« For The Players ». Vous avez probablement déjà entendu cette phrase. Il s’agit du slogan qui a accompagné la vie de la PlayStation 4 et qui a tant réussi au constructeur japonais. Ludothèque exclusive, stratégie tarifaire, communication ou encore rythme de sorties, Sony a flirté avec les succès durant toute la huitième génération, en plus de s’accorder la reconnaissance du grand public. Avec plus de 115 millions de PS4 écoulées à travers la planète, cette dernière s’est hissée au rang de la quatrième console la mieux vendue de tous les temps, derrière la PlayStation 2, la Nintendo DS et enfin la Game Boy. Mais la PS5 va-t-elle pouvoir égaler, voire surpasser les succès de sa grande sœur ? C’est ce que nous allons essayer d’analyser à travers ce nouveau dossier, signé PlayStation Inside.
Note : Avant de répondre à la problématique soulevée par le titre de ce dossier, il est important de revenir en profondeur sur certains événements majeurs de la vie de la PS4 et de remettre en contexte beaucoup de faits et de situations. L’addition de ces éléments nous permettra de tirer des conclusions et d’aborder, avec des arguments précis, l’avenir potentiel de la PS5. Bien évidemment, cette analyse n’engage que son auteur.
Apprendre à ses dépens
Depuis sa sortie en 2013, la PS4 a marqué un tournant dans l’histoire de la marque PlayStation. Si la PS3 avait rencontré à son lancement de nombreuses difficultés, liées notamment à son architecture trop complexe ou encore un prix initial beaucoup trop élevé, fixé à l’époque à 600 €, la PS4 fut quant à elle la matérialisation d’une prise de conscience et d’une volonté du constructeur japonais de ne plus vouloir réitérer ses erreurs passées. La PlayStation 3 s’est au final écoulée à plus de 87 millions d’exemplaires dans le monde, bien loin du succès fulgurant de sa grande sœur, la PS2, et de ses plus de 155 millions de consoles vendues. Un prouesse certes jamais égalée depuis, mais fortement approchée par la PS4 après sept années d’existence.
Si la concurrence était relativement agressive et novatrice du temps de la PS3, face à la Xbox 360, la PlayStation 4 a clairement été sur un long fleuve tranquille durant toute la huitième génération de consoles. Et si Sony aurait aisément pu se reposer sur ses lauriers, au vu de la situation presque trop facile face à la Xbox One (les ventes de PS4 représentant plus du double des ventes de Xbox One), le japonais en a profité pour se forger une nouvelle identité et reconquérir le cœur de celles et ceux l’ayant boudé du temps de la PS3, quelques années auparavant. Le constructeur a fait de sa console la plateforme de prédilection du grand public, et la console à destination des joueurs, comme PlayStation aimait tant le rappeler.
Pour autant, ce succès fut à l’origine le fruit d’un concours de circonstances.
L’E3 de tous les enjeux
Si durant toute la précédente génération PlayStation a globalement maîtrisé et réussi ses prises de parole, l’E3 2013, événement marquant pour toute l’industrie du jeu vidéo, a été l’occasion pour le géant japonais d’axer sa stratégie de communication sur les faiblesses de son concurrent (ce qu’il ne pouvait bien évidemment pas anticiper). Une stratégie relativement inédite à l’époque, et qui a grandement favorisé le succès et la popularité grandissante de la PS4 à ses débuts. Une situation évidemment incomparable à celle que nous connaissons aujourd’hui entre les PS5 et Xbox Series, tant les deux constructeurs ont choisi des voies distinctes, sans erreur « fatale » à leur communication dans la longue période précédant leurs lancements.
A l’E3 2013, seuls trois éléments ont fait toute la différence : le prix, la possibilité de pouvoir prêter ou revendre ses jeux (voir vidéo ci-dessus), et la non-nécessité d’être connecté à Internet pour pouvoir profiter de sa console. Si le prix a toujours été déterminant pour les joueurs dans l’achat d’une console, les deux éléments suivants avaient en revanche pour seule vocation de déstabiliser Microsoft, qui avait alors fait les choix d’imposer certaines contraintes, avant de finalement rétropédaler. Mais en dehors de ces derniers instants qui ont comblé la fin de conférence de Sony, et qui ont donc à jamais creusé l’écart avec son concurrent, celle-ci avait cruellement manqué de rythme et d’intérêt. Paradoxalement, le constructeur américain avait quant à lui réalisé une excellente conférence de presse, avec des annonces de jeux majeures, et qui, hormis un prix supérieur de cent euros lié à l’intégration obligatoire de Kinect, avait le mérité d’être efficace et rythmée.
