L’industrie du jeu vidéo a fortement évolué ces dernières années. En terme de technique évidemment, avec l’amélioration des moteurs et du matériel, mais aussi en termes d’offres et de stratégie. Microsoft a pavé la voie du système de jeu vidéo par abonnement avec son Game Pass, comme Netflix pour la SVOD. PlayStation a décidé d’emboîter le pas de Xbox en renforçant lui aussi son système d’abonnement, appelé tout simplement PlayStation Now. Ce dernier fusionnera avec le PS+ pour en faire un service unique. Mais ces transformations ont-elles su séduire le public ? Suffisent-elles à lutter face à Microsoft et son Game Pass ? Faisons le bilan de ce nouveau PS+.
D’abord un petit résumé de ce qu’est ce service
Commençons donc par un rappel pour les quelques uns au fond qui n’auraient pas suivi. Le PS+ est un système d’abonnement au PlayStation Network, le service en ligne de PlayStation, créé en juin 2010. À l’époque, il servait principalement à jouer en ligne, la gratuité du jeu en ligne s’arrêtant à la PlayStation 3. Mais il offrait aussi quelques bonus sympathiques qu’on continue de retrouver sur le système actuel comme les jeux gratuits chaque mois. PlayStation a ensuite décidé de répondre au Xbox Game Pass de Microsoft, sorti en juin 2014 en insistant sur le PS Now. Malgré la qualité du catalogue, cette offre ne trouva pas son public probablement par un manque de lisibilité. Ainsi, le constructeur japonais décida d’intégrer le PS Now dans le PS+ en juin de l’année dernière.
- Le PS+ Essential est ce qu’était le PS+ à la base. C’est à dire le système d’abonnement au jeu en ligne, ainsi que 3 jeux « gratuits » mensuels, et d’autres petits ajouts, dont le stockage sur le cloud, et le jeu en partage, petite idée très sympathique assez proche de ce que peut offrir Parsec sur PC, c’est à dire la possibilité pour un ami en ligne de rejoindre une session de jeu et partager la partie en « donnant » la manette au dit ami. Ça permet de faire tester des jeux à des amis, ou bien de jouer en multijoueur à des jeux qui ne sont pas pensés pour.
- Le PS+ Extra est un des deux ajouts à ce nouveau PS+. Il ajoute à tout ce qui est proposé dans la formule Essential un catalogue de plus de 400 jeux PS4 et PS5 ainsi que les jeux Ubisoft+ jouables entièrement, et sans limite de temps. C’est le fameux PS Now qui a été fusionné et amélioré et l’équivalent du Game Pass de Microsoft.
- Le PS+ Premium enfin, est le dernier palier, et offre en plus de ce que proposent le PS+ Essential et Extra des versions d’essai à divers jeux de la console ainsi que l’extension du catalogue de location aux jeux rétro PS1, PS2, PS3 et PSP. Mais aussi et surtout depuis tout récemment la possibilité de jouer à des jeux PS5 en streaming, considéré par beaucoup d’acteurs de l’industrie comme le prochain palier du jeu vidéo.
La guerre des services entre Xbox et PlayStation
Évidemment, il serait difficile de parler de systèmes d’abonnements sans parler de Xbox et son Game Pass. L’article ne tournera pas autour de ça bien sûr, nous ne sommes pas sur Xbox Inside. Mais il semble cependant important de rappeler qui est le concurrent direct de Sony dans cette guerre des services pour comprendre ses évolutions et connaître son intérêt. Car comme nous l’avons dit plus tôt, le nouveau PS+ est arrivé en réponse au Game Pass. Puisqu’il ne faut pas l’oublier, ce dernier est le pionnier de cette nouvelle façon de consommer le jeu vidéo. En effet, malgré une arrivée en 2014, il faudra attendre l’année suivante pour qu’un jeu complet y soit introduit, et depuis c’est l’explosion. Considéré comme le Netflix du jeu vidéo, le Game Pass compte tout de même plus de 30 millions de joueurs actifs en théorie aujourd’hui, et a atteint le milliard de dollars de chiffre d’affaire pour Microsoft juste le trimestre dernier. Donc quasiment un tiers du chiffre d’affaire de toute la branche Xbox à lui tout seul. En comparaison, le PS+ compte, quant à lui, 47 millions d’abonnés, mais seulement 30% de ces 47 millions étant abonnés au formules Extra et Premium, c’est à dire environ 14 millions. Ça peut sembler peu, mais de nombreux facteurs peuvent nuancer cette différence de chiffres, d’un côté comme de l’autre. Déjà, l’âge des deux services, le PS Now est techniquement arrivé en 2014, après que Sony ait racheté Gaikai en 2012 et l’ait renommé, mais le service n’a connu de véritable essor qu’en juin 2022 à sa fusion avec le PS+. Il y a aussi le parc de consoles installées, puisqu’il y a près de deux fois plus de consoles PlayStation que de consoles Xbox. Enfin, Xbox compte aussi le parc PC à ses utilisateurs actifs, le Game Pass PC étant une grosse force aussi de chez Xbox.
