D’accord, faisons-le une dernière fois : il y a cinq ans, Spider-Man : Into The Spider-Verse a changé… eh bien, tout. L’arrivée sur grand écran de Miles Morales, Spider-Man originaire de Brooklyn, n’a pas seulement remixé de manière passionnante l’histoire originale de l’arachno-héros et préludé à un déluge d’histoires du multivers en prises de vue réelles – elle a aussi entièrement redéfini ce à quoi les films d’animation grand public pouvaient ressembler grâce à son style visuel incroyablement expressif. Ce fut un véritable coup de foudre cinématographique ; un seul film qui a fondamentalement changé tout un média – et un genre – en un unique coup de baguette magique. Qu’en est-il aujourd’hui avec Spider-Man Across the Spider-Verse?
L’influence de Spider-Man: Into the Spider-Verse se fait sentir bien au-delà du film lui-même. Il a inspiré de nombreux cinéastes et créatifs à repousser les limites de l’animation et à explorer de nouvelles approches artistiques. De nombreux projets ont été influencés par sa vision audacieuse, allant des films Sony tels que Les Mitchells contre les Machines en passant par des projets audacieux tels que le long-métrage Entergalactic de Kid Cudi, jusqu’à des productions lives comme la série Ms. Marvel. Ces projets ont tous été touchés par l’empreinte indéniable de Into the Spider-Verse, s’inspirant de son originalité et de sa volonté de repousser les limites artistiques. Son impact s’en est ressenti jusque dans la sphère PlayStation avec notamment la sortie de Spider-Man Miles Morales en 2020 (et sa suite prévue pour cette fin d’année).
Ainsi, les attentes pour la suite de cette saga étaient colossales. Les fans savaient qu’ils seraient confrontés à un défi immense : surpasser les prouesses du premier opus tout en préservant l’essence qui a fait de Into the Spider-Verse un chef-d’œuvre acclamé et oscarisé. Ils aspiraient à une aventure encore plus audacieuse, à un récit qui creuserait plus profondément les thèmes complexes de l’identité et de l’héritage, tout en repoussant les limites de l’animation.
Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson se sont réunis pour façonner une nouvelle odyssée pour le jeune et courageux Miles Morales, qui a déjà capturé nos cœurs avec sa détermination et son charisme. Alors que le premier film nous emmenait dans un voyage éblouissant à travers les dimensions, le deuxième volet promet de plonger plus profondément dans les arcanes du multivers et de repousser toutes les limites artistiques.
L’équipe créative a promis de déconstruire les fondations du premier film pour reconstruire un récit encore plus complexe et tragique, en deux parties. Ils nous promettent une aventure qui repoussera les frontières de l’imagination et qui explorera les recoins les plus sombres de l’âme de Miles. Spider-Man: Across the Spider-Verse est une expérience visuelle et émotionnelle qui redéfinit ce que nous devons attendre des films de super-héros, reprenant tous les points forts qui ont fait le succès du premier opus et en les multipliant par mille pour aller au-delà de nos attentes.
Un scénario dense et passionnant
Miles Morales (Shameik Moore) fait son retour dans Spider-Man: Across the Spider-Verse. Cela fait environ un an qu’il est Spider-Man, et ses parents n’ont toujours aucune idée de sa double identité, même si son père, Jefferson (Brian Tyree Henry), est un policier qui collabore régulièrement avec le tisseur pour arrêter les super-vilains. Ils partagent même des conseils de parentalité, Miles essayant de convaincre Jefferson d’être plus compréhensif envers son fils.
Le vilain of the week de Spider-Man, The Spot (Jason Schwartzman), est un scientifique dont le corps est parsemé de portails. Si vous lui donnez un coup de poing au visage, vous frapperez un mur de l’autre côté de la rue. Bien qu’il débute le film en tant que créature pathétique, se tournant maladroitement vers le crime après un accident étrange qui l’a rendu inapte au travail, une rencontre fortuite avec Spider-Man l’incite à exploiter pleinement ses pouvoirs. Il se lance alors dans une quête pour devenir bien plus qu’une simple bizarrerie, en traversant les dimensions à la recherche de sa pleine puissance.
Pendant ce temps, Miles retrouve Spider-Gwen (Hailee Steinfeld), et il découvre qu’elle fait désormais partie d’une bande de héros araignées interdimensionnels. Ensemble, ils s’efforcent de réparer la déchirure spatiale et temporelle que Miles croyait avoir réparée dans Into the Spider-Verse, une déchirure qui envoie actuellement des personnages et des méchants à travers le multivers.