Quelques semaines avant l’E3 de cette même année, soit précisément le 21 mai 2013, Microsoft avait réalisé une conférence de presse fortement orientée sur la dimension « TV » de sa console, et sur laquelle Sony s’est appuyé pour retourner la situation contre son principal concurrent, obstruant totalement les défauts de sa propre conférence. Une situation cocasse, qui a pourtant coûté très cher à Microsoft, et qui a permis à Sony de démarrer la génération dans les meilleures conditions possibles, appuyé par le soutien des éditeurs, la couverture médiatique de la presse et l’engouement du public. Un concours de circonstances qui restera à jamais gravé dans les mémoires.
Un parcours (presque) sans faute
Plus de sept ans après ce fameux E3, il est pertinent de regarder dans le rétroviseur. Sony est aujourd’hui le leader mondial sur le marché du jeu vidéo. Ayant écoulé 115,2 millions de PS4 depuis sa sortie en novembre 2013 jusqu’au 31 décembre 2020, celle-ci est la deuxième machine de salon la plus populaire aux côtés de la PS2. Une statistique comparable à un exploit au vu du fort ralentissement des ventes rencontré par les deux précédentes consoles proposées par PlayStation, à savoir la PS3 et la PS VITA (bien que l’analyse du marché ne soit de toute évidence pas la même pour cette dernière). Mais alors que nous pouvions légitiment penser à un désintérêt de la part de certains joueurs vis-à-vis de la marque PlayStation, Xbox ayant eu une forte emprise sur son concurrent durant la septième génération, la PS4 s’est finalement imposée comme une véritable surprise, et la preuve que le nom PlayStation a encore une résonance particulière auprès des joueurs. Mais afin de mieux cerner et mesurer le succès de la PS4, entrons davantage dans le détail des chiffres.
Grâce à ces deux graphiques réalisés par l’analyste Oscar Lemaire, nous pouvons tirer une conclusion fortement intéressante : sur toute sa durée de vie (voir graphique à gauche), hormis à quelques exceptions (douzième et seizième trimestre), les courbes de ventes de la PlayStation 4 (violet) ont été supérieures, parfois sensiblement, à celles de la PlayStation 2 (bleu). Si la PS2 a atteint au total les 155 millions de ventes, c’est notamment grâce à sa durée de vie extraordinaire, puisque celle-ci a continué de se vendre considérablement même après la sortie de la PS3 (voir graphique à droite, courbe bleue). Une nouvelle preuve du raccourcissement des générations au fil des années, malgré l’arrivée d’un modèle Pro en 2016 dans le but de (re)dynamiser les ventes. Mais même en tenant compte des excellentes ventes tout au long de la génération, la PS4 est la première console à connaître une aussi grande chute à la sortie de la nouvelle, à savoir la PS5 (voir graphique à droite, courbe violette). Durant le trimestre de l’arrivée de cette dernière, la PS4 ne s’est écoulée qu’à seulement 1,4 millions d’exemplaires, là ou même la PS3, pourtant moins populaire, en faisait 3,3 millions à période égale.
Si cette situation peut notamment s’expliquer par l’absence de baisse de prix de la PS4, elle peut également se justifier par une envie de la part des joueurs de passer à autre chose. Les consommateurs ressentent bien plus rapidement que par le passé le besoin de basculer vers la suite, à l’image d’autres industries liées aux technologies. Qui plus est, contrairement à la PS4, la PS5 propose la rétrocompatibilité quasi-totale des jeux de sa grande sœur, et a donc sans doute plus facilement encouragé les joueurs dans leur désir d’acquérir directement cette dernière pour ainsi profiter simultanément des deux ludothèques.
