Au début de l’année 2022 nous apprenions, non sans surprise, que Microsoft démarrait une procédure de rachat afin d’acquérir Activision Blizzard, le célèbre éditeur en charge des licences Call of Duty et World of Warcraft. Un peu partout dans le monde, la transaction est étudiée dans les moindres détails, afin de vérifier qu’une telle action financière ne risquerait pas de perturber l’équilibre de l’industrie du jeu vidéo et la concurrence avec PlayStation. Alors que l’affaire semblait suivre son cours rapidement, le Royaume-Uni a décidé de lancer une enquête plus approfondie sur l’intégration d’Activision à l’armada de studios de la firme de Redmond. Serions nous finalement face à un rachat loin d’être acquis ?
PlayStation affaibli ?
Ce jeudi, nous avons pu apprendre que l’autorité britannique de la concurrence, la CMA, réfléchissait à la possibilité d’ouvrir une enquête plus approfondie sur le rachat d’Activision Blizzard par Microsoft pour la coquette somme de 68,7 milliards de dollars. L’organisme britannique a soulevé de nombreuses préoccupations auxquelles il souhaite obtenir rapidement des réponses. Dans un résumé en 35 points, la CMA a affiché ses craintes quant à ce projet qui pourrait impacter considérablement la concurrence de Microsoft (donc principalement PlayStation) sur le marché du jeu vidéo. À l’heure actuelle, PlayStation est solide leader en terme de ventes de matériels et de jeux sur les consoles de nouvelles génération. Toutefois, le régulateur s’inquiète de l’impact qui pourrait se faire véritablement sentir lors du lancement de la future génération de consoles dans plusieurs années, lorsque les utilisateurs seront amenés à faire un choix entre les deux constructeurs.
Suite à la conclusion de cette phase de son enquête, l’organisme de régulation indique clairement redouter que Microsoft finisse par abuser de sa position de force face à PlayStation en détenant des jeux incroyablement populaires tels que ceux issus de la licence Call of Duty. Nous rappelons que depuis la sortie du premier Modern Warfare en 2007, presque chaque nouvel opus de la saga militaire se retrouve sur le podium des jeux les plus vendus de l’année sur les consoles PlayStation, et que les micro transactions issues de l’activité des joueurs sur ces titres représentent une importante part du chiffre d’affaires de l’entreprise japonaise. À la lumière de la position dominante de Microsoft sur le marché des abonnements et du cloud gaming, les institutions britanniques estiment qu’il est plus que probable que l’ajout d’un tel catalogue dans l’arsenal de Xbox pourrait leur permettre de nuire à PlayStation. Certains des membres de la commission s’inquiètent de la possibilité de voir Microsoft être suffisamment en position de force pour empêcher quiconque d’essayer de les rejoindre sur le très récent marché des systèmes d’abonnements, ou de forcer des acteurs déjà bien établis à accepter l’arrivée du Game Pass sur leur plateforme sous peine de dire adieu à la lucrative licence.
Les responsables de Microsoft et d’Activision ont réagi aux questions soulevées par la CMA et ont exprimé leur volonté de coopérer avec PlayStation tous les acteurs, rappelant des éléments qu’ils avaient déjà défendus devant les organismes de régulation au Brésil.
Nous avons entendu que de nombreuses personnes craignent que ce rachat puisse priver une grande partie des joueurs des licences auxquelles ils aiment jouer. C’est pourquoi, comme nous l’avons déjà dit par le passé, nous nous engageons à ce que Call of Duty continue à sortir sur les machines de PlayStation, dans le même état et à la même date que sur nos systèmes. Nous savons que les joueurs bénéficient de cette approche car c’est ce que nous faisons avec Minecraft, qui continue d’être disponible sur plusieurs plates-formes depuis que Mojang a rejoint Microsoft en 2014.
Phil Spencer
Bien que personne ne va jusqu’à remettre en cause la sincérité des propos de Phil Spencer, la commission britannique a tenu à rappeler que le même genre de discours avait été tenu lors de l’acquisition de ZeniMax Media, mais que cela n’avait pas empêché le géant américain de rendre les prochains jeux de l’éditeur, Starfield et Redfall, entièrement exclusifs à l’écosystème Microsoft. Cette jurisprudence lui incombe donc une grande vigilance.
Microsoft et Activision restent confiants
Malgré ce petit couac public, les deux entreprises américaines affichent encore une grande confiance quant à la faisabilité de la fusion. Le directeur général d’Activision, Bobby Kotick, a maintenu que tout allait dans le bon sens pour finaliser l’accord au cours de l’exercice financier de Microsoft qui s’achèvera le 30 juin 2023. Microsoft et Activision ont jusqu’au 8 septembre pour fournir une réponse convaincante à la CMA, afin d’éviter la mise en chantier d’une enquête plus approfondie sur les répercussions que pourrait engendrer le rachat pour PlayStation. La firme de Redmond compte bien continuer à faire comprendre que la non-commercialisation d’une licence comme Call of Duty chez le concurrent serait un non sens économique complet, ainsi qu’une énorme perte de rentabilité. Toujours selon Bobby Kotick, d’autres pays devraient bientôt annoncer publiquement qu’ils valident l’opération. C’est en tout cas ce qu’il précise à travers une lettre transmise à tous ses employés.
Alors que la FTC, la CMA et la Commission européenne continuent leurs analyses et leurs débats sur cette transaction, il convient de rappeler que, le mois dernier, l’Arabie saoudite est devenue le premier pays à valider l’opération. Cette décision des autorités de régulation saoudienne constitue un premier signal positif quant à la conclusion de cette affaire et vient contrebalancer le retour de l’organisme britannique. Le vice président de Microsoft, Brad Smith, n’a pas hésité à monter au créneau et s’est déclaré prêt à répondre à toutes les inquiétudes soulevées par la CMA. Il a notamment confirmé la volonté profonde de Microsoft d’appliquer les promesses de Phil Spencer quant à la disponibilité de Call of Duty sur les consoles de l’entreprise rivale japonaise.
Si nous ne remettrons pas en doute la sincérité de la parole de Microsoft, malgré ce que nous avons pu observer avec les fausses promesses autour des licences Bethesda, nous ne pouvons nier que le fait de posséder les licences d’Activision Blizzard placera les équipes de Phil Spencer en position de force sur chacune des négociations avec Jim Ryan, qui ne pourra pas mettre Call of Duty day one sur le PlayStation Plus comme Xbox le fera sur le Game Pass (ce qui fait pencher indubitablement la balance vers Microsoft, quoiqu’il arrive). En cas de rachat validé, l’entreprise japonaise risquerait de vivre en permanence avec la menace de perdre la présence de Call of Duty sur ses consoles, d’où la nécessité de s’affranchir de la dépendance financière vis à vis de la licence militaire d’Activision. Et si le rachat de Bungie était le prix de la libération pour PlayStation ?
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