En 2005 sortait Resident Evil 4, un jeu qui a marqué les esprits grâce à sa jouabilité novatrice, sa mise en scène de qualité et son ambiance action-horreur inoubliable. Il s’agit d’un classique culte des consoles de sixième génération qui a depuis été adapté sur quasiment toutes les plateformes et dans tous les formats (avec notamment une version HD remasterisée, et même une version VR). C’est un incontournable qui cristallise l’évolution du genre du jeu de tir à la troisième personne, un Uncharted ou un Gears Of War avant l’heure, d’une grande modernité pour son époque. Pour Resident Evil 2, faire un remake était une idée simple et compréhensible : le jeu original était une relique de l’ancien temps. Mais avec Resident Evil 4, ne pousse-t-on pas l’obsession pour le remake un peu trop loin ? Resident Evil 4 Remake a-t-il vraiment quelque chose à apporter ? La démo nous avait déjà fait forte impression. C’est l’heure de voir si le jeu final est à la hauteur.
Resident Evil 4 met en scène Leon Scott Kennedy, un agent secret à la solde du gouvernement américain. Leon est envoyé dans un village rural d’Espagne pour enquêter sur la disparition d’Ashley, la fille du président des États-Unis. Là-bas, il est attaqué par des villageois et découvre l’existence d’un culte mystérieux. Faisant face à ces nouveaux ennemis ainsi qu’à toutes sortes de monstres, Leon se fraye un chemin grâce à un arsenal toujours plus lourd, ainsi que quelques alliés précieux qui lui viendront en aide à des moments clés. Cette aventure entremêle le grandiose hollywoodien avec l’horreur qui a fait la réputation de la franchise Resident Evil.
L’ambiance horrifique plus saisissante que jamais
Resident Evil 4 Remake est indubitablement un jeu d’action, mais il ne lésine pas sur son atmosphère. Le RE Engine de Capcom parvient avec brio à retranscrire différentes ambiances selon le moment de la journée. Le matin, c’est un halo bleuté qui vous entoure, avec un environnement plongé dans la brume. Le soir, le ciel crépusculaire se pare de teintes violettes très élégantes. En intérieur, vous explorez le plus souvent des pièces sombres éclairées à la lueur de torches et de lampes à pétrole. Le rendu se renouvelle, et il est toujours très saisissant, avec une palette de couleurs chatoyante qui flatte la rétine et qui vous plonge en immersion dans ces environnements au design élégant.
Que ce soit le village, le château ou la base militaire, chacun de ces lieux fourmille de détails qui lui sont propres. Il y a vraiment une attention portée par Capcom à créer des environnements à la fois distincts et fonctionnels qui racontent une histoire par le biais des éléments du décor. Le jeu se permet même de suggérer en avance quels types d’ennemis ou de boss vous allez rencontrer à travers sa narration environnementale.
La musique est discrète. Peut-être trop discrète. C’est un bémol notable de la série depuis Resident Evil 2 Remake, cette ambiance sonore minimaliste qui place la musique en retrait face au travail d’effets sonores et à la performance vocale des personnages et des ennemis. Fort heureusement, dans le cas de Resident Evil 4 Remake, les sonorités du titre sont oppressantes. Les villageois scandent des jurons à votre égard en espagnol, et ils communiquent entre eux. Les moines du château profèrent leurs sempiternels « morir es vivir » de manière aussi lugubre qu’en 2005. Les monstres produisent des sons gutturaux ou stridents. Ils énervent, mettent mal à l’aise, créent un sentiment de stress grandissant par leur présence. C’est une franche réussite. On aurait seulement pu souhaiter avoir quelques pistes musicales un peu plus marquantes.
Une substance narrative solidifiée
Dès les premiers instants du jeu, Resident Evil 4 Remake ambitionne d’avoir un scénario plus sérieux, plus mature que celui de son illustre prédécesseur. Leon n’est plus juste un agent secret charmeur aux capacités surhumaines : c’est un survivant rongé par le doute, hanté par les évènements de Raccoon City. Il s’inscrit dans la continuité du bleu naïf que l’on a découvert dans Resident Evil 2 Remake. Ce qu’il veut par dessus tout, c’est d’empêcher que la tragédie qui s’est produite lors de son premier jour en tant que policier ne se reproduise. Il y a, dès les premières minutes, un fort investissement émotionnel du protagoniste qui garantit au scénario un degré de sérieux qui est le bienvenu.