De manière générale, les ventes annuelles de PS4 n’ont rien à envier à celle de ses grandes sœurs, si l’on exclut le fait qu’elle soit victime d’un cycle de vie beaucoup plus court que ses prédécesseurs. En 2016 et en 2017, soit en plein milieu de cycle, la PS4 a rencontré ses meilleures années, avant d’être frappée par une baisse progressive les années suivantes. 2018 fut malgré tout très fructueuse quantitativement parlant avec près de 18 millions de machines vendues, sans doute aidée par les sorties de God of War et de Marvel’s Spider-Man en fin d’année. En juin 2019, soit moins de six ans après sa sortie, la PS4 dépassait officiellement le cap symbolique des 100 millions d’exemplaires vendus dans le monde. A noter que près de 6 millions de français sont possesseurs d’une PS4 sur les plus de 115 millions, la France étant un marché important pour PlayStation.
Avec un total de 6,2 millions de consoles PS4 écoulées en 2020, à échelle mondiale, les ventes ont été divisées par plus de deux par rapport à l’année précédente. Premièrement évoquée en avril 2019 par Marc Cerny, puis officialisée en octobre de la même année, précisant au passage une sortie pour Noël 2020, l’annonce de la PS5 a eu pour effet de briser radicalement le cycle de la PS4. La transition que nous connaissions jusqu’à présent pour être délicate et progressive, est ici, et pour la première fois, relativement brutale. Un indicateur d’importance qui nous permettra d’apporter des éléments de réponse à notre problématique soulevée en introduction.
L’art du spectacle
Nous l’évoquions, la communication et la proximité avec le public jouent un rôle majeur dans la philosophie de PlayStation, tout particulièrement depuis les débuts de la PS4. Une stratégie qui a fait ses preuves, et qui a de toute évidence d’ailleurs été transposée aux premiers temps forts de la PS5. Le 11 juin dernier, premier temps de communication en vidéo pour sa nouvelle console, Sony a tenu à marquer un grand coup avec les annonces de nombreuses exclusivités à la suite, couvrant l’ensemble de la conférence, au beau milieu de jeux éditeurs tiers et titres indépendants : Marvel’s Spider-Man: Miles Morales, Ratchet and Clank: Rift Apart, Gran Turismo 7, Demon’s Souls, ou encore Horizon: Forbidden West en guise de « One More Thing »… Un programme chargé en annonces qui a immédiatement convaincu les fans de ces licences. Quelques mois plus tard, lors de la seconde prise de parole vidéo concernant sa PS5, Sony a réitéré ce même schéma avec l’annonce de Final Fantasy XVI en ouverture, et un teaser du prochain épisode de God of War en conclusion. Un schéma efficace, qui n’est pas sans rappeler celui que nous connaissions déjà.
E3, Paris Games Week ou encore PlayStation Experience… Les conférences de presse ont été le fil conducteur de la réussite de PlayStation sur la huitième génération. Le constructeur a su proposer des événements devenus pour beaucoup emblématiques et faisant partie intégrante du vécu de la PS4. Nous pouvons citer l’E3 2015 qui avait levé le voile sur Horizon: Zero Dawn, Shenmue 3, Final Fantasy 7: Remake et The Last Guardian, ou encore l’E3 2016 qui avait entamé les festivités avec l’annonce de God of War, sous les instruments d’un orchestre symphonique, avant de lever le voile sur Death Stranding (Hideo Kojima est d’ailleurs monté sur scène), Resident Evil 7 et sa dimension VR exclusive, Days Gone, mais encore Marvel’s Spider-Man. Enfin, nous ne pourrions pas ne pas citer la conférence tenue à la PlayStation Experience en 2016, puisque c’est Naughty Dog qui était sous les feux des projecteurs, avec l’annonce de deux jeux le même jour : Uncharted: The Lost Legacy en ouverture et The Last of Us Part 2 en conclusion. Jusqu’en 2018, Sony a tenu à proposer des conférences théâtralisant grandement les annonces afin de marquer les esprits. De grands moments, qui ont laissé une trace auprès des professionnels du jeu vidéo mais également auprès des joueurs, en plus de contribuer à leur fidélisation vis-à-vis de la marque. Une stratégie payante, portée aujourd’hui par l’aura des exclusivités.
Les exclusivités : une stratégie gagnante
Désormais, il est presque impossible de dissocier la marque PlayStation de ses exclusivités. De tout temps, le constructeur a forgé son aura autour de licences et de héros devenus rapidement très populaires. Née avec des mascottes telles que Spyro ou encore Crash Bandicoot, la marque PlayStation a grandi avec des duos emblématiques, à l’image que Jak and Daxter ou encore Ratchet and Clank, du temps de la PS2. PlayStation est ensuite passé à l’âge adulte, orientant davantage sa ligne éditoriale vers de nouveaux horizons à partir de l’ère PlayStation 3.
