Il y a de ça 12 ans sortait le premier Dragon’s Dogma, un jeu particulièrement avant-gardiste dans le paysage vidéoludique de l’époque. Et s’il a eu du mal à se faire un nom face aux grands titres du genre à sa sortie, il est aujourd’hui devenu l’un de ces grands noms, et sa suite était particulièrement attendue. Mais était elle valable ? Ce nouvel opus arrive t-il à rivaliser avec les productions récentes ? Après notre premier aperçu datant de mars, il est temps de finalement répondre à la question dans cette critique de Dragon’s Dogma 2.
L’exploration au cœur de la proposition
Si une seule chose devait être retenue concernant ce Dragon’s Dogma 2, ce serait probablement son invitation à explorer. Le premier offrait déjà cela à l’époque, mais les évolutions technologiques et le budget grandissant ont permis aux équipes d’Hideaki Itsuno de persister dans sa vision du RPG en monde ouvert. Cette dernière est certes très spécifique et blindée de frictions, mais elle n’en demeure pas moins unique.
Ainsi, après un court didacticiel expliquant les bases du déplacement et du combat, vous serez balancé en pleines terres Vermundiennes, l’une des deux grandes régions du jeu. Et si nous disons grandes, c’est bien parce que la taille de la carte de Dragon’s Dogma 2 l’est vraiment. Plus de 4 fois plus que celle du premier jeu. Cela peut ne pas paraître si gigantesque que ça, mais en prenant en compte le fait que les seuls moyens de transports disponibles sont vos jambes et des chars à bœufs reliant les grandes villes les unes aux autres, on ressentira rapidement la sensation d’immensité qu’offrent les environnements du jeu.
Certains déploreront probablement le manque de variété dans les dits environnements, étant donné qu’il n’existe que deux biomes distincts, un forestier et un plus aride et montagneux. Mais pour des raisons organiques et réalistes, il est logique qu’on ne trouve pas à 5 kilomètres d’écart un volcan en éruption et une montagne aux neiges éternelles. D’autant que les deux dits environnements se différencient beaucoup. Si Vermund est bien plus verte, elle est aussi plus facile à aborder, les monstres étant plus faibles, plus rares et moins agressifs. Battahl elle, est une région aride, et les monstres présents là bas vous le font ressentir. Ils sont résistants, tapent fort, sont beaucoup plus agressifs et sont surtout bien plus nombreux.

Évidemment, qui dit RPG en monde ouvert dit aussi cavernes et autres donjons, et Dragon’s Dogma 2 ne déroge pas à la règle. En explorant et visitant Vermund et Battahl, vous trouverez nombre de grottes cachant pour la plupart des monstres, et une petite récompense, servant souvent de carotte pour explorer. Si les récompenses sont rarement des items ultra puissants ou incontournables, elles sont suffisamment intéressantes pour encourager l’exploration, sans parler de toutes les ressources uniques aux cavernes que vous trouverez, et celles que vous récolterez sur le cadavre des monstres qui y sont cachés.
Cependant, ne vous attendez pas à des marqueurs spécifiques qui vous indiqueraient ces emplacements. Tout est dans l’exploration, et vous devrez les trouver à la sueur de votre front. Encore une fois, le jeu ne prend pas le joueur par la main, et tout ce que vous récolterez ou débloquerez sera issu de vos efforts seuls. Car si un élément de friction peut-être retenu sur ce jeu, c’est bien la vision qu’Itsuno a du monde ouvert. Ici, quasiment pas de voyage rapide. Comme dit précédemment, vous marcherez d’une zone à l’autre, ou bien vous utiliserez les différents chars à bœufs qui vous emmèneront d’une ville à l’autre. Il existe aussi les transpierres, mais elles sont une ressource assez rare et chère au départ, et pour les utiliser il faut préalablement avoir installé un portacristal qui servira de point de téléportation. Certaines sont disponibles aussi en microtransactions, mais nous vous conseillons de ne pas vous y intéresser, étant donné que ce n’est absolument pas nécessaire.
C’est d’ailleurs l’un des points qui a beaucoup fait jaser la communauté gaming à la sortie du jeu. La recette était la même sur le premier Dragon’s Dogma, probablement même plus rude, puisqu’il n’y avait même pas de chars à bœufs. Ici vous pourrez aussi camper la nuit tombée, autre différence avec le premier, ce qui vous permettra de recouvrer votre barre de vie et manger une délicieuse pièce de viande qui vous offrira des bonus de stats pour la journée qui vient et la suite de vos aventures.

