce mercredi 15 mai avec sa deuxième création, Baladins. Un jeu très différent de la première réalisation Pile Up!. L’occasion pour le studio de proposer une aventure entre jeu de plateau, RPG, et expérience narrative à destination d’un jeune public principalement, comme pour Terra Memoria que nous avions couvert il y a peu.
Cette interview nous permet de revenir avec le narrative designer de Seed by Seed sur tout l’héritage de Pile Up!, et de dévoiler les coulisses des amuseurs publics que vous contrôlerez dans Baladins !
Florian Verdier (Playstation Inside) : Bonjour Antonin ! Merci de ton temps et merci de répondre à mes questions pour les lecteurs et les lectrices de Playstation Inside ! Peux-tu présenter l’équipe derrière Baladins ?
Antonin Demeilliez : Nous sommes un studio qui s’appelle Seed by Seed composé de 8 personnes qui s’est formé à l’Enjmin autour d’un projet de fin d’études nommé Pile Up!, un jeu de plateforme en coopération. Après nos stages respectifs, on a décidé de fonder un studio indépendant notamment grâce à l’aide de l’école, qui a un incubateur. On a repris le projet Pile up! , pour en faire un projet commercialisable qui est sorti en 2021, trois ans après la fondation de notre studio, édité par HandyGames pour les consoles et le PC. On avait un peu tous les corps de métier dans le projet : deux artistes, deux programmeurs, deux designers, ainsi qu’une personne au marketing, au développement et à la gestion d’entreprise. C’est la même équipe qui a collaboré sur Baladins à l’exception d’une personne, qu’on a remplacé poste pour poste.
Florian (PSI) : J’aimerais revenir, puisque tu viens de l’évoquer, sur le cas de Jean Nicolas qui s’occupe du marketing. C’est assez rare d’avoir ce genre de profil dans des productions indépendantes. Qu’apporte-t-il concrètement ?
Antonin : Il nous apporte surtout une certaine tranquillité d’esprit du côté créatif. Être huit personnes dans le studio, ça commence à être un nombre assez conséquent. Et c’est un avantage par rapport à de plus petites structures qui vont devoir s’occuper un peu de tout : des relations avec les éditeurs, de la recherche de financements, de la partie marketing, des opportunités de festival en présentiel ou en ligne. C’est au final beaucoup de temps vampirisé sur la partie créative. Sa présence nous permet d’être efficace sur les deux tableaux, sans que lui n’intervienne dans la partie créative pour autant. La répartition des tâches est assez tranchée.
Florian (PSI) : Revenons sur Pile up !. Peux-tu rentrer dans le détail de sa création ?
Antonin : C’était un projet qui avait justement été porté par Jean. La Switch venait de sortir, et l’objectif était d’imaginer un jeu qui soit parfait pour cette console. L’idée était de faire un jeu familial coopératif pour une cible assez jeune, entre 8 et 12 ans. La finalité étant qu’ils puissent s’amuser avec leurs frères, leurs sœurs, leurs cousins, voire leurs parents. On a commencé le projet fin 2017 (octobre, quelque chose comme ça) pour le boucler en mars 2018. On avait alors réalisé une démo, avec un certain design, qui est, de mémoire, toujours disponible sur Itch.io. Il ne me semble pas qu’on l’ait retiré. Bien sûr, elle est différente du projet final.
Au départ, le projet initial était un boss rush avant de complètement changer de direction et de devenir un puzzle platformer en coop. Les boss ont été complètement shunté. Ce prototype nous a également permis d’éprouver certaines problématiques de caméra dans un environnement en 3D.
Florian (PSI) : C’est un jeu hyper ambitieux déjà ! Multijoueur local ou en ligne ?
Antonin : Multijoueur local. Même pour la version commerciale. Et fort heureusement parce qu’on a fait un mode online sur Baladins, et on se rend pas compte du nombre de complications que ça apporte. Pile Up ! nous a permis en somme de nous faire les dents, et la conclusion de ça est un projet qui est je pense intéressant, et un jeu au demeurant très sympa.
