Il n’est jamais facile de porter le poids de l’héritage d’une saga mythique comme Final Fantasy, surtout quand cette dernière peine à convaincre pleinement depuis plus d’une décennie, si ce n’est par le biais de la sortie de la première partie du remake du septième épisode, souvent considéré comme le joyau de la licence. Final Fantasy XVI a été porteur de nombreux espoirs depuis son annonce en 2020, car le projet a été mené par le producteur Naoki Yoshida, bien entouré par Hiroshi Minagawa pour la direction artistique, ainsi que par Masayoshi Soken pour les compositions musicales. Ce trio est entré dans le cœur des fans pour avoir réussi à faire de Final Fantasy XIV l’un des meilleurs MMORPG de tous les temps. Bien que la saga soit réputée pour sa capacité à se renouveler à chaque opus, les responsables du titre ont affiché fièrement une volonté de chambouler en profondeur ses codes, tout en promettant une épopée originale épique et sans compromis. Le moment est venu d’aborder cette aventure pas exempte de défauts, mais qui arrive à délivrer un ensemble marquant et qui ne laissera personne indifférent, pour le meilleur comme pour le pire.
Valisthéa, un continent unique sous influences
Final Fantasy XVI plonge le joueur dans le monde de Valisthéa, une vaste terre composée de six nations qui hébergent chacune un Cristal-mère. Ces dons de la nature ont permis aux hommes de se développer et de bâtir des civilisations florissantes grâce à l’utilisation de la magie. Dans ce monde fictif, les êtres humains n’ont pas appris à faire du feu ou à exploiter l’eau, ils s’en sont remis à l’extraction des cristaux pour accomplir ce genre de tâches. Cependant, certains d’entre eux naissent avec la faculté d’utiliser l’éther qui émane de la terre pour avoir recours à la magie, sans avoir besoin de cristaux. Ces individus sont malheureusement mis au ban de la société dès leur naissance, et réduit à une vie de servitude. Ils sont affublés d’un tatouage distinctif sur le visage, et sont appelés les Pourvoyeurs. Répartis dans les différentes contrées, il y a des élus aux capacités quasi-divines : les Émissaires. Ces derniers sont porteurs du pouvoir d’un élément, et occupent souvent de très hautes fonctions militaires et politiques au sein de leur patrie. Ils incarnent la puissance et servent de pouvoir de dissuasion entre les nations lorsqu’un conflit armé éclate entre deux royaumes.
Malheureusement, Valisthéa fait face à l’avancée du Fléau noir, qui vide la terre de toute sa substance magique, forçant les êtres humains à se rassembler autour des cristaux, car les terres environnantes semblent épargnées par le cataclysme. Cela a pour effet d’amplifier les conflits militaires entre nations qui sont prêtes à s’entre-déchirer pour prendre possession du Cristal-mère du voisin. C’est dans ce contexte que nous entamons l’aventure aux commandes de Clive Rosfield, fils aîné de l’Archiduc de Rosaria et Gardien du Phénix, à savoir le Primordial de son royaume, dont l’Émissaire n’est autre que Joshua, son petit frère. Parce qu’il n’est pas porteur de ce don, alors qu’il est pourtant l’ainé, Clive a longtemps souffert du jugement des autres, notamment de sa mère qui ne voit en lui qu’un échec qui apporte le discrédit sur la famille. Toute ressemblance avec Jon Snow n’est évidemment pas fortuite, au même titre qu’Elwin Rosfield, archiduc et père de notre héros, partage de nombreux points commun avec Eddard Stark. Ces deux personnages forment un pont avec l’univers de Game of Thrones, mais la ressemblance avec l’œuvre de George R. R. Martin s’arrête rapidement.
En effet, si Final Fantasy XVI se déroule dans un monde médiéval-fantastique emprunt de magie et de créatures somptueuses, il est bon de rappeler que ceci n’est pas l’apanage de Game of Thrones. La saga de Square n’a pas attendu les aventures de la famille Stark pour immerger les joueurs dans des mondes à l’ambiance médiévale, où des nations se font la guerre, le tout saupoudré de complots et de trahisons, comme en attestent certains titres, tel que Final Fantasy Tactics, le chef d’œuvre de Yasumi Matsuno, sorti en 1997. De la célèbre saga littéraire, le jeu de Naoki Yoshida ne partage que certains archétypes de personnages, ainsi que des rapports parfois plus charnelle entre individus. Toutefois, le titre emprunte rapidement sa propre route, en nous faisant d’abord vivre la quête vengeresse de Clive qui perd sa famille et son royaume dès le prologue, pour ensuite nous narrer un récit grandiloquent sur le destin des hommes et leur désir d’émancipation vis à vis des plans que les dieux ont imaginé pour eux.