Il est étrangement fascinant de constater à quel point le concept de multivers – une multitude de dimensions infinies où tout ce qui aurait pu se produire s’est produit quelque part – a pris une telle ampleur dans la culture populaire. D’une part, cela permet de créer des équipes de fan service sans vergogne, réunissant des personnages qui n’auraient jamais dû se croiser. D’autre part, le multivers prive théoriquement chaque histoire de son importance, car même si une histoire est captivante ou dramatique, elle s’est déroulée d’une manière totalement différente ailleurs.
Un film comme Everything Everywhere All At Once exploite le potentiel infini d’un multivers pour explorer les possibilités limitées d’une seule vie. Il illustre avec une clarté libératrice, puis déprimante, puis éclairante, la myriade de façons dont nos vies auraient pu se dérouler si nous avions fait n’importe quel autre choix. Le va-et-vient entre destin et chaos confère également un poids impressionnant à ces films du Spider-Verse, en particulier ce nouvel opus.
L’expansion du Spider-Verse
Dans le tourbillon effervescent du premier opus, nous avons été introduits à une pléthore de versions alternatives de l’homme-araignée. Du Peter Parker classique au Spider-Cochon délirant, en passant par Spider-Man Noir, chaque héros apportait sa propre saveur à l’intrigue. Ce foisonnement d’identités multiples a créé une toile complexe de possibilités et a captivé notre imagination. Nous nous sommes immergés dans un kaléidoscope de personnalités arachnéennes, chacune avec ses nuances et ses attributs uniques.
Mais là où le premier opus nous a offert un aperçu alléchant du multivers, Spider-Man: Across the Spider-Verse promet de plonger encore plus profondément dans cette dimension infinie d’alternatives. Les frontières entre les mondes sont brouillées, les réalités s’entrechoquent et les Spider-Men de tous les coins de l’univers s’uniront pour affronter des menaces encore plus redoutables. Nous serons témoins d’une exploration audacieuse des possibilités infinies qu’offre le multivers.
Parmi ces héros interdimensionnels, Spider-Gwen se distingue avec éclat. Elle fait son retour dans le monde de Miles Morales grâce à un bracelet mystérieux qui lui permet de naviguer à travers les univers parallèles. Cette super-héroïne au charisme ravageur et à la ténacité sans faille travaille pour la Spider-Society, une organisation dédiée à la protection des mondes contre les menaces multiverselles. Spider-Gwen se présente comme la co-star du film, jouant un rôle plus important que dans le premier long-métrage. Sa relation complexe avec son père, le capitaine Stacy, et son univers aux teintes pastel ajoutent une profondeur émotionnelle à son personnage.
L’ouverture de ce nouveau chapitre cinématographique est un véritable festin visuel. Les premières images nous happent dans un tourbillon d’animation éblouissante, nous transportant dans des paysages étonnants et des mondes inconnus. Les styles visuels variés, allant des dessins 2D aux modèles 3D en passant par les collages papier et les croquis, fusionnent harmonieusement pour créer une symphonie visuelle captivante. Chaque scène est soigneusement conçue pour susciter l’émerveillement et l’étonnement, nous laissant dans l’attente fébrile de ce que cette aventure épique nous réserve.
Une générosité visuelle
Le film ne cesse d’émerveiller par sa direction artistique audacieuse et ses changements d’univers saisissants. Chaque nouveau monde visité est un véritable délice visuel, offrant des esthétiques uniques et exploitant pleinement les possibilités d’un vrai multivers. Les artistes derrière le film ont repoussé les limites de l’imagination pour nous présenter des environnements qui transcendent notre réalité. Des cités futuristes baignées de néons aux paysages indiens de Mumbattan, en passant par des mondes colorés et fantaisistes, chaque scène nous transporte dans un univers visuel distinct, ce qui élargit notre perception de ce que peut-être un film d’animation.
L’une des qualités remarquables du film de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers, Justin K. Thompson est sa capacité à surpasser les films en live-action sur le plan visuel. Ce film prouve encore une fois que l’animation peut transcender les limites de la réalité pour créer des expériences visuelles plus immersives et inventives. Les multiples styles visuels, allant des dessins 2D aux modèles 3D, permettent aux cinéastes de s’affranchir des contraintes du monde réel, offrant une liberté artistique sans limite. Chaque détail, chaque mouvement, chaque éclat de lumière est soigneusement conçu pour nous submerger dans un festin visuel éblouissant. On sent clairement la patte des différents artistes qui ont travaillé sur l’homme araignée, notamment Matteo Scalera ou encore Adrian Alphona. Ce long métrage est un spectacle de tous les instants, sublimant les codes des comics et de la bande dessinée.
L’expérience cinématographique offerte est d’une nature inégalée, une véritable explosion visuelle. Le générique final nous plonge dans l’esthétique saisissante de Gaspar Noé, tandis que les échos des bandes dessinées indiennes des années 70 éclaboussent dans nos rétines. Des collages d’albums mixtes et des gribouillages monochromes à la Stanley Donwood s’entremêlent, créant une mosaïque visuelle captivante.
