The Last of Us reçoit encore à ce jour les éloges de la presse et des fans de jeux vidéo. Nous apprenions en janvier que la franchise avait vendu 37 millions de copies au total. La série a également battu des records d’audience. On peut considérer que The Last of Us est un phénomène culturel. Cependant, il ne s’agit pas que d’une aventure visuelle, mais avant tout d’un périple vidéoludique. Si les forces de The Last of Us en termes d’écriture ne sont plus à démontrer, qu’en est-il du gameplay ? Est-il une référence du genre ?
The Last of Us est paru en juin 2013, à quelques mois seulement de la sortie de la PlayStation 4. À bien des égards, il s’agit du bouquet final de la PS3. Le jeu est apparu lors de la fin de la vie de la console et a puisé jusque dans ses dernières ressources. La PlayStation 3 a longtemps été handicapée par une architecture complexe. De nombreux développeurs travaillant sur plusieurs plateformes se sont exprimés à ce sujet au fil du temps.
La PlayStation 3 me rend la vie beaucoup plus difficile en tant que développeur de software. Soudainement, je suis censé trouver comment faire tourner un jeu sur ce système à microprocesseur multi-coeurs asymétriques, alors que je n’ai jamais écrit une seule ligne de code multi-coeurs. Ce n’est pas comme si j’étais fébrile à l’idée de me dire “il faut que je retravaille l’architecture de chaque ligne de code que j’ai déjà écrit pour les faire fonctionner. »
Gabe Newell, directeur de Valve
Les jeux multiplateformes étaient souvent mieux optimisés sur Xbox 360. Pour autant, la PS3 avait un potentiel supérieur à la concurrence, même s’il était difficile à exploiter.
The Last of Us est le jeu qui a le mieux su le démontrer. Sa qualité visuelle est encore très impressionnante à ce jour.
Ce résultat, Naughty Dog le doit à sa longue expérience de développement sur la PS3. Sur les talons de la série Uncharted, The Last of Us bénéficie de toutes les compétences acquises par le studio californien dans la création d’exclusivités. Visuellement, ce jeu représente le pinacle de ce qui était possible sur la console de Sony. Mais si les qualités de The Last of Us s’arrêtaient à l’aspect visuel, le jeu ne serait pas devenu le monument vidéoludique qu’il est aujourd’hui. Après un DLC, une suite, un remake et une série télévisée, The Last of Us est peut-être la plus grande licence de Sony en termes d’impact culturel.
La narration, les personnages et la relation entre Joel et Ellie font partie des aspects les plus marquants. Cependant, la question de la jouabilité est souvent éclipsée au profit des autres qualités du titre. Examinons cette question un peu plus en détail. Si, visuellement, The Last of Us a su marquer les esprits, le gameplay est-il une référence du genre ?
Les contrôles : le mapping des boutons
L’étape la plus élémentaire pour déterminer la qualité d’un jeu est l’ergonomie de ses boutons. Cette étape, que l’on prend maintenant pour acquise, n’a pas toujours été l’évidence même. La génération PlayStation 3 / Xbox 360 a eu la particularité d’être celle qui a codifié le schéma de contrôles commun utilisé dans la plupart des jeux de tir.
Sur PC, il a longtemps été admis que les touches ZQSD servent à se déplacer. La touche CTRL permet de s’accroupir, et la barre espace permet de sauter. Ces codes sont apparus presque aussi tôt que les fonctions correspondantes. Il faut dire qu’il y avait une prépondérance de point & click et de jeux de tir parmi les premiers jeux PC. Ces jeux se sont donc rapidement créés un répertoire de contrôles commun. Sans ça, le nombre de touches sur un clavier aurait rendu hasardeux le fait de devoir deviner quel bouton fait quoi pour chaque jeu.
