L’industrie du jeu vidéo change. La perte d’aura de licences autrefois très populaires, comme Assassin’s Creed ou Call of Duty, ainsi que l’explosion démesurée du coût moyen pour produire un jeu vidéo à gros budget, ont permis à toute une nouvelle frange de créateurs de sortir de l’anonymat et de s’attirer la curiosité du public. Les succès critiques et commerciaux de nombreuses petites productions, issues de studios modestes ayant réussi à saisir leur chance, ont engendré un besoin de s’essayer à de nouvelles expériences vidéoludiques. Cela a impulsé une nouvelle orientation chez les trois principaux acteurs du marché, ravis de pouvoir trouver un moyen de s’extirper du coûteux carcan des AAA. Face à l’importance donnée aux jeux indépendants chez Nintendo, qui ne peut pas réellement compter sur les gros jeux multiplateformes, ainsi que chez Microsoft, qui n’hésite pas à s’en servir pour donner de l’attrait au catalogue du Game Pass, il ne fut pas étonnant de voir PlayStation suivre la marche d’un pas conquérant, bien guidé par la main de fer de Shuhei Yoshida qui préside le pôle PlayStation Indies depuis novembre 2019. Presque trois ans après sa nomination, il est l’heure de dresser un premier bilan.
Qu’est-ce qu’un jeu indépendant ?
C’est une vaste question, à laquelle il n’est pas toujours évident de répondre. Fondamentalement, la sphère du jeu vidéo indépendant regroupe les titres qui sont développés par des petits studios qui n’appartiennent à aucun éditeur. C’est à dire qu’ils ne sont pas protégés et guidés par une structure qui apporte son soutien financier pour le développement et le marketing. On observe que les productions indépendantes ont pris une importance capitale au sein de l’industrie vidéoludique, et la raison à cela va au delà du romantique aspect artisanal qui peut se dégager de telles oeuvres. La créativité et la diversité des jeux vidéo indépendants expliquent leur conséquent gain de popularité auprès des joueurs du monde entier. N’étant soumis à aucun impératif émis par un éditeur devant rentrer absolument dans ses frais, le développeur indépendant jouit d’une liberté quasiment absolue. Sa vision ne peut être altérée ou entravée par qui que ce soit.
C’est cette liberté de création qui permet de proposer aux joueurs des concepts souvent très originaux et jusqu’au-boutistes. Tous les genres s’y retrouvent : horreur, plateforme, roguelike, survie, construction. Il n’est pas rare de voir des oeuvres à gros budget reprendre des idées d’abord apparues dans des productions indépendantes. En un sens, la sphère des indépendants sert parfois de laboratoire d’expérimentation afin de voir les concepts qui peuvent marcher et capter l’attention. On trouve sous le label indépendant aussi bien des productions vidéoludiques à caractère expérimental ou artistique, dont la distribution reste confidentielle, que des jeux plus adaptés au grand public, et qui peuvent connaître un succès commercial. C’est par exemple le cas du premier Hellblade, sorti en 2017, qui est une petite production issue du travail acharné de 20 personnes.
L’univers des créateurs indépendants fascine car c’est un terreau de production qui se situe souvent à l’intersection de la sphère professionnelle et de la sphère domestique. Dans de nombreux cas, s’atteler au développement d’un jeu indépendant a tout d’un travail non salarié. C’est la passion et le plaisir de créer qui portent les idées et insufflent l’énergie aux développeurs. Le mythe du passionné qui travaille de son côté, en dehors de ses horaires de travail, est beaucoup plus palpable et réel que ce que nous pourrions être tentés de penser.
Il est désormais beaucoup plus aisé d’exister en tant que créateur de jeux vidéo que par le passé. Cela ne veut pas dire qu’il est facile d’en vivre, loin de là, mais il est possible pour n’importe qui de suffisamment passionné d’aboutir à la création d’un jeu. Les outils sont accessibles à tous, et la facilité d’utilisation de moteurs comme l’Unreal Engine ou Unity permet même à des néophytes d’aller au bout d’un projet. De plus en plus de jeux sont ainsi annoncés en mettant en avant le fait qu’ils ont été réalisés par moins d’une vingtaine de personnes. Évidemment, beaucoup de ces titres tombent dans l’oubli et ne se font jamais connaitre, mais cela a le mérite d’ouvrir la voie à tout un bassin de créateurs. Nous sommes loin de l’époque où, pour sortir un jeu, il fallait forcément financer la logistique d’une sortie en boite. L’avènement du dématérialisé a été un coup de pouce majeur pour la scène indépendante. Cela a permis d’affranchir de nombreux créateurs des énormes contraintes inhérentes à la sortie physique d’un jeu. Cependant, toutes les facilités d’accès aux outils de développement, ainsi que le développement des canaux numériques permettant un contact direct avec les joueurs, n’enlèvent pas la difficulté d’exister face aux grosses productions.