Si cette génération ne fut pas synonyme de plus grand succès pour le géant japonais (la PS3 étant la console de salon la moins bien vendue chez PlayStation), elle a en revanche été fondatrice de la vision perpétuée par la PS4. Nathan Drake, dans la saga Uncharted, ou encore Joel et Ellie dans The Last of Us – Sony s’est entouré de personnages n’étant plus simplement des mascottes, mais presque de véritables individus auxquels tout un chacun peut facilement s’identifier. Un tournant stratégique vers la narration, fruit d’une logique de fidélisation. Une direction parfaitement assumée, en plus d’être maîtrisée, et grandement appréciée des joueurs. Cette (nouvelle) ligne éditoriale a réellement pris vie en toute fin de génération PS3 avec la sortie de The Last of Us en juin 2013, soit quelques mois seulement avant la venue de la PS4.
Au cours de la huitième génération, Sony a réalisé une véritable démonstration en termes de contenus exclusifs, proposant un calendrier de sorties régulier, alternant intelligemment entre suites (parfois même partiellement rebootées) et nouvelles licences. Killzone: Shadow Fall et Knack en 2013 ; inFamous: Second Son, Little Big Planet 3 et DriveClub en 2014 ; The Order 1886, Bloodborne et Until Dawn en 2015 ; Ratchet and Clank, Uncharted 4: A Thief’s End et The Last Guardian en 2016 ; Horizon: Zero Dawn, Uncharted: The Lost Legacy et Gran Tursimo Sport en 2017 ; God of War, Detroit: Become Human et Spider-Man en 2018 ; Days Gone et Death Stranding en 2019 ; et enfin Dreams, The Last of Us Part 2, Ghost of Tsushima et Marvel’s Spider-Man : Miles Morales en 2020. Indéniablement, en plus d’avoir assuré en termes de sorties de jeu, le constructeur a apporté de la diversité à son catalogue, en alternant les genres : Course, Action/Aventure, FPS, Plateformes, Action-RPG… La ludothèque exclusive de la PS4 est aujourd’hui complète. Une ludothèque qui est le fruit de décisions prises au bon moment chez PlayStation.
Un goût pour la prise de risque
Réalité virtuelle, studios quittant leur zone de confort, nouvelles licences, suites ambitieuses ou bien encore soft-reboot… La PS4 a donné naissance à une génération placée sous le signe de l’ambition et de la prise de risques chez Sony. Une ambition qui, malgré les sacrifices engendrés, a vu émerger de nombreux blockbusters, devenus pour beaucoup des références dans leur domaine. Retour sur cette génération riche en rebondissements.
- Plus que des studios
S’il y a bien un élément qui constitue l’ADN de la marque PlayStation, c’est la relation que le géant japonais entretient avec ses studios first-party. Plus que des studios, ce regroupement de boîtes réparties dans le monde donne naissance à une « Famille PlayStation ». Sur les réseaux sociaux mais pas seulement, les studios s’apportent un soutien mutuel, constituant aujourd’hui l’essence même de la marque. Si désormais Microsoft a un plus grand nombre de studios à son actif que PlayStation, Sony conserve toujours l’avantage d’entretenir des relations de longue date avec ces derniers de par son ancienneté sur la marché, et d’avoir donc noué des relations de confiance. A titre d’exemple, si Insomniac Games n’a été racheté qu’en 2019, l’éditeur et le développeur travaillaient déjà ensemble depuis une vingtaine d’années sur des licences telles que Ratchet and Clank ou encore Resistance. Une confiance qui a particulièrement pris forme durant toute la génération PS4 avec chacun des PlayStation Studios, et qui jouera sans doute un rôle déterminant dans le destin de la PS5 pour les prochaines années. Avec son passé dans le jeu vidéo, Sony a préparé l’avenir.
