The Last of Us, Days Gone, Death Stranding, le post-apo s’est fait une place de choix au sein du catalogue de la PlayStation 4. Déjà avant elle, les grandes sœurs de la quatrième console de salon de Sony comptaient parmi leurs exclusivités des titres inscrits dans un hypothétique futur mis à mal par des cataclysmes divers. Pourtant, des productions méconnues aux jeux qui n’arrivent jamais en France et jusqu’aux AAA, le post-apocalyptique prend des formes bien différentes. Partons donc à la découverte des jeux vidéo post-apo exclusifs aux consoles PlayStation, de la PS One à la PS5 !
Préambule : qu’est-ce que le post-apo ?
Une question genre
La question du genre dans le jeu vidéo est complexe car le médium mêle les dimensions techniques et esthétiques. Comprenez : FPS (First Person Shooter), RPG, science-fiction, trois appellations correctes pour le genre, mais trois genres différents.
- Au sens de « vue à la première personne », ou « subjective », le premier s’apparente à l’interaction model. Il s’agit simplement d’une composante de l’interface utilisateur. Dans la même catégorie rentrent le TPS (Third Person Shooter) et le multipresence (vue plongeante et ubiquitaire) ;
- Le second correspond plutôt à ce que nous pourrions véritablement qualifier de genre vidéoludique, au sens où cela se rapporte à la pratique du jeu, particulièrement aux mécaniques de jeu, au gameplay. Cela vaut aussi bien pour le jeu de rôle que l’action, le point’n’click, ou le tactical, entre autres ;
- Enfin, le troisième renvoie à des qualification qui valent tout autant pour le cinéma, la littérature ou la bande dessinée. Nous pourrions alors parler de genre narratif. Il répond à des codes esthétiques et structurels, directement en lien avec l’histoire et son univers.
En l’occurrence, le post-apocalyptique est un sous-genre de la science-fiction. Pas besoin d’aliens ou de batailles spatiales pour rentrer dans le club ! Un récit d’anticipation et vous avez tout bon. Ici, il s’agit avant tout de questionner le devenir d’une espèce, généralement l’humanité, dans un univers le plus souvent tiré du monde réel.
Et donc, c’est quoi le post-apo ?
Ce sous-genre traite de ce qui advient après l’Apocalypse. Littéralement, il signifie « lever le voile » ou « révéler » en grec ancien. Le concept vous dit très certainement quelque chose puisqu’il est récurrent dans le champ des religions, monothéistes comme polythéistes. Chez celles-ci, il est généralement compris au sens de « Fin des Temps » ou « Fin du monde », parfois de manière positive, parfois de manière négative.
À ce titre, les œuvres populaires post-apo imaginent les conséquences sur les populations d’une catastrophe à l’ampleur dévastatrice. Et de ce côté-là, les thématiques tournent souvent autour de la même triade : accident nucléaire ou biologique, désastre écologique, soulèvement de l’alter (machines ou envahisseurs, au choix).
Des romans du XIXe siècle (Shelley, Wells), à la BD Métal Hurlant (Les Humanoïdes associés, 1975-2006) à Mad Max (George Miller, 1979) au cinéma, la formule a le temps de se forger. Elle monte ainsi en popularité pour devenir un des genres fictionnels les plus exploités. Pourtant, le post-apo est un sous-genre avant tout social. Il émerge d’abord en réaction aux bouleversements induits par la Révolution industrielle. Puis la succession de conflits tout au long du XXe siècle lui donne matière à penser.
Qui plus est, la photographie et l’essor de la télévision immortalisent la concrétude de la guerre et des manifestations pour la toute première fois. Le post-apo s’affirme en fin de compte comme un sous-genre essentiellement visuel. Rien d’étonnant à ce qu’il s’empare du médium vidéoludique et parvienne jusqu’à nos fameuses PlayStation.
