Avant même de (re)lancer Death Stranding Director’s Cut paru il y a presque deux ans de cela dans sa version originelle destinée à la PlayStation 4, son créateur Hideo Kojima nous fait justement du pur Kojima. Pourquoi se contenter d’importer les données de la PS4 vers cette version PS5 en toute simplicité (via une clé USB ou mieux encore, les sauvegardes dans le cloud pour les abonnés PS+) quand on peut complexifier et délivrer un sens particulier à la démarche ?
J’ai dû m’armer d’un cutter et presque démanteler six cartons avant de retrouver le CD du jeu PS4, intact depuis plus d’un an. Heureusement, tous les joueurs ne déménageront pas au même moment que moi, mais notez que c’est beaucoup demander au joueur de réinstaller le jeu original afin de réaliser un export de données. Nous comprenons bien l’idée d’accomplir comme une dernière livraison de la PS4 à la PS5, d’établir un lien. Mais ne serait-ce pas exagéré ? À une heure où tout le monde n’est pas fibré, loin de là. Sans compter que nos disques durs se remplissent à la vitesse de la lumière et qu’il y a finalement peu de chances que vous ayez encore Death Stranding (version PS4) d’installé. Et que dire de celles et ceux l’ayant revendu avant l’achat de cette Director’s Cut. Comment font-ils, sans CD, pour récupérer leurs données ? Bonne question…
Alors, nous avons bien conscience que ce processus ne concerne que les joueurs de la première heure, mais il reste fastidieux. Pour les autres, un grand périple vous attend, visez la ligne « Nouvelle partie » et savourez..! Il est d’ailleurs délicat, comme exercice, de tester la version d’auteur d’un titre sur lequel on a pu passer autant d’heures. Aussi, puisque nous trouvons nécessaire de vous parler de l’expérience Death Stranding, avant d’en venir aux nouveautés apportées par ce final cut, je me permettrai de vous glisser un lien vers deux capsules que j’ai produites quelques mois après la sortie du jeu sur PlayStation 4.
Loin des yeux, près d’Heartman
Quelle expérience intéressante de se laisser le droit d’oublier une œuvre, ou du moins de lui laisser le temps faire sa trace. Puis d’y revenir, sans forcément en attendre quelque chose de spécial. Death Stranding fut pour certains une déception à divers niveaux (narration, gameplay, système de quêtes, …), quand il fut pour d’autres une révélation. Je fais largement partie de ces derniers et encore aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à expliquer pourquoi ce jeu me touche autant. Sa gestion minutieuse des ressources me plaît, surtout couplée à un contrôle de l’équilibre permanent. Que le voyage soit pédestre, véhiculé ou à renfort de tyroliennes, il est systématiquement sans relâche. Sans trop de relâche, plutôt. Juste assez pour se perdre dans un monde qui déploie un sentiment de découverte sans cesse renouvelé, et où la symbolique derrière presque chacune de nos actions a de quoi interpeller, questionner. Ce ne sont là que quelques points, certes essentiels… Nous espérons, pour celles et ceux n’ayant pas encore laissé une chance au titre, que ce paragraphe les tentera de sauter le pas.
Pour les autres, les « conquis », venons-en aux apports de cette Death Stranding Director’s Cut. D’abord, le terme n’est pas innocent. Comme Ghost of Tsushima a pu le faire récemment (voici notre test), Death Stranding est donc le deuxième en quelques mois à utiliser cette expression qui reflète une vision. Celle d’un auteur qui nous livre sa copie la plus sincère, la plus complète et authentique. Celle que l’on aurait dû avoir, finalement. C’est un peu le poids qui hante le terme… Or, cette version PS5 de l’œuvre d’Hideo Kojima, Yoji Shinkawa et des équipes tokyoïtes peine à remplir le contrat attendu, si tant est que ce dernier ait bien lieu. Allégeons la charge et partons du principe qu’un titre sur une jaquette et un menu n’est pas synonyme de contrat. Cela étant dit, voyons déjà ce que nous offre en termes de contenus scénarisés, cette version nouvelle génération. Appelons-là ainsi, par facilité.
