Avec le rachat du studio Bungie, PlayStation amorce sa stratégie de diversification en mettant un pas certain et durable dans l’univers du multijoueur et des Games As A Service. Analyse des avantages et inconvénients d’y aller pour le constructeur japonais.
Un rachat suprenant ? Pas vraiment
Alors, loin de nous l’idée de dire que nous avions prévu que Bungie tombe dans la poche de PlayStation. Et à juste titre, à bien des égards, ce rachat reste une nouvelle retentissante. Tout d’abord, de part l’histoire du studio qui a fait les beaux jours du concurrent historique. Mais aussi, de part la hype toute relative qui entoure le studio ou son portefeuille de licences plutôt restreint, surtout si on le compare à Insomniac, par exemple.
Mais, si nous avons tous été surpris par l’annonce, c’est parce que nous l’avons observée avec les mauvaises lunettes. Et si on se met à considérer ce rachat comme l’occasion rêvée pour PlayStation de pivoter stratégiquement, alors cette nouvelle acquisition relève d’une logique implacable. Et surtout, une logique déjà annoncée il y a quelques années par Shawn Layden, l’ancien manitou de PlayStation.
En effet, si on se met à fouiller les internets, on peut retrouver cette ancienne interview de Layden donnée à Business Insider où l’ancien boss de PlayStation donnait la direction stratégique pour la PS5. Une stratégie où le multi aurait toute sa place :
« Nos Worldwide Studios se sont beaucoup concentrés sur les jeux à portée narrative avec des grosses expériences solo spectaculaires. Mais pas beaucoup de mulitjoueur. C’est un domaine où vous allez certainement nous voir faire plus de bruit pour la nouvelle génération. »
Shawn Laden – Business Insider (2019).
On peut le dire sans trop trembler que le rachat de Bungie résulte d’une stratégie mûrement réfléchie, portée par les équipes de Shawn Layden et concrétisée par celles de Jim Ryan. Concrétisation qui a d’ailleurs sûrement été précipitée par les agissements de Microsoft, soit dit en passant.
Solo & Gaas : la formule complémentaire ?
Un rapprochement PlayStation/Bungie ne coule pas de source, tant ces deux entités parlent à une catégorie de joueurs bien distinctes. Le constructeur est réputé pour ses aventures solo, dont le fameux A-RPG qui a fait le bonheur des joueurs et des comptables de Sony sur la génération précédente. D’un autre côté, nous avons Bungie, qui est certes connu pour le solo de Halo mais surtout pour ses campagnes multi et bien sûr pour Destiny.
Dès lors, on peut parfaitement entendre l’inquiétude des fans de PlayStation qui pourraient craindre que la rentabilité des multis et autres Gaas viennent compromettre ce qui fait l’ADN de la firme japonaise.
Qu’on se le dise, cela n’arrivera pas. Et pour une raison simple : Sony a besoin de ses aventures solo qui sont le porte-étendard de la marque PlayStation mais aussi un produit d’appel pour acheter des consoles et s’abonner à un futur GamePass Like. En revanche, Sony ne peut laisser filer l’expérience multi et sa lucrativité à la concurrence. Surtout quand celle-ci a déjà une bonne avance dans le domaine.
L’avenir de PlayStation se dessine donc autour de deux grands axes : des solos exclus à la console pour augmenter sa base de fans, et les GAAS pour s’assurer une rentabilité sur le long terme.
Diversifier sa source de revenus
Miser sur les Gaas, c’est aussi une manière de lisser les risques d’un éventuel flop d’une production solo. Si jusqu’à présent, ce n’est jamais véritablement arrivé, l’expérience Days Gone et sa production houleuse et coûteuse a certainement secoué les esprits en haut lieu.
Les coûts de production des AAA explosent et le moindre petit grain de sable dans la machine peut amenuiser les ambitions d’un éditeur, le tout sanctionné par une perte financière importante. L’idée de PlayStation, c’est donc de mettre ses œufs dans différents paniers pour évidemment accroitre la rentabilité de l’entreprise, tout en limitant les risques d’un éventuel insuccès.
Parce que oui, tout est une question d’argent et même si le succès de PlayStation et de ses productions sont incontestables, un tiers des revenus captés par le constructeur vient de la vente de DLC et des micro-transactions. Si on se permettait de schématiser un brin, on pourrait dire que Sony gagne beaucoup plus d’argent quand votre neveu achète un Skin Fornite qu’en vendant un Bundle PS5 avec le dernier Ratchet.
Quand on sait que la part du démat’ et des achats in-game ne fait que de grossir, on comprend aisément la volonté de PlaySation d’accroitre ses revenus en passant de simple distributeur à éditeur de ces Gaas et autres jeux multijoueurs.
Bungie, plus que des faiseurs : des guides
Quand on achète un studio, on observe deux choses : avec quel cadeau le studio vient à la fête et une fois qu’il y est, qu’est-ce qu’il compte nous apporter de plus ?
Dans le cas de Bungie, le studio américain débarque avec l’un des jeux multi les plus populaires : Destiny. Un jeu qui est passé par moults péripéties et qui semble aujourd’hui avoir trouvé sa formule et son public. En atteste le million de préventes d’ores et déjà enregistré pour la prochaine extension La Reine Sorcière.
Avec Destiny s’accompagne le développement d’une nouvelle IP multijoueur qui aura vocation à être multiplateformes, et ce pour permettre à Sony de draguer le porte-monnaie d’un maximum de joueurs.
Mais ce n’est pas tout. Jim Ryan a déjà annoncé dans la foulée que PlayStation planchait sur la production de 10 jeux-service à horizon 2026. Et c’est dans cette information que réside toute la pertinence du rachat de Bungie. Si le studio papa de Halo ne développera pas ces 10 jeux, il sera en quelque sorte un accompagnateur des studios internes, en charge du développement.
C’est bien pour cela que Bungie ne s’inscrit pas pleinement comme un PlayStation Studios mais plutôt comme un allié de choix. Un allié qui mettra au service de PlayStation et de ses forces actives toute son expérience sur le multi et les jeux-services. Ce qui expliquerait d’ailleurs que le coût du rapprochement frise la somme élevée de 4 milliards. PlayStation n’achète pas seulement des licences. Elle achète des connaissances qui seront partagées et diffusées au sein de tous les studios de productions.
Pour la suite, on s’attend évidemment à d’autres rachats tels qu’annoncés par Jim Ryan. La question est : qui tombera dans l’escarcelle de PlayStation ? A la lumière du rachat de Bungie et de la stratégie adoptée par PlayStation, on imagine que Sony tentera d’accélérer sur le multi et pourquoi pas, de tenter une coalition japonaise pour contrer le mastodonte américain Microsoft et sa planche à dollars presque illimitée. Dès lors, on se dit que les studios qui produisent Final Fantasy XIV ou les Monster Hunter demeurent des cibles pertinentes. Affaire à suivre…