La cérémonie des Game Awards arrive à grands pas, et nous permettra de savoir qui remportera le titre tant convoité de jeu de l’année. Elden Ring est l’un des grands favoris pour succéder à It Takes Two. Véritable succès critique et commercial, le dernier jeu de FromSoftware est la belle surprise de cette année. Alors que les jeux du studio japonais étaient jusqu’ici assez confidentiels, et réservés à un certain type de joueurs en raison de leur difficulté extrême, Elden Ring a su emmener tout le monde dans son sillage, au point de créer un vrai phénomène de partage et d’entraide sur internet. Le successeur spirituel des Dark Souls, en plus de s’être écoulé à plus de 17 millions d’exemplaires, a aussi explosé tous les records de vues sur Youtube. Tout semblait parfait jusqu’à ce que les conditions déplorables de travail au sein du studio ne deviennent publiques.
Pour beaucoup, le crunch est devenu la norme par facilité. Beaucoup de dirigeants de studio préfèrent faire en sorte que les équipes aient à cruncher sur la fin d’un développement plutôt que d’avoir à faire un véritable travail de préparation en amont, qui pourrait éviter ce genre de situations. Le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo explique qu’il existe deux types de crunch, celui qui est institutionnalisé et prévu aux plannings, et un autre plus dangereux, qui repose sur la base du volontariat. Évidemment, ce volontariat n’en est pas vraiment un, car il est clairement sous-entendu aux développeurs que s’ils ne veulent pas jouer le jeu, d’autres seraient particulièrement heureux de pouvoir avoir leur chance sur un projet d’envergure. Le Japon n’échappe pas à cette tendance.
Le crunch chez FromSoftware
C’est une série de critiques négatives à l’encontre From Software qui vient de faire surface sur Twitter. Il semblerait que le personnel du studio soit souvent confronté à des heures supplémentaires excessives, dont la rémunération est insuffisante. C’est par le biais de GamesIndustry.biz que nous apprenons l’information. Le site s’est entretenu avec un certain nombre d’employés de FromSoftware (de manière anonyme), passés et présents, pour mieux comprendre les problèmes qui affectent ceux qui travaillent chez le développeur d’Elden Ring. Si certaines sources réfutent les stéréotypes selon lesquels les entreprises japonaises surchargent leur personnel, plusieurs admettent cependant qu’il y a bel et bien une culture du crunch au sein du studio japonais, avec des variations selon les départements.
Ainsi, si des témoins ont expliqué n’avoir jamais eu à travailler plus que de raison, des employés d’un autre département ont déclaré avoir dû faire énormément d’heures supplémentaires dans les deux à trois mois qui précédaient la sortie des jeux de From Software. Là où la tension était plus palpable dans les témoignages, c’est lorsqu’il a fallu aborder le sujet des salaires et des heures supplémentaires. Selon l’enquête de Game Industry, From Software inclut les heures supplémentaires directement dans les salaires des développeurs. Cela peut mener à des situations incongrues, comme par exemple des heures supplémentaires de nuit moins bien payées que les heures de journée (-50%), alors que la norme dans le monde de l’entreprise est généralement de payer ces heures nocturnes à 150% du taux horaire.
On apprend aussi que les employés du studio sont bien moins payés que ce qui se fait ailleurs dans le pays. Ils touchent un salaire annuel moyen de 3,41 millions de yens, ce qui équivaut à un peu moins de 25 000 dollars, et qui est par exemple nettement inférieur aux 5,2 millions de yens (38 000 $) des employés d’Atlus, qui est un studio de taille comparable. Une telle rémunération est jugée comme parfaitement inadaptée au coût de la vie à Tokyo. Ces salaires contrastent notamment avec les déclarations de l’éditeur Bandai Namco, qui a annoncé en février une augmentation des salaires d’une moyenne de 50 000 ¥ (362 $) par mois pour tous les employés, ainsi qu’une augmentation des salaires de base qui passeront de 232 000 ¥ (1 681 $) à 290 000 ¥ (2 101 $). Il semble clair que FromSoftware ne compte pas suivre la même voie que son éditeur pour ce qui est du sujet des rémunérations.
Notons toutefois, toujours selon Game Industry, que malgré ces allégations de crunch et d’heures supplémentaires mal payées, le taux de satisfaction des employés de FromSoftware reste important. Un employé a ainsi comparé les heures de crunch au jeu Dark Souls, avec la satisfaction d’en avoir fini qui s’assimile à celle de battre un boss dans le jeu.
Mais l’information principale à retenir est que de sérieuses questions se posent sur les méthodes de travail au sein de FromSoftware. Si des studios comme Insomniac Games arrivent à boucler des jeux ambitieux sans aucun scandale de temps de travail, mais surtout de rémunération, pourquoi pas tous ?
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