Véritable hommage à Metal Gear Solid, les quelques missions ajoutées via la Director’s Cut sont fortement conseillées si vous avez le titre. De là à dire que la petite histoire déterrée dans cette usine en ruines vaut le passage sur cette version, il n’y a qu’un petit pas que nous nous permettons cette fois de franchir. En effet, l’upgrade de la version PS4 vers celle-ci est proposé pour dix euros. De quoi revenir passer un bon moment si vous aviez apprécié le titre à sa sortie, mais pas de quoi changer fondamentalement d’avis sur le jeu. C’était évident, mais il est de notre devoir de le souligner. Cependant, nous regrettons que ce nouveau pan scénaristique, bien intégré dans l’univers et la narration, soit si court. Il vous faudra presque plus de temps pour trouver l’emplacement, le centre Bridges qui vous proposera la mission, que pour dérouler l’histoire.
Il sera d’ailleurs moins question de livraison, mais plus de récupération d’objets dans un milieu hostile. Autrement dit, l’infiltration, si chère à Kojima-san, revient en force sur le devant de la scène. En force, puisque si le titre originel laissait au joueur le choix de jouer la carte de la discrétion auprès des MULEs, elle ne fonctionnait que peu chez moi. En fin de compte, c’étaient bel et bien les échoués qui me plongeaient dans une certaine paranoïa où chaque mouvement devait être pesé, réfléchi. Devinez… Non, la donne ne change pas avec quelques missions. Les développeurs ont beau nous inviter, voire nous cogner l’épaule de références à MGS pour bien nous faire comprendre qu’il faut la jouer discretos, le level design et le gameplay ne se prêtent pas forcément à cette démarche. Puis le plaisir pris à électrifier un ennemi avec le nouveau canon maser n’en est que plus grand qu’un simple évitement. Enfin, dans ce titre, nous entendons bien. À la limite, il est plus intéressant de se faire une petite sélection d’armes, non létales tant qu’à faire !
Il en reste donc une heure sympathique, dont on se délecte sans problème, bercé par les mélodies de notre talentueux Woodkid. Avec un beau panorama final, qui s’apparente justement à une fin de voyage. Un de ceux qui doit se terminer, à notre plus grand regret. La magie (des développeurs, comme du jeu vidéo) fait qu’on peut tout de même prolonger, sans compter. Mais qu’y a-t-il d’autres pour nous retenir ?
Du futile à l’utile, voire l’agréable
Nous terminerons ce test par une revue des fonctionnalités permises par la puissance démentielle de la PS5. Non, sans blague, nous finirons bien par une revue plus technique et spécifique liée à la dernière console de Sony. Mais avant cela, parlons d’un mode, le genre de mode que nous hésitons souvent à placer dans la partie plus technique. Ici, nous avons tranché. Le mode écran large peut être abordé dès maintenant, puisqu’il tend carrément à proposer une autre focale. À faire du 21/9 sans écran de la sorte. Et ajouter un tel mode graphique, qui transforme le ratio de l’image pour lui donner un aspect encore plus cinématographique offre une possibilité au moins intéressante. Finalement, après avoir passé des dizaines d’heures sans bandes noires, je n’ai pas réussi à garder l’option activée plus de vingt minutes. Mais celles-ci m’ont suffi pour constater que ce nouveau ratio a quelque chose de spécial, en termes d’ambiance. On y imagine facilement Sam, défiant la rudesse d’une montagne enneigée, au son de Low Roar ou Silent Poets. Puisque c’est encore plus là-dedans que peut nous plonger ce mode, dans de la pure poésie, à presque en oublier de jouer. Mais qu’est-ce que jouer, au fond ?
