Ces derniers jours, une multitude d’informations nous a apporté des éclairages sur la stratégie que Sony souhaite adopter pour les années à venir. De tous ces mouvements que nous vous décryptons ci-dessous, une donnée ressort clairement : la firme japonaise cherche à devenir une marque globale.
Déjà connue à travers le monde, la marque PlayStation est devenue ces dernières années la meilleure ambassadrice de Sony, sa maison-mère. Mais aujourd’hui et après le succès époustouflant de la PS4, la firme japonaise s’est mise en tête de globaliser encore plus la PlayStation, en se positionnant sur une myriade de marchés très différents sur lesquels nous ne l’attendions pas forcément.
La première preuve de la volonté chez Sony de globaliser la marque PlayStation est la centralisation de la communication du groupe. Depuis deux ans et cette année encore, Sony ne participe plus à l’E3, la grand messe annuelle du jeu vidéo à Los Angeles, alors même que les conférences de l’E3 ont en grande partie aidé le succès de la PS4 (souvenez-vous de cette triple annonce FF VII remake, Shenmue 3 et The Last Guardian…). Contrairement à un concurrent comme Microsoft qui fait encore l’E3, Sony a décidé de maîtriser sa communication jusqu’au bout des ongles, à coups de showcases – comme celui du reveal de la PS5 en juin 2020 – et de state of play, des mini conférences d’une demi-heure entièrement dédiées aux informations sur les jeux. De cette façon, Sony s’assure qu’aucun couac ne vienne perturber ses interventions, pour transmettre son message exactement comme il est prévu, au contraire d’un évènement en direct comme un E3 où une erreur de communication ou une polémique non voulue peut vite venir tout gâcher. Sony et PlayStation s’inscrivent ainsi dans le sillage d’autres marques comme la NBA ou Apple, qui cherchent à être de moins en moins dépendants de la presse comme intermédiaire et à communiquer directement avec leurs consommateurs et suiveurs.
Outre la communication, la meilleure stratégie pour devenir une marque globale est bien entendu d’acquérir une stabilité financière à toute épreuve. Pour devenir une multinationale pérenne, il faut d’abord oser prendre d’énormes risques (Apple avec le Mac et l’Iphone, Microsoft avec Windows, etc), et s’ils paient, réduire petit à petit ces mêmes risques jusqu’à en contrôler les moindres possibilités. C’est le virage que semble prendre Sony récemment. Après avoir lancé sur PS4 une multitude de nouvelles licences (Bloodborne, Dreams, Detroit: Become Human) en même temps que de belles suites – nous vous en parlions dans ce dossier – les responsables de PlayStation paraissent vouloir privilégier au maximum les PlayStation Studios et les jeux qui rapportent le plus au niveau financier, au détriment donc des plus petites expériences qui peuvent bien moins rapporter. C’est le sens des informations que dévoilait Jason Schreier hier après-midi et que nous reprenions ici. De ces nouvelles, nous en retirons la conclusion suivante : le fait d’accorder à Naughty Dog la possibilité de travailler à un remake de The Last of Us alors qu’une autre équipe plus petite voulait le faire, de même que de mettre Sony Bend à la disposition des Dogs pour la suite d’Uncharted tout en leur refusant le développement d’une suite à Days Gone, montre bien que Sony va désormais et avant tout se concentrer sur une poignée de jeux au succès garanti. Si ce peut être une bonne nouvelle pour les fans de ces jeux, dont nous faisons partie, assumer une stratégie visant à mettre les « petits » jeux et studios sur le côté nous parait être un signal négatif envoyé aux créateurs et aux amoureux de la nouveauté, que nous sommes aussi. Mais une chose est sûre : pour devenir une marque globale, il faut avoir du succès, tout de suite, tout le temps. Et cela, personne d’autre que des licences comme The Last Of Us ou Uncharted ne savent l’offrir.
Dans la même veine, le focus de Sony et PlayStation sur ce qui fait leur succès actuel les pousse aussi à tourner le dos à ce qui a pourtant fait leur réputation, à savoir leur patrimoine vidéoludique. Contrairement à une entreprise comme Microsoft, Sony n’a jamais été le champion de la rétrocompatibilité, et a toujours privilégié une politique ciblée de remasters et remakes. C’est en prenant cela en compte qu’il faut comprendre la décision de fermer les stores de la PS3, la PSP et la PS Vita : le coût de leur maintenance était certainement plus important que celui des ventes de jeux. Pour toucher un maximum de monde, partout sur la planète, Sony a donc préféré concentrer ses forces vives sur ce qui fonctionne sur le moment présent, et tant pis pour la préservation de la mémoire du jeu vidéo (des centaines de jeux disponibles seulement en version dématérialisée disparaîtront définitivement de la circulation avec la fermeture des stores cités ci-dessus). Sur ce point, le seul geste que Sony semble faire envers les joueurs friands de ces expérience est la possibilité (qui ne reste pour l’instant qu’au stade du brevet) d’obtenir des trophées sur des anciens jeux émulés. À voir si ce brevet deviendra réalité, mais une chose est sûre : dans sa marche implacable vers la globalisation de la marque PlayStation, Sony ne veut regarder que vers l’avant, pour le pire comme pour le meilleur.
