Durant le même séminaire depuis lequel Jim Ryan s’est exprimé sur les objectifs à long terme de PlayStation, Jade Raymond, dirigeante de Haven Studios, est revenue pour Game Industry sur la création de cette nouvelle équipe, ses ambitions et les raisons du partenariat avec la firme japonaise. Voici ce qu’il faut en retenir.
Souvenez-vous, c’était en mars dernier : Jade Raymond annonçait la création de Haven Studios, une équipe indépendante qui travaillerait sur une nouvelle licence en partenariat d’exclusivité avec PlayStation. Depuis cette date, peu d’informations ont filtré à part sur le recrutement, avec par exemple des anciens compagnons de route de Raymond passés par Ubisoft et EA, d’autres transfuges de sa dernière expérience chez Stadia, et enfin quelques grands noms comme Raphaël Lacoste, l’ancien directeur artistique des Assassin’s Creed.
De par son intervention chez Game Industry, nous en apprenons désormais plus sur la formation de Haven Studios, ainsi que sur sa stratégie et ses ambitions.
Les premiers pas
Comme vous pouvez vous en douter, l’annonce par Stadia de l’abandon du développement interne de jeux était connue en amont par les équipes. À ce titre, Jade Raymond a indiqué s’y être préparée de longue date.
Il est devenu évident que nous n’allions plus pouvoir continuer. Heureusement, Google m’a soutenue dans ma volonté de trouver une porte de sortie, et m’a autorisé à préparer des maquettes de mon côté, que j’ai ensuite présentées à plusieurs investisseurs. Je suis d’ailleurs très heureuse que PlayStation, qui était notre premier choix, ait accepté de monter à bord et de nous soutenir.
Jade Raymond à Game Industry
À l’image de plusieurs personnes, Jade Raymond a profité des différents confinements pour prendre du recul, et réfléchir à ce qu’elle voulait réellement faire. Il lui est apparu qu’elle préférait largement travailler au cœur du réacteur, sur quelque chose d’excitant comme une nouvelle réaction, plutôt que dans un rôle plus « reculé » qui est celui de producteur ou de haut dirigeant. Raphaël Lacoste, dit-elle, a d’ailleurs eu la même réaction : le travail plus rapproché du concept-art, opposé à la hauteur de vue de la direction artistique, lui a manqué, et c’est la raison de sa venue chez Haven Studios.
La relation privilégiée avec PlayStation
Premier choix de Jade Raymond, PlayStation travaille étroitement avec Haven Studios sur leur prochaine exclusivité. C’est d’ailleurs ce qui a attiré les équipes au départ :
J’ai parlé avec plusieurs développeurs, et tous m’ont dit que Sony était l’entreprise qui comprenait et soutenait le mieux le processus créatif, en apportant le support nécessaire aux studios tout en leur laissant toute l’autonomie voulue. Bien évidemment, entendre cela a été très attractif.
Jade Raymond à Game Industry
Chez Sony, Jade Raymond rêve donc de développer une licence révolutionnaire, basée sur trois piliers :
- Le lien social permis par le jeu vidéo.
- L’aspect que Jade Raymond décrit comme propre à la « génération remix » : « Nous sommes entrés dans une ère où nous faisons plus confiance aux opinions d’inconnus plutôt qu’à celle de journalistes professionnels, où nous nous montrons dans tous les éléments de notre vie, et où l’utilisateur est plus au centre du jeu que la société. C’est ce que nous voulons faire transparaître dans notre jeu ».
- La créativité illimitée permise par la nouveauté : « Comme pour Assassin’s Creed, qui a été repris par les équipes d’Ubisoft sous maints aspects, nous voulons créer un jeu qui dure, qui prend sens sur le temps long et qui peut être utilisé dans d’autres univers.
Les leçons tirées de l’expérience Stadia
De son expérience à Stadia, Jade Raymond en a tiré une appétence nouvelle pour la technologie et en particulier pour le cloud. Aujourd’hui, tout le travail d’Haven Studios est réalisé dans le cloud, sans machines. Les développeurs sont équipés d’ordinateurs Alienware, qui bénéficient d’une grande puissance et peuvent être transportés partout.
Nous nous sommes inspirés de Google pour la manière, bien plus facile, de travailler grâce au cloud. Pour un jeu sur PS5, avec les ambitions que nous avons, le cloud est d’une grande aide.
Jade Raymond à Game Industry
La diversité, objectif numéro 1
Formé de 54 employés dont la majorité sont des compagnons de longue route de Jade Raymond, Haven Studios courait au départ le risque, selon sa fondatrice, de se perdre dans la production d’un titre similaire à ceux qu’ils auraient développé auparavant. Pour éviter cela, mais aussi pour créer une équipe plus diverse et inclusive en termes d’origines des développeurs, Jade Raymond a fait appel à un cabinet de recrutement extérieur, dirigé par une femme nommée Madina, dont le rôle est d’appuyer la diversité et l’inclusion dans les embauches et les ressources humaines.
Quand on construit une équipe avec d’anciens compagnons, d’autant plus vu le manque de diversité en général dans l’industrie, il nous était difficile d’avoir une équipe diverse dès le départ. Nous n’avons pas fait appel à Madina pour qu’elle aille juste recruter des gens dans le but d’atteindre un « chiffre » de diversité, mais plutôt pour qu’elle regarde au-delà du talent que l’on observe en général.
Jade Raymond à Game Industry
Le retour au bureau, une volonté partagée par la majorité des développeurs
Basé à Montréal, Haven Studios n’a pour l’instant pas pu rassembler tous les employés dans les bureaux de manière régulière à cause de la pandémie. C’est pourtant, selon Jade Raymond, la volonté de la majorité des équipes, à qui l’ambiance et l’atmosphère du travail de bureau, avec les conversations et la collaboration qui vont avec, manquent. Bien évidemment, certaines exceptions sont faites, à l’image de celle pour Corey May, scénariste du premier Assassin’s Creed et directeur scénaristique de la franchise, qui agit désormais comme directeur des relations mondiales d’Haven Studios, pour lequel rester chez lui en Californie fait plus de sens.
Pour les anglophones d’entre vous, voici l’interview en vidéo et en anglais :
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