Le 23 juin 2022, dans moins d’un mois en France, le nouveau PlayStation Plus fera ses débuts. S’agit-il simplement d’un remodelage de l’offre actuelle avec plus de clarté pour le public ? Ou bien aura-t-il des effets plus profonds dans la consommation du public mais aussi dans la manière qu’a PlayStation d’aborder ses activités ? C’est une vaste question à laquelle nous allons tenter d’apporter une réponse. Bien entendu, dans cet édito il s’agit uniquement de l’avis du rédacteur, avis qui n’engage pas le reste de la rédaction.
Le PlayStation Now est mort, vive le PlayStation Now
Il en a fallu du temps pour que PlayStation se rende à l’évidence : le PlayStation Now, après 8 ans d’exploitation, est un échec commercial. Avec un nombre d’abonnés plafonné à 3.2 millions en 2021, il fallait urgemment remédier à ce triste constat. Mais comme à son habitude, PlayStation a pris le temps de la réflexion, de l’analyse, avant d’agir. Et l’arrivée de Jim Ryan à la tête de Sony Interactive Entertainment a certainement été l’élément moteur des changements qui sont en train de s’opérer au sein du groupe. Si l’on peut regretter des choix tels que l’augmentation du prix des jeux ou des communications trop souvent contradictoires, on peut néanmoins lui accorder la parentalité de la restructuration actuelle des services chez PlayStation.
Les causes de l’échec du PlayStation Now sont pourtant connues de tous : si la quantité de jeux disponible au catalogue était exceptionnelle (environ 700), la qualité de ces jeux et leur date de disponibilité pouvait laisser à désirer. À des années-lumière de la concurrence, il a fallu attendre le mois de février 2022 pour voir arriver le premier jeu rejoignant le catalogue dès le jour de sa sortie, avec Shadow Warrior 3. La qualité des jeux était très inconstante. God of War par exemple n’a rejoint définitivement le service qu’au mois de juillet 2021, soit plus de trois ans après sa sortie. Pire, Marvel’s Spider-Man, qui aurait pu apporter de la valeur au service, n’a fait qu’un petit séjour de 3 mois avant de disparaître et n’est actuellement pas disponible dans le PlayStation Now, près de quatre ans après sa sortie.
Autrement dit, le problème principal du PS Now se révèle être le manque d’ambition et donc d’investissement de PlayStation. Le pari de miser uniquement sur la rotation à outrance des jeux pour fidéliser les joueurs n’a pas marché : ce qu’ils veulent, c’est un catalogue récent, alimenté régulièrement et avec une disponibilité suffisamment longue pour en percevoir la réelle valeur. S’il est encore trop tôt pour juger du futur catalogue sur ces aspects, tout semble indiquer que PlayStation souhaite corriger ces faux pas et investir massivement sur la toute nouvelle proposition.
PlayStation corrige la trajectoire, mais pour aller où ?
Disons-le tout de suite, non, il ne s’agit clairement pas d’une simple restructuration du PS Now au sein des formules Extra et Premium. Tout d’abord plusieurs décisions sont bienvenues : avec la formule Extra, le prix d’entrée afin d’avoir accès à un catalogue de jeux PS4 est significativement réduit, passant de 18.98€/mois avec l’ancienne formule à 13.99€/mois, bien que cela exclut la possibilité d’y jouer en cloud. Les joueurs peuvent en revanche, grâce à une émulation enfin présente, télécharger des jeux PlayStation, PS2, PSP (et bientôt PS3 d’après certaines rumeurs).
Nous retrouvons également des démos disponibles pour une large sélection de jeux. Tous ces éléments permettent d’augmenter la valeur du service. Et ceci totalement au bénéfice du joueur car le tarif du PlayStation Plus Premium, englobant l’ensemble de ces avantages, sera moins élevé que l’addition du PS Plus et PS Now actuels. L’élément central restera bien entendu la qualité du catalogue proposé, et en ce sens, les joueurs ont pu être rassurés après l’annonce d’une sélection de jeux qui seront disponibles dès le lancement du service.
Donc oui, PlayStation accélère et investit massivement dans cette transformation. Mais un tel investissement se doit d’être accompagné d’une vision plus long terme. Alors, au vu de ce que l’on sait, dans quelle direction va PlayStation ? Plusieurs déclarations de Jim Ryan et de Kenichiro Yoshida, respectivement PDG de SIE et de Sony, confirment une tendance que l’on a vu débuter il y a deux ans : l’avenir est multiplateforme. Une stratégie autrefois évoquée par PlayStation mais largement entreprise par la concurrence, avec le Xbox Everywhere, que la firme japonaise va certainement devoir suivre, à sa manière.
Cependant, il sera nécessaire pour PlayStation de clarifier certaines positions commerciales étranges remarquées depuis la sortie du nouveau PlayStation Plus en Asie hier. Comme vous pouvez le voir sur le tweet ci-dessous, nous espérons que la firme clarifiera ses décisions économiques pour ne pas sortir un service qui, dans certains cas et de manière inexplicable, pourra exister au désavantage financier des joueurs :
Un « PlayStation Everywhere » pour destination ? Oui …
Les calculs sont simples. Si l’on veut augmenter le nombre d’abonnés à un service, deux axes sont envisageables. Premièrement, faire adopter ce service au maximum de clients présents dans l’écosystème PlayStation. Deuxièmement, étendre cet écosystème vers un nouveau marché afin d’augmenter le nombre de clients potentiels. Le premier axe est en train d’être adressé via la restructuration et les nouveaux ajouts que l’on a développé plus haut. Le public visé est aujourd’hui un public averti et déjà fidèle à la marque. Mais le deuxième axe consistant à augmenter le nombre d’abonnés potentiels est seulement adressé en proposant la solution Cloud aux joueurs PC.
