Bonjour et bienvenue sur PlayStation Inside. Nous continuons aujourd’hui notre exploration de la scène indépendante française du jeu vidéo, avec cette interview du studio Burning Sunset, développeur de The World After. Le titre, sorti en 5 mai 2021, avait impressionné par le travail sur la Full Motion Video, un genre assez peu utilisé en France. Pour fêter les 3 ans du jeu, nous publions donc cette conversation d’une quarantaine de minutes, durant laquelle nous avons abordé une myriade de sujets. Bonne lecture !
L’interview a été réalisée par Florian et retranscrite par Yacine.
Florian (PlayStation Inside) : Bonjour François Message et Guillaume Defare ! Merci d’avoir accepté de nous accorder cette interview. The World After est sorti en mai 2021 sur PC, et le 28 mars 2024 sur consoles (PlayStation et Nintendo Switch, et bientôt sur Xbox Series). Pouvez-vous nous dire comment est né votre studio, Burning Sunset ?
François Message : La création du studio est très liée à la création du jeu. Je suis chef opérateur à la base en cinéma et en audiovisuel. Guillaume est réalisateur et scénariste. Lesly Grange(l’autre co-fondateur du studio avec François, ndlr) n’est pas là aujourd’hui, c’est un musicien et un mixeur. Quand le confinement est arrivé en 2020, tous nos projets se sont effondrés. Guillaume bossait sur un long-métrage, moi j’étais sur plusieurs documentaires et une série, et Lesly bossait sur des tournées de musique. Mais évidemment tout a été annulé et le monde de la culture s’est effondré à ce moment-là. On avait donc beaucoup de temps disponible et on a commencé à se former sur les outils pour fabriquer un jeu vidéo. En l’occurrence sur The World After, c’était sur Unity.
On a fait des Game Jam avec Lesly à distance pendant le premier confinement. Avec Guillaume on travaille ensemble depuis plus de 15 ans, et on est tous les deux très fans de point and click et de Full Motion Video (FMV), et on était tous les deux dans le monde du cinéma. Ça faisait longtemps qu’on se disait que les décors de tournage pourraient être de super décors de point and click ou de FMV. Cette idée a germé pendant près de 15 ans. Quand Guillaume a vu qu’avec Lesly on avait les outils pour faire un jeu, il nous a proposé un petit scénario, qui est devenu plus tard The World After.
Florian (PSI) : Comment naît cette volonté de faire du jeu vidéo ? Parce que vous n’avez eu aucune formation dans le domaine. Ça s’est fait du jour au lendemain, vous vous êtes dits ok on se lance ?
François : C’est un peu ça oui.
Guillaume Defare : Vous vous étiez entraînés à faire des petits jeux pendant le confinement. Oui, on s’est lancés, on avait du temps et l’envie de créer quelque chose. Comme tous nos projets s’étaient effondrés et que le monde du cinéma était complètement bloqué, on a essayé de trouver une voie parallèle, originale, qui nous passionnait un peu. C’était vraiment l’occasion, et on a pas voulu la manquer.
François : C’était aussi la confluence de plusieurs choses en même temps, Lesly et moi on avait lancé une petite chaîne YouTube en 2019 qui n’avait pas beaucoup duré. On parlait de jeux indépendants et on faisait des tests. Ça s’appelait « Les jeux à deux balles ». On est tombés à un moment sur un point and click FMV qui était fait avec trois centimes, et on s’est dit que c’était possible de faire ça. On y a beaucoup réfléchi, et tout s’est mis en place.
Guillaume : C’est vrai que quand ils ont testé ce jeu-là, qui s’appelle Moral King en l’occurrence et qui est un tout petit jeu au fond mais qui montrait que c’était faisable avec peu de moyens, on s’est dits qu’on pouvait le faire à notre sauce. Et c’est comme ça que notre projet s’est lancé, alors que ça découlait au départ d’une blague où l’on montrait un héros qui devait fabriquer un masque et un gel hydroalcoolique pour sortir de chez lui (rires).