Après avoir travaillé le temps de quelques épisodes sur la licence de jeux de tir à la première personne, Killzone, le studio Guerrilla s’est attelé à la création d’un titre tranchant radicalement avec les habitudes du studio : Horizon: Zero Dawn, un monde ouvert post-apocalyptique porté par une héroïne charismatique. Si sur le papier Guerrilla n’était pas le plus expérimenté pour réaliser un jeu de cette ambition, le studio s’est vu attribuer la confiance de Sony ainsi que les moyens nécessaires pour faire aboutir sa vision. Une confiance qui a donné naissance à un univers unique en son genre ainsi qu’à un personnage aujourd’hui devenu emblématique chez PlayStation, la jeune Aloy, porte-étendard et nouveau visage de la marque. Ce premier épisode cumule déjà plus de 10 millions d’exemplaires vendus dans le monde, en plus d’avoir été salué par la critique et beaucoup apprécié des joueurs. Un pari gagné pour cette nouvelle licence, qui plus est créée par un studio jusqu’alors inexpérimenté dans ce domaine et cantonné aux jeux de tirs.
Plus récemment, Sony a de nouveau manifesté la preuve de sa confiance envers ses studios en laissant cette fois Sucker Punch réaliser le jeu de leur choix. Après le succès commercial d’inFamous Second Son, il n’aurait pas été inimaginable de voir la licence se poursuivre. Plutôt que de choisir le chemin de la facilité, le studio s’est lancé dans la création d’un monde ouvert prenant place dans un Japon féodal. S’il ne s’agit habituellement pas du genre de jeux le plus populaire, PlayStation a encore une fois pris à contre-pied les idées reçues puisque Ghost of Tsushima s’est imposé comme la nouvelle licence ayant réalisé le meilleur démarrage de l’histoire de la marque, s’écoulant donc à 2,4 millions d’exemplaires sur son premier week-end d’exploitation. A date, le jeu a dépassé le cap symbolique des 5 millions de ventes dans le monde et s’est déjà imposé comme le jeu le plus vendu du studio.
Si nous pourrions citer d’autres exemples dans cette situation, notamment le cas de Bend Studio qui s’est vu considérablement grandir avec Days Gone, l’idée est surtout de démontrer la confiance que porte Sony pour ses studios, et le rôle que cette dernière jouera sur la génération fraichement débutée. Mais au-delà des nouvelles licences, les suites ont elles aussi pris un chemin différent au cours de cette huitième génération. Au point d’élever leurs ambitions vers des horizons jusqu’alors insoupçonnés.
- Quand l’ambition a un prix
PlayStation n’a pas peur d’investir de l’argent dès lors qu’il s’agit de produire des exclusivités à la hauteur des ambitions de ses studios, particulièrement lorsque cela concerne ses licences les plus populaires et rentables. Mais contrairement aux idées reçues, produire une suite n’est pas toujours synonyme de facilité chez Sony. Bien au contraire, et en voici la preuve.
Uncharted 4, The Last of Us Part 2, God of War… Voilà des suites qui ont rencontré des développements complexes, animés par des retournements de situation quotidiens et une ambition plus que jamais élevée au sein des PlayStation Studios. Naughty Dog et Santa Monica Studio étant probablement parmi les équipes les plus talentueuses de PlayStation, elles sont fatalement soumises à une plus forte pression au vu des exigences générées par leurs précédentes productions. Le succès a malheureusement un prix.
Le soft-reboot de God of War, en 2018, est la matérialisation parfaite que la prise de risque est possible pour une « suite » et qu’elle peut s’avérer utile. Si ce n’est pas déjà fait, nous vous invitons d’ailleurs à visionner cet excellent documentaire ci-dessus consacré à l’élaboration de cette œuvre, de son émergence dans les esprits de ses créateurs à sa sortie. Alors que la saga menée par Kratos commençait doucement à s’essouffler et à se reposer sur une routine, les équipes de Santa Monica Studio ont fait le choix difficile mais nécessaire de guider leur licence vers un renouveau qui aurait pu créer une fracture avec la majorité des fans de la première heure. God of War sur PS4 s’est au final vendu à plus de 10 millions d’unités dans le monde, seulement un an après sa sortie, en plus de s’être vu récompensé du titre de jeu de l’année aux Game Awards, en 2018. Il est au passage le titre exclusif à la PS4 ayant obtenu la meilleure moyenne Metacritic de la génération, avec une note s’élevant à 94.