Un sous-genre qui accompagne l’histoire de la PlayStation
Habillage plutôt que narration sur la première PlayStation
À ses débuts sur les consoles de Sony, le post-apo est plus un prétexte pour l’univers qu’un outil d’introspection sociale. La première PlayStation accueille ainsi un certain nombre de shooter ou jeux de course qui mêlent décors apocalyptiques et mécha. Sans surprise, la plupart d’entre eux ne s’exportent pas jusqu’en Europe. Nous avons par exemple pu essayer les titres Armored Core (FromSoftware), une licence qui s’est même étendue jusqu’à la PS2 en exclusivité avant de s’ouvrir également à la Xbox 360. En revanche, nous n’avons pas pu goûter à Epidemic (Genki). Pourtant, le contexte post-apocalyptique viral présente une complexité qui ne se retrouve pas véritablement dans l’affrontement bilatéral de la licence précédente.
Chez nous donc, pas de course à la Speed Power Gunkbike (Inti Creates) ou de bataille spatiale à la Einhänder (Squaresoft). En revanche, nous avons droit à des jeux davantage raccords avec le marché européen. En 2000 nous parvient en effet le premier Guilty Gear (Arc System Works). Il profite largement de l’ouverture des jeux de combat 2D à la Street Fighter (Capcom). Là encore, bien que la licence s’ouvre à d’autres plateformes ensuite, elle continue de rencontrer un certain succès au point que nous attendons le prochain Guilty Gear Strive en exclusivité console PS4 et PS5.
Dans la même logique, nous avons également droit en 2000 à Galerians (Polygon Magic). Le jeu surfe à n’en pas douter sur la hype du survival-horror à la Resident Evil (Capcom). Mine de rien, nous avons là un premier exemple du post-apo tel que nous l’imaginons aujourd’hui.
Monopole japonais sur la PlayStation 2 et la PlayStation Portable
Le post-apo reste l’apanage essentiellement des studios japonais sur la deuxième PlayStation. Pourtant, les productions sont bien différentes de la génération antérieure. De fait, aux côtés des nouveaux épisodes d’Armored Core, des RPG post-apo toujours bien connus se font leur place. Malheureusement, Metal Saga (Success et Crea-Tech) et son ambiance punk-militaire n’ont pas voyagé jusque dans l’hexagone. Nous avons en revanche droit à deux épisodes la fameuse licence Shin Megami Tensei (Altus) en exclusivité sur la PS2 : Lucifer’s Call, en 2005, et Digital Devil Saga, en 2006.
Dans un autre genre, la PS2 compte dans son catalogue un titre qui, comme sur la PS1, adapte le post-apo aux tendances du moment. Bujigai: Swordmaster (RED Entertainment) se déroule ainsi dans un décor inspiré de l’Asie orientale, au XXIIIe siècle. Pour un sous-genre majoritairement situé aux États-Unis, ce paysage plus identifiable culturellement que la plupart des autres jeux apporte une plus-value bien venue. En revanche, les mécaniques, notamment de combat à l’épée, empruntent largement à la Devil May Cry (Capcom) et autres hack n’slash de l’époque.
Enfin, même la PlayStation Portable (PSP) se fait le terrain du post-apo grâce à la licence God Eater (Shift Inc.). Avec cet action-RPG à l’esthétique très japonisante, le sous-genre fait un pas vers la fantasy. Ce faisant, il rappelle par endroit un fameux Final Fantasy VII (Square).
Envolée et pluralité du post-apo sur la PlayStation 3 et la PlayStation Vita
Enrichissement du catalogue
La véritable expansion du sous-genre au sein de l’écosystème PlayStation advient avec la PS3. Nous retrouvons d’un côté des jeux génériques où le post-apo se limite souvent à une forme d’habillage. C’est le cas par exemple dans les jeux de course MotorStorm: Apocalypse (Evolution Studios) et Armageddon Riders (Targem Games) : le contexte apocalyptique justifie certes les décors qui s’effondrent, les zombies sur les pistes et les véhicules plus que tout-terrain, mais il est ici tout à fait interchangeable.
Dans le même temps, Bandai Namco conserve un pied dans le sous-genre. Il poursuit sur sa lancée avec God Eater 2, mais l’éditeur se veut aussi plus audacieux avec Ace Combat: Infinity, un jeu de combat aérien en free-to-play, assez original pour être signalé.
