Dans une interview passionnante avec Game Industry, les développeurs d’Arkane Lyon sont revenus sur leur vision du gameplay avec Deathloop, où ils ont essayé au maximum de donner l’initiative au joueur au lieu de le guider comme le font la plupart des jeux. Retour sur les principaux points de l’interview, où l’on comprend mieux la direction que souhaite prendre Arkane pour son futur dans l’industrie.
Ces dernières années, et en particulier avec l’explosion des mondes ouverts, la maxime « jouez comme vous le voulez » a été maintes fois répétées dans l’industrie. Dans la plupart des grands jeux blockbusters, il nous est possible, à nous les joueurs, de faire les missions dans l’ordre que l’on veut, de se balader ou l’on veut, etc. Même les jeux plus linéaires se sont un peu ouverts, à l’image de The Last of Us Part II. Mais quand on regarde cela de plus près, le script reste tout de même l’alpha et l’oméga : l’histoire ne peut se finir que d’une seule manière et le joueur y est plus ou moins amené au fil du jeu.
C’est tout le contraire qu’a essayé de faire Arkane Lyon avec Deathloop, exclusivité temporaire sur PlayStation 5.

La définition de l’initiative
Commençons par la définition même de l’initiative. Décrite par le mot anglais « agency », qui signifie le pouvoir donné à quelqu’un, l’initiative est, pour Arkane Lyon, « une combinaison du joueur qui sait ce qu’il veut et qui sait comment le faire avec la certitude (relative) que la chose qu’ils essaient de faire fait sens dans les règles du jeu ». Selon Dana Nightingale, la directrice de la campagne de Deathloop, donner l’initiative au joueur doit d’abord se faire en fixant des objectifs précis aux développeurs :
Les développeurs doivent avoir un objectif clair, connaître les obstacles qui peuvent exister, et les outils à leur disposition pour les surmonter. Ils doivent fixer la récompense que le joueur gagnera et les répercussions de cette récompense sur la suite du jeu. La première chose que le joueur veut savoir est la raison et l’utilité pour laquelle il réalise les actions que le jeu demande. Il faut toujours être clair des deux côtés du jeu : pour le développeur et le joueur.
Dana Nightingale à Game Industry
Créer le monde de Deathloop de manière organique avec plusieurs chemins
L’élément le plus important de Deathloop pour Dana Nightingale était de permettre au joueur d’avoir le plus de choix possible dans sa progression. Arkane Lyon ne voulait pas forcément faire de monde ouvert, mais plutôt avoir un level design qui donnerait l’envie au joueur d’en explorer les moindres recoins et d’essayer, à travers la rejouabilité, de trouver tous les moyens de faire le même niveau.
Ici, Arkane Lyon reprend l’exemple de la mission du braquage de banque dans Dishonored : Death of the outsider. Dans ce niveau, le joueur pouvait entrer dans la banque par le toit, passer par les égouts ou encore passer par le système de sanitaires et de poubelles. Les développeurs avaient alors traité les possibilités en les intégrant dans un graphique leur permettant d’avoir une vue d’ensemble – un processus qu’ils ont réutilisé dans Deathloop. Mais d’un autre côté, Dana Nightingale rappelle aussi que donner l’initiative au joueur a ses limites, et qu’il n’est pas toujours nécessaire de maximiser tout l’espace d’un niveau. Au contraire, il est intéressant parfois pour Arkane Lyon de créer des zones sans but particulier, avec la seule utilité de donner au joueur le temps de reprendre son souffle et retrouver ses esprits.

Si vous trouvez toujours quelque chose quelque part, la joie de la découverte perd de son sens. Il faut s’assurer de saupoudrer les récompenses et de les rendre inattendues, pour qu’elles soient satisfaisantes.
Dana Nightingale à Game Industry
Ne pas trop prendre le joueur par la main
Comme nous l’écrivons depuis le début, le but de Deathloop était de donner l’impression au joueur qu’il créait sa propre aventure. Arkane Lyon a bien entendu placé des indications ci et là, mais s’est assuré de ne pas trop guider les joueurs pour ne pas leur retirer leur sensation d’initiative. Comme le dit Dana Nightingale :
C’était le plus grand challenge du développement. Il fallait trouver l’équilibre parfait entre le level design, la narration et l’intelligence artificielle. Pour cela, nous nous sommes énormément reposés sur les testeurs et les experts en expérience utilisateur.
Dana Nightingale à Game Industry
Tout cela a permis à Arkane d’installer une relation de confiance avec les joueurs, qui ont ainsi eux-mêmes la confiance de tenter et d’être flexibles. De ce fait, même si certains niveaux ont été construits avec un circuit de jeu préférentiel, Arkane a tout de même tout mis en place pour que les joueurs puissent les finir de la manière qu’ils souhaitent. Au fond, comme le conclut Dana Nightingale, l’idée est de faire ressentir au joueur qu’il peut « faire confiance au jeu. Car s’il fait confiance au jeu, il se sentira à l’aise avec le fait d’essayer une multitude de choses ».
Finalement, ce que l’on comprend au travers de cette interview est qu’Arkane, comme Quantic Dream avant, cherche à imprimer un style particulier dans l’industrie : là où Quantic révolutionnait la narration, Arkane cherche à faire évoluer en profondeur la manière de voir le gameplay dans l’industrie. Souhaitons-leur de réussir, pour avoir un véritable renouveau sur ce point souvent négligé !