Les consoles, de leur côté, ont connu un éventail de genres beaucoup plus vaste, des jeux de course aux jeux de plateforme. Les shooters ont occupé un espace très faible du marché consoles jusqu’à Halo. Celui-ci a fait bondir le genre en popularité en résolvant nombre de problèmes relatifs à la précision du tir au joystick. C’est donc durant la période de la PlayStation 2 que s’est posé le problème de savoir quel bouton devrait faire quoi. Le nombre de touches sur une manette est beaucoup plus restreint que sur PC. Pour cette raison, les développeurs ont cherché à tâtons comment configurer au mieux les actions sur un périphérique disposant de quatre boutons sur le devant, quatre gâchettes au dos, deux joysticks et une croix directionnelle. Les résultats étaient parfois différents de ce à quoi on peut s’attendre.
Ceci est mis en lumière par l’exemple ci-dessus. Jak 3, le troisième jeu de la série des Jak and Daxter par Naughty Dog, est sorti en 2004 sur PS2. Il possède un schéma de contrôles similaire aux jeux modernes, mais assez différent pour déstabiliser. La touche pour tirer avec une arme est R1. Carré permet de donner un coup de poing, et rond, un coup de pied. Le bouton L1, lui, permet de s’accroupir.
Ces contrôles ne correspondent pas tout à fait aux standards modernes. Si vous preniez un nouveau jeu en main et que l’on vous demandait quelle touche permet de s’accroupir, vous répondriez certainement rond. Si l’on vous demandait comment tirer, vous répondriez R2. Pour les coups de poings et les coups de pieds, vous répondriez respectivement carré et triangle. Jak 3 reste cependant relativement moderne. D’autres exemples beaucoup plus fantaisistes existent à la même époque.
Revenons-en à The Last of Us.
The Last of Us suit à la lettre l’archétype des contrôles modernes. Chaque action est associée au bouton auquel on pourrait s’attendre. Sans jamais y avoir joué, on peut intuitivement deviner quel bouton fait quoi. Le jeu démontre avec une approche méthodique la science du placement des boutons, de la maniabilité de la caméra, du système de visée et de tir, de l’ergonomie au service du joueur. C’est un jeu dont la prise en main est délibérément sans friction, simple et intuitive.
Peut-on donc parler d’un gameplay qui est une référence du genre, voire même d’un gameplay parfait à partir de ça ? Pas forcément. L’ergonomie n’est que le premier critère. Néanmoins, il est important de souligner que la prise en main du titre témoigne d’un grand degré de maitrise acquise par les équipes de Naughty Dog.
Le rythme du gameplay : exploration, infiltration, action
Le gameplay de The Last of Us est bâti autour de trois axes distincts. Les phases d’exploration, d’infiltration et d’action. Il s’agit d’un cycle visant à contrôler le rythme du jeu. Ces pôles fonctionnent avec un très haut degré de synergie.
Durant l’exploration, le jeu étoffe la relation entre les personnages ainsi que l’environnement. Il met en place le contexte : le temps, le lieu, l’état d’esprit des protagonistes. Il s’agit d’un temps de répit très appréciable durant lequel se déroule la grande majorité de la narration de l’œuvre.
De son côté, le joueur profite de cette phase pour préparer sa prochaine rencontre face aux ennemis : il explore chaque recoin à la recherche de ressources, il craft, il améliore ses armes. Le mariage entre l’exploration d’un monde post-apocalyptique en ruine, la sincérité des interactions entre Joel et Ellie, et la satisfaction inhérente à bâtir un stock d’armes et de munitions, fait du segment d’exploration une partie très agréable du jeu.
Cependant, si The Last of Us ne consistait qu’en des phases d’exploration, il serait vu comme ennuyeux. Ce serait un jeu conceptuel à l’image de Death Stranding. La proposition de Death Stranding se base presque entièrement sur la navigation d’un parcours. C’est un jeu qui a été fortement décrié, souvent vu comme un labeur, qualifié de “simulateur de postier”. Et là encore, même Death Stranding s’est vu contraint d’inclure des phases d’action par peur de lasser le joueur.
