Halloween est derrière nous, mais le monde du jeu vidéo a décidé que la saison de la peur et des horreurs n’était pas terminée pour autant. C’est The Callisto Protocol qui ouvre le bal des nouveaux survival horror, avant que les remakes de Resident Evil 4 et de Dead Space n’arrivent au cours du premier semestre 2023. La filiation avec ce dernier titre est évidente, et pas seulement parce que les deux jeux se déroulent dans une station spatiale qui déborde de monstres sanguinaires. En effet, ils partagent le même créateur, à savoir Glen Schofield. Suite à son annonce il y a deux ans, et après avoir suscité de belles promesses, The Callisto Protocol débarque enfin chez nous, mais pas sans encombre.
Il était une fois dans l’espace
Dans The Callisto Protocol, on incarne un pilote de vaisseau spatial, Jacob Lee, qui arrondit ses fins de mois en faisant de la contrebande. Sur le chemin de la lune Callisto pour s’acquitter d’une livraison, le vaisseau de notre héros se fait attaquer par une bande de pirates de l’espace. S’ensuit alors une longue séquence riche en explosions qui entraîne le crash du vaisseau. La livraison de routine vire au désastre, et notre héros est séquestré au sein de la prison de haute sécurité de Black Iron. Visiblement très malchanceux, l’arrivée de Jacob dans la prison coïncide avec le début d’une épidémie qui va transformer la quasi-totalité des détenus et des gardiens en monstres répugnants. Le pauvre bougre doit donc se frayer un chemin à coup de matraque et de fusil à pompe dans les couloirs de la prison, pour espérer trouver la sortie, et percer le mystère de cette maladie.
Pour la petite anecdote, notez que ce script reprend, à peu de chose près, les premières idées de Glen Schofield pour le scénario du premier Dead Space, avant que EA ne rejette fermement l’idée du contexte carcéral. The Callisto Protocol est un joli mélange des références les plus connues du genre. Prenez un shaker, mettez Alien, Event Horizon, Ghost of Mars et Dead Space dedans, secouez le tout, et vous obtenez le premier jeu du studio Striking Distance. La filiation avec Dead Space est tellement évidente qu’il serait très aisé de faire croire à quelqu’un qui ne suit pas assidûment l’actualité qu’il se trouve en face de Dead Space 4. Pour voir tous les tenants et aboutissants du scénario, prévoyez une bonne petite dizaine d’heures en fonction du mode de difficulté que vous choisirez.
L’écriture oscille entre le quelconque et le médiocre. N’espérez pas retrouver des dialogues savamment écrits. Les relations entre les personnages sont factices. Les personnages eux-mêmes sont plus des fonctions que des individus à part entière. Quant à la fin, sans vous spoiler, attendez-vous à une fin qui laisse la porte ouverte à une suite, ou à une fin complète en DLC vu que c’est le modèle économique vers lequel semble vouloir s’orienter le studio.
Sois beau mais tais-toi
Ce qui est certain, c’est que le premier titre de Striking Distance est beau. Les graphismes sont magnifiques, les visages des personnages principaux sont impressionnants de détails, bien aidés par des animations faciales fidèlement retranscrites. Les effets de lumières sont soignés et projettent parfaitement les ombres des personnages, des monstres et des éléments du décor. Les différents secteurs de la prison sont composés avec soin et beaucoup de raffinement. Jamais nous n’avons l’impression de traverser des salles bêtement préconçues par des développeurs qui se seraient contentés de les dupliquer et de les éparpiller aux quatre coins du jeu.
Cette prison de Black Iron est un beau terrain de jeu, en particulier dans les premières heures de jeu. Le chaos qui s’installe peu à peu est palpable. Nous pouvons entendre les cris des détenus, les voir tenter de s’enfuir, et assister à de redoutables explosions qui affectent l’équilibre global de la structure. Peu à peu, tout l’environnement sombre dans un silence terrifiant, qui ne sera troublé que par les monstres qui se mettent en travers de notre route. Nous regrettons cependant un manque de lieux iconiques et d’environnement marquants. Au bout du compte, la prison d’Iron Gate, bien que très plaisante à regarder, devient rapidement anecdotique. Nous aurions aimé dire que les environnements arrivent à titiller la forte personnalité de l’USG Ishimura de Dead Space, mais il n’en est rien.