L’épineux cas du jeu vidéo AAA
Pour comprendre le lien existant entre l’industrie des indépendants et des productions à gros budget, il convient de faire un peu de contexte et d’expliquer ce qu’est un AAA, ainsi que la situation actuelle de ce marché. Ces trois lettres, souvent considérées à tort comme un tampon de qualité indiscutable, servent avant tout à qualifier dans une sphère bien à part les titres qui ont bénéficié de budgets colossaux pour le marketing et le développement, de l’apport de plusieurs centaines de personnes et de très longues années de gestation. À l’heure actuelle, un AAA coûte en moyenne 150 millions d’euros. Les dépenses en marketing représentent entre 50 et 75 % de cette somme. Un jeu d’une telle envergure demande donc énormément d’investissements financiers et humains.
Les graphismes plus vrais que nature et l’obsession du réalisme sont extrêmement coûteux. Les productions de ce type ne se cachent pas, elles ont pour ambition de marcher dans les traces du septième art. C’est pour cela que le AAA est souvent considéré comme étant au monde du jeu vidéo ce que les blockbusters sont au monde du cinéma. De part sa nature et sa structure, un jeu vidéo est profondément différent d’un film. La volonté de lier, en un tout indivisible, le meilleur du cinéma et du monde vidéoludique a tout d’un travail titanesque. Un réalisateur de films a juste besoin de sa caméra, de son sens de la composition et de quelques outils pour réaliser une belle prise. Il n’est pas rare de boucler une scène en une journée de travail. Réaliser une scène dans un jeu de l’acabit de The Last of Us Part 2 demande infiniment plus de travail technique. Il faut créer l’environnement, s’occuper du travail d’animation des personnages, créer les pistes sonores, et tout un tas d’autres tâches qui nécessitent énormément de temps et d’argent.
Toutes ces difficultés n’ont pas empêché PlayStation de s’emparer du titre d’empereur des AAA. Cette réputation n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’un travail de longue haleine ayant permis de délivrer aux joueurs des oeuvres massives comme Spider-Man, God of War, Uncharted ou The Last of Us. La machine du constructeur japonais est tellement bien huilée, qu’il est désormais inconcevable dans l’esprit du public de passer un semestre sans la sortie d’une ou deux grosses productions PlayStation. Cependant, même le géant japonais ne peut échapper à la conjoncture actuelle. Shawn Layden, ancien président de Playstation, nous apprenait en 2020 que, sur la durée de la génération de la Playstation 4, le cout moyen d’un AAA était passé de 80 millions à 150 millions de dollars, et que les prévisions tablaient sur un budget moyen de plus de 200 millions d’ici à 2025.
Il est ainsi aisé de constater que reposer uniquement sur les sorties de gros jeux va s’avérer de plus en plus compliqué. La mise en chantier d’une production de cette envergure représente un risque important pour n’importe quel éditeur. Le risque augmentant avec l’accroissement des coûts de productions, il ne sera pas surprenant de voir de moins en moins de risques créatifs être autorisés et supportés. C’est là que la sphère des jeux indépendants entre en scène. Ces productions, dont la popularité ne cesse d’augmenter, représentent une opportunité de pérenniser le cercle vertueux de la création artistique. Pour PlayStation, il n’est donc pas question de sacrifier la qualité de ses grosses cartouches solo narratives, mais de contribuer à démocratiser la pratique du jeu vidéo indépendant afin d’occuper chaque période du calendrier. C’est dans cette optique que Shuhei Yoshida apparait comme étant l’homme providentiel.
