En 2017, Capcom revenait avec un Resident Evil 7 différent : vue subjective et héros complètement inconnu de la franchise. Certes imparfait sur la durée, il avait su récupérer les fans de la première heure avec son environnement horrifique. Nous voici en 2021, année où la nouvelle génération est fraîchement installée, et Resident Evil VIII (Village) fait son entrée. Le titre avait suscité une forte attente au point de se forger une communauté enthousiaste dès les premières annonces. Ce volet répond-t-il à nos questions laissées sans réponses à la fin du septième opus ? Plus important encore pour les fans du genre, a-t-il hérité de la chaire de poule et du besoin viscéral de vérifier la porte avant d’aller se coucher ?
Un village au cœur du jeu
Nous retrouvons Ethan et Mia trois ans après leurs déboires en Louisiane. Pour les aider à prendre un nouveau départ, Chris Redfield a installé le couple et leur fille Rose en Europe de l’Est. On se rend très vite compte que Mia est encore fragile, bien qu’ils tentent tant bien que mal de vivre une vie paisible loin de ces souvenirs traumatisants.
La soirée commence paisiblement lorsqu’un commando dirigé par Chris Redfield, alors sensé les protéger, débarque, provoquant un drame ainsi que l’enlèvement de Rose. Ethan reprend conscience quelques heures plus tard dans une forêt au beau milieu de la nuit. Il part à la recherche de sa fille disparue et s’enfonce dans cette forêt enneigée, sombre et lugubre, débouchant sur un village pas beaucoup plus joyeux, surplombé par un château pour le moins imposant. Dès notre arrivée dans cette bourgade, les maisons délabrées, le brouillard ainsi que le silence nous immergent instantanément dans l’ambiance. La beauté de cette commune permet de constater le photoréalisme qui s’en dégage, sublimé par le moteur maison de Capcom. Les chariots, les maisons abandonnées ou encore les animaux suspendus à travers le village créent un sentiment d’insécurité terriblement efficace. Le tout donne naissance à une esthétique réussie sur le plan de la direction artistique, qui n’est pas sans rappeler Resident Evil 4. Les parallèles avec l’épisode 4 ne s’arrêtent d’ailleurs pas là et, sans vous retirer l’effet de surprise, l’introduction de Resident Evil 8 vous rappellera quelques bons (ou pas) vieux souvenirs.
Comme son nom l’indique, le village fait partie intégrante de l’expérience. En effet, celui-ci ne sert pas uniquement de hub central puisqu’il évoluera au fil de l’aventure et vous permettra de vous y promener pour chercher des ressources, trouver des trésors ainsi que découvrir des notes pour en apprendre plus sur ce lieu et ses (anciens) habitants. Grâce à sa position centrale, autant géographiquement que stratégiquement, il est le carrefour pour rejoindre les différents lieux visitables dans ce nouveau volet.
Votre objectif sera de récupérer différentes clés, chacune répartie dans divers lieux du village, ce dernier faisant donc office de point de départ. Une fois ces clés en main, vous pourrez ainsi déverrouiller l’accès aux zones suivantes, auparavant inaccessibles, et ainsi progresser de manière fluide et rythmée. Une structure classique mais efficace dans son approche, rafraichissante pour la saga, et qui permet de ne pas perdre le fil de l’histoire en guidant pas à pas le joueur vers les différents antagonistes présents dans ce Resident Evil Village…
Une ambiance à l’ancienne ?
A l’image de la famille Baker dans Resident Evil VII, Ethan se retrouve à nouveau confronté à des personnages déséquilibrés et qui en auront après lui tout au long du jeu. Toujours à la recherche de sa fille, il va se confronter à cinq antagonistes principaux : mère Miranda et ses quatre enfants, dont l’un d’entre eux n’est autre Lady Dimitrescu, qui a occupé une place importante tout au long de la promotion du titre du haut de ses plus de deux mètres. Malgré son rôle central durant la communication de Capcom, elle dispose en jeu d’un arc narratif relativement court mais prenant, et qui permettra de vous plonger dans son ambiance au cœur de ce château menaçant. En effet, Dimitrescu et ses trois filles pourront surgir à n’importe quel moment… Alors prudence.
Le château de cet épisode fera d’ailleurs sourire les nostalgiques avec ses « énigmes » incitant à une progression lente et une exploration poussée. A l’image de Mister X dans Resident Evil 2 ou encore de Nemesis dans Resident Evil 3, le danger est omniprésent. La direction artistique fait mouche et le Level Design parvient à désorienter le joueur en lui procurant la sensation d’être en permanence observé. Les différentes parties du château sont intelligemment agencées, apportant de la cohérence à l’ensemble et rappelant évidemment le premier Resident Evil. Nous vous laissons bien entendu le plaisir de la découverte mais retenez bien que c’est une réussite.