Florian (PSI) : Voit-on les cendres de Baladins dans Pile Up! ? On y parle en effet de coopération, l’esthétique des deux jeux est très proche, et elle référence la série Paper Mario notamment.
Antonin : Dans l’esprit, il y a surtout la fondation d’une sorte de ligne éditoriale pour le studio. Faire des jeux pour un public qui ne soit pas celui du core gamer, mais qui soit un peu plus large, un peu plus casual, avec l’idée de la non violence. Ça aussi, c’est très important. On fait des jeux où il n’y a pas de système de combat par exemple. Pour l’esthétique, notre directeur artistique a travaillé sur les deux jeux. Il a donc amené ses références, avec à chaque fois la volonté d’avoir quelque chose de très matériel. La coopération est présente aussi parce qu’on a toujours à cœur de créer des jeux qui rapprochent les gens.
Au-delà de la violence, citée précédemment, le fait de proposer des expériences où il n’y a ni opposition ni compétition, est aussi quelque chose d’important pour nous. Plus que des cendres, c’est surtout un esprit, une ligne éditoriale et philosophique de notre studio qui se retrouve dans les deux projets.
Florian (PSI) : Y a-t-il également une inspiration du Paperverse ? Beaucoup de jeux de la scène indépendante sont nés depuis quelques années sur les cendres de Paper Mario tout en y apportant des concepts originaux (Born of Bread, Bug Fables : The Everlasting Sapling notamment).
Antonin : J’ai l’impression que nous avons surtout entendu parler de ce groupement de jeux pendant le développement de Baladins. Pendant celui de Pile up!, cette histoire de Paperverse n’était pas du tout dans notre radar…et je dirais même qu’à l’époque de la pré-production de Baladins non plus. On a un peu pris le train en marche, et on s’est finalement greffés à l’ensemble. On faisait d’ailleurs partie du dernier « Paperverse direct ». Je pense que c’est plus une coïncidence.
L’une des plus grosses inspirations de notre directeur artistique pour Baladins a été Octopath Traveler, avec justement des Sprites évoluant dans un univers 3D, même si Octopath le fait avec du pixel art. Il y a eu cette vague HD-2D qui était aussi un gros point de conception. On réalise plus ou moins la même technique, mais pas avec le même rendu visuel. Des jeux marquent certains développeurs et ils veulent un peu les faire revenir, en somme.
Florian (PSI) : Une dernière question sur Pile Up! avant de passer à Baladins. Le jeu sort en 2021, trois ans après la production de votre projet de fin d’étude. Pourquoi avoir sorti le jeu aussi tard ?
Antonin : Quand on faisait notre projet de fin d’étude, on n’y pensait pas trop encore. On pensait surtout à trouver des stages, parce que c’est le nerf de la guerre. C’est à partir du moment où on a vu l’engouement des jurés à qui on a présenté le jeu qu’on a réalisé. On l’avait présenté également au Stunfest, et on avait même obtenu un prix avec une première version voulue définitive du jeu, toujours au Stunfest, en 2019. On avait eu des très bons retours de personnes qui venaient jouer, et surtout des familles, des enfants avec leurs parents. C’était vraiment le cœur de notre expérience.
En parallèle, et à la fin de notre soutenance finale, le directeur de l’Enjmin nous avait dit que nous aurions la possibilité de fonder notre studio au sein de l’incubateur. On en a discuté et on a décidé de revenir dans les locaux de l’école pour fonder Seed by Seed. Si on a commencé à travailler dessus en 2018, c’est au début de l’année d’après que nous avons finalement pu poser nos statuts pour fonder notre entreprise et y travailler jusqu’à la sortie du jeu.
Florian (PSI) : Peux-tu décrire le principe de Baladins ?
Antonin : Baladins est un jeu de rôle narratif qui se joue de un à quatre joueurs dans lequel on incarne des Baladins, des amuseurs publics, qui vont parcourir le monde pour résoudre les problèmes de la population, de manière non violente, afin de rétablir un peu la paix et la concorde entre les gens de cet univers tout en essayant de gérer les caprices d’un dragon qui va les renvoyer dans le temps, et les faire revivre toujours la même boucle de six semaines. Il va donc falloir essayer de trouver un moyen de sortir de cette boucle temporelle.