La patte Shuhei Yoshida
Shuhei Yoshida n’est pas n’importe qui dans le milieu du jeu vidéo. Il est principalement connu pour avoir été le président de Sony Interactive Entertainment Worldwide Studios de 2008 à 2019, mais surtout pour être l’un des fondateurs de Sony Interactive Entertainment, et donc l’un des pères de la marque PlayStation. Depuis 2019, il a pris la présidence de PlayStation Indies, devenant ainsi responsable de la croissance de la sphère des jeux indépendants au sein de l’écosystème PlayStation. Sa nomination à ce nouveau poste, suite à l’intronisation de Hermen Hulst comme nouveau président des Worldwide Studios en 2019, n’est absolument pas surprenante.
Il n’a jamais caché son amour inconditionnel pour les jeux indépendants. En 2014, lors d’un entretien avec Famitsu, il expliquait sa volonté de mettre plus en avant les jeux indépendants occidentaux sur le store japonais. Il avait déjà une vision catégorique de l’avenir de l’industrie vidéoludique. Il prévenait que quelque chose de grand était en marche du côté de ces « petits » développeurs et que les joueurs feraient bien de se montrer attentifs, car rien ne pourrait entraver la marche de cette nouvelle vague créative.
Avoir dans ses rangs quelqu’un d’aussi passionné de jeux vidéo indépendants que Yoshida est une aubaine incroyable pour Playstation. Il suffit de jeter un oeil au compte twitter du Monsieur pour se rendre compte de la sincérité de ce qu’il revendique. À bien des égards, il est le plus grand et le plus efficace porte-parole des jeux indépendants. Il n’hésite jamais à tweeter sur les projets qui ont le plus attiré son attention. Il a d’ailleurs trouvé une formule efficace à chaque tweet pour exprimer son impatience quant à la sortie d’un titre. Il indique la date de sortie, suivie d’un très sobre « cannot come soon enough!”.
Le président de PlayStation Indies se montre toujours disponible pour parler des jeux indépendant auxquels il a adoré jouer. En 2021, il a partagé publiquement la liste des jeux de cette catégorie qu’il a estimé être de véritables incontournables. Nous y retrouvons des jeux devenus très populaires comme Hades, Death’s Door, ou l’exclusivité Playstation Kena : Bridge of Spirits, mais nous pouvons également noter la présence de jeux plus confidentiels. Il ne tarit notamment pas d’éloge sur Chicory : A Colorful Tale, un conte coloré, qui traite de thématiques telles que la rédemption et la confiance en soi.
En gérant le pôle PlayStation Indies, Yoshida peut s’atteler pleinement au fait de soutenir et de faire connaître les meilleurs jeux indépendants édités sur les consoles PlayStation. Particulièrement conscient de l’importance cruciale prise par cette nouvelle sphère de développeurs, il entend bien faire de l’écosystème PlayStation le meilleur endroit pour trouver et jouer à des jeux indépendants d’exception. Pour lui, c’est une manière de perpétuer l’identité originelle de la marque japonaise qui a toujours apprécié les jeux basés sur un concept novateur comme PaRappa the Rapper, Katamari Damacy, LittleBigPlanet ou encore Journey. Le travail n’est cependant pas de tout repos, PlayStation ayant eu des relations parfois compliquées avec ces nouveaux créateurs au fil des dernières années.
PlayStation face à la grogne des indépendants
Assainir les relations avec les studios indépendants est l’un des plus grands chantiers de Shuhei Yoshida. Un paradoxe important subsistait encore chez PlayStation. Malgré la présence d’un passionné de jeux vidéo indépendants dans ses rangs, l’entreprise entretenait des relations distendues, parfois conflictuelles avec les développeurs de ces petits studios. Toute la bonne volonté de Yoshida, ainsi que ses projets de restructuration, ne furent pas suffisants pour empêcher de nombreux développeurs de prendre la parole contre le géant japonais au début de l’été 2021. C’est Iain Garner qui a lancé les hostilités. Co-fondateur du studio Neon Doctrine, Garner est connu pour avoir dirigé les productions de Hazel Sky, Project Althea ou encore Lamentum. Dans un long thread de 15 messages sur Twitter, il a décrit son expérience avec PlayStation. Son récit fut ensuite confirmé et partagé par de nombreuses personnes.
