Cette année à la Paris Games Week, un stand assez particulier prenait place. Aux côtés des mastodontes PlayStation, Xbox et Nintendo, la chaîne de télévision franco-allemande Arte fêtait ses 10 ans en tant qu’éditrice de jeux vidéo, avec des titres tels que To hell with the ugly, que nous avions testé dans nos colonnes, ou encore Californium. Portée sur le jeu indépendant et les propositions originales, Arte occupe une place particulière dans le jeu vidéo français. Début novembre, nous avons pu parler avec Adrien Larouzée, responsable de l’édition et de la coproduction de jeux vidéo chez Arte. Voici notre conversation, ainsi qu’un retour sur les 10 ans de la chaîne dans le jeu vidéo.
L’image mise en avant de l’article est tirée du Twitter d’Arte Interactif.

10 ans dans le jeu vidéo, ça se fête !
Chantre de la culture dans un paysage audiovisuel de moins en moins pertinent, la chaîne de télévision Arte réalise un véritable travail de service public. Fondée en 1992, la chaîne s’est lancée dans le jeu vidéo en 2013, et compte depuis 17 co-productions, la première étant Type : Rider. L’idée est de mettre en avant des jeux indépendants et avec un message culturel fort, et de préférence une patte littéraire assumée. C’est de là dont vient par exemple To hell with the ugly, qui adapte en jeu vidéo une œuvre de Boris Vian. Intervenant dans le domaine financier mais aussi éditorial, Arte apporte autant des aides « simples » (de 100 à 300 000 euros environ) qu’un véritable accompagnement artistique, pour des titres tous plus originaux les uns que les autres.
Et au-delà de l’aspect original, Arte essaie aussi depuis 2013 d’avoir un haut standard de qualité, avec trois à quatre jeux maximum par an, pour un nombre de propositions reçues qui dépasse parfois les 300.

Notre conversation avec Adrien Larouzée, le « monsieur jeux vidéo » d’Arte
Sur le stand d’Arte, dans les travées de la Paris Games Week, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Adrien Larouzée, responsable de l’édition et de la co-production de jeux vidéo chez Arte. Voici ce qu’il nous a dit, au cœur des festivités pour les 10 ans d’Arte dans le jeu vidéo.

