Après plusieurs semaines de suspension pour cause d’épidémie de Covid-19 au sein du studio A1 Pictures, nous pouvons reprendre la publication de nos critiques de NieR Automata Ver1.1a. Nous comptions vous faire part de l’évolution de notre avis tous les 5 épisodes, mais face à la situation nous avons décidé de revenir dès à présent avec vous sur les trois derniers segments diffusés, avec l’espoir que la série monte en puissance après un premier rendez-vous manqué.
Après un premier épisode qui peinait à trouver ses marques et à justifier l’intérêt d’une telle adaptation, autrement que pour des raisons mercantiles, les trois épisodes suivants confirment les lueurs d’espoir qui venaient illuminer les derniers instants de ce début de saison. La série dit donc adieu à la bête reproduction plan par plan de la trame de son modèle vidéoludique, et épouse enfin ce qui fait la quintessence de la licence NieR, tout en proposant des séquences particulièrement bien senties. La patte de Taro Yoko se sent dès que NieR Automata Ver1.1a ose jouer la carte du contemplatif pour immerger le spectateur dans la beauté désolée de cette planète Terre à l’abandon. Il est appréciable pour le néophyte que les premières secondes de l’épisode 2 prennent le temps de poser les enjeux de l’aventure qui attend nos héros : l’humanité a trouvé refuge sur la lune, ne pouvant compter que sur leurs androïdes pour mener le combat contre les machines d’un envahisseur extraterrestre, afin de récupérer ce qui lui revient de droit.
L’épisode 2 se focalise sur les machines. Si dans le pilote de la série elles sont présentées comme des antagonistes juste bonnes à se faire découper en tranches, l’adaptation de l’œuvre de Taro Yoko renverse déjà nos convictions profondes. L’univers de NieR n’est pas manichéen, et les notions de bien ou de mal ne dépendent que du point de vue adopté. L’utilisation intelligente de ce qui s’apparente à des peintures rupestres animées permet de mettre le spectateur en phase avec le chemin emprunté par certaines machines. Si elles semblent développer une forme de conscience, elles le font en marchant dans les pas du spectre de l’humanité qui hante chaque parcelle des territoires sous leur contrôle. Il est appréciable de suivre les péripéties de cette entité mécanique pendant les trois-quarts de l’épisode, le tout sans aucun dialogue. Les images et la musique suffisent pour transmettre la beauté de ce goût naissant pour la vie qu’elle va transmettre avec succès à d’autres de ses congénères. Une pile de téléviseurs en guise de fauteuil, une passion dévorante pour la lecture, et la découverte d’un intérêt pour les fleurs rendent l’iconographie de l’épisode d’une grande beauté. Les deux camps apparaissent déjà comme les faces d’une même pièce.
L’armée de résistance des androïdes standards est mise en avant avec brio. Non seulement cela montre que l’avenir de l’humanité ne repose pas que sur les unités d’élites YoRHa, mais l’utilisation du point de vue désenchanté de Lily permet de semer les premières graines du doute quant à l’absurdité de ce combat millénaire pour protéger une espèce qu’aucun d’eux n’a jamais vu. Leur présence permet de plonger au cœur de la quatorzième guerre contre les machines, et de nous mettre le nez dans l’horreur des dommages collatéraux qui résultent de l’absence de communication entre deux espèces qui partagent pourtant beaucoup de choses en commun, au-delà de leur asservissement pour un maître divin. Une existence aussi grotesque ne peut continuer, comme le répètent en boucle des machines dans une tentative absurde de reproduction de la vie humaine.
Si les liens entre Replicant et Automata étaient parfois très subtils, afin de permettre à ceux n’ayant pas joué au premier NieR de se lancer dans cette seconde aventure qui se déroule 8 000 ans après, ces trois épisodes nous cueillent sans crier gare en mettant à l’honneur les événements de NieR Replicant. Les références présentes dans l’épisode 2 sont de l’ordre de l’anecdotique, mis à part les plans de caméra insistants sur Devola et Popola qui, rien que par leur chara-design, laissent comprendre qu’elles ne sont pas des androïdes sans importance. L’épisode 3, quant à lui, est un véritable coup de poing émotionnel qui laisse espérer que les aventures de NieR, Kainé, Weiss et Émile continueront d’être mises en avant de cette façon afin de créer un ensemble parfaitement lié. L’épisode se termine en fanfare avec l’apparition de la grande menace du jeu éponyme.
Le quatrième et dernier épisode en date confirme toutes les belles promesses des précédentes semaines. Le début de saison paresseux et pas du tout inspiré est désormais bien loin. La série montre une étonnante capacité à rester fidèle aux événements du jeu vidéo dont elle est issue, tout en créant sa propre singularité. Taro Yoko et les équipes d’animations utilisent avec brio les codes de la narration télévisuelle. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à fusionner les différentes parties du jeu en un tout indivisible pour offrir une vision d’ensemble instantanée des événements racontés. En changeant régulièrement de point de vue, la série peut creuser son questionnement existentialiste. À la fin de ses quatre épisodes, il est compliqué de dire qui sont les plus humains entre les androïdes obnubilés par leurs désirs belliqueux, à la solde de directives obscures pour « la gloire de l’humanité », ou les machines de plus en plus avides de liberté et qui cherchent à marcher dans les pas de ceux qui peuplaient la Terre il y a des milliers d’années, en s’intéressant à l’art ou à des choses aussi fondamentales que l’amour.
L’animation suit la même courbe de progression. Si le premier épisode était d’une laideur extrême, avec des modèles en images de synthèse rappelant les pires moments de Code Lyoko, la série gagne en beauté au fil du temps. Elle parvient à délivrer de somptueux plans d’ensemble qui invitent à l’introspection, le tout porté par des musiques enfin utilisées à bon escient. L’univers de NieR est compris et digéré par la série. L’extase est totale dans les derniers instants de l’épisode 4 qui met en scène un combat d’une rare intensité, évoquant la maestria de ce que nous pouvons retrouver dans L’attaque des Titans. À l’image du jeu qui cherchait autant que possible à donner une utilité ludique à l’utilisation de la caméra, la série fait de même avec cette séquence d’action au cours de laquelle la caméra est aussi active que les protagonistes. Au rayon des autres bonnes idées, nous retrouvons l’utilisation du piratage. Adapter à l’écran une mécanique aussi vidéoludique que celle-là n’est pourtant pas une mince affaire. La mission est réussie. Tour à tour, le piratage est utilisé pour délivrer des flash-back cryptiques pour les non-initiés de l’univers de Taro Yoko, ainsi que pour offrir des séquences évoquant Inception, durant lesquelles la frontière entre le réel et l’irréel est brouillée.
La froideur dans les derniers secondes de ce nouvel épisode laisse songeur quant à ce qui nous attend pour la suite. Si Automata est un récit métaphysique qui frôle le dépressif, il semble que Taro Yoko souhaite aller encore plus loin avec l’adaptation de son chef d’oeuvre. Si le monde est un endroit merveilleux, le créateur japonais semble vouloir se faire un malin plaisir qu’il peut aussi s’agir d’un véritable enfer où rien n’est épargné.