L’écriture parfois un peu lacunaire de Resident Evil 4 laissait l’impression que les personnages étaient juste là pour interpréter des scènes d’action de film hollywoodiens. Ce n’est désormais plus le cas. Le ridicule reste souvent au rendez-vous (les saltos parfois très redondants de Leon, ou bien le personnage de Krauser dans son ensemble) mais il y a un vrai travail de Capcom pour rendre l’action crédible, pour donner des motivations aux personnages, ce qui les rendent plus attachants. Leur personnalité est palpable, on sait qui ils sont, pourquoi ils font ce qu’ils font. En résulte une histoire bien ficelée qui nous entraine de bout en bout.
Avoir des personnages et un scénario crédibles parait être un ingrédient de base d’un bon jeu d’action, et pourtant, ceux qui découvrent l’expérience avec ce Remake seraient surpris de voir d’où est-ce que l’on est partis, et les moyens qui ont été mis en œuvre pour obtenir un aussi bon résultat. Les documents trouvables dans le jeu sont utilisés à bon escient pour développer les personnages secondaires, les origines de l’épidémie à laquelle Leon fait face, les évènements qui ont conduit ces villageois isolés à tomber entre les griffes du culte maléfique Los Illuminados. S’ajoute à cela le jeu d’acteur des personnages grâce à la motion capture, leurs doublages, ainsi que les dialogues écrits de manière très convaincante. Resident Evil 4 Remake est un jeu qui converse avec le joueur selon les standards narratifs de notre époque. C’est une remise au goût du jour efficace, une réinvention très complète, au point qu’on ne se douterait pas que le scénario original date de l’époque de la Playstation 2.
Une mention spéciale doit être faite pour le personnage d’Ashley. Dans l’original, c’était une gamine braillarde dont la voix stridente et la relative absence de dialogues autres que son emblématique «LEON, HELP!» avaient contribué à la faire entrer dans la panthéon des personnages secondaires les plus insupportables du jeu-vidéo. Maintenant, elle est plutôt attachante. Elle se rend utile à chaque fois qu’elle le peut et développe une complicité rafraichissante avec Leon au cours de l’aventure, pour devenir une alliée efficace que l’on prend plaisir à avoir avec soi. C’est une vraie réussite en termes de laver l’ardoise d’un personnage dont les cris suraigus avaient hanté une génération entière.
Une jouabilité précise et maitrisée
La jouabilité de Resident Evil 4 avait su éblouir le public en 2005 car elle était de loin en avance sur son temps. La caméra à l’épaule, la simplicité avec laquelle on passait en mode de visée, la précision du viseur laser, tout s’additionnait pour créer un jeu révolutionnaire qui a longtemps inspiré le genre des jeux de tir à la troisième personne. De Gears of War à Dead Space en passant par le récent God Of War : Ragnarok, de nombreux développeurs ont cité Resident Evil 4 comme leur source d’inspiration. Mais la jouabilité du titre originale a vieilli. Entre temps, presque deux décennies de jeux sont sortis qui ont tous amélioré cette formule.
Il y avait donc un gros travail de refonte à faire pour mettre le gameplay du titre au goût du jour. Certains auraient choisi de complètement bouleverser les codes de l’original : de rendre Leon plus souple, plus maniable, à même de sprinter, bondir, réaliser des assassinats et des tirs sautés. Capcom a pris le parti d’être fidèle aux sensations du titre original et de les moderniser de manière plus subtile.
Ce qui peut surprendre lorsqu’on prend en main ce Resident Evil 4 Remake pour la première fois, c’est la lourdeur du protagoniste. Leon est lent, ses déplacements ne sont pas très fluides. C’est d’autant plus perturbant que les ennemis, eux, sont à la fois nombreux et agressifs au point de submerger le joueur sans qu’il ait l’occasion de leur échapper. Le rapport de force parait injuste, complètement à la défaveur du joueur.
C’est sans compter sur l’expertise du game design de Capcom. Les options offensives et défensives à disposition de votre personnage sont multiples, et une fois apprivoisées, elles compensent amplement la lenteur de Leon. Par exemple, toutes les attaques que vous recevez peuvent être parées avec votre couteau. Réussissez une parade pile au bon moment, et vous pourrez même contre-attaquer avec un mouvement au corps à corps dévastateur conçu pour envoyer valser la foule autour de vous. Un tir dans la tête ou dans le genou qui fait vaciller un ennemi permet également d’accéder à cette panoplie de coups de pieds.