Le scénario et l’univers de Final Fantasy XVI sont passionnants, et débordent de symbolisme. Au final, l’aspect politique entre les nations ne reste qu’une toile de fond et n’occupe que très rarement les premiers plans de l’histoire. Le cœur du récit repose uniquement sur les hommes, sur la façon dont ils se traitent les uns les autres, ainsi que sur leur place dans l’univers. En ce sens, ce nouvel épisode est un parfait prolongement des questionnements de la licence sur la nature de l’humanité. Le titre aborde de nombreux thèmes, tels que la quête de liberté, le rapport à la nature, ou encore l’esclavage et le racisme. Grâce aux nombreux personnages que nous croisons au gré des quêtes principales et annexes, le monde de Valisthéa arrive à devenir l’un des plus développés de l’histoire de Final Fantasy. Les développeurs ont pensé à de nombreux détails pour aboutir à un lore dense et palpable. L’ingénieux système d’Active Time Lore est très utile, car il permet, à tout moment, d’avoir accès à des informations sur des personnages ou des structures de sociétés avec lesquels il faut un peu de temps pour se familiariser.
Grâce à son écriture solide, le récit de Clive Rosfield et de sa bande d’idéalistes parvient à nous maintenir en haleine du début à la fin. Nous avons cependant de nombreux regrets au sujet des Primordiaux et de leurs Émissaires. En effet, s’ils offrent tous de grands moments d’intensité, nous avons parfois l’impression de ne faire face qu’à des personnages fonction qui servent juste à faire avancer l’histoire. Bien que nous ayons accès à suffisamment d’éléments pour les comprendre, nous ressortons avec l’impression que le développement de ces personnages reste insuffisant. Il est regrettable que tous les Émissaires n’aient pas bénéficié du même soin d’écriture que Cid et Dion. Jill est un personnage incroyablement touchant et humain, mais plus en retrait que les mythiques personnages féminins auxquels la licence nous a habitués. Paradoxalement, les quelques soucis de rythme permettent de vraiment ressentir que l’épopée s’étale sur 18 longues années, ce qui renforce l’attachement à certains lieux et personnages secondaires qui arrivent ainsi à se faire une place de choix dans le cœur du joueur.
Nous pensons par exemple à Gab qui, s’il ne paie pas de mine au premier abord, devient rapidement un des piliers de la bande, et arrive même à éclipser certains personnages supposément plus importants. Le duo formé par Clive et Cid risque également de rester dans les annales tant nous pouvons ressentir la forte camaraderie qui finit par lier les deux partenaires. Malgré des moments qui flirtent avec l’ennui, Final Fantasy XVI arrive toujours à nous surprendre en frappant fort à plus d’une occasion. Peu de jeux sont aussi impressionnants au niveau sonore et visuel que lors des séquences où le dernier représentant de la licence phare de Square Enix décide de lâcher les chevaux. Dans ces moments, l’œuvre de Yoshida emprunte alors autant à Dragon Ball qu’à L’Attaque des Titans, et c’est bien la grande force du titre. Malgré des inspirations populaires évidentes, les développeurs ont réussi à mixer ces éléments dans un tout cohérent qui s’imbrique à la perfection dans la mythologie Final Fantasy.
Une direction artistique lancinante mais parfois lacunaire
Bien qu’il s’agisse d’un titre exclusif à la PlayStation 5, Final Fantasy XVI n’est pas une claque graphique. À part les séquences d’affrontement entre Primordiaux qui en mettent plein la vue, il pourrait sans mal tourner sur la précédente console de Sony. À défaut d’être une vitrine technologique, il arrive à capter l’attention grâce une direction artistique très léchée qui prend lentement racine dans la tête des joueurs en dévoilant ses cartes au fur et à mesure de l’aventure. Le côté médiéval terre-à-terre laisse rapidement sa place à quelque chose de beaucoup plus enchanteur et poétique. Valisthéa est un monde merveilleux composé de nombreuses zones singulières. Nous traversons ainsi des régions évoquant les pays de la péninsule arabique, d’autres verdoyantes et humides qui renvoient directement à l’imagerie celtique, ainsi que des environnements sauvages qui mêlent la désolation et le gigantisme. Certains seraient tentés de dire que cela n’a rien de nouveau pour la licence, pourtant, nous avons rarement ressenti un tel caractère pouilleux et sombre dans les univers des précédents opus. L’ambiance globale du titre est d’ailleurs bien amplifiée grâce à l’excellent travail des doubleurs anglais qui apportent un véritable cachet britannique moyenâgeux à leurs personnages. Ralph Ineson, dans son interprétation de Cidolfus, est particulièrement convaincant. Ben Starr, l’acteur derrière Clive, réussit également à donner une rage et une sensibilité fascinante à son personnage.