François : Quand Guillaume nous envoyé le scénario en nous disant que ce serait super, on a vite compris que ça allait nous demander de développer tout un moteur pour pouvoir lancer les vidéos correctement, etc, et que ça nous prendrait autant de temps que si on faisait un truc un peu sérieux.
Guillaume : C’est vrai qu’on a fini par se lancer dans un tournage, avec du matériel, des gens, tout ça. Et à partir de là, on s’est dit qu’on allait le faire pour de vrai.
Florian (PSI) : À quel moment vous êtes-vous dit que c’était le moment de se lancer ? Aviez-vous tout préparé à l’avance, avec le scénario et les lieux de tournage ?
Guillaume : Pour le scénario on était confinés, donc j’en ai profité pour l’écrire, faire un game design… C’était une première. Il fallait inventer des petites énigmes, et ça a fini par prendre de l’ampleur. Le scénario au départ c’était quelque chose pour m’amuser.
François : Pour le décor, on a pensé à utiliser la maison de mes grands-parents, en Auvergne. On a démarré le projet en mai 2020, et on ne savait pas vraiment à quelle sauce on allait être mangés avec le confinement. On s’est dit que si on tournait dans la maison de mes grands-parents, ça irait vu qu’il n’y avait jamais personne (rires). Il n’y avait même pas encore de règles spécifiques pour les tournages à l’époque, on n’était pas sûrs de ce qu’on allait faire ou pas. Donc on a prévu le truc le plus minimaliste possible, et on savait qu’en partant au fin fond de l’Auvergne on pourrait se confiner là-bas si jamais il y avait un nouveau confinement. Tous les décors étaient à moins d’un kilomètre de la maison, et tout était calculé pour être faisable en temps de crise absolue.
Guillaume : On est en train de finir en ce moment notre prochain jeu, The Traveller’s Sight. On a vu bien plus grand, puisqu’on a tourné aux quatre coins du monde. Le jeu est actuellement en post-production, on l’a tourné en grosse partie à Vienne, à côté de Lyon. C’est une ville médiévale et antique. On a aussi tourné à Venise, en Égypte, en Allemagne, à Marseille. Autant on a vu petit pour The World After, autant pour The Traveller’s Sight on s’est dit qu’on allait tout envoyer.
François : Le tournage de The World After a pris deux semaines. Et encore, c’était parce qu’on avait une météo difficile, on passait des journées entières à attendre que la pluie s’arrête. Au départ on avait tablé sur un tournage de 8 jours, avec la tranquillité du confinement. Puis en fait on a fini le tournage le matin où l’on devait partir.
Guillaume : Sur les deux semaines, il y a dû avoir 8-9 jours de tournage. Pour notre prochain, on est déjà à 45 jours de tournage.
Florian (PSI) : Vous disiez que vous étiez grands fans de FMV. Lorsque vous avez concrétisé l’idée qui allait devenir The World After, avez-vous rejoué à des FMV pour vous en imprégner ? Avez-vous apprécié redécouvrir ces jeux là ?
François : Oui, et parfois non (rires). On a rejoué à X-Files, à Phantasmagoria, Tex Murphy : Under a Killing Moon. Mais avec le temps passé, on avait eu du mal à rentrer dedans.
Guillaume : J’avais besoin de me replonger dans ces titres pour faire un game design d’énigmes qui fonctionnait.
Florian (PSI) : C’est plus le game design qu’on cherche à ce moment-là, ou plus l’histoire lorsque l’on rejoue à ces jeux ?
Guillaume : Un peu des deux. Surtout que The World After se veut être un pastiche. Il n’est pas fait d’une manière réellement sérieuse, c’est vraiment du second degré. On avait envie d’avoir cet esprit bizarre, parfois même un peu nanar de ces jeux d’époque, avec ces réactions étranges des personnages, ces énigmes parfois un peu farfelues par rapport à la situation de crise, ces répliques un peu cossues qu’on a calé… Il fallait se replonger dans le style FMV. C’était important pour The World After, moins pour le jeu qu’on est en train de faire maintenant.