L’utilisation habile de la couleur, de la composition et de la texture transcende les frontières de l’expression visuelle, transmettant avec ingéniosité les nuances d’humeur et de ton. Mais c’est dans la Terre-65 de Gwen que cette créativité sans limite trouve son apogée. Les aquarelles délavées s’y transforment de manière fluide et harmonieuse, en symbiose avec la narration. Les émotions s’épanouissent alors en une symphonie de teintes tourbillonnantes, créant une véritable expérience synesthésique qui frappe nos sens et captive notre esprit.
Un casting qui sonne juste
Le deuxième opus de cette nouvelle trilogie brille par sa variété de Spideys empruntés aux comics, offrant une expérience unique et riche pour les fans. Chaque version du héros apporte sa propre personnalité et sa propre histoire, ce qui apporte une diversité narrative qui enrichit l’univers du Spider-Verse. Des personnages tels que Spider-Gwen, Spider-Man Noir, Spider-Punk et bien d’autres se joignent à Miles Morales pour former un groupe hétéroclite de héros, au sein duquel chacun apporte sa propre expertise et sa propre perspective.
Les voix des personnages principaux sont remarquables, donnant vie à ces héros avec talent et émotion. Les performances vocales captivantes ajoutent une couche supplémentaire de profondeur à chaque personnage. Elles permettent de transmettre les émotions et les nuances nécessaires pour que nous puissions nous connecter avec ces héros extraordinaires. Chaque acteur offre une interprétation saisissante, capturant l’essence de leur personnage et lui donnant vie d’une manière mémorable. On pense notamment ici au travail incroyable de Daniel Kaluuya, embrassant complètement Hobbie Brown (Spider-Punk) pour en faire un personnage charismatique et haut en couleurs. On notera d’ailleurs les influences des oeuvres de Jean-Michel Basquiat sur le style graphique du personnage (cela avait d’ailleurs été plus ou moins teasé dans un tweet de Jorge R. Gutierrez). Oscar Isaac et Issa Rae font également leur apparition, respectivement pour incarner Miguel O’Hara et Jessica Drew (Spider-Woman). En passant, quel plaisir de voir enfin un long métrage de super-héros utiliser correctement les talents d’Isaac.
L’importance de la diversité des personnages dans Spider-Man: Across the Spider-Verse est incontestable. Le film met en avant une distribution variée, offrant une représentation plus équilibrée et inclusive. Des personnages issus de différents milieux, cultures et origines sont mis en avant, montrant ainsi la richesse de la diversité. Cet aspect renforce la portée du film, permettant à un large public de s’identifier et de se sentir représenté à l’écran.
La technique au service de la direction artistique
Spider-Man: Across the Spider-Verse bénéficie de l’assistance précieuse des professionnels du comics dans le domaine de l’animation. Cette collaboration permet de retranscrire fidèlement l’esthétique et le langage visuel propre aux bandes dessinées. Les animateurs ont su capturer l’énergie et la dynamique des planches de comics, afin d’offrir une expérience visuelle immersive et unique. Chaque cadre est méticuleusement conçu pour refléter l’essence graphique des comics, créant ainsi une symbiose parfaite entre le style visuel et l’histoire.
La fluidité de la caméra donne vie à des scènes d’action frénétiques et palpitantes, ce qui offre des mouvements acrobatiques qui défient les lois de la gravité. Les séquences d’animation sont d’une grande intensité, et transportent les spectateurs au cœur de l’action en les laissant ébahis devant la maîtrise technique et l’attention portée aux détails. Chaque mouvement est soigneusement chorégraphié, créant une expérience cinématographique visuellement captivante. On pouvait avoir quelques doutes après avoir vu le trio de réalisateurs du premier opus s’écarter, mais le résultat est d’autant plus surprenant et jouissif. Encore une fois, le nouveau trio n’y va pas avec le dos de la cuillère et toutes les idées sont poussées à fond, sans pour autant devenir écoeurantes.
Le film utilise brillamment les cadres et motifs propres à la bande dessinée pour renforcer son récit. Les transitions entre les univers parallèles sont habilement présentées à travers des effets visuels saisissants, créant une immersion totale dans le multivers arachnéen. Les techniques de découpage et de mise en page propres aux comics sont intégrées de manière astucieuse, ce qui ajoute une dimension visuelle supplémentaire au récit. Les flashbacks sont par exemple représentés via des couvertures de comics, cachant 1001 détails que nous pourrons découvrir après moult visionnages. Ces choix artistiques font de chaque plan un tableau vivant, renforçant ainsi l’impact émotionnel et la portée narrative du film.