Final Fantasy XVI est très violent, que ce soit dans la mise en scène de certains passages, dans les mises à mort de nos ennemis, ainsi que dans son propos. Les personnages qui peuplent les différents royaumes ne présentent pratiquement aucun intérêt ludique. Ils n’ont pas de routine programmée et ne réagissent pas à ce que nous faisons devant eux. Cependant, il reste très intéressant de les entendre discuter entre eux au fur et à mesure que l’histoire progresse. Cela donne la fausse impression que le monde est vivant et tributaire de nos actions, ce qui permet de renforcer l’immersion, en plus de mieux comprendre les enjeux affectant les différentes castes de la société. Hiroshi Minagawa s’est fait plaisir dans son traitement artistique, car il arrive à instiller l’identité iconographique des premiers Final Fantasy dans ce monde qui cherche souvent à singer le réalisme apparent de certaines œuvres comme Game of Thrones ou The Witcher. Cela nous permet d’avoir de véritables merveilles d’armures comme celles des chevaliers dragons de l’empire de Sangbrèque, mais également d’avoir des tenues qui représentent les identités culturelles de chaque territoire. Cela renforce la frustration de ne pas pouvoir visiter de grandes villes comme le veut la tradition de la saga. Il y a bien sur le repaire de la bande de Cid qui est magistral, car l’ambiance y est familiale et chaude, ainsi que de nombreux hameaux, mais toutes les capitales ou grandes cités qui sont pourtant visibles au loin lors des phases d’explorations dans la nature restent inexploitées, si ce n’est lors de phases ultra scriptées où l’accent est mis sur les combats, et non sur l’exploration.
Il en ressort ainsi un côté carte postale parfois frustrant, car l’univers est tellement travaillé que nous aimerions juste pouvoir pénétrer dans ces lieux à d’autres occasions que lorsque le scénario nous y autorise. Pourtant, une fois passée cette frustration liée à l’absence d’exploration citadine, nous nous rendons vite compte que la magie sauvage des terres désolées et indomptées de Valisthéa opère sur nous. Il y a une forme de symbiose qui s’opère entre les sentiers boueux mal défraîchis et la musique d’ambiance qui rythme nos escapades. Certains lieux, notamment toute la zone de la Nef Déchue, dégagent la même mélancolie visuelle et sonore que celle du premier NieR. Nous n’y faisons pas grand-chose d’intéressant, mais le simple fait de marcher dans les bois en écoutant les compositions de Soken, ainsi que les bruits d’ambiance, arrive à provoquer en nous une forme d’introspection sur le monde qui nous entoure, ainsi que sur le chemin qu’il reste à parcourir avec Clive. Ces moments de contemplations offrent une respiration bienvenue entre les nombreux combats qui nous attendent au cours de l’aventure.
Final Fantasy XVI est également riche en lieux marquants, notamment toutes les zones qui bordent le cœur des Cristaux-mères. C’est dans ces moments là que la direction artistique du jeu devient réellement unique et saisissante, ce qui rend encore plus regrettable le manque de soin apporté à certains lieux de moindre importance. Il est parfois difficile de savoir différencier les intérieurs d’un château de ceux d’un autre, quand bien même les deux bâtiments se trouvent dans des zones géographiques différentes. C’est comme si seuls les lieux servant de demeures aux personnages majeurs de l’histoire avaient eu le droit d’avoir une identité réellement travaillée. Il est dommage de ne pas toujours ressentir le poids des différentes cultures dans les lieux traversées, cela aurait permis d’éviter d’avoir l’impression d’arpenter des bâtiments générés de façon purement aléatoire. En un sens, il y a un véritable paradoxe artistique, car si nous sentons parfois que les choses n’ont pas été suffisamment poussées, le titre arrive à nous couper le souffle à plus d’une occasion. Le soin apporté à tout ce qui touche la civilisation éteinte des Célestes, ainsi que les panoramas composés avec maestria, arrivent à créer une expérience globale avec laquelle peu de jeux peuvent rivaliser ces dernières années. De ce point de vue, Final Fantasy XVI a les allures d’un élève brillant mais qui ne prend pas toujours la peine de donner la pleine mesure de son potentiel.
