PlayStation compte de nombreuses licences dans ses rangs, mais s’il y en a une qui revêt une importance particulière, c’est bien la saga Uncharted. Si le constructeur japonais avait déjà produit des jeux first party remarquables, tels que Jak and Daxter ou God of War, le succès des deux premières PlayStation s’est majoritairement construit sur le prestige d’exclusivités venant de studios externes. La création du studio Naughty Dog a fait passer un palier à l’entreprise désormais dirigée par Jim Ryan. C’est la licence qui a permis au label PlayStation Studios de rayonner avec un éclat sans commune mesure, et qui a guidé l’ensemble des jeux vidéo solo narratifs dans une nouvelle dimension. Pour célébrer la sortie de notre documentaire retraçant l’histoire des glorieuses aventures de Nathan Drake, revenons ensemble sur ce qui fait d’Uncharted une pierre angulaire de l’industrie vidéoludique.
Pour fêter la sortie de notre documentaire exceptionnel sur l’histoire d’Uncharted, PlayStation Inside publie une série d’analyses autour de la saga. Voici donc la cinquième et dernière analyse sur l’influence d’Uncharted sur l’industrie du jeu vidéo depuis la sortie du premier jeu en 2007.
La rédaction

La démocratisation du jeu d’aventure solo narratif
En 2006, le monde du jeu vidéo entame un moment charnière de son évolution. La septième génération de consoles vient à peine de commencer, avec la Xbox 360 disponible à l’achat depuis le 22 novembre 2005. La PlayStation 3, quant à elle, prépare son lancement en grande pompe pour le mois de novembre 2006. Ces nouvelles machines, grâce à leur puissance, sont une opportunité pour les développeurs de façonner des jeux plus réalistes que jamais. Nous sommes au début de l’ère HD. C’est dans ce contexte que le studio Naughty Dog laisse tomber les jeux de plateforme aux visuels cartoonesques, pour se lancer dans un projet de jeu d’action-aventure mature en 2005. C’est le début du projet BIG. Les concepts initiaux sont abandonnés très tôt dans le développement à cause de la trop grande ressemblance avec Bioshock qui vient d’être annoncé par 2K. Christophe Balestra et ses hommes décident donc de partir dans la création d’un jeu pur jeu d’aventure qui rendra hommage aux films pulp dont ils sont friands. Leurs imaginaires construits par des films emblématiques comme Indiana Jones, La Momie ou Die Hard donnent naissance à la licence Uncharted et son héros Nathan Drake.
Pour donner une identité unique à sa nouvelle création, Naughty Dog décide de construire un monde réaliste, mais sans pousser les curseurs trop loin. L’idée d’implanter des éléments colorés et fantasmés est adoptée, permettant ainsi au studio de garder une trace de son héritage. Lors de son annonce à l’E3 2006, Uncharted : Drake’s Fortune est immédiatement comparé à Tomb Raider. Certains vont même jusqu’à le surnommer Dude Raider. Le jeu est bien reçu lors de sa sortie en 2007, mais la critique et les joueurs jugent qu’il est trop bancal sur certains points pour être considéré comme une œuvre d’exception. Le manque d’équilibre entre les phases de tir et d’exploration est pointé du doigt. Toutefois, tout le monde est unanime quant au potentiel pour réussir à créer une licence incontournable, et la saga Tomb Raider prend alors un sacré coup de vieux. Il est difficile d’expliquer l’impact que le premier Uncharted a eu sur l’industrie au moment de sa sortie. Il faut garder en tête que, en 2007, rien de ce que nous considérons comme acquis pour les jeux d’aventure à la troisième personne n’avait encore été établi. Nous pouvons citer Gears of War sorti en 2006, mais il s’agit surtout d’un pur shooter basé sur la performance, et non d’un jeu ayant des ambitions narratives et de mise en scène.