Du côté de Naughty Dog, le constat est globalement similaire : Uncharted 4, qui prenait le risque d’amener une narration plus prononcée qu’elle ne l’était par le passé dans la franchise, est devenu l’épisode le mieux vendu de la saga, surpassant d’assez loin ses prédécesseurs. The Last of Us Part 2 a quant a lui osé de nombreux choix scénaristiques peu communs, ayant même parfois entraîné le mécontentement des joueurs. Mais plutôt que de faire la suite facile que beaucoup espéraient, Sony et Naughty Dog ont pris le risque de diviser les joueurs, alors que le premier opus de The Last of Us est l’exclusivité la mieux vendue chez PlayStation aux côtés de Marvel’s Spider-Man. Un goût du risque, qui a donné lieu à la récompense de jeu de l’année 2020 aux Game Awards, en plus de devenir le titre le plus primé de tous les temps. Sur le plan commercial, les records sont également de la partie. The Last of Us Part 2 s’est écoulé à plus de 4 millions d’exemplaires sur ses trois premiers jours de commercialisation, devenant à cette occasion l’exclusivité ayant réalisé le meilleur démarrage pour un jeu de l’histoire de PlayStation. Rien que ça.
- Premier sur la Réalité Virtuelle
Avant d’en venir très concrètement à la PS5, revenons pour conclure cette partie sur l’un des plus grands risques pris par Sony au cours de la huitième génération : la réalité virtuelle.
En fin d’année 2016, Sony s’est officiellement lancé pour la première fois dans le secteur de la réalité virtuelle. Et il est à ce jour le seul acteur du monde des consoles à avoir mis les pieds dans le monde de la VR. N’étant pourtant pas l’entreprise la mieux placée pour investir dans ce secteur, Sony a malgré tout pris le taureau par les cornes et a très rapidement révélé ses ambitions d’aller titiller ce secteur encore inconnu pour lui. Officiellement dévoilé en 2014 sous le nom de code Project Morpheus, ce dernier a finalement adopté le nom simple et efficace de PS VR. Proposant un prix abordable pour la technologie, et surtout largement inférieur à ceux appliqués par la concurrence, Sony s’est très rapidement imposé comme le leader de ce marché qu’il ne connaissait pourtant pas. En janvier 2020, nous apprenions que le PS VR avait dépassé les 5 millions d’exemplaires dans le monde, ce qu’aucun autre casque n’est parvenu à réaliser à ce jour.
Bien au-delà du succès que cela représente pour Sony, le constructeur a surtout ouvert une porte, à la fois aux consommateurs de par son accessibilité et son bon rapport qualité/prix, mais également aux autres acteurs qui se sont globalement alignés sur le tarif proposé par PlayStation. Un choix et un joli succès qui pousseront très certainement PlayStation à poursuivre sur le terrain de la VR, avec sa PS5.
PS5 : Un engouement immédiat
Des dizaines d’exclusivités, des ventes hardwares et softwares stratosphériques, des suites de qualité, des nouvelles licences incontournables, de la réalité virtuelle ou encore des conférences mémorables… Avec tout ce que nous venons d’énumérer, il semble difficile de venir ne serait-ce qu’égaler le parcours de la PlayStation 4. Mais est-ce pour autant impossible ?
Tout d’abord, deux cas de figure principaux peuvent se présenter à PlayStation sur cette génération : soit le constructeur va bénéficier de tout l’attrait de la PS4 et surfer sur les dynamiques créatives et économiques de cette dernière, soit, au contraire, Sony va rencontrer quelques difficultés à assurer et maintenir un tel rythme de production. Afin d’apporter des éléments de réponse au potentiel succès de la PS5, et de la pertinence des choix faits par Sony jusqu’à présent, revenons rapidement sur les faits qui ont précédé la sortie et l’annonce de la console.