The Last of Us ne peut donc pas reposer que sur ce rythme. Les interactions entre Joel et Ellie, aussi intéressantes soient-elles, tomberaient à plat si elles ne faisaient pas régulièrement face à l’adversité. Donc, le jeu entrecoupe cette exploration avec d’autres segments.
Souvent, c’est l’infiltration qui suit. Nos héros rencontrent un groupement de survivants ou d’infectés. La tension monte d’un cran, le danger suggéré par l’environnement se concrétise. Le joueur s’accroupit, comprenant instinctivement qu’il va devoir naviguer le duo à travers une nouvelle épreuve.
La phase d’infiltration demande un haut degré de réflexion. Elle repose sur des mouvements lents et délibérés, l’observation et l’anticipation du comportement des ennemis. C’est dans cette phase que la mise en scène brille le plus. Le joueur épie ses adversaires qui ne savent pas qu’ils sont observés. Il écoute leurs dialogues tout en se préparant à les éliminer méthodiquement ou à les éviter.
Il s’agit d’un moment où la concentration du joueur est à son paroxysme. L’issue de cette séquence est binaire : soit vous trouvez comment passer le niveau sans vous faire repérer, soit vous échouez. C’est un rythme de jeu exigeant qui a tendance à fatiguer. Demander au joueur de rester trop longtemps dans cette phase, c’est prendre le risque qu’il commette des erreurs et se frustre. Il peut alors tomber dans une boucle où la frustration créée de nouvelles erreurs jusqu’à ce qu’il ne finisse par abandonner.
C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de pénalité excessive qui forcerait à recommencer cette phase encore et encore. Au contraire : si l’on réussit à s’infiltrer, on est récompensés par la satisfaction d’avoir su déjouer les scripts et l’IA des ennemis. Si l’on échoue, c’est une récompense d’un autre type qui nous attend : la phase d’action.
L’action est le point d’orgue de chaque cycle. Tout ce qui a été bâti jusque là, le contexte narratif, le sentiment de danger imminent, les préparations du joueur, sont autant d’artifices qui sont mis en place en vue du bouquet final qu’est la séquence d’action.
Celle-ci est bâtie sur un principe simple : survivre à ses adversaires par tous les moyens. Brûler toutes les ressources que l’on a accumulées afin de maintenir en vie les héros auxquels on s’est attaché. L’action de The Last of Us est à la fois intense et brutale. Les ennemis sont dangereux, mais Joel l’est tout autant. Il y a une frontière très mince entre la réussite et l’échec. Le moindre faux pas peut coûter la vie à nos protagonistes. C’est pour cette raison que cette phase est aussi haletante.
Cependant, si l’action était constante, elle deviendrait vite lassante. Les affrontements se confondraient entre eux dans un brouillard de tirs et d’explosions. Sans la préparation du joueur, sans les enjeux narratifs, il ne resterait là encore qu’un labeur que le joueur effectue de manière mécanique sans trop savoir pourquoi.
En somme, The Last of Us doit son succès à sa maîtrise du rythme. L’enchaînement de cycles exploration, infiltration et action permet un renouveau constant.
L’efficacité de cycle n’est pas à démontrer. Là encore, il s’agit d’un rythme qui a fait ses preuves au cours de la génération PlayStation 3. La série des Batman: Arkham en est l’exemple le plus criant. Batman: Arkham propose de nombreux combats au corps-à-corps, de l’infiltration et de l’exploration, souvent sous forme de puzzle. Tout comme The Last of Us, les jeux Batman de Rocksteady parviennent à garder l’attention du joueur comme aucun autre jeu grâce à la précision avec laquelle ces phases s’enchaînent.
Les différents types d’ennemis
Il y a un autre élément tout aussi important que Batman: Arkham gère avec brio. Il s’agit du renouvellement des enjeux. Au cours d’un jeu Batman: Arkham, la difficulté se corse. Les ennemis utilisent de nouvelles armes, de nouveaux équipements. Alors que le joueur, dans le rôle de Batman, prend l’habitude d’utiliser les gargouilles pour se déplacer dans l’ombre pendant les phases d’infiltration, celles-ci deviennent piégées, forçant le justicier masqué à adapter ses stratégies.