Tout ceci montre les différences fondamentales entre le Game Pass et le PlayStation +. Les politiques de Microsoft et de Sony ne sont pas du tout les mêmes. Ce qui est confirmé par les récentes prises de parole de Jim Ryan au cours du procès FTC/Microsoft concernant le rachat d’Activision-Blizzard-King (ABK). Le Game Pass n’est pas du tout apprécié par Jim Ryan, qui selon lui « détruirait la valeur des jeux« , et « ne serait pas apprécié par les éditeurs unanimement« . Évidemment, dans un contexte ou la PS5 et Sony en général ont une politique extrêmement concentrée sur les exclusivités et leur qualité, les mettre dans leur système d’abonnement ne serait pas financièrement intéressant pour eux. En effet, quand on voit qu’un jeu comme The Last Of Us Part II a coûté 220 millions de dollars, sans inclure le marketing qui coûte souvent aussi cher que le développement lui même, le mettre dans un abonnement à 15€ casserait effectivement sa valeur financière. Et c’est ici que se trouve la différence. Sony se sert de son PS+ comme d’un catalogue d’appoint, plus proche d’un bonus au côté de ses plus grosses cartouches, en ajoutant des jeux à des périodes plus creuses, ou en remettant sur le devant de la scène des jeux plus anciens, afin de leur apporter un public nouveau. Alors que Xbox lui joue son all-in sur le système de Game Pass, et cherche le plus possible de public, à un prix souvent dérisoire (jusqu’à très récemment, même si il reste des moyens de contourner le système).
Mais alors, qu’est ce que ça vaut aujourd’hui ?
C’est la grande question qu’on se pose quand on voit le titre « Quel est le bilan du PS+ ? ». Et difficile de répondre du tac au tac, puisque la valeur du PS+ changera forcément en fonction de l’offre PS+ que l’on prend. Si la formule Essential est la plus basique, d’où son nom, elle tient tout son intérêt si vous jouez peu, ou jouez tout du moins à peu de jeux différents. Un joueur qui ne jurerait par exemple que par son rank Champion sur Rainbow Six Siege et ne jouerait qu’à ça ne verrait pas forcément l’intérêt d’accéder à un immense catalogue de jeux, mais continuerait de profiter de quelques jeux par mois pour avoir ses petites expériences solo. De plus, difficile de résister au prix de l’abonnement qui, pour 8,99€ par mois, offre 3 jeux. Certes, ils peuvent ne pas intéresser tout le monde, mais cela reste rentable tout en proposant du changement. Il est logique que ce soit l’offre qui n’ait pas changé à la fusion, mais aussi celle qui attire le plus de monde.
Mais la véritable question que nous nous posons c’est que vaut le PS+ d’aujourd’hui, et donc que valent les nouvelles offres du PS+ ? Et là ce sera plus mitigé. Le PS+ Extra offre un catalogue vaste et éclectique. Cependant, tout comme chez la concurrence, un système de renouvellement se fait, et beaucoup de jeux sortent du service au profit de nouveaux. Et si vous n’aviez pas fini l’un de ces jeux, tant pis pour vous, à moins de l’acheter au prix fort. Mais c’est surtout cette différence de politique avec le Game Pass qui lui fait défaut. Pendant que le service de Microsoft propose toutes leurs exclusivités day one, le PS+ lui n’offre ses plus grosses cartouches que bien plus tard. Ainsi, exit The Last Of Us, God Of War Ragnarök, Final Fantasy XVI, ou encore Forspoken (pas tant un défaut que ça en fait). Au total c’est 154 nouveaux jeux qui auront été ajoutés cette année au catalogue, mais aucun particulièrement récent hormis les sorties Day One de Stray, Humanity et Tchia. Ce dernier étant d’ailleurs le jeu le plus joué du service cette année, devant les Spider-Man et autres Red Dead Redemption II, et Ghost of Tsushima étant le jeu qui a été le plus longuement joué cette année. La valeur que ce PS+ peut donc avoir pour le constructeur et les éditeurs, les joueurs la perdent en partie, en comparaison avec le Game Pass. Mais Jim Ryan et PlayStation pensent que c’est pour le mieux et difficile de ne pas voir les arguments, au vu des sommes astronomiques déployées pour le développement de certains de leurs jeux.