Florian (PSI) : Pour la création du jeu, vous avez décidé de lancer un Kickstarter. Pourquoi avoir pris cette décision ?
Antonin : C’était quelque chose que l’on avait évoqué à l’époque de Pile Up! mais qu’on avait finalement laissé de côté car le jeu ne se prêtait pas beaucoup au Kickstarter en terme de public. Pour Baladins, on s’était dit que le côté RPG était déjà quelque chose qui pouvait fonctionner sur Kickstarter. La vertu de ce genre de projet, c’est toujours de faire la promotion du jeu en amont puisque les gens vont parler de la préparation du Kickstarter, puis de son lancement.
Ça crée déjà une première émulation autour du jeu alors qu’il n’est pas fait. Il y a la démo bien sûr, toujours une bonne carte de visite pour rechercher des éditeurs (d’ailleurs, une dizaine d’éditeurs nous ont contacté durant la campagne, sans forcément nous donner suite.) Il a donc fallu que l’on continue à prospecter pour trouver notre éditeur actuel, Armor Games Studios. Mais le fait que l’on ait fait un Kickstarter, et que celui-ci ait fonctionné, est toujours un argument assez intéressant à faire valoir, puisque ça montre un certain engouement autour du jeu.
Florian (PSI) : J’ai eu l’occasion de discuter avec Fabien Thollot, le fondateur d’Angel Corp qui m’avait parlé de son Kickstarter sur Blade Prince Academy, qui avait été lancé à la quasi fin du développement du jeu, en accord avec leur éditeur. Pour Baladins, vous avez fait l’inverse. Vous avez lancé le Kickstarter dans l’espoir d’attirer des éditeurs.
Antonin : Absolument. Et puis, il y a aussi une question de timing. On avait besoin d’un peu d’argent pour continuer à développer notre prototype, pour justement pour aller chercher des éditeurs. Et le Kickstarter permettait d’avoir ce petit apport de trésorerie même si effectivement, on avait demandé une somme qui était assez faible. Ce qui m’amène à un point important : les Kickstarters ne sont jamais là pour financer les jeux entièrement, et dans notre cas, c’était très clair. Ça permet de donner une première impulsion au jeu. Avoir un éditeur est un signe de confiance pour le public. L’éditeur peut assurer la publicité, le marketing. C’est aussi ça l’intérêt d’avoir quelqu’un dédié au marketing au sein de l’équipe. C’est qu’il a pu s’occuper justement de la promotion de cette campagne pendant que nous nous chargions de faire le prototype et de beaux visuels pour la page.
Florian (PSI) : Revenons sur les inspirations de Baladins. Toujours sur le Kickstarter, vous dites que Paper Mario, Monster Prom et For the King ont été les principales les inspirations. Pourquoi avoir choisi spécifiquement ces trois jeux ?
Antonin : Paper Mario, c’est essentiellement pour l’aspect visuel comme dit précédemment. For The King, c’est davantage pour l’aspect partie de jeu de rôle sur un temps restreint en multijoueur, et avoir cette idée d’avoir chacun un personnage qui se déplace sur une carte où on peut faire des quêtes chacun de notre côté, et de pouvoir se réunir. Et puis, il y a cette présentation, très proche du jeu de plateau. Cela a été une de nos grandes volontés artistiques dès le départ. Avoir ce côté ressemblant aux jeux de plateau nous permettait de nous ouvrir à un public pas forcément coutumier du jeu vidéo.
Et enfin Monster Prom, c’était la promesse de vivre des aventures narratives. En réalité, notre référence première est The Yawgh, mais il nous fallait un jeu plus connu. Monster Prom fut donc un autre choix. Et lui aussi s’inspire de The Yawgh. C’est un jeu narratif, jouable de 1 à 4 joueurs, où l’on se déplace dans divers lieux pour rencontrer des personnages et vivre des aventures, de manière aléatoire, le tout saupoudré de quelques légères touches de RPG.