De la même manière, la musique de Daniel Pemberton évolue en symbiose avec les variations de style qui imprègnent le film, amplifiant la pulsation vitale qui le fait avancer. Le rythme effréné auquel Across the Spider-Verse enchaîne les images est à la fois éblouissant et éreintant. Malgré les tableaux d’action arachnéens glorieux dont le film nous régale, ce sont souvent les moments simples et calmes qui marquent le plus. Lors d’une rencontre entre Miles et Gwen sur un toit, alors qu’ils évoquent les défis de maintenir des liens familiaux, les deux héros se suspendent la tête en bas, contemplant New York d’un point de vue qui leur est exclusif. C’est à peu près tout l’espace que le film accorde à ces deux personnages pour explorer leurs sentiments complexes envers le super-héroïsme et le réconfort qu’ils trouvent dans leur relation. Ces moments sont rares mais fonctionnent à merveille, montrant à la perfection l’alchimie les deux protagonistes.
Les points faibles du film
Malgré son spectacle visuel impressionnant, Spider-Man: Across the Spider-Verse comporte quelques références et placements de produits qui peuvent parfois apparaître comme des interruptions dans l’immersion. Bien que compréhensible du point de vue de la réalité commerciale du cinéma, ces éléments peuvent ternir légèrement l’expérience globale en rappelant au spectateur qu’il est face à un produit de divertissement. Cependant, ces moments sont heureusement rares et ne compromettent pas l’ensemble du spectacle offert par le film.
La logique d’univers à franchiser derrière Spider-Man: Across the Spider-Verse peut sembler contradictoire compte tenu de l’exceptionnel caractère autonome du film. Alors que le récit se déroule de manière cohérente et concluante, on perçoit néanmoins des indices d’une volonté d’expansion future de l’univers cinématographique de Spider-Man. Bien que cela puisse susciter des attentes et des interrogations quant à la direction que prendra cette franchise, il est important de reconnaître que cette décision peut également ouvrir des portes à de nouvelles explorations narratives et à des développements passionnants. On peut ainsi reprocher peut-être quelques moments qui sont “too much”, où l’on peut imaginer certains spectateurs perdus devant ce festival créatif. Nous pensons que le film est parfaitement équilibré, faisant de Across the Spider-Verse le potentiel meilleur film sur l’homme araignée.
Conclusion
Across The Spider-Verse est une œuvre magistrale. C’est un véritable bijou de de pop-art, qui ne se contente pas de surfer sur la vague de la popularité, mais qui pulvérise les barrières, vibrant et frappant avec une énergie débordante. C’est une œuvre qui ne se contente pas d’exister pour être contempler passivement, mais qui utilise tous les moyens à sa disposition pour susciter en vous des émotions profondes et intenses.
C’est un hymne à la possibilité de réinventer les règles, qui repousse sans cesse les limites de l’imagination. C’est une démonstration d’une ambition débordante en tant qu’objet d’animation numérique. Chaque élément minutieusement sélectionné dans ce tourbillon artistique est une petite récompense pour ceux qui ont été attentifs, qu’il s’agisse des clins d’œil aux anciens films Spider-Man ou des légendes glissant discrètement des blagues muettes dans des scènes dépourvues de dialogue.
L’animation c’est du cinéma, ce n’est pas un genre pour les enfants. C’est un médium qui a produit certains des monuments les plus durables du cinéma.
Guillermo Del Toro lors de la remise du prix du meilleur film d’animation aux Oscars pour Pinocchio
Certes, tous les thèmes, toutes les intrigues et tous les moments d’Across the Spider-Verse ne sont pas forcément des réussites, surtout si l’on considère que la suite de cette histoire n’aura lieu que dans un an, voire un peu plus. Mais au final, l’essence même des films Spider-Verse réside dans cette idée de se surpasser, d’être plus grands et plus audacieux, de repousser les limites de ce qui est considéré comme possible. Il n’est guère étonnant que chaque partie d’Across the Spider-Verse soit une tentative de surpasser le premier film, de grandir, de transcender les attentes et d’ignorer les limites imposées par autrui. L’idée de croître, de dépasser et d’aller au-delà est au cœur même des héros de cette série et de leur parcours individuel. Il semblerait que les films eux-mêmes soient conçus pour faire de même, pour transcender les conventions et aller plus loin.
Si Beyond The Spider-Verse suit cette lancée et maintient cette qualité, nous pourrions être témoins de la naissance d’une nouvelle trilogie d’exception. Un tournant décisif dans l’histoire de Spider-Man au cinéma, où l’audace, la créativité et la remise en question constante guident le chemin. Pour tous les fans de comics, voici enfin la parfaite adaptation d’une oeuvre de super-héros.To be continued…
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