Il en va de même pour The Last of Us… mais pas suffisamment. Les infectés se déclinent en différentes variations. Il y a les coureurs, les rôdeurs, les claqueurs, et enfin les colosses qui font office de boss. Chacun de ces ennemis demande au joueur une approche très différente. Les coureurs demandent d’être réactif, de les éliminer avant d’être submergé. Les rôdeurs requièrent d’être attentif à l’environnement. Les claqueurs poussent à l’infiltration, tandis que les colosses doivent être affrontés avec toutes les ressources disponibles.
Ces variations demandent de la flexibilité de la part du joueur. Celui-ci est forcé de renouveler en permanence son approche des différentes situations. Cette diversité est un point en faveur du jeu, mais ces ennemis ne représentent qu’une face de la pièce. L’autre face, c’est les êtres humains : la FEDRA, les survivants, les Lucioles. Eux, en revanche, manquent cruellement de diversité. Il n’y a aucune différence notable entre les soldats de la FEDRA que vous affrontez au début du jeu et les Lucioles tout à la fin. Ce sont peu ou prou les mêmes ennemis, face à qui vous emploierez les mêmes tactiques. Il n’y a pas de renouveau, ce qui est dommage étant donné l’attention dont ont bénéficié les infectés.
Heureusement, le jeu diversifie suffisamment les modalités de rencontres avec les ennemis humains du jeu pour que ce défaut ne soit pas trop handicapant. Différentes quantités d’adversaires, des placements différents et des environnements variés permettent d’éviter la lassitude.
Les armes : différentes fonctions au service de l’action et de l’infiltration
Une des priorités dans le design des armes pour un jeu de tir est d’avoir des fonctions variées. Plus l’arsenal du joueur permet de répondre à des situations différentes, plus il est incité à l’utiliser dans son intégralité sans que certains pétoires paraissent redondants.
Dans The Last of Us, l’équipement de Joel répond à cet impératif à merveille. Il se divise en plusieurs catégories : les armes de poing, les armes longues, les objets à lancer, et ceux à utiliser au corps-à-corps. En ce qui concerne les armes à feu, celles-ci ont des fonctions suffisamment variées pour avoir une utilité qui leur est propre.
Le pistolet et le révolver ont des propriétés différentes. Le pistolet est plus rapide, plus maniable, se recharge plus facilement et dispose de plus de munitions dans le chargeur. Le revolver fait plus de dégâts. Chacun peut avoir son utilité selon la situation et le type d’ennemis à affronter.
Du côté des armes longues, une vaste pléthore d’armes uniques s’offre au joueur. Le fusil de chasse est puissant et précis, mais il doit être rechargé entre chaque tir. L’arc est silencieux, ce qui en fait l’arme parfaite pour les phases d’infiltration. En plus de ça, les flèches peuvent être récupérées, ce qui permet d’économiser des munitions. Enfin, le fusil à pompe est puissant à courte portée. Il permet donc d’écarter la menace la plus immédiate.
Outre ces armes principales, d’autres variations telles que le canon scié ou “El Diablo” proposent des alternatives amusantes à ces fonctions de base.
Parce que The Last of Us dispose d’un système de corps-à-corps, Joel peut choisir avec quelle arme de mêlée il va attendrir le foie de sa cible. Ici, le choix est beaucoup plus simple : tout ce qui vous tombe sous la main. Les armes de mêlée ont une durée de vie limitée. Elles sont cassables. Chacune dispose d’une durabilité et d’une efficacité différente, mais toutes finissent par se briser. Ce système permet d’équilibrer le combat à corps-à-corps, chacune de ces armes permettant de vaincre la plupart des ennemis avec une facilité déconcertante.