L’intertitre n’est pas laissé au hasard. Il est également de notre devoir, en tant que rédacteur, d’aborder ce qui nous a globalement déçu. Effectivement, il y a quelques futilités, voire des non-sens au sein de cette Death Stranding Director’s Cut. Si le stand de tir peut paraître assez vain, il n’en est rien. Au final, c’est presque l’un des ajouts les plus pertinents de cette édition PS5, en ce qu’il permet de mettre en œuvre. Via différentes mises en situations, le joueur peut se confronter au terrain avec un équipement précis, l’éprouver avant de se frotter au « véritable terrain de jeu », où l’échec à de réelles conséquences. Mesurées, il est vrai, mais les conséquences sont réelles. Et c’est le côté simulation qui apparaît comme un ajout secondaire, mais bien pensé. Puis petit bonus, via le stand de tir, on peut rapidement réaliser que les vibrations si raffinées de la DualSense ont bien été mises à profit. Du quadruple lance-roquettes à l’arme de poing, en passant par le fusil à pompe, nous pouvons enfin ressentir l’impact et mieux, la trajectoire de chaque munition avant qu’elle ne vienne s’abattre sur un humain ou un échoué problématique. Nous reviendrons sur la manette un peu plus loin…
Plus anecdotique que le stand de tir, le circuit est loin d’être le contenu le plus intéressant de ce Death Stranding « augmenté ». Loin de là. On tourne en rond (c’est le cas de le dire…), sur un circuit et demi, avec des véhicules loin d’être designés pour qu’on éprouve des sensations de vitesse mêlées d’un plaisir sans nom pour la conduite. De toute manière, hormis le roadster (à la rigueur), le camion et la moto ne sont absolument pas conçus pour faire du contre la montre. Nous prenons infiniment plus de plaisir à gravir des rochers tortueux en jouant du guidon avec précision que sur cette portion de route balisée, aussi lisse que répétitive. Classons donc cet ajout dans la case des distractions, et gardons à l’esprit que c’est toujours une occupation de plus. Là encore, y gouttera qui voudra bien y goûter…
Un énième ajout de cette édition 2021, controversé, est la catapulte de marchandises. La proposition a de quoi laisser dubitatif, car le dispositif peut aller (dans une certaine mesure) à l’encontre du jeu. Mais c’est discutable, puisque si le chemin est trop rude et répétitif, cela peut arrêter un certain nombre de joueurs. Intégrer un tel outil de facilitation simplifiera clairement le transport de marchandises entre montagnes et cascades. Cela reste une énième proposition de l’équipe de développement. Ne l’oublions pas, chacun emploie ses outils ou ne les emploie pas. Disons-le : les choix et cheminement reviennent, in fine, aux joueurs. Donc nous nous abstiendrons de critiquer négativement cet ajout, même s’il est vrai que la poésie réside parfois dans l’austérité du voyage… Alors, essayez de ne pas abuser de ces catapultes, qui pourraient vous faire passer à côté d’une partie de l’expérience. Ce n’est d’ailleurs pas la seule nouveauté qui vient « simplifier » l’aventure, ou voyons-le autrement, qui vient apporter de nouvelles façons d’achever vos livraisons dans de bonnes conditions.
Le Mécabot, un nouveau substitut de livraison, fait aussi son apparition avec cette édition revue pour la PlayStation 5. Et honnêtement, vous ferez peut-être partie de ceux qui l’emploient pour cumuler des livraisons en parallèle. Chez certains, viser la livraison parfaite (classe S ou rien) reste le but ultime, l’incontournable. Ceux-là n’utiliseront que très peu de bots. Même ce dernier ne déroge pas à la règle, puisque si sa forme humanoïde lui permet d’être plus efficace, vous ne pourrez dépasser « A » en classement de livraison. Comme quoi, les robots ne seront jamais aussi efficaces et minutieux qu’un humain qualifié… Longue vie au roi, Sam Porter !
Et la PS5 dans tout cela..?
Le plus plaisant reste les temps de chargement, désormais inexistants. Bon, on peut toujours chipoter et dire que 3,2 secondes par ci ou 5,8 secondes par là ne font pas zéro, le fait est que manette en mains, notre ressenti se rapproche grandement du néant. Et tant mieux ! Il faut bien que l’on constate tous les bienfaits du SSD dans le monde des consoles. Dans ce cas, c’est validé. Notons, grâce à nos confrères des Numériques, que c’est une première pour le titre :
Le chargement d’un nouveau chapitre ou un voyage “rapide” pouvait précédemment réclamer plus d’une minute — y compris sur PC avec un SSD ultrarapide, d’ailleurs.