Florian (PSI) : C’est quelque chose d’ailleurs qui a parfois été souligné en défaut dans le jeu. On a dit que le jeu d’acteurs n’était pas trop sérieux, mais c’était donc une vraie volonté de votre part de jouer aussi bien que dans les FMV de l’époque (rires).
Guillaume : On savait qu’on allait devoir faire avec les moyens du bord vu l’épidémie. Mais du coup on a joué la carte du côté burlesque. Toute l’histoire du gel hydroalcoolique et du tire-bouchon, c’est n’importe quoi (rires). Il y avait ces interprétations un peu foireuses on va dire, mais qui se voulaient second degré. On aurait peut-être dû plus l’appuyer, mais je n’avais pas envie que ce soit trop nanar non plus. Ce qui est étrange, c’est que la manière dont on écrit ce genre de choses, étant donné que les dialogues ne peuvent pas être vraiment linéaires, donne un côté forcément pas très naturel. On a déjà vite embrassé cet aspect, pour reconstituer vraiment le style de ces dialogues d’époque, et ça nous allait bien.
François : Et puis même quand on a tourné avec Jean-Claude Dreyfus, on lui avait dit de se lâcher, d’en faire des caisses. C’était l’idée.
Florian (PSI) : C’était difficile de le diriger dans un exercice aussi compliqué que celui du FMV ? Parce que justement, on demande techniquement à l’acteur de mal jouer.
Guillaume : On ne l’a pas tant dirigé que ça (rires). Déjà, il faut savoir que c’était sur un fond vert, c’était chez lui. On lui a sorti un texte avec un prompteur, et après il tentait des choses. Parfois il allait même vraiment trop loin, ça en devenait incompréhensible. L’objectif était qu’il aille dans un surjeu, mais maîtrisé. Je voulais éviter un côté trop sérieux, il fallait donc trouver cette touche cabotine, extrême.
Florian (PSI) : C’est assez intéressant ce que vous dites, car lorsque l’on visionne le trailer de The World After, on a l’impression que c’est très sérieux. Pourquoi avoir choisi ce décalage ?
Guillaume : En fait nous n’avons pas fait la bande-annonce. Elle a été confiée à une société, mais pour leur défense c’est dur de faire une bande-annonce de ça.
François : On a tout de même essayé d’appuyer dans le trailer sur le gel hydroalcoolique, sur le masque… Mais c’est vrai qu’il n’y a pas cette ambiance loufoque.
Guillaume : C’est vrai qu’on est allés chercher ce ton loufoque et décalé, donc c’était dur de retranscrire ça dans un trailer, et peut-être qu’il ne reflétait pas tant que ça le jeu.
François : C’est vrai que je ne m’en étais jamais rendu compte.
Florian (PSI) : Ça a influencé pas mal de personnes justement, car elles ont vu en la bande-annonce quelque chose d’assez sérieux, un peu fantastique et thriller, pour ensuite se retrouver devant un pastiche du FMV à la sauce années 1990. Ça a pu dérouter.
Guillaume : Ça n’est pas impossible en effet. Après le jeu n’est pas très long, il ne fallait pas trop en montrer, surtout dans les dialogues où se trouvait tout le pastiche. Et comme il n’y a pas de dialogues dans la bande-annonce…
François : Ah si je me souviens. Le trailer a été fait avant que l’on ne fasse le doublage en anglais. Et donc on avait choisi de ne pas mettre de dialogue dans la vidéo pour ne pas rebuter les anglophones. Et c’est vrai que le décalage est dans les dialogues.
Guillaume : C’était un tas d’idées saugrenues qui nous paraissaient tellement évidentes à l’époque du confinement, et qui avec le recul sont assez difficiles à expliquer.
Florian (PSI) : Ça me rappelle un commentaire de Ron Gilbert sur Monkey Island 2 : Le Chuck’s Revenge . Il y a une énigme dans le jeu sur quatre îles, et le studio avait inventé un système complètement loufoque pour faire fonctionner le tout. Lorsque Ron Gilbert avait refait le jeu pour le mettre sur Steam, il avait dit dans le commentaire des développeurs qu’il avait dû chercher la soluce sur internet car lui-même ne savait plus comment il avait pensé son énigme (rires).