Alors que la PS4 devait encore accueillir deux de ses plus grandes cartouches, à savoir The Last of Us Part 2 et Ghost of Tsushima, Sony avait longuement fait patienter les joueurs avant de prendre la parole et de lever le voile sur la PS5. L’idée était sans doute de ne pas noyer la communication de ces titres au beau milieu d’une annonce de console. Mais nous sommes en janvier 2020 lorsque Sony décide de prendre la température concernant l’attente autour de sa future machine. C’est précisément lors du salon américain destiné aux nouvelles technologies, le CES, que Sony dévoilait le logo de la PS5. Un simple logo ayant pourtant récolté plus de 5 millions de likes sur Instagram en un temps record. Il est devenu à cette occasion le post gaming le plus populaire sur la plateforme depuis sa création. De quoi déjà mettre sur la piste en ce qui concerne l’attente démesurée des joueurs et de l’aura de la marque sur les réseaux sociaux. Nous sommes alors bien loin de la méfiance qui pouvait se dégager de l’industrie à l’égard de Sony peu de temps avant l’officialisation de la PS4 en février 2013. Quelques mois plus tard, alors que les précommandes de PS5 avaient été lancées, et que nous avions enfin de la visibilité sur le catalogue de la console, Jim Ryan a ouvertement déclaré qu’il s’est autant précommandé de PS5 en 12 heures que de PS4 en 12 jours. Une statistique laissant bien penser que l’étape de fidélisation entreprise avec la PS4 s’est immédiatement répercutée sur les précommandes de PS5.
Suite aux événements de juin et de septembre 2020, le constructeur a réussi à réunir des millions de joueurs. Et malgré le contexte lié à la COVID-19, PlayStation est parvenu à s’adapter à la situation tout en maintenant un haut niveau de qualité, dans le rythme comme dans la diversité des annonces. Avec une suite à Horizon: Zero Dawn en préparation ou encore le prochain opus de God of War, tous deux vendus à plus de 10 millions d’exemplaires, il est désormais évident que Sony s’appuie au maximum sur les succès de l’ère PS4. C’est d’ailleurs la toute première fois que plusieurs mois avant la sortie d’une nouvelle console PlayStation, autant de titres exclusifs AAA sont annoncés. L’idée étant de rassurer le plus grand nombre afin de faire transiter un maximum de joueurs vers la nouvelle génération, et ce le plus rapidement possible dans l’optique de consolider un parc de consoles important en un temps record. Une stratégie pertinente, qui s’appuie sur ce que nous évoquions plus tôt au sujet de l’importance des jeux first-party. Malgré quelques errances dans la communication, comme le rétropédalage de dernière minute concernant la cross-gen, PlayStation a réussi sa transition générationnelle, profitant d’une base de joueurs s’étant amplement solidifiée sur PS4. Et même si la PlayStation 3 avait été frappée d’une perte d’intérêt par rapport aux précédentes machines du constructeur, l’histoire de ce dernier ne s’arrête bien évidemment pas à cette console. Pour rappel, depuis toutes ces années, la PS2 reste encore la plus vendue de tous les temps, toutes époques et constructeurs confondus. La PS1 s’étant instantanément imposée comme un véritable phénomène de mode, dépassant le cap des 100 millions d’unités vendues dans le monde, elle porte en elle les origines glorieuses de la marque.
Puisque nous abordons les chiffres, les premiers résultats autour de la PlayStation 5 sont récemment tombés à l’heure où sont écrites ses lignes. C’est donc officiel, ce ne sont pas moins de 4,5 millions d’unités qui ont trouvé preneur dans le monde, au 31 décembre 2020. Un résultat identique à celui de la PS4 sur la même période. Si ce chiffre a de quoi être rassurant, il a malheureusement été touché par de fortes pénuries, et appuyé par une demande très largement supérieure à l’offre. Une situation loin d’être confortable pour PlayStation puisqu’elle est le résultat de nombreux facteurs indépendants de la volonté du constructeur.
Pénurie : le frein à la demande
Nous l’avons bien compris, les joueurs désirent la PS5. Seulement, le problème ne provient pas de la demande, mais bel et bien de l’offre. Il est actuellement presque impossible de faire l’acquisition de la console. Si l’on peut penser qu’une demande supérieure à l’offre est une situation avantageuse, puisque cela matérialiserait l’engouement du public, c’est en réalité une « catastrophe » économique pour les acteurs du jeu vidéo. Ne pas être en mesure de répondre à la demande lorsque celle-ci se manifeste, c’est s’exposer au risque de la voir s’estomper.
Si la crise sanitaire fut initialement la cause principale des problèmes rencontrés avec les stocks de PS5, étant donné qu’elle a ralenti les chaînes d’assemblages en Chine, la situation échappe désormais aux mains du constructeur japonais. En effet, le célèbre fournisseur AMD n’avait pas anticipé une demande aussi élevée et se voit aujourd’hui contraint de faire patienter les consommateurs. La cause : la production des composants nécessaires aux processeurs AMD, fournissant à la fois les PS5 et Xbox Series, est fortement ralentie, bien que le fournisseur fasse de son mieux pour augmenter les capacités de production. En espérant que la situation ne s’éternise pas tant elle pourrait avoir de lourdes conséquences sur les objectifs de ventes de PlayStation, qui, à ce jour, envisage toujours de réaliser de meilleurs résultats que la PS4 à la fin de son exercice fiscal.