Florian (PSI) : D’autres inspirations qui me sont venues sont Knights of Pen and Paper mais surtout Triangle Strategy pour le côté prises de décisions à plusieurs qui peuvent influencer la suite de l’aventure. Est-ce un point de Baladins ?
Antonin : Il y a effectivement une mécanique qui existe sur certains choix qui vont engager l’image de la guilde des Baladins pour tout le monde. À ces moment-là, on fait ce que l’on appelle une décision de guilde, où tous les joueurs vont voter pour faire tel ou tel choix. C’est toutefois quelque chose qui n’apparaît qu’en jouant à plusieurs.
Florian (PSI) : En tant que narrative designer, est-ce difficile d’écrire des choix dans des jeux vidéos et d’écrire la conséquence de ces choix ?
Antonin : Totalement. Ce qui est le plus compliqué, c’est de traiter les choix de manières relativement égales. Il ne faut pas qu’une conséquence paraisse faiblarde par rapport à une autre. Il faut que les conséquences s’équivalent, que les choix soient pertinents. Ça n’implique pas que du texte. C’est aussi parfois de la création d’assets graphiques, donc il faut bien peser les endroits où les choix seront posés. Néanmoins, j’avais un avantage avec Baladins : la boucle de gameplay.
Comme on va rejouer plusieurs fois les mêmes quêtes, on va pouvoir explorer les différents embranchements de ces choix-là. Donc si le joueur n’est pas satisfait de son choix, il va pouvoir sélectionner l’autre dès la prochaine boucle temporelle, et avoir cette satisfaction d’explorer l’arborescence narrative. Si vous voulez explorer les embranchements d’un Baldur’s Gate ou un Mass Effect, il faut se refaire des histoires de plusieurs dizaines d’heures, ce qui n’est pas le cas ici puisque la boucle de gameplay permet cette souplesse.
Florian (PSI) : On parlait justement de sessions de jeux courtes. Le Kickstarter fait mention de session de jeu qui dure environ une heure. Est-ce que cela fait partie des points à mettre en place pour rendre le jeu accessible notamment aux plus jeunes ?
Antonin : C’était effectivement un des piliers du jeu au début. Avoir des aventures courtes et rapides. Tout le contenu d’un RPG en une heure. La réalité est différente puisqu’on dépasse parfois cette limite, surtout quand on joue à plusieurs. Toujours est-il que cette volonté d’avoir des des parties rapides était au cœur du jeu, et a vraiment été au cœur du design, et de l’écriture. On a donc fait des dialogues très épurés, qui vont très vite à l’essentiel. Les quêtes sont très courtes pour que l’on puisse les boucler en une partie. Mais l’idée n’était pas tant de toucher un public plus jeune que justement de toucher un public de joueurs et joueuses de RPG plus vieux d’une certaine manière.
Ces personnes qui n’ont finalement plus forcément le temps de s’investir pendant des heures dans des longues sessions de jeu et dans épopées de 40 ou 80h, ce qui est notre cas (rires). Et on s’en rendu compte, quand on en parlait avec des gens, que cette volonté résonnait. On adore le RPG, mais le temps, c’est souvent le point critique.
Florian (PSI) : Fut-ce difficile de condenser toutes ces composantes RPG dans Baladins et ses parties rapides ? On a des dialogues à choix, mais aussi des classes, la possibilité de personnaliser son avatar, et sans doute bien d’autres choses.
Antonin : Abandonner l’idée de combat déjà nous a permis d’élaguer la durée puisque c’est cette composante qui prend le plus de temps dans les RPG. On a effectivement gardé cette idée des caractéristiques de personnages, avec cinq classes. On a aussi conservé cette idée de customisation des personnages, ce qui va permettre d’avoir une influence sur les statistiques, les objets qu’on porte dans notre inventaire. Ce qui a été intéressant justement, ça a été de voir comment on a pu épurer le système de progression. Et c’est là qu’on a repris les idées de The Yawgh et Monster Prom. Autrement dit, faire des actions qui vont nous rapporter un point dans une caractéristique. Le plus difficile, ça a été l’équilibrage du rapport entre les caractéristiques.