Naughty Dog apprend sa leçon avec le développement du premier Uncharted, et c’est avec le deuxième opus, Among Thieves, que le studio américain transforme l’essai. Les deux grosses années de travail nécessaires pour permettre la sortie du titre en 2009 sont menées sous un dogme précis : Bigger, Better and Louder. Peu de personnes auraient parié là-dessus, mais Naughty Dog accouche d’un titre d’anthologie qui secoue l’ensemble de l’industrie, et change à jamais l’aura du studio dans le paysage vidéoludique. La première prouesse est la maîtrise totale du hardware de la PlayStation 3 par les développeurs de ce deuxième Uncharted. Le Naughty Engine 2.0 fait merveille et permet d’aboutir à une démonstration graphique encore jamais vue sur console de salon. La frontière entre le cinéma et le jeu vidéo est mise à mal. Cependant, la technique ne fait pas tout. Pour entrer dans l’histoire, il faut une aventure plaisante à jouer et à suivre. La montée en puissance de Neil Druckmann et de Bruce Straley au sein du studio permet de donner à la licence un aspect moins caricatural. Désormais, Naughty Dog ne cherche plus à rendre hommage à d’autres œuvres, mais impose ses propres standards.
Cette suite plus longue, plus variée et plus maîtrisée devient l’un des très rares jeux vidéo à tenir l’ensemble de ses promesses démesurées. Outre sa beauté graphique et sa science de la narration, le sens du rythme d’Uncharted 2 impressionne. L’aventure nous amène aux quatre coins du monde, sans aucun temps mort et sans jamais provoquer un quelconque sentiment d’ennui. Rien n’est laissé au hasard, tout est étudié dans le moindre détail, même le plus insignifiant des aspects. En quelque sorte, nous sommes en face du premier gros blockbuster solo vidéoludique. C’est cet opus qui démocratise les fameux Uncharted moments, ces séquences à coupler le souffle qui donnent l’impression d’être le protagoniste d’un film d’action à gros budget. Des séquences comme celles du train, ou de l’immeuble qui s’effondre alors que le joueur le traverse deviennent des mètres étalons. À l’heure où les jeux vidéo cherchent de plus en plus à devenir des films interactifs, Uncharted 2 réussit un véritable sans faute. L’ère du AAA solo narratif bat désormais son plein, et Among Thieves devient le modèle que tous les studios de ce pan de l’industrie vont chercher à égaler. Malheureusement pour eux, seul Naughty Dog s’avère capable de marcher dans ses propres pas. Uncharted 3 et Uncharted 4 témoignent de cet état de fait, car ils poussent les curseurs encore plus loin. Dans un autre registre, les deux opus de la licence The Last of Us laissent à penser que le studio phare de PlayStation est celui qui définit le mieux ce que doit être un jeu solo narratif linéaire. L’une des clés de ce succès est le grand apport des aventures de Nathan Drake dans le domaine de la narration vidéoludique.

Le tournant de la narration dans le jeu vidéo
Jusqu’à l’avènement des premières consoles de haute définition, la narration dans les jeux vidéo était très cadenassée. Il y avait le schéma classique, qui consistait en un enchaînement de phase de gameplay et de longues cinématiques chargées en dialogues. Comme alternative, il y avait aussi la narration via des enregistrements vocaux ou de longs écrits que le joueur était libre de lire ou d’ignorer. Les personnages de jeux vidéo, malgré l’apport de doubleurs de haut niveau, avaient bien souvent des allures de pantins désarticulés et dénués d’émotion. La septième génération de consoles apporte avec elle un grand nombre d’outils qui vont tout changer. Outre la haute définition, la motion capture devient alors accessible aux développeurs qui souhaitent l’utiliser. Cette technologie est malheureusement controversée à cette époque, de nombreux studios préférant encore créer manuellement les animations de leurs personnages. Naughty Dog fait office de précurseur en se tournant pleinement vers l’utilisation de la motion capture. Nul ne sait alors que cet outil, permettant de capturer la performance des acteurs, va contribuer à la révolution de la narration dans l’industrie vidéoludique. Soudainement, Naughty Dog se retrouve avec le pouvoir de montrer ce qu’un personnage ressent juste par ses expressions faciales et sa manière de se mouvoir.
Nous avions tendance dans le passé à écrire les jeux plus comme s’il s’agissait de pièces radiophoniques, parce que nous ne pouvions pas compter sur les visuels pour transmettre des nuances. Maintenant il y a beaucoup de situations où vous pouvez déduire des choses sur les personnages alors qu’ils ne parlent même pas.