De Dead Space, ce The Callisto Protocol reprend la maîtrise des effets sonores. Si les musiques ne sont pas mémorables, et que vous ne risquez pas de les fredonner après avoir terminé l’aventure, elles sont parfaitement intégrées à ce qui se passe à l’écran. La gestion des sons, tels que les bruits de pas du personnage dans les couloirs métalliques, ou ceux des déplacements des monstres dans l’obscurité, est d’une grande maestria. La spatialisation audio est de bonne facture, même si nous sommes très loin de la qualité du rendu sonore 3D que peuvent atteindre les dernières exclus PlayStation. Quant aux acteurs, s’ils sont particulièrement convaincants en anglais, nous vous recommandons de fuir la version française qui souffre de nombreux problèmes. La synchronisation labiale est catastrophique, et nous avons pu observer des sauts d’une langue à l’autre sans aucune raison. Le mixage audio est également bancal, ce qui nous donne parfois des dialogues difficilement audibles en fonction de ce qui se passe à l’écran. Le studio a également pensé aux fonctionnalités de la DualSense, mais le tout reste très timide.
Retour vers le passé
L’aventure du jeu a beau se dérouler en 2320, The Callisto Protocol a un méchant goût d’archaïsme dans ses mécaniques. Le titre se veut différent de Dead Space, qui était un digne héritier de Resident Evil 4. Le cœur du jeu ne repose pas sur des phases de tirs entre deux séquences d’exploration lugubre, mais sur la capacité à enchaîner les combos en mélangeant les attaques au corps-à-corps, et l’usage d’armes à feu au bon moment pour maximiser les dégâts. Le système d’esquive, via l’utilisation du joystick gauche, est une bonne idée, et donne un petit aspect jeu de boxe pas désagréable à l’ensemble. Le problème, c’est que les différences s’arrêtent là, car pour le reste, le jeu reprend presque mot à mot les éléments du premier Dead Space, le fun et la maîtrise en moins.
Le bestiaire est relativement pauvre, et offre peu de variété au joueur, en plus de donner l’impression de sortir directement des cahiers de brouillon de la célèbre saga horrifique d’EA. L’interface utilisateur est sensiblement la même que dans la trilogie initiée par Glen Schofield, mais arrive à se payer le luxe d’être moins lisible. En particulier pour ce qui est de la barre de vie et de la barre de batterie qui sont bien trop petites sur la tenue du personnage. On retrouve également le même outil qui permet de faire léviter et propulser des objets ou des monstres à l’autre bout de la pièce. À bien des égards, The Callisto Protocol sent le réchauffé, et offre une proposition ludique complètement vue et revue en 2022.
La progression dans l’aventure est guère plus satisfaisante et repose sur la même boucle de gameplay. N’espérez pas retrouver des puzzle environnementaux plaisants. Dans cette prison, on passe son temps à chercher des fusibles pour ouvrir des portes, et à fouiller les salles en quête d’implants neuronaux pour déverrouiller des terminaux. Si cela est amusant au tout début, notamment grâce aux effets de gore lorsque Jacob doit retirer la puce de la nuque d’un garde mort, au bout de la dixième fois, le jeu devient rébarbatif. Comble de l’absurde, le jeu regorge d’indications dans tous les sens. Quand ce n’est pas une flèche sur un mur qui vous indique le chemin, c’est le personnage qui répète en boucle ce qu’il faut faire. C’est à se demander si les développeurs du jeu manquent de confiance envers la structure de leur jeu, ou envers les capacités intellectuelles des joueurs. Les passages épiques scriptés se comptent sur les doigts d’une main à qui il manquerait trois doigts. L’aventure est une succession de couloirs qui ne permettent jamais de se perdre dans l’immensité du complexe, ce qui nuit grandement au sentiment de peur. Comme beaucoup de jeux récents, le titre croule sous les temps de chargements dissimulés. Trop souvent, The Callisto Protocol a des allures de simulation d’exploration de conduits d’aération, ou de marche forcée pour essayer d’instiller une narration complètement éclatée et inintéressante. C’est l’archétype du mauvais AAA qui ne comprend pas les éléments nécessaires pour faire un bon jeu solo linéaire.
Où est la peur ?
Nous pouvons sentir une volonté de construire une ambiance horrifique dans les premières heures de jeu, malheureusement cette intention initiale laisse rapidement place à un manque de savoir-faire évident, ou alors à une vision manquant de finesse de ce que doit être un jeu d’horreur. La peur est un sentiment qui, pour être parfaitement généré, demande bien plus que de mettre du sang avec des tripes tout le long d’un couloir. La peur découle toujours d’un sentiment de malaise profond et non pas de jump scare grossiers que nous pouvons voir venir de très loin. Pour provoquer de la peur, il faut maintenir le joueur dans un état d’incertitude constant. The Callisto Protocol ne le fait jamais. C’est une aventure prévisible du début à la fin, qui se vit tranquillement dans des petits chaussons.
