Tarak Chami. Si vous ne connaissez pas ce nom, il est temps pour nous de combler cette lacune. Tarak est le créateur de deux ouvrages dédiés au grand Hideo Kojima, dont le dernier présenté ici : « A Hideo Kojima Book: Tomorrow is in your hands ». Il s’est aussi fendu d’un troisième livre, dédié à Yoji Shinkawa, le précieux illustrateur affilié à Kojima. Livres hommages, ces derniers traduisent tout l’amour des joueurs pour une des rares superstars du jeu vidéo. En effet, tout titre signé Kojima Productions a de fortes chances de vous déstabiliser. Mais sachez qu’au bout du chemin, grandi vous serez…
Le dernier ouvrage de Tarak en est la preuve incontestable, quasiment irréfutable. Bouleversant, on en ressort effectivement grandi, comme on ressort d’un jeu signé de la patte du maître Kojima. À croire que le créateur japonais et ses collaborateurs ont la capacité d’amorcer une démarche réflexive sur le médium jeu et sur les joueurs eux-mêmes, sur les « fans ». Car l’ouvrage, approuvé par ces derniers et d’évidence créé par un passionné de la même école, a comme particularité d’avoir saisi la matière de Death Stranding pour la condenser en un même lieu et la répandre avec une force inébranlable.
Ce sont des dizaines et dizaines de cosplayeurs, dessinateurs, sculpteurs, créateurs et invités en tout genre qui regorgent de matière à partager, d’un vécu avec cette œuvre vidéoludique qui ne peut que faire écho à la crise pandémique que nous continuons de traverser, de (ré)appropriations culturelles si différentes, opposées ou complémentaires… Il serait impossible de résumer ce recueil de fans, c’est si subjectif et chacun se fera son top d’artworks, de cosplayeurs et de communautés favoris. Du moins, c’est ainsi que nous avons procédé chez PlayStation Inside. Et voici une belle galerie du livre, que nous ne pourrions vous exposer sans l’accord de Tarak, qui nous a fourni sans hésiter cette belle sélection de photographies. Cela vous donnera déjà un aperçu du travail colossal qu’il a pu abattre, autant pour contacter les nombreux talents présents dans son livre que pour mettre en valeur leurs créations, justement. Mais ce dernier nous a confessé ne pas avoir pris la tâche comme un boulot « tellement cela a été fait avec passion et plaisir » ! Nous le félicitons tout de même pour la grandeur de son projet et voyons bien en ce dernier les nombreuses heures dédiées (en plus et en parallèle de son emploi, notons-le).
Présentation et extraits de l’ouvrage « A Hideo Kojima Book : Tomorrow is in your hands »
Maintenant que vous pouvez mettre des visuels sur le livre de 336 pages qu’a conçu Tarak Chami, il nous semble important de vous présenter sa construction. Une fois l’édito de Tarak et l’avant-propos de Sullivan Rouaud (directeur de la collection d’HiComics et analyste sur Medium, entre bien d’autres choses) lus, c’est à environ 180 pages d’artworks en tout genre que vous serez confrontés, puis pas loin de 90 pages de cosplay. Puis de nombreuses communautés (comme French Stranding) seront présentées juste après. Enfin, un certains nombres d’invités (journalistes, game directors, acteurs, …) se fendront d’un mot sur leur lien avec Death Stranding.
Avant de laisser l’ouvrage « parler », notez que les illustrations sont systématiquement accompagnées d’une biographie de l’artiste et d’un autre texte revenant sur sa relation avec l’œuvre de Kojima. C’est bien ici que les nombreux artistes ont su nous captiver. Voici une sélection de mots et de créations qui nous ont peut-être parlé plus que d’autres… Surtout, nous vous offrons ce petit avant-goût pour vous démontrer que les jeux signés Kojima ont de réels pouvoirs sur tous les fans-créateurs… c’en est touchant !
Hideo Kojima est ma source inépuisable d’inspiration et de motivation. Son dynamisme créatif et son imagination sont imbattables. Ce que j’aime dans son travail, c’est qu’il laisse une marque sur vous, ses créations ne vous lâchent pas, même lorsque vous en avez fini depuis longtemps avec elles.
Nikola Čižmešija, page 128
J’adore le fait que l’on puisse sentir qu’un jeu est fait par Kojima, avec son humour, sa grande narration, sa musique et ses personnages plus cool les uns que les autres. Un sentiment si familier et chaleureux.
Seren Sonlu, 160
Ma fille me regardait jouer et je me souviens qu’elle me regardait pendant que je voyageais dans le jeu. J’étais surchargé, épuisé, lorsque j’ai atteint le bord d’une falaise et que j’ai vu un bâtiment Bridges, j’étais soulagé mais inquiet en même temps car je n’avais pas d’échelle ou d’ancrage d’escalade à disposition. J’ai donc fait la descente lentement tout en équilibrant le sac. J’ai atteint le fond et les premières notes de la musique de Low Roar ont commencés à jouer. J’ai regardé à travers le paysage brumeux. À ce moment-là, ma fille m’a dit : « C’est tout simplement magnifique », ce à quoi je ne pouvais que souscrire !
Crowsmack, page 32
Kojima ne se contente pas de créer des scénarios incroyables, il a aussi le don d’ajouter une certaine profondeur à ses personnages et, avec les superbes illustrations de Yoji Shinkawa, ils donnent vie à leurs protagonistes et leur donnent vraiment du cœur, devenant ainsi des icônes du jeu vidéo.
Matthew Lai, page 118
Death Stranding m’a incroyablement inspiré, non seulement pour créer un cosplay, mais aussi pour développer une carrière de concepteur de jeux.
