Développé par un studio d’à peine 15 personnes, Tchia (du nom du personnage principal) constitue déjà en soi une prouesse pour Awaceb, le petit studio bordelais qui a voulu rendre hommage à la Nouvelle-Calédonie dont sont originaires ses fondateurs, Phil Crifo et Thierry Boura. Sorti day-one sur les paliers Extra et Premium du PlayStation Plus, Tchia a bénéficié d’une belle couverture de la part de PlayStation, qui l’a marketé en tant que PlayStation Indies, le jeu étant une exclusivité console PS4 et PS5. Mais au-delà de ses origines indépendantes et de sa belle histoire, que vaut véritablement Tchia manettes en main ? Découvrez notre avis dans ce test.
Un titre à l’atmosphère inimitable, et donc réussie
Une ambiance incomparable
Commençons par l’argument principal avec lequel Tchia a été promu : l’inspiration calédonienne. Grâce à l’expertise de ses deux fondateurs, le jeu offre une immersion incomparable dans un univers unique. Jamais auparavant un titre ne nous avait emmené dans ces contrées, avec leurs traditions, leur langue et leurs particularités. Intégralement doublé en drehu (le principal dialecte kanak) avec quelques passages en français, Tchia garantit une dizaine d’heures d’une aventure enchanteresse et féérique.
Ainsi, les différentes îles à explorer sont autant de possibilités d’en apprendre plus sur la culture kanak, sur le régime alimentaire, les rites et coutumes, et surtout l’amour de la population locale pour le chant et la danse. Rien que pour cela, nous vous conseillons vivement de donner sa chance à Tchia, dont l’immersion est donc la plus grande réussite !
Une bande originale remarquable
Outre son ambiance, l’autre grande force de Tchia est indéniablement sa musique. Entièrement composée de mélodies et de chansons calédoniennes, la bande originale de Tchia joue un rôle majeur dans l’immersion du joueur. Que ce soit lors des phases d’infiltration, les missions principales ou simplement l’exploration libre, les musiques du titre d’Awaceb nous ont transporté. Et ce fut encore plus le cas grâce aux nombreuses séquences jouables lors desquelles Tchia joue du ukulélé pendant qu’un autre personnage chante. Parfois difficiles à compléter, ces séquences d’apparence sans grande utilité sont au contraire des phases de respiration bienvenues venant renforcer l’authenticité du monde de Tchia.
Une invitation sans cesse renouvelée à l’exploration
Outre les missions principales, Tchia regorge de petites quêtes secondaires à effectuer qui, sans lien véritable avec l’histoire si ce n’est d’améliorer notre personnage, servent surtout à nous en apprendre plus sur la Nouvelle-Calédonie. On alterne ainsi entre des courses de bateaux, l’exploration sous-marine, la pratique du ukulélé ou encore la fabrication de totems. Ces derniers amènent un élément fantastique dans le jeu, et qui est aussi au cœur de la culture et des croyances de la population locale.
Le monde ouvert de Tchia, ce qui est en soi une belle prouesse pour un jeu indépendant avec si peu de développeurs, compte ainsi parmi les qualités du jeu. Entre la ville, les usines, la plage, la forêt, la montagne, la mer et les îles reculées, le titre d’Awaceb offre une variété d’environnements qui donne envie de s’y perdre et de tout visiter, même si l’on notera tout de même un monde un peu vide et des activités vite répétitives.
L’Unreal Engine 4 : une belle réussite
La qualité graphique n’était pas un domaine dans lequel Tchia était particulièrement attendu. Et pourtant, force est de constater que dans l’ensemble, le jeu est très beau. Les effets de lumière, l’éclairage, la modélisation de l’eau et du ciel sont à compter parmi les points forts. Les graphismes du titre jouent ainsi grandement dans la sensation d’immersion. On notera ici la modélisation particulièrement impressionnante de l’eau et des espaces marins, qui n’a pas à rougir face aux blockbusters récents et qui en surpasse même quelques-uns (coucou Resident Evil 4) !