Les armes de lancer, elles, sont au nombre de trois : le cocktail molotov, la bombe à clou et la bombe fumigène. Le joueur peut également ramasser divers objets tels que des briques ou des bouteilles pour les lancer sur les ennemis.
C’est avec ces objets courants que survient un gros problème d’équilibrage. Les cocktails molotovs et les bombes doivent être fabriqués, et ils sont coûteux en ressources. Mais les bouteilles et briques sont monnaies courantes dans le monde de The Last of Us. On en trouve absolument partout. Le problème, c’est qu’elles permettent d’assommer les survivants et les infectés, puis de déclencher des coups critiques de la même façon que les armes de mêlée. Ces objets de lancer facilitent beaucoup trop les séquences d’action une fois que vous avec compris leur efficacité. Tant que vous avez votre fidèle brique à la main, vous pouvez assommer et finir instantanément n’importe quel ennemi.
Il s’agit d’un faux pas regrettable, mais qui n’entache pas trop la qualité des mécaniques de The Last of Us, qui restent bien huilées en dehors de ça.
Le crafting : un outil de flexibilité à disposition du joueur
Il est primordial pour un jeu d’action de s’assurer que le joueur dispose toujours d’assez de ressources pour compléter le niveau. C’est un exercice plus difficile qu’il n’y paraît. Là encore, c’est un numéro d’équilibriste. Trop de munitions, et le jeu perd tout le suspense de savoir si l’on arrivera ou non à survivre. Pas suffisamment, et soudain une phase d’action corsée devient impossible à compléter.
De nombreuses propositions existent pour remédier à ce problème dans le monde du jeu de tir. Par exemple, le récent Resident Evil 4 Remake fournit artificiellement au joueur ce dont il a besoin au moment où il en a besoin. Lorsque Leon tombe à court de soins, il y a de très fortes chances pour que le prochain ennemi qu’il abatte dispose d’une herbe verte qui permettra de se soigner. Un jeu comme Doom Eternal choisit de laisser le joueur décider de ce dont il a besoin. Les démons affrontés par le Doomslayer laisseront tomber au choix des munitions, de la vie ou de l’armure selon la manière dont ils sont exécutés.
De son côté, The Last of Us a une approche intelligente qui correspond parfaitement à l’esprit du jeu. Il morcèle les équipements et les soins en petites portions. Le joueur collecte un chiffon par ici, une bouteille d’alcool par là, une lame ou des explosifs, etc. Aucun de ces éléments n’est utilisable en l’état. C’est seulement en explorant tous les recoins de chaque bâtiment que l’on parvient à rassembler suffisamment de matériaux pour fabriquer l’équipement dont on a besoin. Le système de crafting encourage donc l’exploration qui est centrale aux thèmes du jeu.
Mieux, The Last of Us n’a pas besoin de déterminer si le joueur aura besoin d’un kit de soin ou d’une bombe et de les lui fournir de manière artificielle. Le joueur peut simplement pallier à ses propres nécessités grâce aux ressources qu’il a accumulées. Il est toujours sur le fil du rasoir, car il faut énormément de ces matériaux pour fabriquer le moindre équipement, mais il reste maître de son équipement.
L’outil qu’est le crafting fonctionne donc parfaitement, non seulement au service de l’équilibrage du jeu, mais aussi en faveur de l’exploration du monde post-apocalyptique. En 2013, The Last of Us n’aurait pas pu mieux trouver. C’est d’ailleurs sans surprise que de plus en plus de jeux ont adopté des systèmes de crafting similaires par la suite.
Les limites d’un gameplay trop abordable
Au terme de ce papier, The Last of Us parait avoir réussi tout ce qu’il a entrepris. De légers bémols existent ici ou là. Le bestiaire aurait pu être un peu plus diversifié, les objets de lancers auraient pu être mieux équilibrés. Il s’agit cependant de détails face à la qualité globale du titre. Celle-ci répond avec brio aux standards de la fin de vie de la PS3.