PlayStation Studios au rapport
De l’autre côté, les studios PlayStation s’emparent enfin de la thématique pour proposer leurs propres jeux originaux. Nous voyons alors naître la bien connue licence Resistance, signée par Insomniac Games. Contrairement à nombre d’œuvres post-apo, l’histoire se situe ni dans le présent, ni dans le futur, mais dans le passé : retour en 1951, dans un monde toujours déchiré par la Guerre. Le petit twist : un virus transformant les humains en créatures chimériennes se répand dangereusement en Europe.
Il s’agit d’annihiler la menace avant qu’elle ne provoque la chute de l’humanité, d’où le nom du premier épisode, Resistance: Fall of Man. Celui-ci rencontre un petit succès avec plus de 2 millions de copies écoulées sur PS3. Il donne lieu à quatre suites, dont deux sur consoles portables : Retribution sur PSP et Burning Skies sur PS Vita.
Chez Japan Studio, il ne s’agit pas de jouer la carte de la licence unique. Au contraire, on s’y démarque par la variété des propositions. Tout d’abord, le studio nous donne The Last Guy, un jeu de survie et de stratégie ; imaginez Tokyo sur Google Maps, avec de tout petits avatars à guider dans les rues pour les faire échapper à une invasion de zombies.
Puis, en 2012 sort sur PS3 Tokyo Jungle, un survival quelque peu différent : toujours à Tokyo, la ville dépeuplée est envahie par une jungle hostile. Il faut alors survivre en tant qu’animal face à une faune aussi diverse que fun (chiens, vaches, girafes, vélociraptors…).
Le studio propose enfin Freedom Wars, sur PS Vita cette fois. Encore bien différent des jeux précédents, il s’agit d’un J-RPG dystopique dans lequel vous devez développer votre cité-État pénitentiaire pour résister aux autres qui vous assaillent.
AAA post-apo : les têtes d’affiche du catalogue de la PlayStation 4
Sony s’impose définitivement sur son propre marché
Volontairement, nous n’avons pas évoqué The Last of Us dans la partie consacrée à la PS3. Le fait est que le jeu conclut cette génération de console tout autant qu’il ouvre la suivante avec sa version remasterisée. Signé par Naughty Dog, ce titre marque un tournant de la production du post-apo sur PlayStation. Nous y retrouvons tous les ingrédients de la génération PS4 : un jeu d’action-aventure, à la narration de premier plan, qui se déroule aux États-Unis.
De fait, parmi les exclusivités marquantes de cette génération, nous trouvons un nombre considérable de productions Sony Interactive Entertainment tournées vers le post-apo. Nous pouvons toujours citer le RTS Aegis of Earth: Protonovus Assault d’Acquire, genre vidéoludique peu courant pour le post-apo, ou le simulateur de vol Eagle Flight d’Ubisoft qui nous place dans la peau d’un oiseau pour survoler un Paris abandonné. Malgré tout, Sony rafle la mise avec un formule relativement semblable dans la forme, mais dans des univers loin de se ressembler.
De la variété des productions SIE
Il faut attendre 2017 pour une première proposition originale. Guerrilla Games délaisse la série des Killzone pour un titre inédit : Horizon Zero Dawn. Bienvenue dans un univers post-post-apocalyptique dans lequel nous incarnons Aloy. Paria dans un monde où l’humanité en est revenue à un état tribal près de mille ans après une extinction de masse due à des bio-machines géantes, elle doit empêcher une nouvelle destruction. Qui plus est, l’évolution de l’humanité y est ingénieusement rejouée grâce à l’avancement technologique de chaque tribu.
Les choses s’accélèrent en 2019. Sort d’abord Days Gone de Bend Studio. Ici, nous avons une proposition semblable à The Last of Us et les œuvres de zombies en général : l’humanité est progressivement décimée par un virus qui la transforme en mutants (« freaks »). Dans la peau du farouche Deacon, nous traversons l’Oregon à moto pour éloigner la menace et tenter de préserver les bonnes relations entre les campements humains.
Nous retrouvons cette idée de souder les colonies avec Death Stranding (Kojima Productions), qui nous place dans la peau du livreur Sam. Ce dernier traverse un pays en voie de désertification en raison des Précipitations qui accélèrent le vieillissement jusqu’à la mort. Qui plus est, il doit éviter les entités fantomatiques qui habitent cette terre désormais hostile.