Garner décrivait en détail le long parcours du combattant que constituait une prise de contact avec PlayStation pour un petit studio. Chaque message envoyé par un indépendant pouvait rester sans réponse plusieurs semaines, voire mois. Malheureusement, à cause du flou des procédures, il n’était pas rare que des studios se retrouvent sans aucun point de contact désigné par la branche vidéoludique de Sony. Certains studios ont également révélé avoir dû attendre parfois presque un an avant de recevoir des kits de développement PlayStation, entrainant ainsi des retards dans le calendrier de développement. L’autre point de fracture important pointé du doigt fut l’impossibilité pour les développeurs de proposer des réductions sur l’un de leurs jeux sans l’accord de Sony. Cela rendait la synchronisation des promotions avec d’autres plateformes très difficile, voire impossible à mettre en place. La gourmandise financière de PlayStation fut également critiquée, nous permettant d’apprendre que les services en charge des ventes numériques réclamaient 25 000$ pour une mise en avant sur le PlayStation Store d’un jeu, en plus de la commission habituelle des 30% prise sur chaque transaction.
Afin d’appuyer les dires de Garner, certains développeurs n’ont pas hésité à partager des graphiques qui montraient la répartition des ventes de leurs jeux sur les différentes plateformes. Matthew White, CEO du studio WhiteThorn, démontrait ainsi que 3 % des ventes de son entreprise se faisaient sur le PlayStation Store, contre 80 à 90 % sur Switch et Xbox. La raison évoquée : la souplesse que laissent Nintendo et Microsoft afin de proposer des promotions sur les jeux, leur permettant ainsi d’apparaître dans des rubriques dédiées sur les boutiques virtuelles. Il expliquait que, sans avoir les bilans fiscaux en tête, il était intimement convaincu que sortir un jeu sur PlayStation lui coutait plus d’argent que cela ne lui en faisait gagner.
Jason Schreier, journaliste réputé pour Bloomberg, profita de l’éclatement de l’affaire pour apporter son analyse. Il avoua ne pas cacher sa surprise vis à vis de toutes ces révélations, expliquant que le problème venait surtout du fait que Sony avait décidé de se concentrer sur les jeux à gros budget au détriment des productions plus modestes. Cette philosophie est en grande partie responsable des dysfonctionnements rencontrés par le département en charge des indépendants. Nous apprenions ainsi que les équipes de Shuhei Yoshida étaient en sous-effectif. Ce manque de main-d’oeuvre expliquait en grande partie le déficit structurel du constructeur japonais dans ses relations avec les partenaires indépendants.
Il est évidemment faux de dire que PlayStation n’avait que faire des jeux indépendants. Yoshida était déjà en place depuis presque deux ans, et nous avions déjà pu observer la mise en avant de nombreuses petites productions durant les State of Play ou via le PlayStation Blog. Nous pensons évidemment à Kena: Bridge of Spirits, Sifu et Returnal, avant que le studio Housemarque ne soit racheté par PlayStation. Ces nombreuses prises de paroles publiques auront cependant eu le mérite de mettre des manquements en avant de la part de la firme japonaise, et de donner du crédit à tout ce que Yoshida voulait mettre en place pour améliorer considérablement l’organisation globale du pôle indépendant.
Des relations assainies
PlayStation a rapidement réagi à cette tempête médiatique. Bien que Sony Interactive Entertainment n’ait pas commenté publiquement l’affaire, la prise de parole des développeurs indépendants a permis aux nombreuses recommandations portées par Yoshida de trouver des oreilles désireuses de se mettre au niveau des autres plateformes de distribution. Dès décembre 2021, soit à peine six mois après le début de l’affaire, PlayStation évoquait, dans une enquête annuelle transmise à tous ses partenaires, les améliorations déjà effectuées et à venir afin de réduire la complexité des processus et des protocoles de communication entre les développeurs et les équipes de Yoshida.
La promesse était simple : moderniser ses outils, améliorer son système de support aux développeurs, ainsi que sa documentation interne, afin de répondre pleinement aux problèmes que les éditeurs et développeurs indépendants seraient susceptibles de rencontrer au cours de leur projet. PlayStation s’engageait aussi à donner, à tous ses partenaires, un accès à de meilleurs outils d’analyse pour les ventes. Cette décision venait en réponse aux nombreuses critiques sur les données de ventes vulgairement mises en page sur un fichier Excel difficilement lisible. Les secousses provoquées par le raz de marée médiatique ont montré que nommer Yoshida à la tête du pôle indépendant n’était pas suffisant et qu’il fallait lui donner les moyens de ses ambitions.