Florian Agez des Numériques
Niveau définition de l’image, Kojima Production nous livre une copie plus léchée. Si artistiquement, que ce soit sur PS4, PS4 Pro ou PS5, le jeu reste impressionnant et vertigineux, il perd cette fois en aliasing. Et encore selon les Numériques, cela serait (en partie) dû au « rendu (qui) se fait désormais en définition native et non plus en reconstruction temporelle via checkerboarding ». Les initiés comprendront, pour les autres, dites-vous que le jeu restera superbe que vous décidiez de le mettre en mode performances (plafonnant à 3200 x 1800 pixels) qui privilégiera une fréquence d’images plus haute ou en mode qualité qui permettra d’atteindre la 4K native (3840 x 2160 pixels). Pour avoir joué dans ce dernier, nous pouvons dire que la fréquence d’images par seconde est à peine inférieure au mode performances et qu’en revanche, le jeu est légèrement plus fin. Côté son, l’arrivée de l’audio 3D ne fait que renforcer la spatialisation d’un titre qui excellait déjà dans le domaine.
Quant à la DualSense, si nous comprenons dans une certaine mesure que certains aient pu faire montre de déception, le bilan est peut-être plus rose de notre côté. Surtout lorsque la manette est exploitée dans des situations qui peuvent sembler anecdotiques, au premier abord, mais qui cadrent pourtant parfaitement avec le « cœur » de l’expérience kojimesque. Nous pensons ici à la chambre de Sam dans laquelle il peut faire tout un tas d’activités, en plus de dormir ou de se prélasser au son d’une playlist exquise qui a gagné plusieurs bons titres via ce passage vers la Director’s Cut. Mais ne nous écartons pas trop de notre sujet, qui était bien celui de l’exploitation de la dernière prouesse technologique de la firme japonaise.
Nous vous disions donc que la manette de la PS5 était utilisée dans les moindres recoins du jeu…comme aux water-closet. Oui, lorsque Sam est dans la cabine de douche/WC où il prend soin de sa personne, disons-le de cette manière, chaque mouvement est retranscrit en vibrations d’une finesse inégalée. Un coup de pied pour déployer la cuvette, l’eau chaude se répandant sur le corps de notre sauveur, les portes coulissantes : vous ressentirez chaque moindre détail. Ce genre de fonctionnalités, secondaires en un sens, prennent une toute autre ampleur dans un jeu comme Death Stranding, où les créateurs ont pour désir premier de nous faire ressentir les efforts du personnage, que ceux-ci soient d’ordre intellectuel, émotionnel, et surtout, corporel.
CONCLUSION
Death Stranding Director's Cut
Death Stranding Director's Cut est une occasion en or (chiral) de revenir vers une expérience inoubliable. Certains souvenirs sont bien là où ils sont, d'autres méritent d'être "réincarnés". Il semblerait que l'œuvre de Kojima Productions tombe dans la deuxième case. Cependant, ce ne sont pas nécessairement les nouveautés et ajouts de cette version ultime que nous retiendrons de ce retour au jeu. Quant à vous, qui ne lui avez pas laissé la moindre chance pour x raison, tentez le coup ! Peu importe l'issue, disons qu'en 4K native, le titre ne vous laissera qu'un meilleur goût...
LES PLUS +
- Toujours aussi beau et envoûtant !
- La playlist qui accueille des nouveaux membres
- Un SSD qui fait des merveilles
- Plus de fluidité et de finesse à l'écran, on prend !
- La transition PS4 > PS5 pour 10€, cela reste abordable
- Un nouveau lien scénaristique plaisant...
LES MOINS -
- Des nouveautés oscillant entre le futile et l'agréable
- ...mais bien trop court
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