Récemment récompensé pour l’ensemble de sa carrière et son soutien apporté à la scène indépendante aux BAFTA par le prix Fellowship, Shuhei Yoshida est une personnalité incontournable PlayStation. Dans deux interviews accordées à Game Industry, le vétéran de PlayStation a partagé sa vision du jeu vidéo indépendant, du label PlayStation Indies et de l’utilisation de l’IA par les studios concernés. Voici ce qu’il fallait en retenir.
Un vétéran de l’industrie
Président de Sony Worlwide Studios de 2008 à 2019, Shuhei Yoshida est une personnalité majeure de PlayStation depuis 1993. Il a notamment participé à l’élaboration de la première PlayStation et a été l’un des acteurs majeurs du retour au premier plan de la célèbre marque nipponne après le lancement difficile de la PS3. Aujourd’hui responsable du portefueille des jeux indépendants chez PlayStation, Yoshida soutient activement la scène indépendante afin de pousser à la création d’expériences innovantes et uniques. Le label PlayStation Indies est d’ailleurs une belle illustration du soutien de Sony.

Une vision relativement optimiste de la scène indépendante et du rôle de PlayStation
Dans les interviews données à Game Industry, Shuhei Yoshida est d’abord revenu sur ce qu’il appelle la « démocratisation du développement » de jeux vidéo. Selon lui, le changement le plus important est celui de la démocratisation des outils de développement, à l’image des moteurs Unity ou Unreal Engine et de leur modèle gratuit. Grâce à ces moteurs, de plus en plus de perspectives différentes du développement du jeu vidéo ont émergé ces dernières années, et Yoshida en a d’ailleurs profité pour lancer un appel aux « vétérans » de l’industrie, les exhortant à rester ouverts aux nouvelles idées et approches du game design.

Toutefois, s’il appelle désormais à la démocratisation du développement de jeux vidéo, Shuhei Yoshida est aussi conscient que PlayStation a mis du temps à se mettre à vraiment soutenir la scène indépendante. De son aveu même, PlayStation a longtemps été un grand soutien pour les indépendants avant d’opérer un tournant, à l’époque de la PS4 et à l’approche du lancement de la PS5, envers les jeux blockbusters AAA. Après avoir réalisé cette erreur, Yoshida a travaillé en coulisses pour remettre le jeu indépendant sur le devant de la scène de PlayStation. Voici ce qu’il a eu à en dire à Game Industry :
« Nous avons le service des relations avec les studios tiers qui parle avec des développeurs du monde entier de manière quotidienne. Ils reçoivent des pitch, et vont regarder sur Steam, Epic et même Twitter pour trouver les nouveaux jeux indépendants à soutenir. Nous travaillons dur pour mieux promouvoir les jeux que nous signons. Nous avons aussi essayé de changer l’image de la PS5, qui a souffert à son lancement de l’idée qu’elle n’était réservée qu’aux gros studios parce que nous n’avions au départ qu’un nombre limité de kits de développement à envoyer. Désormais, nous en avons en abondance et ce problème est réglé. Nous voulons changer la perception du challenge de développer et publier des jeux sur PlayStation. »
Shuhei Yoshida à Game Indsustry
Malgré ces améliorations notables du côté de PlayStation, Shuhei Yoshida note tout de même un défi qu’il reste à relever. C’est ce qu’il appelle la « découvrabilité » des jeux, à savoir le fait de réussir à se faire connaître pour les studios indépendants, alors qu’il existe toujours plus de jeux à mesure que leur développement se démocratise. Pour Yoshida, même si les stores digitaux comme le PlayStation Store peuvent contenir une infinité de jeux, seule une « petite partie est mise en avant sur la page d’accueil ».
Outre cette question de la découvrabilité, Yoshida estime aussi qu’il reste du travail à faire chez PlayStation, son Store et son PlayStation Plus pour non seulement promouvoir les jeux indépendants, mais aussi pour donner au public d’y jouer.
« Nous devons être plus intelligents pour faire remonter sur la page d’accueil les gens que le public apprécie. Il faut réussir à faire en sorte que pour chaque personne, il y ait sur le PlayStation Store une offre personnalisée et intelligente de jeux indépendants. À ce titre, l’arrivée du PlayStation Plus a joué un grand rôle dans la mise en avant de ces jeux, avec par exemple Stray ou Tchia. »
Shuhei Yoshida à Game Industry
Ainsi, Shuhei Yoshida pense que l’inclusion de jeux indépendants dans le PlayStation Plus sans surcoût aide les studios concernés, car il n’y plus de barrière financière à l’essai. Selon lui, le PS+ augmente la « découvrabilité » des jeux en ce sens, à l’image des films que le public découvre sur Netflix ou d’autres plateformes, mais n’aurait jamais découvert s’ils n’étaient sortis qu’au cinéma.
Le PlayStation Plus et le label Indies peuvent enfin, selon Yoshida, jouer un rôle dans la diversification de l’offre de jeux indépendants. C’est pour lui son « plus grand espoir », à savoir le fait de voir la scène indépendante se développer non seulement en termes de qualité des jeux mais aussi de leur provenance. Voici ce qu’il a eu à en dire :
« Je viens du Japon, et le Japon a de la chance de voir sa culture aussi appréciée à l’international. Mais il y a plusieurs cultures asiatiques que j’aimerais aussi voir être mises en avant dans le jeu vidéo, et c’est le sens de mon travail chez PlayStation. »
Shuhei Yoshida à Game Industry
Un intérêt avoué pour les outils d’intelligence artificielle
Outre le développement de la scène indépendante, Shuhei Yoshida s’intéresse aussi à la manière de leur faciliter le travail en leur offrant les meilleurs outils de développement. À ce titre, il estime que l’IA peut jouer un grand rôle, elle qui est au centre de tous les débats en ce moment avec par exemple ChatGPT.
« Je suis très intéressé de voir ce que ces outils peuvent faire. J’ai récemment regardé une petite équipe développer un jeu vraiment beau, et leurs assets étaient réalisés avec Midjourney. Donc ça va se démocratiser. Ces outils seront utilisés à l’avenir non seulement pour les assets, mais aussi pour l’animation, le comportement des PNJ et même le débug. Je suis impatient de voir comment les studios vont utiliser ces outils, dont je suis un grand fan. »
Shuhei Yoshida à Game Industry
Interrogé sur l’aspect négatif de l’IA, à savoir le fait qu’elle puisse remplacer des métiers humains et qu’on ne puisse plus faire la différence avec la réalité, Shuhei Yoshida a dit ne pas partager cet avis. Selon lui, l’IA restera un outil que des humains devront travailler, et il ne s’inquiète donc pas sur ce sujet.