Nous avons la sensation d’être au cœur d’un cercle vertueux avec les studios, où les investissement mènent à du succès, permettant de nouveaux investissements et donc encore plus de succès. Nous aimons ce cycle, et nous pensons que notre public aussi aime ce cycle. Si nous devions faire ça (à propos des exclusivités Day One dans le catalogue PS+) avec les jeux que nous faisons chez PlayStation Studios, ce cercle vertueux serait détruit. Le niveau d’investissement dont nous avons besoin au sein de nos studios ne serait pas possible, et les répercussions que cela aurait sur la qualité de nos jeux font de tout ça quelque chose que les joueurs ne veulent pas.
Jim Ryan, chez GamesIndustry.biz
Enfin, le PS+ Premium lui, est probablement celui qui, pour le moment, a le moins de valeur pour le public. Tout d’abord de par son catalogue rétro famélique, agrémenté de seulement 35 nouveaux jeux en un an, 21 jeux PlayStation 1 et 14 jeux PSP. Dans ces ajouts, aucun jeu PlayStation 2, et pour cause, l’émulateur utilisé pour les faire tourner étant totalement à la ramasse. En effet, le peu de jeux PS2 présents tournant avec de gros problèmes d’artefacts, et surtout une faille majeure qui permet aux joueurs de pirater l’émulateur et y mettre leurs propres ISO PS2 trouvés sur le net. Ainsi l’atout majeur du PS+ Premium, qui est sa rétrocompatibilité, reste très en retrait de ce qu’il aurait dû fournir. Les essais de jeux étant un ajout sympathique mais très négligeable au prix de 17€ par mois. Reste l’accès aux jeux PS5 en cloud qui arrive très prochainement mais reste pour le moment au stade de l’expérience, à voir ce que ça pourra donner dans le futur, puisque nous savons que Sony a encore du mal à s’en sortir dans le monde du cloud gaming.
Un service qui reste plus proche du gimmick que du Game Pass killer
En somme, le PS+ nouvelle formule est un service louable, encore très jeune, mais qui apporte un certain plus (notez le jeu de mots fin) à son système d’abonnement. Il est d’ailleurs un énorme succès déjà en comparaison avec son prédécesseur, puisque 7 fois plus de temps a déjà été passé sur le PS+ que le PS Now. En outre, l’obligation d’avoir l’abonnement au PS+ Essential pour jouer aux jeux en ligne, incluant trois jeux offerts par mois reste très agréable, et la qualité des softs proposés est souvent au rendez-vous. Les jeux de juillet du PS+ par exemple étant Alan Wake Remastered, un TPS horrifique au gameplay certes un peu daté, mais à l’univers et au ton excellent, rappelant le meilleur de Stephen King et de Twin Peaks; Call Of Duty Cold War, un shooter on-ne-peut-plus réputé, mais qui continue d’attirer et garder les joueurs, surtout depuis la renaissance de la série avec le reboot de Modern Warfare; mais aussi Endling, une production plus indépendante traitant de la biodiversité et de l’influence que l’Homme peut avoir sur elle. Le catalogue de jeux disponibles au sein de la formule Extra est, elle, la bienvenue. Les grosses sorties s’agglutinant souvent aux mêmes moments laissant des périodes plus creuses, ces moments deviennent propices à l‘exploration des différents jeux disponibles dans le catalogue pour trouver la prochaine petite pépite inconnue ou oubliée. Seul le PS+ Premium reste pour le moment sur la touche, les jeux rétros proposés étant bien trop peu nombreux et les offres d’essais pas assez intéressantes. Reste à voir si PlayStation réussira ou non sa formule de cloud gaming, puisqu’on peut voir qu’ils s’y investissent de plus en plus, avec notamment le Project Q, leur nouvelle « console » dédiée au cloud gaming et au remote gaming.