Quasiment toutes les attaques, qu’elles proviennent d’un ennemi normal ou d’un boss, peuvent être parées ou bien esquivées en s’accroupissant au bon moment. Ainsi, Leon est lourd, comme dans l’original, mais il n’est pas sans défense. Cette fois ce n’est pas l’IA des ennemis qui a été tronquée pour qu’ils ne vous attaquent pas trop fort. Au contraire, ils se lanceront sur vous, tous en même temps, et vous attaqueront sans relâche. Mais vous pourrez systématiquement y répondre, naviguer entre les différents types de menaces, contrer les attaques, vous débarrasser des ennemis trop proches de vous, garder la foule à distance.
C’est un numéro d’équilibriste beaucoup plus difficile à maintenir que dans l’original, mais beaucoup plus satisfaisant. Une fois le gameplay maitrisé, vous pourrez dominer la foule hostile qui vous pourchasse. Gare à vous, cependant : ils auront tôt fait de renverser la vapeur. Chaque rencontre face à des ennemis, même une petite poignée d’entre eux, est haletante.
Pour le reste, vous disposez du même attirail à acquérir que dans l’original, avec quelques ajouts (un fusil d’assaut, une mitraillette et un lance-carreaux). Toutes les armes peuvent être améliorées auprès du marchand pour devenir des versions beaucoup plus dévastatrices d’elles-mêmes, avec plus de munitions dans le chargeur, de plus courts rechargements, et une puissance de feu plus élevée. Ces améliorations vous seront très utiles : les ennemis que vous affrontez se renforcent à mesure que vous avancez dans la campagne.
Le jeu est d’ailleurs souvent avare en munitions, mais il vous donnera suffisamment de balles pour gérer les adversaires en face de vous. Vous n’aurez jamais assez de ressources pour vous permettre de flamber : il faudra s’assurer que chaque tir touche sa cible. C’est là tout le challenge de ce remake. La difficulté est beaucoup plus corsée, tant en termes de gestion des munitions que de l’IA des ennemis.
Un contenu riche
La campagne de Resident Evil 4 Remake est très longue par rapport aux autres épisodes de la série qui durent habituellement entre 5 et 9 heures. Comptez ici entre 15 et 20 heures lors de votre première partie à l’aveugle. Il faut dire que l’aventure originale était déjà plutôt longue et que cette nouvelle version n’est pas entièrement linéaire : il vous faudra parfois passer un peu plus de temps dans des environnements déjà visités pour compléter des missions secondaires pour le compte du marchand. Celles-ci peuvent consister à détruire des médaillons trouvables dans le décor, à collecter un certain nombre d’objets, ou bien à affronter une cible plus forte que les autres, le tout en échange de diverses récompenses.
Une fois le jeu terminé, ceux qui se sentent l’âme d’un collectionneur pourront se lancer dans des défis corsés, tels que compléter le mode de difficulté professionnel avec un rang S+, afin de débloquer des armes et des cosmétiques bonus.
Il y a donc matière à s’amuser sur Resident Evil 4 Remake, d’autant plus que le contenu du jeu n’a pas fini de s’enrichir : le mode Mercenaries, axé sur le scoring, sortira lors d’une mise à jour gratuite le 7 avril. Il y a également des pistes dans les fichiers du jeu qui suggèrent l’inclusion prochaine du mode Separate Ways, une campagne alternative présente dans l’original où le joueur incarne Ada Wong.
Le futur s’annonce donc radieux pour les fans de Resident Evil 4. Le contenu bonus déjà présent sur le disque confère au titre une grande rejouabilité. Avec en plus l’addition du mode Mercenaries et Separate Ways, Resident Evil 4 Remake pourrait nous garder occupés pendant encore bien longtemps, et c’est tout ce qu’on attend d’un bon Resident Evil.
CONCLUSION
Resident Evil 4 Remake prouve que c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe. L'intelligence avec laquelle ont été retravaillés le scénario, les ennemis et le level design permet de sublimer les caractéristiques de l'œuvre originale, et d'en faire un jeu d'action moderne à la hauteur de ses contemporains, sans compromettre sur ce qui faisait la force de Resident Evil 4. C'est un jeu qui mériterait de servir d'étendard au terme "remake".
LES PLUS +
- La jouabilité ultra satisfaisante
- L'ambiance horrifique remise au goût du jour
- Le scénario et les personnages étoffés
- Le design des ennemis retravaillé
- La durée de vie à la hauteur des attentes
LES MOINS -
- La musique trop en retrait
- Quelques imprécisions au niveau de la maniabilité