Si nous n’avons aucune information concernant une augmentation des effectifs au sein des équipes de PlayStation Indies, il semble que le problème des délais de réponse ait été réglé. David Logan, dirigeant du studio Akupara Games, confirmait lors d’un entretien avec IGN que le temps de réponse de PlayStation s’était grandement amélioré. Son expérience personnelle, ainsi que les nombreux retours qu’il a récoltés auprès d’autres studios, font état d’un délai d’attente maximum de 48 heures pour obtenir une réponse suite à l’envoi d’un ticket d’assistance.
Tout n’est pas encore parfait mais il est déjà possible d’observer des améliorations dans tous les domaines, également pour ce qui concerne la mise en avant des jeux sur le PlayStation Store. David Logan, décidément pas avare en détails, mentionnait que PlayStation avait mis en place un nouveau fond de financement afin de prendre à sa charge les coûts de portage. Le but de ce fond est d’aider chaque développeur indépendant à sortir ses jeux sur les consoles de la marque japonaise. Cerise sur le gâteau, cette aide financière est facile d’accès. La seule condition pour en bénéficier est que le jeu soit annoncé et disponible sur PlayStation en même temps que sur les autres plateformes. Ce genre d’avancées montre une grande réactivité de la part du constructeur japonais, et laisse penser que ces changements auraient fini par se faire. Malheureusement, les studios n’ont toujours pas la possibilité de faire des promotions lorsqu’ils le souhaitent sur leurs productions disponibles via le PlayStation Store.
Autre point non négligeable : l’ajout d’une section « Nouvelles sorties” sur la page d’accueil du PlayStation Store, qui permet de consulter rapidement tous les jeux ajoutés ces derniers jours. En plus de cela, un onglet consacré aux jeux vidéo indépendants a également fait son apparition. Cette harmonisation des relations et des structures va dans le sens de l’histoire, et épouse le tournant opéré par PlayStation avec la nomination de Yoshida. La mise en avant assumée de petites productions lors de grosses conférences, montre que l’entreprise en charge de licences prestigieuses comme God of War a pleinement conscience du terreau créatif fantastique que représente la sphère indépendante.
Déjà de beaux succès
Des épopées aussi fantastiques que le diptyque The Last of Us, la fresque mythologique God of War, ou le cocktail d’action survitaminé qu’est la licence Uncharted, ont façonné et marqué notre imaginaire de joueur. Que nous soyons joueur PlayStation ou non, nous associons le constructeur japonais à ces sagas. Sony pourrait très bien se contenter de cette image du studio uniquement préoccupé par les gros jeux qui éclatent la rétine. Quand on connait la complexité de la création d’un AAA, bien des entreprises seraient ravies d’être considérées comme la reine du domaine. Cependant, PlayStation veut bien plus et ne saurait se satisfaire d’être considéré uniquement comme l’endroit parfait où créer des productions grand public. L’objectif est simple : être le meilleur système possible pour les créateurs de toutes tailles.
Cette envie se remarque sur les deux premières années de la PlayStation 5. Le catalogue de sorties de jeux sur la dernière console de Sony a été riche, et les indépendants ont particulièrement été mis en valeur. Returnal a ouvert le bal lors de sa sortie en avril 2021. Sa direction artistique alléchante, qui promettait une incroyable aventure de science-fiction, a attiré de nombreux joueurs auxquels le titre n’était pas forcément destiné. Au succès commercial s’est ainsi greffé un retour des débats sur la difficulté dans les jeux vidéo. Racheté par Sony après la sortie du jeu, le studio Housemarque a pu atteindre une belle consécration en voyant leur production remporter trois récompenses au BAFTA 2022, dont le titre de meilleur jeu.