Pendant longtemps, on n’a pas su quel jet de dés appliquer pour que le gain de caractéristique ne soit ni trop puissant ni trop insignifiant. C’était donc une petite alchimie assez difficile à trouver, et je pense qu’on a réussi l’exercice, même si on peut rendre son personnage très vite très fort. On peut complètement le changer d’orientation au cours de la partie en montant une caractéristique différente de la principale. Mais dans la mesure où tout redémarre à chaque boucle temporelle, ce n’est pas si grave puisque le plaisir est davantage dans l’exploration des embranchements narratifs. Et un personnage très puissant n’est pas garant de se sortir de chaque situation. On a donc un petit vernis RPG mais je pense qu’on est finalement plus proche de la fiction interactive que du RPG pur et dur.
Dans les streams et les vidéos Youtube, on voyait les gens se prendre d’affection pour leurs personnages, l’investir, avoir l’idée de les roleplay. Autant sur Pile Up!, on avait une vision très ouverte de la résolution de puzzle, autant je pense qu’avec Baladins, nous avons une vision un peu plus ouverte et libre du roleplay, du RPG, avec un design, une structure moins contraignantes.
Florian (PSI) : On parle souvent des personnages principaux mais les personnages secondaires sont tout aussi importants et c’est d’ailleurs une mention que vous faites dans votre Kickstarter. En quoi sont-ils importants pour toi en tant que narrative designer ?
Antonin : C’est hyper intéressant comme question parce que c’est effectivement un point très important du jeu. Notre dernier trailer se finit d’ailleurs sur une espèce de photo de famille des différents NPC que l’on peut voir (et encore, ils n’y sont pas tous). L’idée était de faire un jeu où les gens le lanceraient en soirée pour faire une session d’une heure, comme on lance un jeu de société. Sauf qu’on a eu très vite à cœur de penser la question de la rejouabilité, à savoir « qu’est-ce qui va faire que les gens vont relancer notre jeu pour continuer à explorer cet univers ? »
Et l’une des réponses qu’on a voulu apporter, c’était justement d’avoir un univers qui soit hyper attachant. D’où le fait d’avoir des personnages jouables assez neutres pour que les joueurs puissent se les approprier, les investir. Et en face, il fallait des personnages non joueurs qui aient beaucoup de personnalité, de charme. Donc on s’est vraiment attachés à ce que chaque personnage secondaire ait vraiment une personnalité, une façon de parler, un design visuel particulier. Ça a été un travail de longue haleine avec Fanny Marec, notre character designeuse, qui a fait la plupart des personnages du jeu.
Je crois que c’est au total une soixantaine de personnages non jouables qui sont présents dans le jeu, ce qui est assez conséquent. On a aussi été aidés par une animatrice qui s’appelle Camille Coq, qui est venue nous aider pour faire des animations d’Idle, des petites animations qui leurs sont propres, ce qui va apporter un peu de caractères. Dans les designs que Fanny faisait, il y avait des choses que je n’attendais pas du personnage, et c’était un bon point.
Parfois, Fanny réalisait un personnage puis quand j’en écrivais les dialogues, le caractère de celui-ci n’était pas du tout celui qu’elle avait imaginé, et inversement. Ça permettait de créer des petites tensions, des petits contrastes. Ce sont vraiment eux qui font l’âme du jeu pour nous. Ce sont eux qui apportent leur caractère, leurs paroles. On ne fait jamais parler directement nos personnages qu’on incarne, quand bien même ils ont des choix à faire.
Ça a parfois été un petit peu casse-tête, au fur et à mesure de la production, au fur et à mesure que l’on rajoutait des personnages. Quel nouveau caractère on peut lui donner ? Quelle identité visuelle on peut apporter ? Comment rendre l’intégration du personnage cohérente dans cet univers ? Il y a quelques petites redites apparemment, pas mal de personnages sont un petit peu véhéments. C’est un reproche qu’on m’a pas mal fait mais ça permet aussi d’apporter une certaine tension.
Florian (PSI) : Une des « récompenses » du Kickstarter a été justement la possibilité pour certaines personnes de designer un endroit de la carte, un objet, ou de donner un nom à un personnage. Comment s’opèrent les échanges avec ces backers, et comment intègre-t-on leurs idées dans le jeu ?
