La série The Last of Us se déploie de plus en plus avec ce troisième épisode (critique de l’épisode précédent ici). Nous sommes devant une adaptation très réussie et le scénario ose enfin s’émanciper du jeu pour nous proposer une expérience différente. Mais est-ce que ces libertés prises permettent aux spectateurs de respirer un air nouveau avec The Last of Us ? Et mieux, est-ce que les joueurs de la licence peuvent enfin être intrigués par la suite des événements ? Réponse dans cette critique.
Critique sans spoilers
Cet épisode 3 met en pause l’histoire principale de la série pour se concentrer sur deux nouveaux personnages : Bill et Frank. Et c’est un profil psychologique très intéressant qui nous est dépeint. Les joueuses et joueurs ne seront pas surpris par le personnage de Bill, qui était un survivaliste qui ne vit que pour lui-même, fâché avec la vie et ne tolérant la présence de presque personne. Pour autant, la série vient donner une profondeur au personnage de Bill, et elle vient développer une histoire d’amour qui était seulement évoquée dans le jeu vidéo. En effet, 90% de l’épisode se consacre à montrer des sentiments naissants et puissants entre ces deux hommes. Nous y voyons la routine s’installer (dans un contexte d’apocalypse zombie) : les engueulades, les moments de bonheur, les petites surprises. C’est une prise de risque de la part d’HBO, mais une prise de risque qui fonctionne parfaitement avec la narration propre à The Last of Us.
Tout y est. La tristesse, la joie, la peur. Nos personnages, tout comme les spectatrices et spectateurs, passent par plusieurs états, avant le final d’un épisode aussi magnifique que dramatique. Nous ne pouvons pas manquer d’évoquer l’évolution psychologique de Bill, qui passe d’une misanthropie à l’impossibilité et au refus de vivre sans l’être aimé. Nous sommes face à une belle leçon d’écriture et de profondeur, sans trop en faire. L’idée d’un couple vieillissant ensemble, isolé du monde et de ses nouvelles menaces, est remarquablement bien exploitée. Sans montrer un seul infecté, ni aucun militaire, nous sentons les tensions, le stress, et les enjeux auxquels se confrontent nos personnages. Évidemment, les performances de Nick Offerman (Bill) et Murray Barlett (Frank) y sont pour quelque chose. Les deux acteurs ne font qu’un avec leurs personnages. Nous ne pouvons qu’être heureux face à autant de qualité dans le développement de deux personnages pourtant très secondaires dans le jeu.
Pour ce qui est de la mise en scène et de la musique, nous sommes ici aussi face à une amélioration par rapport aux deux premiers épisodes. Nous n’avons plus de plans copiés-collés du jeu. Cependant, il est normal d’avoir cet effet quand les moments montrés sont inédits. À voir si cet effort évoluera en bien pour les prochains épisodes. L’ambiance sonore, elle, laisse place aux bruits de la nature, au silence témoignant de la disparition d’une grande civilisation. Nous restons dans un registre pesant, mais paradoxalement plus doux, la nature étant moins dangereuse que la ville.
Les décors viennent accompagner cette ambiance sonore. Le côté urbain des deux premiers épisodes est remplacé par de longues plaines, des forêts et une petite ville. Cet épisode 3 nous permet de quitter l’air étouffant de Boston afin de nous laisser respirer un peu avant la suite. C’est un moment de répit nécessaire, une accalmie qui permet de montrer que, malgré une pandémie et une société devenue violente, les humains s’aiment encore, tendent leurs mains aux autres. C’est un espoir mince pour cet univers sombre et méchant, mais un espoir quand même. Merci Bill et Frank.
Encore une fois, cet épisode témoigne d’une grande qualité, d’un grand soin apporté à l’écriture de l’adaptation de The Last of Us. Il y a un amour pour le matériau de base, un grand respect et une volonté de développer cet univers. L’émancipation se remplace par des prises de risques qui fonctionnent et qui permettent d’approfondir des personnages du jeu. Nous sommes impressionnés par la pertinence des changements apportés à la série. Chez PlayStation Inside, nous sommes une nouvelle fois conquis. Après un tel détournement du jeu, que ce soit pour les joueurs et les connaisseurs de l’univers The Last of Us, mais aussi pour les nouveaux arrivants, la curiosité s’installe solidement et est partagée de toutes et de tous.
L’avis d’Aurélie, rédactrice en chef chez Naughty Dog Mag :
« Pour cette plongée dans la vie de notre bon vieux misanthrope de Bill, Peter Hoar calme la caméra tressautante des précédents épisodes afin de brosser avec douceur le portrait d’un couple en passe réussir l’impossible dans ce monde déchiré : trouver une raison de se lever chaque matin et de vivre chaque jour. Au placard le ressentiment et l’action du jeu, la série se focalise ici sur les relations humaines. Offrant un miroir plus optimiste à la relation d’Ellie et Joel, celle de Bill et Frank fait un heureux pied de nez aux éternels tropes des couples homosexuels à la télévision. Abordant des problématiques très actuelles, la série The Last of Us élève le personnage de Bill qui, dans la dignité offerte par cette storyline inédite, donne une véritable leçon à Joel. Bien sûr, on aura une certaine nostalgie des événements explosifs d’origine. Pour autant, cette version, toujours acerbe mais aussi plus sensible de Bill, trouvera sa place dans le cœur du public aux côtés des souvenirs du jeu. »
Critique avec spoilers
Nous noterons surtout les libertés prisent entre le jeu et la série. En effet, dans The Last of Us sorti en 2013, Bill est un personnage très secondaire, mais aussi très différent psychologiquement comme nous le disions plus haut. Nous avons affaire à un personnage plus doux, plus prévenant avec les autres. Mais cette différence psychologique se manifeste aussi par la différence temporelle et la différence de la situation dans laquelle se trouve Bill. Dans le jeu, Frank s’est suicidé bien avant notre arrivée dans l’antre piégé de son conjoint. De ce fait, nous rencontrons un Bill qui a souffert, en deuil, isolé de toute civilisation. Au même moment, dans la série, Bill est déjà mort puisqu’il a préféré partir avec Frank plutôt que de vivre dans la solitude. C’est une différence notable sur un plan purement narratif. En revanche, la finalité est la même puisque dans le jeu, après avoir récupéré une voiture chez Bill, nous ne le revoyons plus du tout. Dans la série, Joel et Ellie récupèrent aussi une voiture et s’en vont.
Les petites différences de la série par rapport au jeu permettront, comme nous le voyons, d’approfondir l’univers de The Last of Us, sans pour autant en changer les événements majeurs. C’est à ça que nous pouvons reconnaître une bonne adaptation. La notion du détail et l’amour porté au matériau de base se font terriblement ressentir dans cette série. Et c’est un point excellent et prometteur pour la suite de la série. Nous avons très hâte d’être lundi prochain.
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