Kena : Bridge of Spirits est en quelque sorte la mascotte de ce tournant pris par PlayStation avec les indépendants. Il peut facilement être considéré comme l’incarnation de la patte Yoshida. Au début de l’année 2020, alors que Sony est en plein dans les préparatifs de l’annonce de la PlayStation 5, le pôle indépendant travaille activement avec les créateurs de Kena. De nombreuses ressources sont mises à disposition des frères Mike et Josh Grier pour affiner et peaufiner la bande annonce de leur jeu qui sera révélée au début de l’été aux cotés de la nouvelle console. Yoshida voyait un potentiel artistique et commercial important en ce jeu d’action aventure inspiré de la licence The Legend of Zelda. L’avenir lui donnera raison car le titre récoltera de solides notes de la presse lors de sa sortie, affichant un beau 81/100 sur Metacritic, avec une note des joueurs de 8,5/10.
Mike et Josh Grier n’avaient aucune expérience dans le développement d’un jeu vidéo avant de lancer la production de Kena : Bridge of Spirits. Les deux frères ont présenté les premières versions de leur projet à plusieurs grands éditeurs. C’est Sony qui se montra le plus intéressé, et c’est donc sans surprise que l’entreprise japonaise signa un contrat avec le jeune studio. Travailler avec l’un des trois principaux fabricants de consoles présentait de beaux avantages. Ils ont été informés des spécificités de la PlayStation 5 un an avant son annonce et ont même reçu des kits de développement avant un grand nombre de studios. Le soutien sans faille de PlayStation et de Yoshida a permis au studio Ember Lab de devenir un studio de développement à plein temps.
Yoshida n’avait cependant pas tout misé sur Kena. Un autre indépendant avait été particulièrement mis en lumière lors de l’annonce de la PlayStation 5. Nous parlons évidemment de Stray, le fameux jeu nous faisant incarner un chat dans un monde résolument cyberpunk. Il aura été l’une des plus grosses sorties populaires de l’été 2022, et un succès stratosphérique pour l’éditeur Annapurna qui a enregistré un pic à 62 963 joueurs et joueuses en simultané lors de sa journée de lancement. Selon les statistiques de Steam, ceci constitue un chiffre que de nombreux AAA seraient ravis d’atteindre. Comme démonstration de la confiance de PlayStation envers ce titre, il a été directement inclus dans le catalogue du PlayStation Plus, faisant de lui le premier jeu à être disponible dans les catalogues Extra/Premium dès sa date de sortie.
Longtemps attendu par les joueurs friands de jeux de combat et de beat’em up ardus, suite à son annonce en février 2021, SIFU constitue un autre bel exemple d’un gros succès indépendant sur les consoles du constructeur japonais. Bien que le titre soit également sorti sur PC, il s’agit bel et bien d’une exclusivité console PlayStation qui a bénéficié de la caisse de résonance des conférences et autres retransmissions en direct de Sony pour se faire remarquer. Sorti en début d’année 2022, le titre a attiré de nombreux joueurs en recherche de challenge, s’écoulant à un demi-million d’exemplaires en seulement trois jours. Un tel démarrage constitue un succès incroyable pour le studio parisien. Ces succès confirment la volonté de PlayStation d’être le meilleur endroit où développer et sortir ses jeux, alors que le constructeur a déjà pu compter sur la sortie de grosses cartouches comme Horizon Forbidden West, Ratchet and Clank ou le remake de Demon’s Souls. Peu importe la taille tant que la qualité est au rendez vous.
En s’ouvrant aux studios indépendants, et en étant prêt à partager ses ressources avec eux, PlayStation a su prendre d’une belle manière ce tournant créatif avant qu’il ne soit trop tard. Cette nouvelle orientation stratégique a permis d’apporter des ajustements là où les structures de l’entreprise japonaise en avaient besoin. Il y aura toujours des passionnés désireux de concrétiser les nombreux concepts qui germent dans leur esprit, il est donc primordial de compter sur eux, surtout dans une industrie où les grosses productions deviennent de plus en plus compliquées à financer. Augmenter la visibilité sur le travail des partenaires indépendants permet à PlayStation d’afficher un magnifique catalogue de jeux, ponctué de mastodontes et de productions plus modestes, mais non moins créatives. Tout n’a pas été parfait, et des choses restent encore à améliorer sur la façon de gérer les indépendants, mais la présence de Shuhei Yoshida à la direction de PlayStation Indies est une chance incroyable. Il est un véritable passionné qui connait son sujet, pas juste un signataire de chèques sans vision. Reste maintenant à voir jusqu’où ira Sony dans le domaine et si les belles promesses se confirmeront en une réalité durable.
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