Prenons le cas des longs et nombreux moments où nous devons ramper dans des conduits d’aération. Si cela peut avoir son petit effet au début, notamment grâce au travail du son, et aux monstres que l’on peut voir courir dans les couloirs quand on approche de l’embouchure du conduit. Nous comprenons très rapidement qu’il ne se passera jamais rien, et que ces zones sont entièrement sécurisées. Une fois que nous sommes conscients de cela, toutes ces séquences deviennent alors d’un ennui mortel. Quand on se rappelle de ce que pouvait faire le premier Dead Space, ou un Alien Isolation il n’y a pas si longtemps de cela, on ne peut que regretter de voir un jeu de ce style refuser de casser la routine du joueur pour le garder en immersion.
Pour être franc, The Callisto Protocol n’est pas un jeu terrifiant. C’est un jeu d’action assez mal conçu, au cours duquel nous tuons des monstres par centaines. Le jeu ne s’en cache absolument pas une fois passé un certain stade, et accumule les arènes dans lesquelles nous devons affronter des vagues successives d’ennemis jusqu’à ce que le temps imparti soit écoulé. L’infiltration est aussi au rendez-vous, car c’est une ligne de plus à cocher dans le cahier des charges de n’importe quel jeu manquant d’inspiration. Le jeu est ponctué de plusieurs séquences où il faut se déplacer accroupi, pour trancher des gorges de monstres aveugles et aux sens particulièrement déficients. Plus les heures passent, et plus les poncifs s’accumulent.
Une dent contre l’ergonomie
The Callisto Protocol ne brille pas non plus par son ergonomie, loin de là. La caméra est un des éléments les plus critiquables de ce que l’aventure peut proposer. Elle est beaucoup trop proche du personnage, et a la fâcheuse habitude de partir totalement en vrille lorsque nous sommes acculés par des ennemis contre un mur. Sa trop grande proximité avec le personnage rend l’action illisible et empêche de la maîtriser. Si ce genre d’errements est pardonnable quand cela arrive une fois de temps en temps, il est impossible de faire l’impasse dessus quand c’est systématique. Quand un jeu n’a pas d’autres moyens que de faire des outils bancaux pour provoquer de la peur et de la frustration, c’est que la proposition est lacunaire dans ses fondements.
Si le jeu offre de nombreux passages de marche forcée pour faire progresser sa narration, il y a également de nombreux moments où l’on se retrouve subitement à devoir marcher sans aucune raison. Si cela n’a aucune incidence en phase d’exploration, il est très pénible de voir Jacob stopper sa course pour marcher tranquillement alors que nous essayons d’échapper à un monstre. Un jeu efficace se doit d’avoir des règles fiables et constantes du début à la fin. Le système d’esquive, bien qu’intéressant, montre ses limites, car il se verrouille automatiquement sur un ennemi. Ce qui fait qu’il est impossible d’esquiver une attaque de dos ou de côté si un deuxième assaillant nous attaque. Puisque le jeu ne propose aucun demi-tour rapide pour se retourner instantanément, le moindre affrontement de masse vire rapidement au cauchemar vidéoludique, dans le mauvais sens du terme.
Au rayon des autres points qui auraient dû être pensés différemment, il y a le GRP, l’outil qui permet de faire léviter nos adversaires. Pour le faire fonctionner, nous avons besoin de batteries. Si l’idée est bonne, elle est malheureusement mal appliquée. D’une part, à cause de son interface utilisateur illisible, il est compliqué de voir son niveau de batterie quand nous sommes dans le feu de l’action. D’autre part, il aurait été préférable que le fait d’attraper un ennemi et de le projeter coûte un certain montant d’énergie, plutôt que de voir notre énergie s’amenuiser pendant que nous faisons voler notre ennemi et que nous cherchons où le propulser. La caméra étant très lente, il n’est pas rare de se retrouver à court de batterie en pleine action et de lâcher son adversaire juste en face de nous. Si nous pouvons toujours répliquer avec nos armes, ce genre d’accidents créent un profond malaise ludique.
CONCLUSION
The Callisto Protocol
The Callisto Protocol est un jeu démodé qui a trop longtemps macéré dans son jus. Glen Schofield est coincé dans une vision trop classique de la peur. Déficient à presque tous les égards, le petit frère indirect de Dead Space est un échec. Il ne décolle jamais vraiment, alors que le potentiel était là. Il est rare de voir un titre aussi court donner l'impression de durer une éternité. C'est un véritable calvaire spatial, et il est évident que son créateur devait espérer créer ce sentiment d’une façon un peu plus pertinente.
LES PLUS +
- De beaux graphismes
- Un bon travail du son
- Quelques panoramas magnifiques
- Un cadre soigné
LES MOINS -
- Des personnages fades
- Une histoire sans grand intérêt
- Une caméra laborieuse
- Trop d'action
- Trop de conduits d'aération
- Pas de demi-tour rapide
- Un système d'esquive à fort potentiel mais mal exploité
- Une peur absente
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