Ici, une solution à ce problème de rétrocompatibilité qui pourrait sérieusement écorner l’image de PlayStation peut être la mise en service d’une sorte de concurrent au Game Pass. Alors que le créateur de God of War confirmait hier la rumeur selon laquelle Sony travaillait bel et bien sur un tel projet, le lancement d’un Game Pass à la sauce PlayStation (qui gardera sûrement le nom de PlayStation Now) permettrait à Sony d’y mettre tous ses jeux dématérialisés, quelle qu’en soit l’époque, et de petit à petit dématérialiser tous ses anciens jeux, n’ayant plus à compter avec le problème de l’architecture hardware pour de tels portages. Ensuite, et c’est plus important encore pour Sony, le lancement d’un concurrent au Game Pass pourrait apporter à la firme une rentrée d’argent plus régulière qu’actuellement, sans pour autant modifier sa stratégie d’exclusivités (les triple A pourraient arriver sur le service avec un ou deux ans de décalage pour d’abord rentabiliser leurs coûts de production avec les ventes à l’unité). Dans ce sens, et même si le coût des exclusivités Sony peut paraître incompatible avec une sorte de Game Pass, en lancer un permettrait à n’importe qui, n’importe où et n’importe quand, de jouer aux jeux PlayStation à un prix abordable et avec la seule contrainte d’avoir une bonne connexion internet. De quoi véritablement globaliser la marque.
Depuis le début du papier, nous vous parlons de la stratégie de Sony en fonction de ses jeux. Mais, pour devenir une grande marque globale comme l’est Marvel par exemple, il est nécessaire de s’implanter dans le plus de marchés possible. Et cela, Sony l’a compris. Par trois axes, la firme japonaise cherche à créer un véritable « PlayStation Universe ». Le premier de ces axes est l’arrivée de PlayStation dans le domaine du cinéma et de la télévision. Cela s’est traduit récemment par le lancement, à travers PlayStation Productions, de la production de la série The Last of Us avec HBO et des films Uncharted ou encore Ghost of Tsushima. Avec ces séries et films, PlayStation pourra gagner un nouveau public tout en fidélisant l’ancien, et relancer in fine l’attrait pour ses jeux (le remake de The Last Of Us sortira par exemple probablement en même temps que la série). Au-delà de cela, le contrat signé avec Netflix amènera aussi et certainement les propriétés intellectuelles de PlayStation vers de nouveaux publics qui ne seront pas touchés autrement, et qui s’intéresseront par ricochet aux jeux et à la PS5. À ce niveau cinématographique et télévisuel, la volonté de globalisation est ainsi évidente.
Le deuxième axe pour la mise en place d’un PlayStation Universe est la création d’une nouvelle division mobile, dont l’objectif sera de porter les grandes licences de la PS4 et de la PS5 sur les téléphones portables, dans le but de conquérir de nouveaux marchés et de nouveaux joueurs. Enfin, le troisième axe concerne l’entrée de PlayStation dans le domaine de l’e-sport, et plus précisément dans celui de l’e-sport de combat avec le rachat de l’EVO. Par ce move, Sony cherche à faire de la PlayStation l’endroit principal pour le jeu vidéo, the place to be quels que soient les genres : combat, narration, action, aventure… la firme ratisse le plus large possible, et veut faire de sa PS5 une console toutes options (une sorte de PS5… One ?).
Comme vous pouvez le constater, la conclusion est claire : Sony assume complètement son virage vers une stratégie globale (communication, finances, blockbusters, PlayStation Now, cinéma, séries, jeu mobile, e-sport) en s’attaquant à tous les domaines où ses licences peuvent s’épanouir, parfois au détriment de fonctionnalités et d’expériences (la rétrocompatibilité, les « petits » jeux et studios) que nous sommes en voie de perdre. Quoiqu’il en soit, nous devons au moins saluer l’audace de Sony et de PlayStation. En à peine quelques mois, toute la stratégie de la marque, qui se centrait vraiment sur les jeux pour la génération PS4, a été revue. De là à en faire un succès, seul l’avenir nous le dira. En attendant… le jeu continue !
Belle analyse mais avec des petites coquille. Dire que Sony n’a jamais été les champions de la retro alors que c’est eux qui ont mis en place la retro sur console avec la PS2 et ensuite la PS3 et la PSvita.
Et tu oublies de préciser que oui Sony a concentré ses first pour faire des gros AAA mais c’est le cas depuis le début de la PS4, d’ailleurs ND n’a fait que du Uncharted et du TLOU sur cette gen pas de nouvelle IP. Et surtout Sony investit avec des partenariat extérieur pour les jeux plus petit ou indé
Alors là, bravo. Et bien vu pour la vision d’un Game Pass chez Sony. Je ne voyais pas comment mettre leurs productions AAA solo déjà bien coûteuse sur PS4 ( alors sur PS5 avec la hausse des coûts de production des jeux AA et AAA dessus… ) mais ton idée est sûrement la solution : les mettre 2 ou 3 ans après en parallèle d’une sortie PC ( 1 an c’est trop court et généralement les jeux AAA à succès de Sony continuent de bien se vendre 1 an après, c’est plutôt 2 ans après que les ventes chutent réellement en dehors, peut-être, de Marvel’s Spider-Man qui a l’air de bien tenir ) et en ajoutant à cela, la sortie de nombreux jeux PS1/PS2/PS3 et sûrement quelques jeux PS4 sur ce service.