En 2014, Tango Gameworks sortait The Evil Within. Un jeu d’horreur au récit puissant et effrayant. Sa suite en 2017 ne fera que confirmer le maîtrise du registre par le studio japonais. L’horreur dans leurs jeux n’est pas anodine quand on sait que Tango Gameworks a été fondé par Shinji Mikami, le créateur de la licence Resident Evil. Pourtant, leur nouvelle production Ghostwire: Tokyo est un jeu d’action-aventure à la première personne. C’est un changement radical et risqué, mais qui apporte un vent de fraîcheur aux jeux du studio. De ce fait, est-ce que cette prise de risque aura été pertinente ? Ghostwire: Tokyo marquera t-il le renouveau du studio ? Ou au contraire, Tango Gameworks ne s’est-il pas perdu dans ce nouveau registre ? Après plus d’une trentaine d’heures sur PlayStation 5, découvrez notre verdict complet du jeu.
Le scénario
Ghostwire: Tokyo nous plonge dans un Japon surnaturel et hanté. Alors qu’un événement paranormal majeur provoque la disparition de 99 % de la population, les esprits du folklore nippon envahissent Tokyo. Akito, mort durant l’événement, retrouve la vie grâce à KK (prononcé keikei), un esprit qui a pris possession de son corps et qui enquête sur la disparition de la population.
Comme nous le disions dans l’introduction, Ghostwire: Tokyo n’est PAS un jeu d’horreur. Son ambiance générale est sombre et angoissante, mais elle se rapproche surtout du fantastique et de l’onirique. Les quêtes abordent de nombreux thèmes inédits et rares dans le jeu vidéo, comme les croyances et les légendes urbaines japonaises. Il y a un respect et un approfondissement pour celles-ci à travers tout le jeu. Ghostwire: Tokyo en vient jusqu’à expliquer leurs origines, ce qui en fait une expérience enrichissante sur la culture du Soleil-levant.
À travers ses six chapitres, l’histoire principale s’affirme par des missions dynamiques. Oubliez les missions fourre-tout ou à rallonge, le jeu va à l’essentiel et est accompagné d’une écriture soignée, malgré les quelques rebondissements prévisibles. L’histoire est cohérente et donne envie d’en voir le bout. Cependant, les personnages principaux ne sont pas suffisamment exploités. Nos deux protagonistes, Akito et KK, ont tendance à s’effacer et ont un développement de surface. Nous pouvons comprendre leurs motivations, mais il est difficile de s’identifier à eux. Hannya, antagoniste du jeu, souffre aussi d’un manque de charisme, avec des motivations trop souvent utilisées ailleurs. Son identité se fera essentiellement à travers ce qu’il représente dans la culture japonaise, à savoir un démon venu assouvir sa vengeance. Malgré tout ça, la proposition du jeu reste assez satisfaisante et intéressante.
Le monde ouvert
Ghostwire: Tokyo est le premier vrai monde ouvert de Tango Gameworks. C’est un exercice difficile qui peut très vite casser l’expérience d’un jeu. Les activités disponibles dans Tokyo tombent dans ce piège… mais qu’à moitié. En effet, le monde ouvert proposé est assez générique et très répétitif. Il propose une excellente colorimétrie, mais elle ne varie jamais d’un bout à l’autre du jeu. Cela donne l’impression d’être constamment au même endroit et de voir les mêmes choses. Seulement un lieu vient casser cette répétition permanente.
Si vous êtes un complétiste, vous aurez de quoi faire avec un nombre incalculable de collectibles. Les esprits, les statues de Jizo, les reliques et autres objets sauront comment vous occuper. Cependant, la plupart d’entre eux sont utiles à l’évolution d’Akito et de ses pouvoirs. Grâce à cela, l’exploration devient importante et nous savons que ramasser ces objets est utile. Cela rend le tout très satisfaisant. Les esprits vous permettront d’augmenter rapidement votre niveau et, par conséquent, vos compétences. Les statues de Jizo permettent d’avoir plus de munitions pour nos pouvoirs. Le monde ouvert permet à Akito d’évoluer, de devenir plus fort, ce qui est un réel point positif.
Les activités secondaires
Les quêtes secondaires sont très nombreuses et sont disséminées partout dans Tokyo. Celles-ci bénéficient d’une très bonne écriture et sont pour la plupart très originales (mention spéciale à « Cache-cache » et « L’art imite la vie » ). D’une durée variable, elles participent toutes à la cohérence de l’univers et à l’ambiance générale du jeu. C’est d’autant plus original quand nous apprenons qu’elles sont basées sur certaines expériences des développeurs. Il y a aussi la présence d’événements comme les Hyakki Yako, des visiteurs (les ennemis du jeu) qui se promènent en grand nombre et qui vous transportent dans une dimension parallèle.