Une exploration organique, mais pas de tout repos
Car oui, ces aventures ne seront pas si simples. Le monde est particulièrement vaste, et si l’exploration est un des aspects principaux du jeu, le combat en est une autre très importante. Impossible d’explorer librement les environnements à moins de se débarrasser de toutes les créatures belliqueuses que vous croiserez en chemin. Si les terres de Vermund restent les plus tranquilles, elle ne sont pas pour autant libres de passage, et de nombreux gobelins, loups et sauriens viendront vous rendre la tâche plus ardue.
Ces créatures font d’ailleurs preuve de bien plus d’intelligence que ceux qu’on rencontrait dans le jeu précédent. Certains gobelins par exemple vous attendront cachés dans des hautes herbes ou des fourrés avant de vous sauter dessus. Les loups attaquent toujours en meute (flashback…) mais s’attaqueront maintenant en priorité aux personnages transportant de la viande sur eux. Vous pourrez même jeter la dite viande pour qu’ils vous laissent tranquille afin de se repaître du précieux pavé que vous aurez laissé au sol.
Et en combinant tous ces systèmes, on se rend vite compte de l’organisme du monde, chaque aventure étant unique à chaque joueur. Il ne sera pas si rare par exemple de commencer un combat contre un groupe de gobelins classiques avant de voir des PNJ a proximité venir vous aider à combattre. Puis avant de pouvoir souffler après votre victoire, un griffon vous plongera dessus. Chaque créature que vous croiserez aura un comportement différent, et bien qu’elles n’aient pas drastiquement changé dans leur fonctionnement, on note tout de même une amélioration dans leur façon d’aborder le combat.

Il en va d’ailleurs de même pour vos pions. Si ceux du premier étaient assez notables en terme d’intelligence artificielle, en particulier passé quelques dizaines d’heures pour apprendre complètement le bestiaire, ici les pions agiront tout de suite très intelligemment. On n’est certes pas à l’abri de pions qui se jettent dans un ravin une fois ou deux au cours de l’aventure, leur pathfinding étant parfois un peu étrange, mais ils vous seront en général d’une grande aide.
Si au cours de vos explorations vous croisez un coffre ou un autre item utile, ils pourront d’eux mêmes aller le chercher si ils en ont les capacités, ou bien vous aider à le récupérer. Dans le premier Dragon’s Dogma, il était par exemple impossible pour un guerrier ou un champion d’utiliser un tremplin pour atteindre une plateforme surélevée, ici vos pions vous diront d’eux mêmes que vous devriez les laisser utiliser la compétence pour vous jeter en haut de ces plateformes. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais même en combat, vos compagnons ne manqueront pas d’idées et d’ingéniosité pour vaincre l’ennemi. Notamment sur l’utilisation des compétences, qu’ils utiliseront pour faire tomber des monstres ou les assommer. Vous pourrez même si vous le souhaitez rester plus en retrait, et devenir le soutien de votre équipe pendant que vos pions s’attaquent aux nombreuses créatures que vous croiserez. Et cela tombe bien, puisque parmi les 10 Vocations du jeu (le nom donné aux classes dans Dragon’s Dogma,) certaines vous permettront de jouer plus support.
La majorité de ces vocations est issue du premier, mais on voit aussi l’arrivée de classes uniques dans cette nouvelle mouture. Le Chevalier-Mage remplace ici le Paladin, en devenant une classe plus axée sur la mobilité et les dégâts mixtes entre magie et physique, ou bien l’Illusionniste, qui est une classe purement axée sur le support et la manipulation des ennemis, mais n’offrant aucune option offensive. De plus, le voleur du premier Dragon’s Dogma a été séparé en deux classes distinctes, une étant restée voleur, et offrant toujours l’accès aux doubles dagues, et une autre étant l’archer, le gameplay à l’arc ayant été totalement retravaillé pour permettre de le jouer en toute circonstances et de devenir un nouveau Legolas.