Cela se ressent notamment avec les compositions musicales de Masayoshi Soken. De nombreux fans de son travail nous ont présenté le monsieur comme un véritable génie de la musique, osant parfois l’ériger en direct héritier de Nobuo Uematsu. Soyons clairs, il est excessivement talentueux, et certaines de ses créations pour Final Fantasy XVI font partie des plus belles compositions réalisées pour la saga. Soken s’approprie l’identité de quelques thèmes, tout en arrivant à y insérer la mélancolie et la violence plus prononcées de ce titre. C’est notamment le cas avec le thème du Prélude ou de la Fanfare qui retentit à la fin de certains affrontements. Cependant, une forme de lassitude peut se faire ressentir, car le tout manque parfois de diversité. La saga a eu pour habitude de nous proposer des boss avec des thèmes musicaux distincts, ainsi que de varier le thème de combat propre à chaque épisode, ce qui n’est pas le cas pour les aventures de Clive. Il y a bien sûr quelques variations, et parfois certains boss se voient gratifier d’un thème unique, mais il nous est souvent arrivé au bout de plusieurs dizaines d’heures de jeu de souffler du nez en entendant une énième fois le même thème épique pour un combat. L’utilisation excessive de certaines musiques a la fâcheuse tendance de réduire leur impact.
Toujours au sujet de la direction artistique, il y a un aspect qui parlera surtout aux habitués de la licence, c’est la mauvaise habitude qu’a le titre de mettre en avant, de façon plus ou moins subtile, des éléments venus d’autres épisodes de la saga. Le titre de Naoki Yoshida force parfois un peu trop sur l’auto-citation, et s’il est plaisant de voir un personnage secondaire travailler un concept d’aéronef qui évoque celui du tout premier épisode de la licence, ça devient beaucoup plus gênant à d’autres occasions. Il y a notamment la présence inexpliquée d’un Mog au sein du repaire, avec lequel Clive est le seul en mesure de communiquer. Pourquoi ? Comment ? Aucune idée. Il en est de même avec certains passages qui viennent casser la nature lourde et dépressive de l’histoire. Si le fan sera content d’entendre le thème principal enjoué de la licence, cela crée une forme de dissonance lorsque ce dernier retentit au cours d’un discours de motivation avant de se lancer à l’assaut de notre prochain objectif. Si l’idée de vouloir apporter des moments plus légers se fait comprendre, il y avait certainement mieux à faire, comme le fait d’insérer des minis jeux, dans la pure tradition de la licence. Malheureusement, Yoshida a préféré se passer de toute distraction, car il estime qu’un jeu de cartes, ou tout autre activité plus légère, n’avait pas sa place dans son intrigue. Son objectif était de fourni un jeu sérieux et violent.
Clive Rosfield, un véritable titan assaillant
Nous en avions parlé au cours de la preview de la démo que nous avons réalisé il y a de cela quelques semaines, mais il est important de rappeler que la tournure prise par Final Fantasy XVI a suscité de nombreux débats au sein des communautés de fans de la licence. Le titre se veut bien plus tourné vers l’action que les précédents opus, et si nous pensions que Yoshida chercherait à créer un pont entre le monde du J-RPG et celui du Beat Them All, autant dire qu’il n’en est rien. Ce seizième opus n’a que faire des éléments si caractéristiques d’un jeu de rôle. Cet aspect est tellement minimaliste qu’il aurait parfaitement pu ne pas exister. Contrairement aux précédentes aventures, nous n’avons pas à réfléchir sur notre équipement. La progression se fait de manière linéaire, il faut simplement penser à rendre visite à l’armurier du repaire une fois de temps en temps pour s’assurer qu’une arme plus puissante ou qu’un meilleur objet de défense n’est pas subitement disponible. Nous pouvons donc oublier toute notion de stratégie liée aux statistiques des armes. Dans Final Fantasy XVI, nous n’avons pas à peser le pour et le contre avant de s’équiper d’un objet. Ici, ça se résume à augmenter notre attaque ou notre défense. Il en est de même pour le fameux arbre de compétences qui est au final très anecdotique, car nous n’avons pas de choix à faire non plus. Le système se limite à accumuler suffisamment de points d’expériences pour tout débloquer et ainsi décider des compétences que nous souhaitons utiliser ou non.