Toutefois, et c’est normal, tout n’est pas beau dans l’univers de Tchia. Outre du clipping et une distance d’affichage fluctuante (qui offre parfois des panoramas époustouflants, et d’autres fois quelconques), les textures rocheuses comme le sable, ne sont pas du plus bel effet. Rien de bien méchant cependant vu la taille du studio Awaceb. Il en est de même pour les temps de chargement, qui s’ils deviennent regrettables à mesure que la PS5 prend du galon, sont compréhensibles vu l’ambition de Tchia et le fait qu’il soit aussi sorti sur PS4.
Un gameplay en demi-teinte
Zelda Breath of the Wild : une inspiration claire, sans aller jusqu’à la filiation
Fruit de 5 ans de développement, Tchia s’est indéniablement inspiré de Zelda Breath of the Wild pour la construction de son monde ouvert. C’est particulièrement visible dans l’exploration, qui emprunte au jeu de Nintendo une liberté de mouvement totale et la présence d’un planeur. Il faut aussi noter l’absence de minimap (tout au plus avons-nous une boussole) qui est une excellente idée, car elle force le joueur à se perdre et à tout explorer avant d’arriver à destination, n’ayant rien pour le guider.
Après avoir dit cela, nous n’irons pas jusqu’à affirmer qu’il y a une filiation claire entre BOTW et Tchia. Au contraire, le jeu d’Awaceb se démarque quasiment en tous points : son histoire, son gameplay et ses thématiques.
Des mécaniques de gameplay originales
Quand on est un studio indépendant et que l’on veut se démarquer et se vendre, rien de mieux que d’avoir LA mécanique originale qui piquera l’intérêt du public. C’est le fait de manier un chat dans Stray, le vieillissement dans Sifu, ou encore la gestion procédurale dans No man’s sky. Pour Awaceb, cette mécanique est celle du bond d’âme, qui permet à Tchia de se téléporter dans un objet ou un animal et d’utiliser ces capacités pour se frayer un chemin et remplir ses objectifs. Outre l’importance de cette mécanique dans la mission principale, c’est aussi particulièrement utile pour l’exploration. Tchia étant assez lente à se déplacer, il est souvent judicieux de faire un bond d’âme dans un dauphin ou un oiseau pour aller d’un point A à un point B, d’autant plus que le gameplay du bond d’âme a le bon goût d’avoir une bonne maniabilité..
Cet élément quasi fantastique se retrouve aussi dans les créatures que Tchia aura à croiser. Entre le Xetiwa et les Mwaken, on rencontre dans le jeu d’Awaceb des créatures magiques inspirées des traditions kanak qui renforcent l’originalité du titre et qui sont les bienvenues pour apporter de la variété à une quête principale plutôt répétitive.
Une répétitivité qui vient quelque peu ternir le tableau
Malgré ces belles qualités, tout n’est évidemment pas rose dans le monde de Tchia. Après les premières heures de découverte, on se retrouve à vite tourner en rond. Que ce soient les camps d’ennemis à nettoyer, les points d’intérêt à découvrir ou même les missions de la quête principale, le gameplay de Tchia souffre d’un manque de variété qui annule quasiment toute velléité de rejouabilité. La première est donc la bonne.
Un scénario convenu : Tchia ou le syndrome Indiana Jones
Des thématiques surprenantes par leur maturité
Dans un jeu aussi coloré et « enfantin » que Tchia (du moins lors de ses présentations et à cause du fait que nous jouons un enfant), nous ne nous attendions pas à faire face à des thématiques aussi matures que la dictature, la perte d’êtres chers ou encore le trafic d’être humains. Sans que tout cela ne soit évidemment trop appuyé pour que Tchia soit jouable par tout le monde, le scénario du jeu surprend parfois par sa maturité. Et il faut tirer le chapeau à Awaceb pour avoir osé inclure ça dans son titre, alors que le studio aurait pu simplement s’appuyer sur son inspiration calédonienne pour livrer un conte classique pour enfants.