Autrement dit, il faut pour PlayStation, qui a longtemps misé sur l’expérience « Only on PlayStation » à travers la console, se défaire de cet hardware et proposer au maximum de joueurs la meilleure expérience possible, quel que soit l’appareil utilisé. Si cette phrase peut heurter au premier abord bon nombre de fans de la marque, votre serviteur compris, il faut cependant s’en tenir aux faits et aux déclarations des dirigeants qui donnent des informations sur la stratégie qui est en train d’être menée. La réponse de Jim Ryan au sujet du futur qu’il vise pour PlayStation est sans équivoque :
« J’aimerais un monde où des centaines de millions de joueurs profitent de nos jeux. Avec le modèle commercial actuel des consoles, environ 10 à 20 millions de personnes peuvent jouer à nos plus grands hits PlayStation. Il serait question de mettre les jeux au niveau de la musique. De les mettre au niveau des films. Un public quasiment illimité peut profiter de la musique et des films. Et je pense que certaines œuvres produites par nos studios font partie des plus grandes œuvres de divertissement ayant jamais été créées. Cela me frustre de ne les rendre accessible qu’a 20 ou 30 millions de personnes. »
Jim Ryan à GamesIndustry
Le dirigeant de Sony, Kenichiro Yoshida a abondé dans le même sens en commentant l’acquisition de Bungie, studio dont les jeux resteront multiplateformes à l’avenir :
« Nous pensons que ce sera un catalyseur pour améliorer nos capacités de jeux services… (Cela) représente une avancée majeure pour devenir multiplateforme ».
Kenichiro Yoshida, PDG de Sony
… mais le chemin sera long
Si la destination est claire, le chemin est très long pour la firme nippone qui a longtemps fait de la console le centre névralgique de l’expérience PlayStation. Si les portages PC de certains jeux comme Horizon Zero Dawn, Days Gone, God of War ou l’Uncharted Legacy of Thieves Collection (annoncé) ont été bien reçus, il ne s’agit là que d’une minuscule étape dans le long chemin qui attend PlayStation. En voici quelques autres qui devront être franchies :
- La principale évolution qui attend l’entreprise sera de s’ouvrir au monde du mobile, en proposant des expériences dédiées mais surtout en proposant enfin de jouer via le cloud. Annoncé en 2014 lors de la présentation du PlayStation Now, cela n’a jamais vu le jour. Cela ouvrirait à PlayStation un marché de plusieurs centaines de millions de joueurs potentiels.
- Troisième constructeur mondial de TV, Sony a également l’occasion de bénéficier de sa marque afin de proposer plus facilement le service de cloud à travers leur TV. En maitrisant le produit, PlayStation devrait pourvoir une expérience satisfaisante à travers une simple application à télécharger.
- Afin d’attirer ces joueurs, il faudra également mettre à jour le parc de consoles permettant de profiter du cloud gaming, en utilisant des PS5 au lieu des PS4 comme actuellement.
- Sur PC, il devrait également être possible de pouvoir télécharger les jeux ayant une version PC native, au lieu de les jouer via le cloud, ceci afin de répondre aux besoins de ceux ne possédant pas un débit suffisant pour profiter correctement des jeux à distance.
- Enfin, PlayStation pourrait aussi proposer une nouvelle console portable dédiée au cloud gaming : imaginez une PS Vita, pouvant être connectée à internet via le Wi-Fi mais également en 5G, à partir de laquelle il serait possible de jouer au catalogue immense de plus de 700 jeux que promet l’offre Premium. Le tout intégrant les mêmes effets haptiques et gâchettes adaptatives proposés sur la DualSense.
C’est vers cet idéal d’un PlayStation Everywhere que le groupe doit et va vraisemblablement tendre à long terme. Bien entendu, la concurrence a un temps d’avance car Microsoft poursuit cet idéal depuis plusieurs années, et a l’avantage, en plus d’un budget nettement plus conséquent, de profiter d’une synergie entre le monde du PC avec Windows, et des consoles avec Xbox.
Mais PlayStation a également des avantages uniques. Le géant du jeu vidéo a effectivement des relations privilégiées avec l’ensemble des éditeurs, qui tirent la plus grande partie de leur revenu des consoles PlayStation. Le rapport de force est donc fortement en faveur du constructeur qui peut alors imposer ou négocier plus facilement certains avantages, comme on l’a vu avec l’Ubisoft+ Classics qui va intégrer le nouveau service dès la fin du mois de mai, ou encore en imposant la mise à disposition de démos à durée limitée. Sans oublier le savoir faire unique des studios PlayStation dont les jeux ont un impact très important dans l’univers vidéoludique. Enfin, le groupe peut également compter sur les autres branches de sa maison mère telle que Sony Pictures, ou sa production de téléviseurs, afin de diversifier son offre et se différencier de la concurrence.
En conclusion, nous pouvons dire que le futur de PlayStation se trouve ironiquement dans son passé… Oui, pour rappel, en 2014 l’ancien PDG Andrew House annonçait déjà l’arrivée d’un PlayStation Everywhere à travers le PS Now, mais le projet n’a pas pu éclore. Aujourd’hui, PlayStation n’a plus le choix, il doit prendre son envol vers le cloud gaming s’il veut rester sur le toit de l’industrie.
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