À bien des égards, l’aspect jeu de rôle de ce Final Fantasy est moins bien développé que dans d’autres jeux d’aventure que nous avons pourtant pris l’habitude de qualifier de Light-RPG. Il est par exemple navrant de voir qu’un God of War : Ragnarok offre plus de contraintes et de variation dans ses équipements que le nouvel opus de la licence reine du jeu de rôle à la japonaise. Naoki Yoshida a fait le choix de se débarrasser de tout ce qui pouvait renvoyer aux codes de cette catégorie. La plus grande perte reste notamment le système de faiblesse élémentaire, qui était présent depuis les débuts de la licence, et qui continue de perdurer chez de nombreux représentants du genre. Ici, la foudre ne fait pas plus de dégât sur un ennemi aquatique, et les attaques de glace ne font pas plus de dégâts à un ennemi de type feu. Ce qui rend cette décision difficilement compréhensible, c’est que cet aspect n’est en rien incompatible avec le système du titre qui repose sur le switch de Primordiaux. Nous sommes convaincus que la présence des forces et faiblesses élémentaires aurait magnifié la proposition de Final Fantasy XVI, car les joueurs se seraient retrouvés dans l’obligation d’utiliser le pouvoir de tous les Primordiaux à sa disposition, en fonction de chaque situation. Car le drame de cet épisode est que son système de combat peut s’avérer prodigieux et jouissif pour celui qui veut prendre le temps de le maîtriser, mais qu’il est tout à fait possible de finir le jeu en jouant seulement avec deux boutons.
Final Fantasy XVI mise tout sur son système de combat, et il le fait bien. L’éventail de possibilités est large, avec ses attaques basiques, l’utilisation de la magie, le système d’esquive et de parade, en plus des capacités spéciales qui nous permettent d’utiliser les primordiaux. Le petit dash vers l’avant, rendu possible par la bénédiction de Phoenix, est juste jouissif et nous permet d’effectuer des percées offensives dévastatrices. Au cours de l’aventure, nous acquérons les pouvoirs de plus en plus de Primordiaux, et nous avons ainsi accès à des compétences très variées et aux effets différents. Certaines attaques sont efficaces sur la barre de vie de nos ennemis, alors que d’autres vont surtout saper la fameuse barre de déstabilisation qu’il est vital de diminuer pour maximiser les dégâts. Il est donc très important de bien réfléchir aux Primordiaux actifs que nous souhaitons équiper sur Clive, ainsi que de bien sélectionner les compétences que nous voulons utiliser. En effet, sur les six Primordiaux qui viennent se greffer à Clive, nous ne pouvons en utiliser que trois en même temps, et il est possible d’utiliser et de modifier que deux de leurs compétences à la fois. Cependant, quand on arrive à accumuler suffisamment de points d’expérience pour acquérir la maîtrise d’un des pouvoirs de ces créatures divines, il est possible de s’en équiper même si nous ne souhaitons pas garder actif le Primordial correspondant. Il est ainsi possible de créer des combos très pointus, en assignant une compétence de Garuda à Ifrit par exemple.
La difficulté est aux abonnés absents et c’est bien dommage quand on voit toutes les possibilités offertes par le gameplay. Les ennemis basiques n’offrent aucune résistance et ne servent que d’exutoire. En un sens, le fait de pourfendre des ennemis avec virtuosité offre une forme de catharsis. Fort heureusement, les boss sont plus coriaces. Le challenge reste inexistant, en tout cas dans le sens traditionnel du terme. N’importe quel joueur peut finir Final Fantasy XVI, en particulier grâce à la présence d’objets qui permettent d’automatiser les esquives ou les attaques de Torgal, le loup géant qui accompagne Clive du début à la fin. C’est le seul compagnon sur lequel nous pouvons avoir un semblant de contrôle, les autres étant toujours gérés par l’intelligence artificielle. Nous ne sommes pas en présence d’un jeu de From Software. Cependant, la différence de talent et de maîtrise du gameplay entre les joueurs se verra sur le temps passé face à un boss. Si celui qui utilise en boucle la même attaque risque de passer vingt à trente minutes sur le même ennemi, celui qui cherche à varier ses coups, et surtout à planifier ses séquences d’attaques, peut diviser par deux la durée de l’affrontement. Un combat intelligemment mené demande un bon sens du rythme. En ce sens, Final Fantasy XVI a tout d’une danse flamboyante. La nouvelle partie + apporte beaucoup de relief à l’expérience. Replonger dans l’aventure avec le mode de difficulté Fantaisie Finale est un vrai plaisir. Il y a de nombreux changements au niveau du bestiaire. Les patterns ennemis sont différents, et nous disposons dès le début des compétences de chaque Primordial, ce qui permet de découvrir sous un nouveau jour les mécaniques de combats. Ce rapport à la fin, et au fait de ne pas ranger le jeu dans sa boite une fois l’aventure finie, pour continuer à découvrir de nouveaux aspects, est typiquement japonais.