Un jeu inégal sur pas mal d’aspects
Toutes les classes ne se valent cependant pas. L’Illusionniste par exemple peut-être particulièrement ennuyant si on veut être au cœur de l’action, et le fait que la vocation n’ait absolument aucune action offensive peut la rendre difficile à apprécier. De même, le Guerrier (bien qu’étant ma préférée pour l’instant) n’offre clairement pas toutes les possibilités que ses variations promettent, le Champion donnant des dégâts bien supérieurs, et le Chevalier-Mage une meilleure mobilité, de meilleurs dégâts et une meilleure défense. Dans le sens inverse aussi d’ailleurs, le Voleur est malheureusement une classe qui roule sur l’entièreté du jeu sans difficulté, avec des compétences qui lui donnent une invulnérabilité totale pendant un long moment tout en offrant des dégâts absolument absurdes. Notons de même le Sorcier qui lui aussi peut balancer des sorts qui atomisent littéralement n’importe quel ennemi que vous pourriez croiser arrivés un certain moment. Si vous souhaitez une classe qui permet de piétiner le jeu entier, le Voleur et le Sorcier seront probablement vos classes de prédilection.

Ce n’est cependant pas le seul aspect qui pose problème dans le jeu. Comme dit précédemment, si le bestiaire peut être particulièrement malin et organique, il peut manquer aussi de variété… Non pas qu’il n’y ait pas beaucoup de créatures différentes dans le jeu, mais vu que les 3/4 du bestiaire sont des créatures relativement rares, ou des variations du dernier quart des monstres, la répétitivité des rencontres posera plus de problème que la variété de monstres en elle-même.
Ainsi, même si chaque variante a ses propres comportements, il n’en reste pas moins que la majorité des ennemis qu’on croisera dans l’aventure sont souvent les mêmes. Gobelins, harpies, loups, bandits et sauriens seront la majorité des antagonistes que vous combattrez, et de temps en temps, vous en croiserez des un peu plus gros et ardus, mais ils resteront rares, et arrivés à un certain niveau, ils ne seront plus inquiétants du tout. Si à Vermund ce n’est pas tant un problème car la densité d’ennemis est plus faible, Battahl elle rendra la tâche plus pénible, les opposants étant bien plus nombreux, la répétitivité se ressentira bien plus vite. Heureusement, chaque vocation du jeu est assez unique pour palier un petit peu au manque de variété en changeant de manière de jouer. Mais le défaut inhérent en lui même ne disparaîtra pas avant la fin du jeu. Car sans spoiler, le jeu change assez fortement arrivé à la fin, et les vétérans de Dragon’s Dogma seront heureux de retrouver des références au premier titre.