Un classicisme un peu décevant (SPOILER ALERT)
Cela étant dit, le scénario de Tchia n’en reste pas moins tristement classique dans son déroulement. Nous avons là tous les éléments de l’aventure conventionnelle : le parent disparu, l’histoire familiale tragique, le fait que Tchia finisse par être l’élue… rien ou presque ne surprend. Nous avons souhaité souligner ce point car après une introduction belle, douce et envoûtante, nous avions espéré voir Tchia poursuivre sur sa lancée. Malheureusement, le jeu devient vite une origin story on ne peut plus classique, dans laquelle Tchia doit surmonter les épreuves habituelles du héros qui ne le sait pas encore pour surmonter ses peurs et enfin affronter son pire ennemi.
Le syndrome Indiana Jones : à quoi sert véritablement Tchia ? (SPOILER ALERT)
Mais au-delà du classicisme de son scénario, c’est surtout l’inutilité de Tchia au déroulement de l’aventure qui vient ternir le tableau. Si vous avez regardé la série THE BIG BANG THEORY, vous saurez de quoi l’on parle : à l’image d’Indiana Jones dans le premier film de la trilogie, rien de ce que fait Tchia n’est foncièrement utile dans l’avancement du scénario. Que ce soit avec ou sans elle, le bras droit de l’ennemi principal Meavora vient capturer le père de Tchia. De même, toute la séquence de destruction des usines des ennemis se révèle être inutile car l’objectif de libérer le père de Tchia n’est pas rempli : que ce soit avec ou sans ces missions, le bras deoit de Meavora lâche une bombe sur la prison et le père de Tchia meurt. Ajoutons à cela le fait que la mère de Tchia finit par être celle qui emmène sa fille devant l’ennemi pour enfin le combattre, et vous comprendrez que du début à la fin, tout ce que fait Tchia compte pour du beurre et son absence n’aurait rien changé.
Tout juste Tchia est-elle utile à la toute fin, lorsqu’il faut entrer dans le corps de Meavora et stopper le fonctionnement de son cœur pour libérer les enfants qu’il a dévoré. C’est le seul moment du jeu dans lequel Tchia est vraiment indispensable à l’aventure, qui plus est avec une boucle de gameplay originale et intéressante, ce qui vient in extremis sauver les meubles du titre d’Awaceb.
CONCLUSION
Tchia
Malgré les défauts de son scénario et la répétitivité de son gameplay, Tchia n'en est pas moins une proposition très originale, même pour la scène indépendante. Grâce à son immersion remarquable, sa bande originale à tomber par terre et ses mécaniques uniques, le titre d'Awaceb est exactement ce que ses développeurs voulaient qu'il soit : un hommage réussi à la Nouvelle-Calédonie. Pour cela, et d'autant plus vu la petite taille du studio bordelais, nous tirons notre chapeau à Tchia et lui souhaitons une belle et douce vie sur les plages paradisiaques de ses terres natales.
LES PLUS +
- Une ambiance incomparable
- Une bande originale parfaite
- Une exploration réussie servie par des graphismes franchement beaux
- Un gameplay permissif qui ne prend pas le joueur par le main
- La mécanique du bond d'âme : une excellente idée
- Des thématiques sombres mais bien amenées
- La modélisation de l'eau : incroyable !
- Day one sur le PS+ : vraiment une bonne idée
- Bonne durée de vie
LES MOINS -
- Un scénario trop classique
- Le syndrome Indiana Jones : Tchia ne sert à rien dans le déroulement de l'histoire
- Un gameplay malgré tout répétitif et peu varié
- Un monde ouvert bien construit mais un peu vide et aux activités trop peu nombreuses
- Une quête principale peu marquante
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