En effet, en annonçant les premiers chiffres de ventes de la PS5, le constructeur en a profité pour faire le point sur sa situation économique ainsi que sur ses objectifs. La branche gaming est toujours l’activité la plus importante de Sony, représentant 29 % de ses ventes et 32 % de ses bénéfices. L’exercice fiscal 2020-2021, se terminant précisément au mois de mars, se dirige tout droit vers une année d’exploitation record pour PlayStation. Entre avril et décembre 2020, Sony a écoulé plus de 275 millions de jeux PS4 et PS5, soit une augmentation de 19 % par rapport à l’année précédente. Sur ces 275 millions, près de 50 millions sont des titres first-party, démontrant une fois encore la puissance dévastatrice des licences PlayStation (Ghost of Tsushima et The Last of Us Part 2 ayant par exemple battu des records). A noter également que Marvel’s Spider-Man: Miles Morales s’est écoulé à 4,1 millions d’unités dans le monde, alors qu’il s’agit « seulement » d’un standalone et qu’il a par conséquent bénéficié d’un budget sensiblement moins important que son prédécesseur (ce dernier s’étant écoulé à 3,3 millions d’unités sur ses trois premiers jours de commercialisation). Miles Morales est également disponible sur PlayStation 4, mais aucune information précise n’a été divulguée concernant la répartition des ventes entre les deux plateformes.
Sur les traces de la PS4
A travers les années, le géant japonais s’est constitué un empire qui s’est considérablement agrandi et consolidé avec la PS4. La PS5 va par nature bénéficier, et bénéficie à vrai dire déjà, des succès d’estime de la console de huitième génération. Le constructeur a désormais de l’expérience et peut compter sur le soutien et le talent de ses nombreux studios, déjà à l’œuvre sur des titres à destination de la PS5, certains étant sans doute encore non annoncés. Il faudra ceci dit observer si, oui ou non, les studios internes du constructeur pourront poursuivre sur cette lancée au cours de la nouvelle génération. Avec des développements de plus en plus longs, une ambition grandissante de projet en projet ou encore des équipes soumises à de fortes pressions, souvent dues à des délais difficilement tenables, le modèle du géant japonais repose malgré tout sur quelques fragilités. Et à vouloir voler trop près du soleil, on s’expose au risque de s’y brûler les ailes.
Reposant sur une ligne éditoriale parlant aux différents publics, joueurs habitués comme occasionnels, et remettant régulièrement en question sa façon de concevoir des jeux vidéo avec ses studios first-party, PlayStation a su nouer une relation de confiance avec ses joueurs. Au fil des années, il a donc su se construire un héritage ludique, formant aujourd’hui un empire reposant sur des fondations solides. Sony ayant qui plus est déjà fait ses premiers pas dans la réalité virtuelle, pourra aborder ce marché avec une plus grande assurance et sérénité sur PS5. Si surpasser le cap des 115,2 millions de consoles atteint par la PS4 dépendra de nombreux facteurs dont nous n’avons évidemment pas encore connaissance, comme par exemple la durée réelle de cette neuvième génération ou encore la gestion des réapprovisionnements à court terme, la PS5 a tout le potentiel nécessaire pour venir égaler, voire surpasser le total de sa grande sœur. Cette dernière a justement vu ses ventes chuter à l’annonce de la nouvelle console, laissant donc le champ libre à la PlayStation 5, bien plus que jamais auparavant. Il sera en revanche sans doute beaucoup plus complexe de venir détrôner la légendaire PlayStation 2, confortablement installée sur son trône de console la plus vendue de tous les temps depuis maintenant de nombreuses années. Quoi qu’il en soit, la vie de la PlayStation 5 nous réserve encore sans doute bien des surprises. Nous vous donnons donc rendez-vous dans cinq à six ans pour faire le grand bilan à son sujet. Et d’ici-là, nous aurons sans doute beaucoup à nous raconter…