Pourtant, un arrière-goût subsiste, l’impression qu’il manque un ingrédient dans cette soupe. Si The Last of Us exécute avec excellence tout ce qui est attendu de lui, aucun élément ne saute aux yeux comme étant vraiment génial. Si le jeu a fonctionné, c’est avant tout grâce à son scénario, l’aventure humaine de Joel et Ellie, les émotions procurées par le duo. Le gameplay, lui, est rarement cité comme le point marquant de l’aventure.
Nous postulons ici que le gameplay serait un peu trop convenu. Il est vrai que tous les systèmes de The Last of Us s’assemblent correctement. Tout fonctionne sans accroc. C’est un jeu dont la prise en main est immédiate. Il récompense le joueur familier avec les jeux de tirs, car il reprend tous leurs éléments de base. Mais il oublie peut-être un peu trop de se distinguer grâce à ses propres mécaniques. Le gameplay de The Last of Us est bon, mais il ne possède pas de qualité intrinsèque qui donnerait envie d’y jouer plutôt qu’à n’importe quel autre jeu de tir. Ceux-ci disposent généralement d’une qualité qui leur est propre et qu’on ne trouve nul part ailleurs.
De quelles qualités parle-t-on ? Que faisaient les jeux de tir à la troisième personne lors de la génération PlayStation 3 / Xbox 360 qui les rendrait plus plaisant à jouer ? Prenons quelques exemples.
La série des Gears of War privilégiait l’aspect tactique de son système de couverture ainsi que les sensations viscérales du combat. Le jeu avait une fine maîtrise du placement de sa caméra, du son des armes, de tout un tas d’éléments visuels et sonores qui donnaient aux flingues la sensation d’être tellement puissants qu’ils allaient bondir de nos mains. Il y avait également un vrai sentiment de lourdeur, de gravité aux déplacements des personnages. La satisfaction viscérale était au centre de l’aventure.
Max Payne misait tout sur ses fameux bullet times. L’aspect cinématique du jeu était accentué par la précision du joueur. Plus il visait bien, plus les bonds de Max paraissaient impressionnants. L’action devenait un enchaînement de tirs millimétrés, une demi-seconde de carnage suspendue dans le temps, un long moment au ralenti au cours duquel Max volait à travers le décor. Puis, il retombait, et cinq corps sans vie s’effondraient devant lui.
Enfin, Dead Space mettait le tir stratégique au premier plan. Le démembrement des nécromorphes était une nécessité pour venir à bout de ces monstres de l’espace. Cette façon d’en venir à bout créait un malaise palpable, un dégoût qui correspondait parfaitement au ton macabre du titre. En même temps, le démembrement était incroyablement satisfaisant, procurant un sentiment de catharsis lorsque Isaac triomphait de l’horreur.
Chacun des trois jeux cités précédemment pouvait briller grâce à sa proposition de gameplay. On prenait plaisir à y jouer, pas forcément pour ce qu’ils racontaient, mais avant tout pour leur petite touche unique qui les rendait satisfaisants à leur propre manière. On peut donc pleinement les qualifier de références du genre en termes de gameplay.
S’il existe une touche unique à The Last of Us qui rendait son gameplay remarquable, celle-ci se trouvait au niveau du crafting. Pas au niveau des mécaniques de combat, qui étaient malheureusement plutôt convenues. Le chef d’œuvre de Naughty Dog reste à ce jour un excellent jeu d’action pour une myriade de raisons. C’est indubitablement un des jeux les plus aboutis de la PlayStation 3, une référence en termes de narration et d’ambiance visuelle.
Mais en ce qui concerne le gameplay, The Last of Us n’est pas une référence du genre. Il est plutôt la concrétisation de toutes les leçons apprises par Naughty Dog et par l’industrie lors de la septième génération de consoles, un modèle d’ergonomie et d’efficacité. Au final, ce qu’il a de plus remarquable, c’est qu’il s’efface pour laisser place à l’aventure humaine de Joel et Ellie.