Guillaume : Monkey Island 2 a été une énorme référence pour nous justement. Les 3 jeux en fait. Ça fait partie de nos grands classiques, avec les Chevaliers de Baphomet aussi.
Florian (PSI) : Et en termes de point and click, quelles sont vos références ?
François : Les premiers jeux auxquels j’ai joué dans ma vie étaient Space Quest 1 et 3. Une partie de mon cerveau sera toujours branchée dessus. Après, Monkey Island 1 et 2 se posent là, et les Lucas Arts en général. Citons Indiana Jones, Grim Fandango…
Guillaume : Récemment il y a aussi les jeux de Dave Gilbert. On a été contents de voir un revival du point and click ces dernières années. On ne pensait pas en faire un, et nous voilà. Mais encore une fois, The World After est une zone de test aussi, dans le but de faire un jeu beaucoup plus subtil par la suite. The Traveller’s Sight gardera d’ailleurs un petit côté burlesque. Ce côté burlesque est un peu inévitable pour moi dans un point and click en FMV. Il vaut mieux l’assumer plutôt que de l’esquiver et de rester très sérieux, parce qu’honnêtement ça ne marche pas. Il vaut mieux rester humble et décalé.
Florian (PSI) : Vous parliez de jeux plus récents. Y a-t-il des titres qui vous ont inspiré pour The World After ? Je pense par exemple à Her Story, mais y a-t-il d’autres références ?
Guillaume : Je ne suis pas un grand fan de Sam Barlow (réalisateur de Her Story, ndlr) en général. Ce n’est pas vraiment ce que j’ai envie de faire.
François : De mon côté je le trouve super intéressant dans sa manière de concevoir une narration non linéaire.
Guillaume : On a beaucoup débattu sur Immortality aussi (de Sam Barlow, ndlr). Pour être honnête, beaucoup de jeux nous ont déçu, mais je ne vais pas les citer car ça ne se fait pas. Il y a une quantité invraisemblable de films interactifs mal filmés et mal joués. Mais ça reste intéressant malgré tout pour savoir ce qu’il ne faut pas faire dans nos jeux. Si on va chercher un peu loin, il y a le jeu Contradiction (du studio Baggy Cat Limited, ndlr) qui est intéressant. Le titre a un petit culte de niche.
François : C’est un vrai point and click pour le coup, ce n’est pas un film interactif.
Guillaume : En termes de point and click sans FMV, ma dernière vraie inspiration c’est Wadjet Eye
Florian (PSI) : Reparlons un peu du confinement. Comment c’était de tourner à cette époque ?
François : En fait on a tourné hors confinement, en juillet 2020, entre les deux confinements. On avait le droit de tout faire, et on n’a pas eu de problèmes à avoir les autorisations de tournage. Il a surtout été compliqué de trouver les bons décors, de les éclairer. Le final nous a demandé de tourner jusque 3 heures du matin, c’était loin et on avait beaucoup de matériel. On était une équipe très réduite donc les défis étaient surtout logistiques.
Florian (PSI) : Un autre défi technique pour le jeu a été de faire le cycle jour-nuit. Comment avez-vous fait cela, notamment à cause de la nécessité de doubler les scènes de jour comme de nuit ?
François : On commençait toujours par tourner de jour. À chaque fois qu’on tournait de jour, on notait l’emplacement et la hauteur de la caméra, et on reproduisait exactement la logistique de nuit. On travaillait avec des projecteurs sur batterie, ce qui nous avait facilité les éclairages. Dans les scènes de nuit dans le jeu, il n’y a aucun éclairage public, tout était fait au projecteur.
Guillaume : Je passe du coq à l’âne, mais la version PS4 a eu des défauts à la sortie (le 28 mars 2024, ndlr) qui sont en train d’être patchés. Les voix off sonores n’y étaient pas alors que normalement il y a un doublage sur chacune des répliques. Les bugs diffèrent aussi selon les versions de PS4, selon les mises à jour, les numéros de série… Ça a été difficile mais on a convenu avec l’éditeur de travailler sur des mises à jour pour mettre le jeu au niveau de la version PC, qui reste actuellement la référence.