Ce nouvel épisode de la célèbre licence japonaise a construit sa campagne de communication sur un élément : les combats entre Primordiaux. Ces face-à-face démesurés viennent conclure les affrontements qui nous opposent aux Émissaires de chaque nation. Cela permet une variation de gameplay, car le temps de ces séquences, le jeu oublie son côté Beat Them All pour devenir un simili Versus Fighting. Le joueur contrôle ainsi Clive sous sa forme d’Ifrit, et doit échanger des pralines avec ses adversaires. Ces moments sont des débauches d’effets pyrotechniques et d’effets de particules en tout genre. La mise en scène y est renversante, et permet de faire de Final Fantasy XVI l’un des jeux les plus épiques de l’histoire du jeu vidéo. On a parfois l’impression de jouer à une version d’Asura’s Wrath qui aurait bénéficié d’un énorme budget. Dans ces moments-là, le jeu donne presque envie de pleurer de joie tant nous en prenons plein les yeux et les oreilles. C’est pour cela que la comparaison avec Game of Thrones devient rapidement désuète, car le titre à un côté excessif qu’il revendique du début à la fin. Nous sommes très souvent à la croisée des mondes entre un jeu d’aventure occidental et un animé japonais, avec tout ce que cela sous-entend de démesure.
Cependant, il ne faut pas non plus faire passer ces combats de Primordiaux comme des réussites de bout en bout. Sur le moment, ils s’avèrent saisissants et apportent une dose d’intensité qui permet à ce Final Fantasy de marquer les esprits durablement, mais avec du recul, nous pouvons constater certains errements. Les premiers ne sont pas forcément intéressants manette en main, car ils mettent surtout l’accent sur la mise en scène. Cela se résume souvent à du gameplay mono touche, le tout avec des esquives un peu maladroites, car Clive est très lourd sous sa forme de Primordial du feu. Fort heureusement, le gameplay d’Ifrit prend de l’ampleur et nous finissons par avoir pratiquement les mêmes capacités que Clive dans sa forme humaine. Cela donne lieu à des combats plus ludiques et jouissifs dans la seconde moitié de l’aventure. La vraie faiblesse de ces séquences est que certaines sont parfois beaucoup trop longues. Il y en a une en particulier qui aurait dû être amputée d’une bonne dizaine de minutes pour son propre bien. Pourtant, malgré des excès qui frôlent parfois l’indigestion, ces moments sont tellement inhabituels dans le paysage vidéoludique que nous en redemandons encore. Il y aura un avant et un après Final Fantasy XVI, car un seuil a vraiment été franchi au niveau de l’iconisation des combats de boss.
L’élégance surannée d’une structure d’un autre temps
À chaque annonce d’un nouveau Final Fantasy, on retrouve les mêmes interrogations quant à la structure du jeu. C’est une préoccupation qui est souvent bien supérieure aux questions que nous pouvons nous poser quant aux mécaniques de jeu. Tout le monde se demande si on aura de nouveau une tentative de faire un monde ouvert comme sur les opus sortis sur la première PlayStation, ou si nous aurons quelque chose de très linéaire, ou un retour à l’entre-deux proposé par le douzième opus dont l’univers était composé d’une succession de zones plus ou moins ouvertes et permissives. Naoki Yoshida a rapidement déclaré que son objectif était de marcher dans les pas du reboot de God of War sorti en 2018. Soyons direct, en termes de structure, nous sommes très loin de ce que les dernières aventures de Kratos peuvent proposer. Leur seul point commun est la linéarité de l’aventure, mais la comparaison s’arrête là. Final Fantasy XVI n’a pas de système d’exploration qui peut s’apparenter à celui d’un jeu de type metroidvania. L’exploration est inexistante, et les zones ne servent que de terrain de jeu pour dégommer des monstres entre deux sessions de marche contemplatives. N’espérez donc pas découvrir de secrets ou de lieux dissimulés, ce n’est clairement pas la proposition. Nous avons là un jeu qui n’a pas d’autres ambitions que d’être une débauche d’action.