PlayStation Inside (PSI) : Bonsoir Adrien Larouzée ! Merci de nous accorder cette interview. Commençons par ce bel anniversaire d’Arte. Quel bilan faites-vous de vos 10 années de soutien au jeu indépendant chez Arte ?
Adrien Larouzée : Bonsoir PlayStation Inside ! Beaucoup de choses. On a produit 17 jeux, on est devenus éditeurs sur le chemin (en 2017, ndlr)… C’était un geste fort de la part d’Arte que d’aller dans l’édition. On s’était rendus compte que la meilleure manière de promouvoir des œuvres que nous avions co-produites était de les éditer aussi. On a aussi gagné un nouveau public en investissant ce milieu et en produisant des contenus différents sur les réseaux sociaux, les plateformes comme Arte.tv, les sites de streaming comme Twitch…
On est aussi très fiers d’avoir été progressivement reconnus dans le milieu, avec plusieurs prix glanés, plus de 100 sélections dans des festivals, etc. L’accueil critique et public a la plupart du temps été bon. Ça nous a aussi permis d’attirer de nouveaux talents et de faire des belles rencontres. Aujourd’hui, on est dans un moment vraiment intéressant pour Arte, maintenant que la machine est bien rodée. La création de jeu vidéo se polarise pas mal ces dernières années, avec un fossé qui se creuse entre les AAA et d’autre part des titres plus petits, plus originaux et plus impertinents, qui proposent des choses inédites et ne trouvent pas forcément leur place chez d’autres éditeurs. Je suis donc convaincu qu’Arte a un rôle à jouer, pour démocratiser le jeu vidéo via la télévision et Twitch notamment, mais aussi pour soutenir des studios financièrement et au niveau éditorial.
On veut vraiment porter cette création européenne qui propose des choses originales, mémorables et accessibles à tous les joueurs.
PlayStation Inside (PSI) : Pouvez-vous nous parler de votre métier de chef des projets digitaux d’Arte ? En quoi consiste votre travail et comment se passe le pilotage des lancements de jeux chez Arte ?
Adrien Larouzée : Mon activité compte deux grands volets. Je travaille en partenariat assez étroit avec la Direction des créations numériques, qui a la responsabilité de co-produire les jeux vidéo. Je travaille en binôme en tant que producteur. On interagit avec les studios pour les conseiller sur la gestion de projet et de budget. On partage notre expérience avec les studios sur ces points mais aussi en termes d’ergonomie, de game design, d’accessibilité, de distribution et même de marketing.
Outre cette partie co-production et pilotage des projets, je travaille aussi sur l’édition. J’accompagne les studios sur le contrôle qualité, la localisation, le marketing, la communication et les relations presse. On coordonne aussi avec les studios le travail de qualité et d’assurance, avec des focus groups et des « mock reviews » (des tests internes, ndlr) qui vont nous permettre de comprendre comment les gens utilisent un jeu vidéo, comment ils en perçoivent le message et comment faire évoluer la production vers ce qui nous semble être en adéquation avec ce que l’on attend.
PlayStation Inside (PSI) : Comment fonctionnent vos tests internes ?
Adrien Larouzée : On s’entoure de partenaires professionnels la plupart du temps. Mais le plus important est surtout le timing, car il faut le faire à un moment où il y a encore de la marge de manœuvre pour le studio s’il y a des éléments à modifier au niveau éditorial. Le plus difficile est en outre de savoir ce que l’on veut mesurer. Il ne faut pas présager de ce qui est bien ou pas. Il faut donc réussir à se poser les bonnes questions et ne pas demander des choses aux testeurs pour obtenir un biais de confirmation.
PlayStation Inside (PSI) : Si l’on prend l’exemple de Vectronom (jeu de 2019 produit par Ludopium et Arte), comment se sont passées vos phases de tests ?
Adrien Larouzée : Avec Vectronom, le plus important était l’équilibrage de la difficulté et de sa progression. C’est un jeu difficile mais dans le jeu vidéo, la difficulté n’est pas toujours synonyme de manque d’accessibilité. On peut avoir un jeu très difficile mais il faut toujours incorporer cela dans le game design et apprendre aux joueurs à maîtriser la difficulté.
Dans Vectronom, il y avait tout de même une vraie question d’accessibilité. C’est un jeu assez frénétique, qui pouvait poser problème à certains publics. Il y a donc eu un vrai accompagnement sur les options d’accessibilité à mettre en place, comme désactiver les flashs, ralentir le tempo… On a aussi intégré une option de changement de couleurs pour avoir des palettes plus compatibles à certains types de daltonisme, on a utilisé la couleur pour remplacer la musique aussi. Tout est fait chez Arte pour nous positionner dans la peau des différentes typologies de joueur et essayer d’adapter nos jeux pour qu’ils soient agréables au plus grand nombre.
PlayStation Inside (PSI) : Pouvez-vous nous parler des projets de jeux vidéo qui arrivent chez Arte ?
Adrien Larouzée : Oui, plein ! C’est une grande année, avec nos 10 ans de soutien à la création de jeux vidéo d’auteur(s). On a annoncé au cœur de l’été le titre « 30 birds », qui est un projet européen qui correspond à notre volonté d’ouverture à l’ensemble du continent. C’est une sorte de jeu d’aventure avec du RPG où l’on collectionne des animaux. Je n’en dirai pas plus, mais ce n’est pas Pokémon, promis (rires) !
On a également annoncé « The Merlies », un jeu de village builders, d’exploration et de plateforme. On a aussi parlé de « Gloomy Eyes », qui est une adaptation du film d’animation en VR du même titre, réalisé par Fernando Maldonado et Jorge Tereso. On était déjà co-producteurs du film. Le jeu sera un puzzle-game narratif où on incarnera Gloomy Eyes, un petit garçon zombie, et Nena, qui est une petite fille humaine. Les deux personnages tombent amoureux dans un monde où le soleil a disparu et où Gloomy Eyes et Nena se mettent en quête de le réveiller.
Vous pouvez donc voir la diversité des gameplays et des propositions narratives que nous soutenons. On a 7 productions en cours, plein de projets dont j’ai hâte de parler !