Antonin : Quand le Kickstarter s’est terminé, on a renvoyé des questionnaires aux personnes concernées. Il n’y a pas eu de problèmes particuliers pour les gens qui nommaient les personnages. J’ai pu les intégrer directement. J’ai pas eu trop de problème avec les différentes propositions ; elles correspondaient bien avec notre jeu. Cela dit, le fait d’avoir un ton léger pour le jeu, très rigolo, permet d’accorder plus de liberté à nos backers que si nous étions dans un univers très sérieux, très cartésien, où des propositions auraient pu être retoquées. Mais le fait d’avoir un univers de fantasy, un peu barré, accordait toutes les propositions.
On a parfois eu besoin de faire quelques retours quand on tombait sur quelque chose d’incohérent. Je renvoyais alors un message pour dire que j’allais plutôt faire ça dans tel sens, tout en essayant de conserver l’esprit de l’histoire du personnage qui voulait être proposé. Généralement, les gens étaient assez réceptifs et ont été d’accord avec les modifications. On n’aurait pas fait cette proposition de récompense Kickstarter si on n’avait pas eu un jeu qui s’y prêtait.
Florian (PSI) : Le jeu devait sortir fin 2022, telle est la mention sur le Kickstarter. Il sort donc le 15 mai 2024. Qu’est-ce qui a retardé l’échéance ?
Antonin : Je pense qu’il y a eu un avant et un après l’arrivée de notre éditeur. C’est justement à cette période (2022) qu’il nous a rejoint. Avant de signer avec un éditeur, on est encore ouvert à pas mal de possibilités sur ce que va être le jeu, ce à quoi il va ressembler. La sortie en 2022, c’était la porte de sortie au cas où on ne trouvait pas de financements, et il aurait fallu sortir un petit jeu rapidement, l’optique de départ d’ailleurs. Puis finalement, en signant avec un éditeur, on a rediscuté de la taille que pourrait faire le projet et quelle ampleur l’éditeur était prêt à financer. Ça nous a aussi permis de revoir un peu à la hausse les ambitions du jeu, notamment en terme de contenu.
En conséquence de quoi, les délais ont augmenté. Et puis, il y a tous les retards constitutifs à chaque production de jeu (rires). Sans compter le fait que ce soit notre premier jeu en ligne, que nous portions le jeu sur d’autres plateformes, que nous le traduisions… tout cela a constitué d’autres variables d’ajustement. J’ai dû faire la traduction en français à partir de l’anglais par exemple. Tout cela mis ensemble fait qu’on en arrive à ce délai. Mais le plus gros du délai vient du fait qu’on est partis sur une création bien plus ambitieuse que prévu.
.
Florian (PSI) : C’est intéressant le point soulevé sur la traduction, alors que le jeu est français à la base.
Antonin : C’est souvent le cas des productions françaises encore aujourd’hui malheureusement. Quand on a fait notre démo, on a pas trop eu le temps de faire une version française que l’on allait traduire par ailleurs, puisque cette dernière allait servir à démarcher des éditeurs. Armor Games, notre éditeur, est américain, donc tout nos échanges se faisaient en anglais. Ils ont pu nous relire, nous corriger, et moi j’ai repris la traduction en français. Après, c’est un exercice d’équilibriste puisqu’il faut se caler sur le nombre de phrases que j’avais déjà écrit en anglais. C’est donc un vrai travail de réécriture.
Florian (PSI) : Je termine toujours mes interviews par demander s’il y a des petits jeux que tu veux mettre en avant qui sont sortis ou qui vont sortir.
Antonin : Récemment, j’ai joué à King of the Bridge, qui est un petit jeu d’échecs où on doit vaincre aux échecs un troll qui protège un pont, sauf que le troll triche. Il va falloir réapprendre les règles des échecs…mais celle du troll.
Florian (PSI) : Merci beaucoup de nous avoir accordé ton temps Antonin, et bon courage pour le lancement de Baladins le 15 mai 2024, date à laquelle sort aussi cette interview !