Amy Hennig avant la sortie d’Uncharted 2
Contrairement à la plupart des autres jeux de son époque, ce type de nuance est en grande partie ce qui a rendu Uncharted si révolutionnaire. Nathan Drake et sa bande sont palpables, nous nous sentons proches d’eux et nous avons l’impression de suivre les aventures de vrais personnages. Chacun d’eux évoque quelque chose en nous. Ce tour de force est rendu possible par la façon novatrice qu’a Naughty Dog de travailler avec ses acteurs. Afin de maximiser le rendu de ce qui se passe à l’écran, le studio décide d’enregistrer les dialogues et les performances physiques des comédiens en même temps, comme ce qui se fait pendant le tournage d’un film ou d’une série. Le but est que tout doive sembler authentique, pour que la moindre respiration et les tons de voix correspondent aux actions que les personnages effectuent. Cela a du sens, car un personnage qui vient de courir à toute vitesse en sautant dans tous les sens s’exprimera différemment de ce qu’il ferait en étant au repos. En plus de cela, Naughty Dog utilise des techniques qui peuvent passer inaperçues, comme le fait de combiner plusieurs types d’animations en même temps pour donner une grande fluidité aux enchaînements d’actions de Nathan Drake. Les personnages ne se déplacent pas de la même façon s’ils sont sur un terrain plat ou accidenté. Leurs mouvements sont également impactés par le fait d’être sous les tirs de l’ennemi. Autre détail, et non des moindres, tout est fait pour que le monde autour de Drake soit palpable. Ce n’est pas qu’une belle carte postale dans laquelle le héros évolue. Après une course, il prend appui contre un mur pour reprendre son souffle, il touche son environnement comme le ferait un véritable être humain. Cela permet de donner la sensation que les décors et les personnages existent sur le même plan, et ne sont pas simplement juxtaposés.

L’autre énorme apport d’Uncharted au monde du jeu vidéo, c’est la présence quasi constante d’un compagnon aux côtés de Nathan Drake. Cela rend les affrontements et autres séquences d’énigmes plus dynamiques, mais cette mécanique permet surtout d’avoir une narration sans interruption, parfaitement diluée dans le gameplay. En effet, Victor, Elena, et tous les autres personnages susceptibles d’accompagner notre chasseur de trésor ne servent pas uniquement de soutien au joueur. Ils parlent de tout et de rien. Ils expriment leurs ressentis sur la situation actuelle ou sur les derniers événements vécus, ainsi que sur ce qui les attend au bout du voyage. Ils partagent également des souvenirs de leurs expériences précédentes, permettant au joueur d’en apprendre plus sur toute cette galerie de personnages. C’est l’une des plus grosses avancées pour la narration dans le jeu vidéo. Désormais, les phases de gameplay ne sont plus dissociées des phases scénaristiques et de développement de personnages. Nous sommes dans une narration continue, et Naughty Dog apparaît alors comme la jonction parfaite entre expérience cinématographique et ludique.
Uncharted excelle dans l’art de donner un sentiment de liberté au joueur. Pourtant, l’œuvre de Naughty Dog est l’incarnation par excellence du jeu linéaire, même si Uncharted 4 montre que le studio est capable de créer des séquences plus ouvertes, durant lesquelles le joueur est libre d’explorer sans pour autant sortir des rails de la narration. C’est le résultat de la grande minutie des développeurs qui envisagent toutes les choses que le joueur pourrait être tenté de faire, afin de mieux le cadenasser en lui donnant l’illusion du choix. Cela se matérialise dans les phases d’escalades qui, même si elles sont scriptées et linéaires, laissent toujours la possibilité de se tromper de chemin et de se retrouver dans une impasse, ce qui force le joueur à rebrousser chemin. Là ou d’autres jeux narratifs font tout pour nous baliser entièrement le chemin à l’aide de flèches ou d’autres artifices, à l’image de ce que Ubisoft a démocratisé avec sa formule de jeux en monde ouvert, Naughty Dog perfectionne sa recette à chaque nouvel opus. Les créateurs de Nathan Drake se servent des couleurs, du cadrage et de la luminosité pour indiquer le seul chemin permettant d’avancer dans l’aventure. C’est dans ces moments de fausse liberté que le savoir faire du studio impressionne, car les jeux réagissent constamment à ce que fait le joueur. Le paroxysme est atteint avec Uncharted 4. Au cours de l’aventure, si un événement vient interrompre une discussion entre deux personnages, ils reprendront naturellement leur conversation en se demandant où ils en étaient. L’idée est simple mais efficace, et tranche avec les nombreux jeux où un dialogue interrompu est perdu à moins de faire une nouvelle partie. Si la licence de PlayStation n’est pas le point de départ du jeu d’action moderne à la troisième personne, Resident Evil 4 étant passé par là quelques années avant, elle est clairement à l’origine du squelette que l’on retrouve dans la quasi-totalité des AAA solo linéaires actuels.