Mais au final, les retours au premier Dragon’s Dogma se font un peu partout dans le jeu, dans son système de combat, dans son exploration, dans son bestiaire… Plutôt qu’un véritable nouveau titre, Capcom nous offre ici une proposition plus proche d’un remake. Le jeu s’avère finalement loin d’être révolutionnaire, et ne cherche vraiment qu’à compléter et approfondir la vision qu’Itsuno avait dans le premier opus.
Mais si bien des qualités reviennent depuis le premier jeu sur Dragon’s Dogma 2, beaucoup de défauts font aussi leur retour, voire même sur certains aspects des rétropédalages assez étranges. Par exemple le système d’équipements a été pas mal débroussaillé, et le système d’armures et sous-armures a tout simplement disparu. Certes cela ajoute une certaine simplicité à la façon dont l’armure fonctionne, mais cela en lui retire aussi une certaine richesse. De même, l’écriture des quêtes et de l’histoire est pauvre. C’était déjà le cas dans le premier, et on aurait pu espérer une véritable évolution sur cet aspect mais il n’en est rien. Si le début du jeu peut laisser penser que l’histoire pourrait être un peu plus prenante, on reste sur du Dragon’s Dogma, c’est-à-dire assez loin des ténors du genre.
Techniquement réussi, mais pas beaucoup plus
Graphiquement, le jeu est particulièrement beau. Loin d’être un étalon graphique à la manière d’un Alan Wake 2 récemment, il offre tout de même des décors somptueux, et des animations très correctes, en particulier en combat, où les monstres réagiront vraiment bien à la physique des environnements. Il est par exemple possible de les faire trébucher, ou même de s’en servir comme pont de fortune en les faisant basculer par dessus un fossé si tant est que la créature soit assez grand pour atteindre l’autre bord.
Par contre, la mise en scène peut être particulièrement archaïque sur bien des aspects. Si certaines cinématiques, dont l’intro, sont véritablement magnifiques, les discussions basiques avec les PN et autres donneurs de quête se contenteront du classique champ/contrechamp digne des plus grandes créations de Bethesda. Ajoutons à cela l’écriture assez rudimentaire des quêtes, et le combo les rend vite dignes des MMO à l’ancienne.
Un autre problème du jeu réside en sa technique. Rien de rédhibitoire ou qui rende le jeu injouable, mais en ville ou dans des zones densément peuplées, le framerate peut vite tomber sous les 25 fps, voire les 20 fps au pire du pire. Et étant donné que ces problèmes de performances sont liées aux PNJ et le calcul de leur comportement, il semblerait qu’un fix ne soit pas probable dans un futur proche. Et hormis en exécutant l’entièreté de la ville (ce qu’on ne conseille évidemment pas) les performances ne remonteront pas, que ce soit sur PS5 ou sur PC. En somme rien de critique, mais rien de particulièrement notable non plus. Le RE Engine fait comme d’habitude bien le boulot, le jeu est beau, les animations sont fluides, mais le titre peut pécher sur certains aspects, dont sa mise en scène.

En résumé, ce Dragon’s Dogma 2 offre un expérience en demi-teinte. Plutôt qu’une toute nouvelle œuvre, il propose peu ou prou la même expérience que le premier, réadaptée aux technologies actuelles. Ce qui n’est pas spécialement surprenant venant de Capcom qui a pas mal instigué toute la nouvelle vague de Remakes, en particulier les Resident Evil. On déplorera le manque de nouveautés et d’améliorations, mais il n’en demeure pas moins un très bon jeu. Et comme le premier Dragon’s Dogma avait été sauvé par le DLC Dark Arisen sorti un an plus tard, nous ne sommes pas à l’abri d’un DLC pour se second opus qui viendrait sauver le jeu de tous les petits problèmes présents ici et là tout en ajoutant une bonne dose de contenu.
CONCLUSION
Dragon's Dogma 2
Dragon's Dogma 2 est un jeu très inégal, avec des points qui frôlent la perfection, et d'autres bien moins parfaits. Le titre respecte cependant et totalement le matériau d'origine, probablement même trop, et se refuse à changer certaines choses qui auraient gagné à être modifiées. Mais il reste une œuvre originale, au gameplay extrêmement bien maîtrisé, et à l'exploration très réussie.
LES PLUS +
- Une exploration au summum du genre
- Un gameplay aux petits oignons
- Les pions qui se sont bien améliorés
- C'est Dragon's Dogma remis au goût du jour
- Son End-Game
LES MOINS -
- Son écriture très en deçà des étalons de l'industrie
- Un bestiaire assez vite répétitif
- Des microtransactions un peu douteuses
- Toutes les vocations ne se valent pas