Florian (PSI) : Justement, parlons enfin de The World After. C’est quoi exactement The World After ?
Guillaume : C’est un point and click en FMV qui raconte l’histoire d’un écrivain qui se retrouve bloqué en Auvergne pour le confinement. Il reçoit un jour une image étrange d’un château avec un message, qui est le même que celui qu’il entend la nuit dans ses cauchemars. Il va partir à l’aventure pour comprendre de quoi il s’agit et il finit par tomber sur une sorte d’appareil permettant de remonter le temps, et de passer du jour à la nuit. Et la nuit, il se fait attaquer par un monstre. C’est cela The World After sans trop en dévoiler.
Florian (PSI) : Le fantastique fait-il aussi partie des codes du FMV ? Était-ce aussi quelque chose que vous vouliez caricaturer ?
Guillaume : Oui et non. Il y a évidemment Phantasmagoria et X-Files. Mais on aime bien aussi le cinéma généreux de série B, voire Z.
François : On a toujours travaillé sur des films de genre. Le long-métrage que l’on a sorti au cinéma en 2019 était un film d’horreur (Nécrologies, ndlr). Avant ça, on avait fait un court-métrage de science-fiction aussi, donc le genre, dont le fantastique, entre dans ce qu’on aime bien faire depuis toujours.
Florian (PSI) : En quoi cette expérience de cinéma vous a-t-elle aidé pour la réalisation de The World After ?
François : En fait… il a fallu désapprendre tout ce qu’on savait (rires) !
Guillaume : Le premier jour de tournage du jeu, on était d’ailleurs complètement perdus !
François : On avait l’habitude du découpage technique du cinéma, qui a sa propre logique narrative. Et le jeu vidéo est complètement différent. Mais une fois que l’on a compris l’astuce, tout est devenu plus facile. Sur Traveller’s Sight, tout roule. Donc notre expérience de cinéma a dû être déconstruite pour nous permettre de faire The World After.
Florian (PSI) : Le jeu a été fait sur Unity. Comment s’est fait le montage ? Et avez-vous bénéficié d’aides pour le développement, sachant que le titre est d’un genre peu représenté sur la scène vidéoludique ?
François : Dans Unity, il existe un lecteur vidéo, mais on ne le maîtrisait pas bien. On a donc utilisé un plugin qui s’appelle Adventure Creator, qui permet de faire des point and click. Mais vu que notre jeu est en FMV et pas totalement en point and click, ça nous a malgré tout mis des bâtons dans les roues, qui plus est pour le portage consoles. Là, pour notre nouveau jeu, on est repartis sur un autre moteur de zéro pour essayer de contourner ces difficultés. On avait notamment mis un inventaire dans le jeu.
Guillaume : Sur ce sujet, j’avais écrit un scénario sans inventaire au départ. J’en ai finalement ajouté un au milieu du tournage, et ça m’a amené à réécrire plusieurs éléments. On a appris à développer en même temps qu’on le faisait au fond.
Florian (PSI) : Le titre sort donc en mai 2021, alors que l’on était toujours en pandémie. Était-ce voulu de votre part, vu le cadre du jeu ?
Guillaume : Pas vraiment, on l’a simplement publié quand il était prêt. Mais c’est étrange, car le sujet est voué à vieillir instantanément en soi. C’était vraiment une histoire de son époque, que j’aurais été incapable de penser s’il n’y avait pas eu la pandémie. C’est un reflet de ce moment étrange, perdu et sinistre, presque burlesque. C’est en quelque sorte un témoignage dont c’était sûrement mieux qu’il sorte à ce moment, mais on ne s’était pas posé la question sur le moment.
Florian (PSI) : Que retenez-vous de votre expérience sur The World After, notamment pour le développement de The Traveller’s Sight ?