Les licences qui doivent tout à Uncharted
On a tendance à dire que l’impact d’une œuvre se mesure aux nombres d’émules qui suivent sa sortie. S’il y a une saga qui peut se vanter d’avoir engendré un nombre conséquent d’héritiers, c’est bien la création de Naughty Dog. Lors de la sortie d’Uncharted premier du nom, la comparaison avec Tomb Raider est inévitable. Nous vous avons déjà appris que certains s’amusaient à déformer le nom de la licence pour la réduire à une vulgaire copie bas de gamme des aventures de Lara Croft. Le raz-de-marée provoqué par les suites des péripéties de Nathan Drake est tel qu’il devient la nouvelle icône du jeu d’aventure. L’aura d’Uncharted devient tellement imposante, que le renouveau de Tomb Raider en 2013 décide de reprendre tous les éléments qui font la saveur des jeux impulsés par Amy Hennig. Le passage de témoin est total, même si la nouvelle formule de Tomb Raider peine à convaincre, et se retrouve à devoir rester dans l’ombre d’Uncharted. Le reboot part dans trop de directions à la fois et propose moins de sensations fortes ou de souvenirs impérissables. La reine de l’aventure est forcée de s’incliner devant son nouvel empereur.
Uncharted a influencé tout le monde, pas juste Tomb Raider. Comment ne peut-il pas ? Uncharted est véritablement une merveille. Est-ce que la nouvelle vision de Tomb Raider et les mécaniques de jeu sont une conséquence d’Uncharted ou en relation avec le succès d’Uncharted ?
Karl Steward de Crystal Dynamics
S’il n’est pas resté dans les mémoires pour ses grandes qualités, bien que certains reproches soient exagérés, The Order 1886 est un autre héritier de la saga Uncharted. Nous sommes même tentés de dire que l’affiliation est presque directe, vu que la licence appartient à PlayStation et que Ready at Dawn est composé d’anciens membres de Naughty Dog. Le co-fondateur du studio, Ru Weerasuriya, assume l’impact qu’Uncharted 2 a eu sur sa perception de l’industrie. Il estime que c’est le premier jeu à avoir réussi à retranscrire à la perfection les sentiments que peuvent générer les blockbusters hollywoodiens. C’est ce qui a fait germer dans son esprit l’envie de créer un jeu d’action d’aventure à gros budget. Il refuse cependant l’idée qu’il aurait essayé de reproduire leur recette, préférant expliquer que son but a toujours été de réussir à retranscrire le même sentiment de divertissement. L’opportunité de se hisser au milieu des grandes licences du constructeur japonais n’a malheureusement pas été saisie. Si le jeu ne manque pas de qualité, notamment au niveau de son univers, l’aventure se révèle beaucoup trop courte. De plus, Ready at Dawn échoue à parfaitement imbriquer la narration dans les phases de jeu. Le ratio cinématique/gameplay est beaucoup trop déséquilibré, et le jeu se termine au moment où l’univers commence à révéler son plein potentiel. Après l’échec du reboot de Tomb Raider, la sortie de The Order 1886 est une nouvelle preuve de la difficulté à établir une passerelle entre le monde du cinéma et celui du jeu vidéo.
Mon sentiment après avoir fini le jeu était que j’en voulais encore plus. C’est ce que je veux réussir à faire. C’est ce que le jeu vidéo est pour moi. C’est ce qui nous a poussé à faire ça.