Sur le plan graphique, on comprend rapidement que Capcom a voulu faire de ce Resident Evil Village sa nouvelle vitrine. Les ornements, les tableaux et les différents éléments du décor présents au sein du château démontrent la capacité du studio à reproduire des environnements intérieurs somptueux. Le moteur RE Engine, déployé par Capcom depuis le septième opus de sa licence phare, se voit ici encore amélioré. Bénéficiant de textures globalement soignées et de jolis jeux de lumières, l’ensemble participe à un rendu parfois proche du photoréalisme. Réalisé sur PS5 avec le Ray-Tracing et le HDR activés, ce test nous a permis de constater l’efficacité du moteur sur la nouvelle génération. A noter au passage que le titre ne dispose presque d’aucun temps de chargement et qu’il impressionne réellement par son instantanéité sur la dernière console de Sony. Mais joueurs PS4, rassurez-vous. Cette version, bien qu’incomparable sur les temps de chargement et les options graphiques liées au Ray-Tracing, parvient malgré tout à proposer un rendu techniquement réussi, à l’image des précédents jeux utilisant le RE Engine. Enfin, mention spéciale au Sound-Design qui retranscrit à merveille l’angoisse présente dans chaque zone du jeu. Un conseil : jouez au casque. Le jeu bénéficie du son 3D binaural de la PS5 et rend le tout particulièrement oppressant et réaliste. Bruits de pas ou grognements, les sons n’en seront rendus que plus immersifs, croyez-nous.
Aux quatre coins du village
Au cours de votre aventure vous aurez l’opportunité de visiter des zones toutes aussi variées les unes que les autres. Et comme nous vous l’évoquions précédemment, le village fait office de passerelle vers ces dernières. Vous serez par exemple amené à parcourir la demeure des Beneviento, un lieu étrange où vous en dire plus reviendrait à vous gâcher la surprise. Sachez seulement que Capcom a tenté une approche de l’horreur différente de ce que nous connaissions jusqu’à présent de la franchise, bien qu’inspiré de P.T ou RE7, et qui parvient à alterner les séquences de jeu afin de procurer du rythme à votre épopée.
Cohérence oblige, dans une carte réduite à un village et ses environs accessibles à pieds, traverser les zones menant aux différents boss ne procure pas vraiment de dépaysement. En effet, passé le château Dimitrescu qui en met plein la vue dès les premières heures de jeu, les paysages suivants, bien réalisés voire beaux pour certains, ne nous surprennent plus vraiment. Leur ordre est dicté par le script du jeu et il est difficile de s’y perdre, d’autant que les différents passages dans le village vous permettront de mémoriser les lieux. Mais malgré leur ressemblance, ils parviennent cela dit à se démarquer par des éléments d’ambiance. La partie du marais par exemple inspire la crasse, rappelant certains environnements par lesquels notre Leon est déjà passé dans Resident Evil 4. Sans encore une fois en dévoiler davantage, les zones restent tout de même au dessus du lot par rapport à Resident Evil VII, car bien moins répétitives et surtout plus inspirées.
En ce qui concerne le gameplay, le titre ne chamboule pas les codes mis en place par l’épisode sept. Si les Remake de Resident Evil 2 et 3 ont conservé la vue à la troisième personne, Resident Evil Village reprend la vue subjective adoptée par son aîné. Ethan est de nouveau le personnage jouable mais il a évolué au combat au corps à corps puisqu’il peut désormais se protéger et repousser ses ennemis, à la façon de Leon S Kennedy. Il aura l’occasion de croiser différentes sortes d’adversaires, allant des Lycans, aux créatures volantes ou encore en passant par des zombies. Si le bestiaire se veut relativement restreint et peu marquant, particulièrement lorsqu’on le compare aux premiers épisodes de la licence (hunters, lickers…), il s’en tire malgré tout beaucoup mieux que son prédécesseur. Au sujet des affrontements de boss, ces derniers ne nécessitent malheureusement pas de stratégie particulière : il s’agit très souvent d’arènes dont le seul et unique but consiste à tirer avec tout ce que vous avez. Certains d’entre eux restent néanmoins surprenants grâce une mise en scène maitrisée et détonante. Les gâchettes adaptatives de la DualSense rendent l’expérience bien plus plaisante et immersive, particulièrement lors de certains combats nécessitant d’alterner entre les différentes armes à feu. Sentir sous ses doigts la nuance des sensations entre un fusil à pompe et un semi-automatique rend le jeu d’autant plus appréciable.