La PS4 accueille de nouvelles licences rapidement devenues incontournables. C’est même ainsi qu’elle forge son identité, comme nous vous l’expliquions dans notre dossier consacré au succès de la console. Puis arrive The Last of Us Part II, quelques mois avant la sortie de la PS5 ; la boucle est bouclée. Alors malgré une formule répétée et des conclusions relativement semblables – dans un monde post-apo, le lien avec autrui est la clef –, la variété des univers proposés sur PS4 fait la richesse du catalogue.
Quel avenir sur PlayStation 5 ?
Presque un an s’est écoulé depuis le lancement de la nouvelle génération de consoles. La crise sanitaire et les pénuries auront cependant retardé pas mal de projets et rendu l’acquisition des consoles compliquée. Conséquence directe ou non, un certain nombre de jeux prévus au départ sur PS5 sont finalement cross-gen. Alors que la PS4 marquait une démarcation claire dans le post-apo avec ses nouvelles licences, sa successeuse s’inscrirait-elle plus dans une logique de continuité ?
Logique de licence
Les suites seront évidemment au rendez-vous. Nous attendons particulièrement de retrouver Aloy dans Horizon Forbidden West. De même, il se pourrait que The Last of Us conclut à nouveau cette génération avec une troisième partie en réflexion chez Naughty Dog.
Patience toutefois, car le studio californien pencherait plutôt actuellement sur un remake du premier The Last of Us, inscrivant plus encore la licence dans la pure tradition des remake/remaster de PlayStation. Et puis à défaut d’avoir une suite à Days Gone, force est de constater de la prégnance de la thématique de la finitude dans la licence God of War. Sans la classer dans les œuvres post-apo, il y a tout de même une parenté assumée avec God of War Ragnarök.
Faire évoluer le post-apo
Pour autant, du nouveau pourrait bien se profiler chez PlayStation en termes de post-apo. Cependant, cela pourrait prendre une forme inattendue. De fait, comme tout genre, il évolue avec son temps, et ces derniers temps il s’est présenté de façon subtile à nos yeux. Nous avons pu le voir imprégner des genres divers, sans les convertir forcément.
Nous penserons par exemple à la dimension de Rivet dans Ratchet & Clank: Rift Apart. La nouvelle lombax rencontrée dans le jeu évolue en effet dans une dimension qui oscille entre cyberpunk et terres désolées habitées par des sortes de dinosaures. Même le tout récent Kena: Bridge of Spirits se présente en fin de compte comme un jeu au contexte post-apocalyptique. En tentant d’apaiser les esprits tourmentés habitant autrefois un village au cœur d’une forêt, la jeune héroïne découvre le secret sur la catastrophe à l’origine de leur mort. Le post-apo pourrait s’entendre ici au seul cadre forestier, dans un monde qui suit son cours aux alentours.
PlayStation et post-apo, une histoire qui dure
Au-delà des suites, remaster et remake, le post-apo semble prendre d’autres formes avec l’arrivée de la nouvelle génération de consoles. Nous n’échapperons évidemment pas aux habituels jeux de zombies, mais les exclu PlayStation savent se démarquer. Le post-post-apo, le nouveau bestiaire ou l’hybridation des genres sont autant de manière de revisiter les motifs apocalyptiques sans se lasser.
En tant que joueurs et joueuses, nous pouvons surtout souhaiter une prise de risque en termes de gameplay. Les AAA action-aventure sont devenus le porte-étendard de la marque, mais il y aurait tant de possibilités… ou, à défaut, il serait profitable de faire du post-apo plus qu’un contexte narratif mais le véritable moteur des actions de jeu. La survie, pourtant au cœur des problématiques des populations observées, pèse peu sur le jeu. L’immersion ne pourrait être que plus forte si l’appauvrissement des ressources se faisait réellement ressentir.
En tout cas une chose est sûre, le post-apo devrait rester pour quelques années encore un des thèmes de prédilection de PlayStation. Son essor et ses mutations jusqu’à ce jour témoigne en plus de préoccupations très contemporaines, en accord avec les tendances actuelles (après tout, même Disney et DreamWorks font du post-apo maintenant… !). Nous ne pouvons qu’être curieux d’observer la suite de son évolution.