Les fans du Japon seront comblés par la présence de nombreux lieux iconiques comme le carrefour de Shibuya ou encore le sanctuaire de Kirigaoka. Plusieurs Yōkai (les démons emblématiques du Japon) se manifesteront. Entre l’Oni, la Kuchisake ou le Kodama, vous aurez en face de vous toute la richesse de la mythologie nippone. Enfin, l’exploration est un bon point dans le jeu. Tokyo vous pousse à être curieux et à fouiller. Et comme les collectibles sont une aide majeure dans l’évolution d’Akito, l’exploration est très généreuse.
La direction artistique
Moins marquée que sur les productions sorties récemment, Ghostwire: Tokyo possède tout de même une belle identité visuelle. Elle est cependant assez rare et sous-exploitée. Elle ne se manifeste que dans certaines missions principales (dans la mission « Divergences » par exemple) et grâce aux ennemis du jeu comme les écoliers et les mini-boss.
L’ambiance globale du jeu fonctionne très bien. La narration environnementale est légère mais pertinente. Cependant, pour un jeu qui se vente d’exploiter la puissance de la PlayStation 5, nous sommes sur des graphismes très peu satisfaisant et un Ray tracing capricieux. Par exemple, les flaques d’eau reflètent à merveille les lumières de la ville. Les miroirs, en revanche, sont recouverts d’une couche de buée sans reflet. Cela créé un déséquilibre sur le plan technique. Par ailleurs, les chiens et les chats peuplant la ville laissent une impression de modélisation tirée tout droit d’une PlayStation 3. Le tout est donc assez faible.
Nous précisons par ailleurs que les graphismes ne sont pas un critère de qualité sur les jeux d’aujourd’hui. La direction artistique est bien plus importante et intéressante à analyser. Cependant, il faut noter la faiblesse des graphismes quand le jeu se vante de ceux-ci.
Le gameplay
L’expérience manette en main est le gros point fort du jeu. La DualSense, contrairement à la puissance de la PS5, est bien exploitée. Ressentir la pluie, la puissance de nos pouvoirs et les coups est un réel plaisir. Avec les retours haptiques et les gâchettes adaptatives, l’immersion est incroyable. Grâce au SSD, les temps de chargement sont relativement courts.
Mais ce n’est pas tout. Évoluer et se battre dans Ghostwire: Tokyo est jouissif. Entre les compétences, les attaques que nous pouvons faire et les sceaux gestuels, contrôler Akito est plaisant et très intéressant. Le vent, l’eau et le feu (les « tissages » dans le jeu) diversifient énormément les combats. Accompagnés des nouvelles compétences, la sensation de progression est rapide et divertissante.
D’autres mécaniques viennent s’ajouter et rendent le combat et l’exploration très complets. Par exemple, les menus se débloquent au fur et à mesure des découvertes, ce qui ne surcharge pas les informations. Le jeu nous laisse le temps de s’habituer à tous les paramètres. Les bracelets de chapelets permettent d’avoir certains avantages assez intéressants, et il ne faut pas hésiter à s’en servir. Tout comme les compétences qui peuvent être toutes débloquées. L’une d’entre elle permet de visiter Tokyo d’une nouvelle manière, très jouissive elle aussi. Petit point bonus pour la personnalisation d’Akito (vêtements, accessoires) qui n’est pas visible mais qui rajoute du contenu sympa.
Cependant, il y a aussi quelques points négatifs à revoir. Les déplacements d’Akito sont très rigides et manquent de fluidité. Enfin, quand nous nous rapprochons de la fin du jeu, les ennemis ont tendance à être assez faibles face à un Akito aux compétences et aux pouvoirs multiples.
CONCLUSION
Ghostwire: Tokyo
Tango Gameworks a voulu se renouveler. Il y a beaucoup d'honnêteté et de passion dans ce Ghostwire: Tokyo, mais malheureusement, il y a aussi une sensation d'inachevé. Les équipes ne sont pas allées jusqu'au bout et c'est bien dommage. L'histoire va à l'essentiel, mais elle est aussi trop expéditive. Nous ne pouvons pas suffisamment comprendre les motivations de chacun pour prendre du plaisir avec ces personnages. Akito et KK s'effacent beaucoup trop pour devenir des protagonistes charismatiques et marquants. Cependant, l'expérience générale du jeu laisse, après coup, un souvenir agréable. C'est très encourageant pour la suite et nous avons hâte de voir ce que nous proposera le studio à l'avenir.
LES PLUS +
- L'histoire est très bien écrite.
- L'ambiance est très réussite.
- Un grand respect pour la mythologie japonaise.
- Une proposition générale très intéressante.
- Des quêtes secondaires très diversifiées.
- Une exploration très utile pour l'évolution d'Akito.
LES MOINS -
- Un manque de profondeur dans le développement des personnages.
- Suivre un PNJ qui marche lentement pendant plusieurs minutes, ça doit s'arrêter.
- Un monde ouvert peu diversifié.
- Trop de rigidité dans les déplacements d'Akito.
- Des graphismes inégaux par moment.
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