L’expérience se divise en deux formes. Nous avons une partie extrêmement linéaire, au cours de laquelle il est impossible de dévier du chemin. Nous enchaînons les affrontements, le tout entrecoupé de cinématiques. Cette structure se retrouve particulièrement dans les cinq premières heures de l’aventure, ainsi que dans l’ensemble des zones que nous pouvons qualifier de donjons. La plupart du temps, le résultat est très réussi, mais il est dommage de constater que nous avons parfois de mauvais couloirs sans réel effort de conception au niveau du level design. Nous sommes loin du savoir faire de certains studios comme Naughty Dog qui, tout en proposant des expériences linéaires, arrivent à donner l’illusion de l’ouverture, tout en nous indiquant très intelligemment et sans indications visuelles parasites le bon chemin à prendre. Ce n’est pas toujours le cas dans Final Fantasy XVI. Si certains passages linéaires sont bien conçus, d’autres ne nous ont pas totalement convaincu. Ce n’est pas un problème de ne pas pouvoir aller partout, nous avons bien compris que ce n’est pas un monde ouvert, mais il y a des moyens plus intelligents que le mur invisible pour limiter l’accès à une zone. Les développeurs auraient pu modéliser un éboulement, une crevasse, ou un autre artifice. C’est la moindre des choses à attendre dans une production de cet acabit. Il est également difficile de ne pas pester contre l’usage excessif d’indices à l’écran. Il est impossible de se perdre dans un couloir, mais cela n’empêche pas le jeu de nous afficher des flèches pour indiquer le bon chemin, ainsi que de nous proposer d’utiliser le flair de Talgor pour trouver la bonne direction. C’est à se demander si le jeu doute des capacités intellectuelles du joueur, ou s’il est parfois conscient des limites de son propre level design.
Fort heureusement, l’histoire nous amène à découvrir des niveaux plus ouverts, avec de vastes étendues magnifiques qui croulent sous les monstres, ainsi que sous quelques surprises sympathiques. Dans un premier temps, ces zones semblent lacunaires, et nous poussent à nous demander l’utilité de leur présence, si ce n’est pour tenter de remplir un cahier des charges du parfait jeu moderne. Cependant, on se rend rapidement compte que toutes les zones d’une même région sont reliées entre elles, ce qui permet d’avoir accès à de grandes étendues de jeu. Il faut attendre la fin du premier acte pour que ces dernières commencent à présenter un véritable aspect ludique. Les quêtes annexes deviennent plus variées. Certaines rajoutent même des mécaniques de jeu comme le voyage à dos de Chocobo. Le plus important reste l’apparition tardive des quêtes de chasses qui permettent de rajouter une belle dose de challenge à l’aventure, en plus d’affronter des monstres iconiques de la licence. Nous avons donc une structure très classique, un brin académique, mais efficace. Notre grand regret est que la navigation passe par la mappemonde. Nous aurions préféré qu’il soit possible de voyager d’une région à l’autre en marchant, surtout quand elles semblent frontalières. Autrement, on passe une grande partie du temps dans notre repaire qui sert de grand hub central. C’est souvent dans cet endroit que commencent les meilleures quêtes annexes de l’aventure.
Les quêtes ont déjà suscité de nombreux débats depuis la sortie du jeu, et elles continueront à le faire. Elles n’ont pas les qualités de celles entrevues dans des jeux comme The Witcher 3, mais nous ne sommes pas non plus à des niveaux aussi abyssaux que ce que nous pouvons avoir dans un MMORPG. La vérité est beaucoup plus nuancée. Évidemment, elles ne présentent pas toujours un grand intérêt ludique, la plupart consistent simplement à amener un élément d’un point A à un point B, ou alors à occire des monstres avec notre épée. Pourtant, même les plus ennuyantes, comme le fait de servir un repas à des camarades du repaire arrivent à distiller suffisamment d’éléments de lore et de questionnement sur la nature humaine pour justifier le fait de les accomplir. Cette fameuse quête de livraison de repas permet de voir Clive comprendre l’intérêt de cette communauté presque communiste créée par Cid, où personne n’est au-dessus de l’autre. Dit de la sorte, c’est tout bête, mais cela permet de poser les jalons du développement de notre héros qui va finir par totalement épouser la cause d’un monde où les hommes pourraient enfin vivre libres et égaux. De nombreuses quêtes permettent de mieux comprendre la situation précaire des Pourvoyeurs et cela permet de densifier grandement l’univers de Valisthéa. C’est comme si Final Fantasy XVI voulait nous forcer à faire parfois des choses qui ne semblent pas intéressantes, ou à parler à des gens qui ne sont rien comme dirait l’autre, pour se rendre compte que tous les personnages nommés du jeu ont été travaillés, même une gérante d’auberge comme Martha.