L’orange du marchand…
Fidèle à sa licence d’appartenance, le jeu propose un système de crafting (munitions, plantes) accessible à tout moment. Mais il marque avant tout le grand retour du marchand présent dans Resident Evil 4. Appelé « Le Duc » dans ce huitième épisode, celui-ci ne vous fera sans doute pas très bonne impression. Vous serez en mesure de le retrouver dans des zones sans danger afin de sauvegarder votre partie via les fameuses machines à écrire. De l’intérieur de sa roulotte et de nature bavarde, il vous fournira soins, munitions, améliorations pour upgrader vos armes ou encore diverses sacoches d’extension pour votre inventaire, qui pourront rapidement s’avérer indispensables. Le tout, moyennant finance évidemment. En parlant de finance, les « Lei » (la monnaie du jeu), pourront être trouvés sur les cadavres des ennemis après les avoir tués ou encore dans des vases destructibles au couteau.
Vous pourrez d’ailleurs vendre des trésors à très bon prix que vous aurez récolté au cours de votre aventure et à des moments bien précis du jeu. Grâce au marchand, Ethan peut augmenter sa vie et sa défense via des recettes que celui-ci vous cuisinera après que vous lui ayez ramené les ressources nécessaires en fouillant le village, en tuant des poules, des cochons et des poissons.
Nous vous parlions à l’instant de l’inventaire, sachez que le joueur ne dispose désormais plus de coffre pour stocker le surplus d’armes et d’objets dont il dispose sur lui. Vous devrez donc faire très attention à la gestion de vos équipements afin de ne pas avoir à revenir plus tard pour vous équiper d’une arme que vous n’auriez pas pu ramasser.
En mode de difficulté « Normal », vous ne devriez pas manquer de ressources si vous gérez bien vos objets et équipements. Mais pour les plus aventureux d’entre vous, cela pourra être perçu comme une déception tant l’histoire en est considérablement simplifiée. Dans ces cas-là, nous vous recommandons de jouer à Resident Evil Village en mode « Hardcore », voire au niveau de difficulté maximal (pour les plus fous), à savoir le mode « Village des Ombres ». Rien de tel pour ressentir la pression des anciens opus. Et pour souffrir…
Une narration discutable
Sans être un échec, l’histoire n’en demeure pas pour autant excellente. Malgré quelques révélations intéressantes, le scénario est globalement cousu de fil blanc. Ethan, bien que devenu père, manque toujours de profondeur et gagnerait à devenir plus expressif de ses émotions. Mais il faut reconnaître que le personnage reste cela dit (légèrement) mieux travaillé qu’il ne l’était dans Resident Evil VII. Les différents antagonistes, en revanche, apportent de l’intérêt à l’histoire et parviennent à nous convaincre par leurs différents traits de caractère et le traitement dont ils bénéficient. Du côté du lore, ce huitième épisode réussi à recoller les morceaux avec son prédécesseur, qui nous avait alors laissé avec plus de questions que de réponses. Resident Evil VIII vous apportera donc ces réponses, même si la manière dont tout est amené dans la narration ne fera pas forcément l’unanimité.
Avant de conclure ce test, petite parenthèses sur le doublage : que ce soit en VO ou en VF, celui-ci est d’excellente facture. C’est une constante depuis maintenant quelques années et il est important de le saluer. A noter que Lady Dimitrescu est jouée par Mary Elizabeth McGlynn (VO), chanteuse que vous avez pu entendre dans le troisième et quatrième épisode de Silent Hill pour les titres suivants : « You’re Not Here » et « Letter From The Lost Days« . La version française s’accompagne de l’excellente Françoise Cadol (la voix initiale de Lara Croft) qui joue la maitresse du château. De quoi passer de bons moments en sa compagnie…
CONCLUSION
Resident Evil Village
Ce Resident Evil VIII Village reste une très bonne surprise. Que ce soit pour son ambiance et son univers, il a réussi à nous séduire. L'esthétique, notamment dans le château de Dimitrescu ou encore la demeure des Beneviento, parvient à créer des situations de malaise. Le rythme se veut bien mieux dosé tout au long de la dizaine d'heures de jeu nécessaire pour en venir à bout que ne l'était Resident Evil 7 quatre ans plus tôt. Regrettable en revanche pour le scénario qui souffre de certaines facilités et se veut bien trop convenu. Pour autant, cela ne suffit heureusement pas à entacher l'expérience. Capcom devra revoir le traitement de ses personnages principaux afin de les rendre un poil plus convaincants. Indéniablement, et c'est ce que nous attendions de lui, ce huitième volet a appris des erreurs de son prédécesseur. Les lieux sont plus variés (malgré un traitement inégal) et il parvient à maintenir la tension sur la durée. Un joli coup de Capcom qui prouve que le studio est à l'écoute des joueurs. Encore quelques adaptations avant de rendre le tout (presque) parfait.
LES PLUS +
- L'ambiance au top
- Un rythme maitrisé
- Techniquement abouti
- Le village en guise de hub
- Le château (esthétique, level design)
- Des antagonistes charismatiques
- Un Sound Design immersif
- Le retour du marchand
- L'usage de la DualSense
LES MOINS -
- Une narration bancale
- Le bestiaire peu diversifié
- Des zones inégales
- Ethan, encore un peu plat
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