Ru Weerasuriya à propos d’Uncharted 2

L’impact des aventures de Nathan Drake est si importante, que même des studios d’envergure moyenne rêvent de réussir à marcher dans les pas des Dogs. C’est le cas d’Asobo Studio avec les deux opus de la licence A Plague Tale. Avec moins de 300 développeurs en moyenne par jeu, et des budgets fluctuant entre 5 et 15 millions d’euros pour chaque opus, Asobo réussit à se positionner comme un héritier digne du fer de lance de PlayStation. Les mécaniques de jeu ne sont pas parfaites, et la science du game design est bien moins raffinée que dans un Uncharted, mais nous retrouvons le même sens du détail pour la construction du monde qui entoure le joueur. Aucun aspect visuel n’est laissé au hasard. Le rythme va crescendo avec très peu de cassures, le tout porté par des personnages attachants et une composition musicale mémorable d’Olivier Derivière. Le diptyque arrive même à proposer certaines séquences d’exploration à la narration environnementale mieux pensée que dans beaucoup de grosses productions. La consécration du studio correspond à la sortie de A Plague Tale : Requiem en octobre 2022, qui reçoit l’adoubement de Neil Druckmann, le leader de Naughty Dog depuis la sortie de The Last of Us en 2013.
J’ai entendu dire que les jeux de Naughty Dog ont inspiré A Plague Tale. Nous sommes honorés d’avoir inspiré ces incroyables artistes. Dans le futur, je peux sans problème dire que Naughty Dog et beaucoup d’autres puiseront leur propre inspiration dans ce qu’Asobo Studio a accompli avec cette série.
Neil Druckmann
La recette popularisée par Uncharted est un modèle pour énormément de studios. Il est donc normal qu’elle ait impacté la direction des licences PlayStation. La saga de Naughty Dog a montré au monde que le constructeur japonais pouvait désormais briller par ses propres moyens, et même imposer des standards. Ses nouvelles normes de qualité ont été perfectionnées au fil des épisodes, que ce soit pour la narration et aussi pour les démonstrations techniques. Uncharted 4 : A Thief’s End reste, presque 7 ans après sa sortie, l’un des jeux les plus beaux de tous les temps. Si tout le monde a en mémoire la gifle technologique de la séquence à Madagascar, beaucoup ont oublié la petite séquence en Italie au cours de laquelle Nathan retire sa tenue de jardinier. Cela peut paraître anodin, mais c’était l’une des premières fois (si ce n’est la première) que nous pouvions voir un personnage de jeu vidéo changer de tenue, face caméra, sans aucun artifice de mise en scène pour permettre au jeu de charger le changement de skin (respect à Hans Godard, le développeur responsable de cette séquence). L’empreinte de la licence est partout, c’est un horizon à atteindre qui a permis la création en interne d’aventures devenues cultes comme The Last of Us. Sans le savoir faire narratif acquis au fil des années avec Nathan Drake, il est évident que les aventures d’Ellie et Joel n’auraient jamais existé, et nous pouvons même aller plus loin en affirmant que le reboot de God of War est un autre héritier direct du travail de Naughty Dog. Cette influence se ressent particulièrement dans les interactions incessantes entre Kratos, Atreus et Mimir qui permettent également d’en apprendre beaucoup sur le jeu, son monde, ses personnages, simplement en écoutant une conversation pendant que nous traversons l’environnement.

Uncharted n’a pas révolutionné l’industrie par ses mécaniques de jeu. Il n’est pas non plus le père du jeu de tir à la troisième personne, car, de l’aveu même de Christophe Balestra, c’est la découverte de Gears of War qui a poussé le studio à revoir intégralement l’aspect shooter de leur projet encore en gestation. Cependant, la licence de Naughty Dog reste l’un des plus grands monuments des vingt dernières années de l’industrie, puisqu’elle n’a eu de cesse de pousser les nouvelles technologies dans leurs retranchements pour magnifier la narration dans un jeu vidéo. Il y a un avant et un après Uncharted dans la manière de raconter des histoires, et nous lui devons la structure de la grande majorité des jeux solo narratifs actuels. Beaucoup ont tenté de l’imiter, mais seuls les Dogs semblent capables d’appliquer leur recette sans accroc. Nul ne sait si nous aurons un jour un nouvel opus développé par son studio d’origine. Cependant, une certitude demeure : la saga restera encore longtemps un sommet absolu sur lequel de nombreux créateurs essaieront de se hisser.