Kate Nori, page 236
J’ai pu identifier mon personnage de The Walking Dead et le relier à Sam Bridges.
Emmanuel Karsen, voix française de Norman Reedus
USA, Philippines, Chine, Argentine, Angleterre, Brésil, France, Finlande et nous en passons énormément tant les artistes réunis dans cet ouvrage sont disséminés aux quatre coins du monde. Tarak est parvenu à les reconnecter en un même lieu, celui du livre « A Hideo Kojima Book : Tomorrow is in your hands ». La démarche est très forte et nous vous invitons sincèrement à (re)découvrir toutes les œuvres de fans dévoués pour la dernière création de Kojima-san. Vous avez sans doute déjà pu comprendre à travers ces extraits qu’ils ont détourné la licence d’autant de manières qu’on pourrait imaginer, et même au-delà, chaque artiste avec son style, ses techniques. Mais aussi son rapport au jeu, à l’expérience vécue manette en mains et aux autres souvenirs rattachés au grand créateur japonais. Quelques uns ont ri, pleuré, d’autres confessent avoir toujours eu le monde de Death Stranding coincé dans leur esprit… Une dernière fois, nous vous invitons vivement à parcourir ce livre que Tarak met gratuitement à disposition de tous, via les liens dans le tweet ci-dessous. Vous pourrez d’ailleurs en profiter pour télécharger les PDF de ses ouvrages précédents, réalisés avec le même soin et le même besoin de partage. Donc, avis aux « fans » de Metal Gear Solid, notamment. Puis si le cœur vous en dit, Tarak propose aussi A Hideo Kojima Book : Tomorrow is in your hands sur etsy, en version imprimée et avec trois tirages exclusifs. Les tirages n’étant pas ceux d’une immense maison d’édition, il n’en reste qu’une petite dizaine au moment où nous postons cet article, donc foncez !!
En quoi la démarche de Tarak Chami est-elle nécessaire ?
Vous êtes en droit de vous poser cette question, surtout lorsque j’ai titré l’article avec ce mot si fort en un sens. Trois universitaires de renom, Henry Jenkins, Mizuko Ito et Danah Boyd, ont écrit un ouvrage collectif autour du concept de culture participative. Dans sa traduction en langue française, le livre résonne avec le travail de Tarak dès sa préface (rédigée par Hervé Le Crosnier). Jugez plutôt !
Les industries culturelles présentent souvent la culture légitime en le limitant à ce qui va d’un créateur, relayé par un appareil médiatique, vers un lecteur / auditeurs / spectateurs considéré comme réceptacle passif. La contribution de l’usager se mesure donc à l’intensité de ses achats des produits culturels commerciaux. Il devient dès lors important d’étudier et de valoriser l’autre face de la culture : ce qu’elle change chez les individus et les groupes lorsque ceux-ci s’en emparent.
Hervé Le Crosnier (page 6) dans Jenkins, Henry, Mizuko Ito, Danah Boyd, Bruno Barrière, et Hervé Le Crosnier. Culture participative: une conversation sur la jeunesse, l’éducation et l’action dans un monde connecté, 2017.
C’est exactement ce qu’a fait Tarak avec ses ouvrages, il a valorisé l’autre face de la culture. Et même plus, via la création d’un tel recueil, il a aussi sauvegardé si ce n’est patrimonialisé plusieurs centaines d’œuvres d’artistes ayant puisé leur inspiration dans les jeux de Kojima-san (entre autres). Pour autant, ces artistes ont conçu des œuvres bel et bien originales, méritant tout autant que les illustrations de Shinkawa-san, un écrin digne de ce nom pour les préserver de la volatilité des réseaux sociaux. C’est précisément ici que Tarak est intervenu. Et comment ne pas saluer sa démarche, à minima. Chez PSI, nous le remercions directement d’un tel travail, permettant de faire connaître au plus grand nombre les fabuleux agissements de tout un rassemblement d’artistes amateurs, confirmés ou en devenir mais systématiquement talentueux.
Le créateur des hommages signés par la référence détournée « A Hideo Kojima Book » épouse encore plus la beauté de cette culture participative en rendant accessible les livres gratuitement dans leur version électronique. En fin de compte, il fait pleinement écho à la définition (en tant que modèle descriptif) de la culture participative : « elle couvre un ensemble de pratiques centrées sur des formes accessibles et collectives de production culturelle et de partage« (Jenkins, Henry, Mizuko Ito, Danah Boyd, Bruno Barrière, et Hervé Le Crosnier. Culture participative: une conversation sur la jeunesse, l’éducation et l’action dans un monde connecté, 2017).
Nous vous encourageons donc à soutenir Tarak, déjà en lisant ses ouvrages, et en lui laissant un petit mot sur Twitter par exemple. Puis si vous avez les moyens et l’envie, nous vous rappelons que sa page Etsy pourrait bien vous intéresser, mais dépêchez car les tirages ne sont pas illimités… Pour suivre Tarak sur les réseaux (et son actualité), c’est ici pour Twitter et là pour Facebook.
Juste avant de partir, nous avons un « One More Thing ! » en quelque sorte. Sachez que le magazine papier du média français totalement indépendant S!CK sort en avril un numéro dédié à la légende Metal Gear Solid. Et devinez quoi… Tarak Chami y fera une apparition. La campagne de financement et de précommande sur Kiss Kiss Bank Bank s’est achevée avec brio, nous vous recommandons de garder un oeil sur le shop de S!CK ou de vous abonner, car ce numéro 17 pourrait bien en réjouir plus d’un !
Commentaires 2