François : Vu que l’on a tout appris en même temps que l’on développait le jeu, tous nos acquis viennent de là. On avait peut-être eu à l’époque des ambitions trop basses, par peur de tenter quelque chose que l’on avait pas la certitude de réussir. Comme on l’a dit, le tournage a duré 15 jours, la post-production à peine un an. Mis bout à bout, il s’est passé une année entre l’idée originale et la sortie. On voulait faire quelque chose de court pour justement être sûrs d’aller au bout.
Guillaume : Pour le jeu d’après, on a bien compris que le défaut de The World After était la durée de vie, et la facilité des énigmes. On s’est dit que pour Traveller’s Sight on ferait un jeu à la durée de vie conséquente par rapport aux standards du genre (entre 4 et 6 heures), avec des énigmes complexes, une vraie map. Tout est plus complexe, il y a de vrais dialogues, des choix de dialogue, des fins vraiment différentes… Il fallait élever le niveau, et c’est passé par le voyage, par le fait de montrer de belles images, comme la place Saint Marc à Venise, au théâtre antique de Vienne… Il y aura des décors magnifiques dans The Traveller’s Sight.
Florian (PSI) : L’ambition renouvelée vaut-elle aussi pour la direction des acteurs ?
Guillaume : On a essayé de faire mieux (rires). Les comédiens sont presque tous professionnels cette fois, en plus du casting original de The World After.
Florian (PSI) : On a parlé de FMV et de point and click. Mais il y a aussi un visual novel dans The World After. Comment en êtes-vous arrivés à cette idée ?
Guillaume : Je suis avant tout un fan de visual novel. J’en ai fait quelques-uns aussi.
François : Quand Guillaume a écrit le scénario, je me suis dit qu’il fallait absolument que l’on trouve un moyen d’imaginer le story-boarding pour être sûrs de ne rien oublier. J’avais le plugin Fungus pour Unity, qui n’existe plus aujourd’hui d’ailleurs, qui permet de faire des visual novels de façon très simple. Et donc comme on n’en avait pas encore d’inventaire à ce moment et que l’histoire était encore linéaire, j’avais fait un prototype de jeu avec Fungus pour voir la manière dont ça se visualisait. Au début c’était juste avec des photos de repérage que nous avions fait sur Google Street View, avec du texte par dessus. On avait cette base de travail, et quand on a fini le jeu ça nous est revenu en tête, et on s’est demandés ce qu’on allait faire du protoype.
Guillaume : J’étais partant pour en faire un vrai visual novel parce que je trouvais ça marrant de l’avoir en bonus. J’avais envie de voir nos têtes en visual novel. On a donc demandé à un artiste que nous connaissons bien de nous caricaturer et c’est devenu un petit bonus rigolo, qui nous a pris une semaine de travail et qui montre finalement le prototype du jeu au début de sa conception.
Florian (PSI) : The World After est donc sorti le 28 mars 2024 sur Switch et PS4. Quel est l’intérêt pour vous de le publier au-delà du PC ?
François : À la base on avait prévu de le faire nous-mêmes. Lesly avait commencé à reprogrammer le jeu de zéro, notamment pour retirer Adventure Creator du système. Un éditeur nous a contacté pour savoir si on comptait sortir le jeu sur consoles, et en mars 2023 c’est devenu sérieux, avec donc Pixel Heart. Ça nous a beaucoup aidés car c’était une chose qu’on voulait faire depuis longtemps. Les circonstances ont été favorables, et c’était aussi une manière de nous préparer au jeu d’après, pour maîtriser tous les systèmes.
Florian (PSI) : Pour finir, avez-vous des jeux à recommander à notre lectorat, notamment des perles indépendantes que nous ne connaîtrions pas ?
Guillaume : Essayez Moral King, ce point and click qui coûte à peine 80 centimes sur Steam. Ça a été l’étincelle absurde de notre boulot. J’aime beaucoup aussi What remains of Edith Finch, qui est extrêmement bien écrit.
François : Je suis un fan inconditionnel de Subnautica et Faster than Light.
Florian (PSI) : Merci beaucoup de nous avoir accordé cette interview, et bon courage pour le développement de Traveller’s Sight !