Il y a dix jours, Sony organisait un State of Play dédié aux jeux indépendants à venir sur PlayStation, dont vous pouvez retrouver le résumé ici. À la fin des quelques 20 minutes de présentation, la déception de la plupart des joueurs était à la hauteur de l’attente que la firme japonaise avait involontairement provoquée, posant la question de la nécessité de dédier un évènement aussi important et connoté qu’un State of Play pour des jeux à l’audience restreinte. Dans cette analyse, PlayStation Inside revient sur les avantages et inconvénients d’une telle pratique, et essaie d’esquisser des perspectives de communication alternatives pour mieux promouvoir les jeux indépendants.
Une communication non maîtrisée
Dans la construction des attentes des joueurs, la communication et sa dimension marketing jouent un rôle central. Lorsque cela est bien maîtrisé, les constructeurs et éditeurs se garantissent des audiences considérables pour leurs présentations, avec l’objectif de faire naître une impatience qui se traduira à la sortie du jeu en question par des ventes à la hauteur des investissements consentis dans la production. Jusque-là, rien de révolutionnaire.
Le bât peut blesser parfois dans la surenchère de marketing. Vous pouvez le constater sur les affiches de films ou les promotions des jeux, la lutte pour le plus grand superlatif va toujours plus loin. Un jour, un jeu est « monumental », et l’autre, un film est « important et indispensable ». Dans ce petit jeu de la captation de l’attention, les communicants peuvent commettre des erreurs qui leur reviennent ensuite, tout en faisant des victimes collatérales.
Sur la question du State of Play du 28 octobre, c’est exactement le piège dans lequel Sony est (volontairement ?) tombé : dans l’annonce de l’évènement faite le 22 octobre sur le PlayStation Blog, les mots utilisés ont eu leur importance. Sony nous donnait en effet rendez-vous pour des présentations de titres « d’éditeurs tiers » sur PS4 et PS5, sans plus de précisions. Comme cela était prévisible, un immense jeu de spéculations, auquel nous avons aussi participé, s’est lancé. En ne mentionnant que « les éditeurs tiers », Sony a laissé penser que tous types de jeux pouvaient être montrés, sans distinction de la qualité des développeurs, à savoir indépendants ou non.
C’est ainsi que plusieurs organes de presse et influenceurs sur les réseaux sociaux ont parlé de rumeurs sur Hogwarts Legacy, le jeu d’Avalanche Software, ou encore Final Fantasy XVI ou Elden Ring. Et en réalité, même si certains articles ont été excessifs, comment en vouloir aux journalistes de spéculer et de créer eux-mêmes une attente se traduisant en lectures et clics pour eux, quand Sony ne parlait que d’éditeurs tiers ?
À la fin, le résultat a été négatif pour tout le monde :
- Pour les joueurs : attendant monts et merveilles, les joueurs se sont connectés en masse pour suivre un State of Play qui, finalement, n’a porté « que » sur des jeux indépendants, qui pour la plupart ne visent pas particulièrement l’audience qui les a regardés, occasionnant de grandes déceptions matérialisées sur les réseaux sociaux et en commentaires des lives.
- Pour la presse : engagés dans une course à la plus folle rumeur sur les plus gros jeux tiers, une partie des organes de presse s’est retrouvée quelque peu décrédibilisée par les annonces du State of Play.
- Pour les développeurs indépendants : victimes collatérales de la communication non maîtrisée de Sony, les développeurs indépendants, heureux de disposer d’une plateforme aussi importante que le State of Play, ont vu leurs titres dépréciés par une partie des joueurs, déçus de leur échelle.
- Pour Sony : en « trompant » les attentes des joueurs avec la mention des « éditeurs tiers » sans préciser qu’il parlait des indépendants, Sony a pris le risque de réduire l’attractivité de la marque State of Play, sur laquelle les joueurs seront désormais plus circonspects, tout cela se traduisant peut-être en audiences moindres lors des prochains évènements.
Que faut-il changer : la communication ou le nom de la marque ?
Depuis quelques années, Sony privilégie les conférences streamées à celles réalisées en public, aux plus grandes heures de l’E3. À ce titre, la firme japonaise a créé deux marques pour ses évènements en ligne :
- Le State of Play, qui peut aller de la présentation d’un seul jeu (Horizon Forbidden West cette année) à l’annonce de plusieurs titres, qu’ils soient exclusifs, tiers ou indépendants.
- Le PlayStation Showcase, qui est dédié aux conférences de taille avec des annonces majeures, comme la présentation de la PS5 ou de blockbusters comme Marvel’s Spider-Man 2.
De ce duo d’évènements, la séparation semble claire : aux State of Play les présentations « mineures » ou peu longues dans leur durée, et aux PlayStation Showcase les moments majeurs de la communication de Sony. Avec le State of Play du 28 octobre cependant, une nouvelle question se pose : comment construire l’attente des joueurs de manière responsable, pour ne pas se faire critiquer en retour ?
À cette question, nous voyons deux solutions :
- La première solution serait d’adapter la communication à l’importance des titres que Sony souhaite mettre en avant. Sans changer la marque « State of Play », il apparaîtrait judicieux de simplement être précis lors de l’annonce des évènements, en mentionnant par exemple à quelle catégorie de jeux le prochain State of Play sera dédié : les indépendants, les gros jeux tiers, les exclusivités.
- La seconde solution serait de créer une nouvelle image de marque pour les conférences dédiées aux jeux indépendants. À l’image de ce que fait Nintendo avec ses « Indie World », Sony pourrait créer un nouveau nom pour les évènements indépendants. Cette gradation dans l’importance des annonces, du Showcase aux State of Play et aux troisièmes conférences, permettrait à PlayStation de ne pas gâcher ses effets d’annonce, et aux joueurs et à la presse de savoir à quoi s’attendre. Un résultat qui satisferait tout le monde.
N’oublions pas de respecter les développeurs indépendants avant tout
Comme mentionné dans la première partie, les seuls acteurs qui ont vraiment souffert des répercussions du State of Play du 28 octobre ont été les développeurs indépendants. Invités à présenter leurs jeux dans un évènement majeur – ce qui représente une énorme opportunité – ces studios ont récolté par la suite des critiques injustifiées, car la communication autour du State of Play n’était pas de leur fait.
Dans ce sens, même si nous invitons en deuxième partie à des changements dans la communication de Sony, cela ne signifie pas la dépréciation des jeux indépendants. Nous sommes conscients et nous appelons avant tout au respect de ces studios. Il ne faut pas oublier la difficulté de développer ce genre de jeux, et constamment saluer les opportunités de communication qui leur sont permises chez les grands constructeurs.