C’est dans son dernier arc que Final Fantasy XVI devient très surprenant au niveau de ses quêtes annexes. En effet, juste avant la bataille finale, de nombreuses nouvelles quêtes apparaissent dans le repaire, ainsi qu’aux quatre coins du monde. Elles se révèlent pour la plupart très satisfaisantes d’un point de vue ludique, mais viennent également enrichir considérablement le destin de certains personnages et de certaines régions. C’est un vrai plaisir de voir notre base évoluer et nos camarades s’affranchir de l’usage de la magie pour développer des choses aussi anodines que des champs d’agriculture. Le monde donne l’illusion de réagir aux actions menées lors des quêtes secondaires, et cela peut se ressentir autant sur notre communauté que sur des pans entiers de territoire. Certaines missions annexes nous ont particulièrement ému, et permettent de faire entrer certains personnages secondaires dans le panthéon des meilleurs camarades de la saga. Ces quelques quêtes ont même le luxe de bénéficier de véritables efforts de mise en scène, ce qui fait plaisir, après de trop nombreux échanges entre personnages à base d’animations simples, avec des plans de caméra qui se limitent à de vulgaires contre-champs statiques, à l’image de ce qui se faisait à la fin des années 2000.
Le sens du rythme de l’aventure est parfois particulier. Si les quinze premières heures ont une progression constante en termes d’intensité et de construction narrative, il est très particulier de se retrouver à devoir chercher des fleurs ou de l’ail pour une quête principale alors que nous étions en train d’éclater un dieu de la taille d’une montagne il y a moins d’une heure. La force de Final Fantasy c’est de toujours réussir à repartir plus haut et plus fort alors que nous pensions que l’ennui avait pris le dessus sur tout le reste. Il en ressort une expérience parfois abrupte, mais qui déborde de charme. C’est un jeu qui veut prendre son temps et qui nous force à adhérer à son tempo. Le paradoxe, c’est que le sentiment d’avoir vécu une grande aventure humaine n’aurait certainement pas été aussi puissant sans ces cassures au niveau du rythme. Il a plus de défauts que de nombreux jeux bien policés, mais quand il décide de faire les choses bien, il le fait mieux que tous les autres. C’est ce qui rend l’expérience compliquée à analyser, même à froid. Malgré ses envies de lorgner du côté des jeux occidentaux, nous avons ici un jeu fondamentalement japonais.
CONCLUSION
Final Fantasy XVI
Final Fantasy XVI n'est pas un jeu qui a l'envergure pour rafler toutes les récompenses des différentes cérémonies cherchant à élire le plus grand jeu de l'année. Ce n'est pas non plus l'opus qui va réinventer entièrement la saga pour lui permettre d'atteindre de nouveaux sommets. C'est un jeu imparfait, parfois lacunaire, mais qui déborde de qualités que nous ne retrouvons dans aucun autre titre. Il arrive même à apporter du charme dans ce qu'il fait maladroitement. Il en résulte un jeu diablement plaisant à jouer sur le long terme, et une histoire fantastique portée par un héros qui a tout pour entrer dans le cœur des fans. Clive Rosfield est humain, de ce fait, il est donc imparfait et déborde de cœur, à l'image du jeu dont il est la figure de proue. Nous avons là une œuvre qui a la plastique d'un jeu digne des consoles actuelles, mais qui a le charme très particulier d'un jeu PlayStation 2. Il va au bout de toutes ses idées, les bonnes comme les mauvaises, et ne cherche pas à reproduire la copie du voisin. Il correspond à la vision de Hironobu Sakaguchi sur la licence dont il est le géniteur, qui estime que chaque nouvel opus doit aller jusqu'au bout de sa proposition, car l'épisode suivant pourra librement en explorer une autre. Comme d'autres opus de la licence avant lui, il ne fera pas l'unanimité, à supposer qu'une telle chose soit possible, et il engendrera de nombreux débats. Il ne fait pourtant aucun doute qu'il va être le Final Fantasy de toute une génération, et que l'épopée de Clive Rosfield a tout ce qu'il faut pour attirer et marquer au fer rouge de nombreux nouveaux joueurs. Un Final Fantasy, avant d'être un jeu de rôle à base de tour par tour, un Action-RPG, ou un Beat Them All, doit être une grande aventure épique qui nous interroge sur le monde et sur nous-même. La mission est accomplie, et cette quête de destructions des Cristaux-mères pour sauver le monde de Valisthéa ne manque pas de symbolisme.
LES PLUS +
- Une histoire riche
- Des personnages marquants
- Clive et Cid
- Un doublage anglais magistral
- L'Active Time Lore
- La musique
- Les combats de Primordiaux
- Une direction artistique qui nous hante
- Le sentiment d'appartenance au repaire
- Des quêtes annexes qui enrichissent BEAUCOUP l'univers
- Le côté jouissif des combos
LES MOINS -
- Des quêtes annexes souvent ennuyeuses à jouer
- Une mise en scène limitée lors des dialogues anecdotiques
- L'absence des faiblesses élémentaires
- Des antagonistes pas toujours approfondis
- Un aspect RPG plus lacunaire que dans certains Light-RPG